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Vivre après Manus : le dessinateur iranien Eaten Fish raconte la vie à l'intérieur et l'extérieur des camps de détention australiens

vendredi 14 décembre 2018 à 17:02

Un dessin d'Eaten Fish réalisé pendant qu'il était détenu sur l'île Manus. Source : Facebook. Reproduit avec autorisation

[Article d'origine publié le 8 novembre 2018] Ali Dorani avait 21 ans quand il arriva en juillet 2013 sur l'île Christmas (Australie) par bateau, pour demander l'asile. Au bout de six mois, il fut transféré sur l'île Manus, le camp de détention australien délocalisé en Papouasie-Nouvelle Guinée, où il allait passer les quatre prochaines années de sa vie.

Il commença à faire des dessins à Manus pour gérer ses Troubles Obsessionnels Compulsifs (TOC) tout en documentant sa situation et celle des autres réfugiés à l'intérieur du camp. Il adopta le nom de plume ‘Eaten Fish’ (‘poisson mangé’), allusion à son sauvetage en mer de 2013.

Ses dessins dépeignant la condition des réfugiés sur Manus ont commencé à être publiés dans les médias pendant sa troisième année de détention. Certains reflétaient la détérioration de sa santé et les violences sexuelles subies dans le camp.

En 2016, le Cartoonists Rights Network International (Réseau international pour les droits des dessinateurs de presse) lui a décerné pour son œuvre le Prix du courage dans le dessin éditorial. La citation de sa récompense affirme que “Ses dessins seront un jour considérés comme des chroniques essentielles, d'envergure mondiale, des pires comportements humains depuis les camps de concentration de la deuxième guerre mondiale.”

L'Australie a été largement critiquée pour les conditions dans le camp de détention de l'île Manus. L'ONU a déclaré sa politique de détentions illimitées dans ce camp délocalisé “châtiment cruel, inhumain et dégradant”.

Ali a été relâché en décembre 2017 à la suite d'une campagne internationale appelant à sa libération. Il est arrivé à Stavanger, en Norvège, le 17 décembre, parrainé par le Réseau international des villes-refuges (ICORN).

Nous avons interviewé Ali par courriel, presque un an après son départ de Manus, qu'il décrit comme une “sortie vers la liberté”. Il a parlé de sa vie après la détention, de ce qu'il a connu au camp de réfugiés, et donné ses conseils aux autres artistes subissant la persécution.

Ali révèle que, tout heureux qu'il soit de sa nouvelle vie en Norvège, ça n'a pas été simple pour lui de s'adapter  :

After two weeks I fell into a deep depression, and this kind of depression was even stronger than I had in Manus Island, and it took me around four or five months until, with a help from psychologist, and some friends, I got bit better and started communicating with a lot of people and making a new life happen.

Après deux semaines je suis tombé dans une dépression profonde, une sorte de dépression plus forte même que celle que j'ai eue sur Manus, et il m'a fallu quatre ou cinq mois jusqu'à ce que, avec l'aide d'un psychologue et de quelques amis, j'aille un petit peu mieux et que je commence à communiquer avec un tas de gens et démarre une nouvelle vie.

Il évoque sa décision de faire des dessins lorsqu'un agent médical lui a suggéré d'entreprendre une activité dans le but de gérer ses TOC, mais même cella n'a pas été aisé : entre autres privations, les détenus ne recevaient pas de quoi écrire.

I kept drawing until I was moved to Manus Island in 2014, and I didn't have enough paper, I didn't have enough pencils, and I had to steal papers from workers, I had to find a little paper to draw on, and it took me two years and a half to send my drawings out. And it was the only reason I think that I am still alive. Art didn't help my mental situation to be healthy, but it helped to send my voice out to the people in the outside world. It was art which saved me, it was art which saved my life.

J'ai continué à dessiner jusqu'à mon transfert sur Manus en 2014, je n'avais pas assez de papier, pas assez de crayons, et je devais voler des feuilles au personnel, je devais trouver un peu de papier pour dessiner dessus, et il m'a fallu deux ans et demi pour envoyer mes dessins à l'extérieur. Et c'est la seule raison, je crois, qui fait que je vis encore. L'art ne m'a pas aidé à retrouver ma santé mentale, mais a aidé à transmettre ma voix aux gens du monde extérieur. C'est l'art qui m'a sauvé, c'est l'art qui m'a sauvé la vie.

Ses dessins ont d'abord retenu l'attention du personnel médical et de l'immigration sur l'île Christmas, et ensuite sur Manus. Ensuite, ce sont les médias australiens qui ont remarqué ses œuvres, et qui ont mis sous les projecteurs sa situation sur Manus :

I wasn't a political cartoonist at first, so I just started documenting my life and my own struggles, and I don't know what happened, one day when I opened my eyes and I have been published in different press companies and I was on the news, a lot of people knew me in Australia, and it gave me more hope to keep myself alive, and I didn't have any idea that drawings were going to give me freedom one day.

Je n'étais pas un dessinateur politique au départ, j'ai donc juste commencé à documenter ma vie et mes luttes, et je ne sais pas comment c'est arrivé, un jour j'ai ouvert les yeux et j'étais publié dans différentes entreprises de presse, et j'étais dans l'actualité, un tas de gens me connaissaient en Australie, et ça m'a donné plus d'espoir de rester en vie, et je n'avais pas la moindre idée que des dessins me donneraient un jour la liberté.

Ali Dorani donne un cours de dessin en Norvège. Source : Facebook. Reproduction autorisée

Voici le rappel d'Ali aux artistes en peine, notamment les jeunes artistes subissant la persécution :

Don't stop, don't stop what you're doing. Keep drawing, keep cartooning, keep sending your voice out. It takes time, it's difficult but it will work, it worked for me. Don't get tired.

I asked for help for five years and I got it. I got my freedom after five years asking from different people. Asking is not shameful. Asking for help is not shameful.

N'arrêtez pas, n'arrêtez pas ce que vous faites. Continuez à dessiner, continuez à faire des caricatures, continuez à envoyer votre voix. Ça prend du temps, c'est difficile, mais ça marchera, ça a marché pour moi. Ne vous lassez pas.

J'ai demandé de l'aide pendant cinq ans et je l'ai reçue. J'ai reçu ma liberté après cinq ans à demander à différentes personnes. Il n'y a pas de honte à demander. Il n'y a pas de honte à demander de l'aide.

Il a aussi exhorté les collectifs proposant de l'aide aux réfugiés sur Manus à ne pas diffuser des informations fausses sur la situation dans le camp. “La vérité m'a aidé. La vérité m'a aidé à retrouver ma liberté. Il a fallu beaucoup de temps mais ça a marché”.

Pour la première fois, une application de sécurité numérique est disponible en aymara grâce aux militants linguistiques boliviens

vendredi 14 décembre 2018 à 14:56

Les membres de Jaqi Aru, pendant un événement au sujet de la traduction de Orbot, l'application de sécurité numérique, à El Alto, Bolivie. Global Voices a interviewé le directeur exécutif de Jaqi Aru, Edwin Quispe Quispe (au premier rang : le troisième sur la droite), Rubén Hilare Quispe, secrétaire général (au dernier rang : troisième sur la droite) et la présidente Victoria Gimena Tinta Quispe (au premier rang : troisième sur la gauche). Photo de Localization Lab. Reproduction autorisée.

L'auteur de cet article est la Community Manager de Localization Lab. Elle a travaillé avec Jaqi Aru sur le projet consistant à traduire l'application Orbot en aymara.

En Bolivie, une communauté virtuelle de militants pour la langue amayra a traduit l'application de sécurité Orbot. Elle aide ainsi leur communauté à se protéger en ligne — et permet ainsi à leur langue d'être mieux représentée dans le cyberespace.

Orbot, une application téléchargeable sur Android, génère une connexion internet mobile privée en cryptant le trafic et en le cachant par rebond via une série d'ordinateurs à travers le monde. C'est une fonction utile lorsque vous accédez à des informations bancaires privées via le wifi public ou envoyez des informations personnelles en ligne.

Ce type d'application est pour la première fois disponible pour les locuteurs de langue aymara grâce à Jaqi Aru. Depuis 2009, Jaqi Aru, une communauté de volontaires, promeut la traduction en aymara et la création de contenu en ligne. Les derniers projets du groupe incluent la traduction de l'interface de Facebook. De plus, des articles traduits de Global Voices ainsi que la promotion de la traduction et de la création de contenu en aymara sur Wikipedia sont actuellement en projet.

Pendant la traduction de Orbot, Jaqi Aru avait coordonné l'assistance de Localization Lab, qui travaille avec des communautés linguistiques à travers le monde afin de concevoir des technologies open source disponibles pour des publics locaux. Selon Dragana Kaurin, la directrice exécutive de Localization Lab, la traduction technique est tout autant une question de bon sens qu'une question de droits linguistiques :

Chaque utilisateur d'internet a besoin de veiller lui-même à sa protection en ligne, de la protection de ses mots de passe à celle contre les virus et de naviguer en toute sécurité sur le web. Mais parler de sécurité numérique peut créer des confusions chez beaucoup d'entre nous et ajouter une barrière linguistique de plus empêchant la population d'accéder à une technologie indispensable.

L'Aymara, la langue officielle de Bolivie et de plusieurs régions du Pérou, est aussi parlée dans le nord du Chili et de l'Argentine. C'est une des rares langues autochtones des Amériques avec plus d'un million de locuteurs — pourtant, comme beaucoup de langues minoritaires, sa représentation en ligne se révèle faible.

Rubén Hilare Quispe, secrétaire général de Jaqi Aru, a dit à Global Voices :

La gente quieren saber como protegerse en el Internet y, ahora que tenemos esta aplicación en nuestra propia lengua, podemos empezar a enseñarles como usarla

Les gens veulent savoir comment rester en ligne en toute sécurité. Et maintenant que nous disposons de cette application dans notre propre langue, nous pouvons commencer à apprendre aux gens comment l'utiliser.

L'aymara, enfin dans l'ère du numérique

Rubén se souvient d'un temps où dans la salle de classe il était interdit de parler sa langue natale. « À l'école primaire, si on parlait aymara on était puni. Tout devait être en espagnol. » 

Au cours des années 1980 et 1990, énormément d’élèves abandonnaient l'école dans les communautés rurales de Bolivie. Plusieurs études ont attribué ce haut taux d'abandon aux politiques linguistiques pro-espagnol agressives qui aliénaient les locuteurs de langues autochtones.

Des siècles de règles coloniales établies par l'Espagne, couplées avec des politiques favorisant l'espagnol dans les établissements éducatifs et institutionnels ont conduit à l'extrême marginalisation des communautés autochtones. Cela signifie que leurs langues se retrouvent « exilées dans la sphère privée » — en laissant beaucoup d'individus gênés de parler leur langue maternelle en public.

Les changements récents dans le système éducatif ont déplacé l'accent vers la diversité linguistique. Mais en Bolivie les locuteurs de langues autochtones font encore face à des niveaux disproportionnés de discrimination — avec de graves conséquences pour la population parlant aymara.

Bien que près de 17 pour cent de Boliviens s'identifient comme locuteurs de langue aymara, cette langue s'avère en danger. Car selon certaines estimations il y aurait 2 pour cent de locuteurs en moins chaque année.

Jaqi Aru signifie « langue du peuple » ou « voix du peuple ». Ici les membres de Jaqi Aru traduisent conjointement l'application Orbot en aymara. Photo de Localization Lab. Reproduction autorisée.

Les militants linguistiques de Jaqi Aru travaillent d'arrache-pied pour inverser cette tendance. Pour le directeur exécutif, Edwin Quispe Quispe, derrière le travail de l'organisation, une partie de la motivation s'appuie sur des questions plus profondes d'identité, de langue et de ce que signifie être membre de la communauté aymara :

Casi en la mayoria de los pensum académico de carerras está introducido lo que es la historia cultural andina. A muchos de nosotros nos genera preguntas sobre la identidad. Nos preguntamos, ¿quiénes somos?¿cuál es nuestra identidad? […] La lengua es nuestra identidad. Si perdemos la lengua, perdmos nuestras tradiciones, nuestra cultura, nuestras historias, nuestros conocimientos ancentrales — perdemos todo.

La quasi majorité des programmes de cursus académiques intègre une formation sur la culture et l'histoire des Andes. Pour beaucoup d'entre nous, ceci suscite des questions sur notre propre identité. Nous nous interrogeons : qui sommes-nous ? Quelle est notre identité ? […] Pour nous, la langue est notre identité. Si nous perdons notre langue, nous perdons nos traditions, notre culture, nos récits, notre savoir ancestral — nous perdons tout.

Comme le taux de pénétration d'Internet continue d'augmenter dans différentes régions du monde, il en va alors de même de l'exigence pour une technologie en différentes langues. Il y a un besoin croissant de « localisation », d'un processus d'adaptation du contenu aux publics locaux.

Bien sûr, les entreprises privilégient uniquement la localisation si elle se traduit dans leur bénéfice net. Rendre la technologie disponible en langues minoritaires ne satisfait presque jamais ce critère, laissant les locuteurs de langues comme l'aymara, relégués aux périphéries d'internet. Rubén explique :

Depende de que lengua nace una herramienta, entonces es la que tiene el privilegio y las otras lenguas carecen de su prescencia como es el caso de la Aymara

Si un outil est développé dans une langue particulière, alors cette langue devient prioritaire. Ceci signifie que d'autres langues, comme l'aymara, ne sont pas représentées.

Selon Kaurin, les développeurs de Orbot travaillent avec ardeur à faire de l'accès au langage une priorité :

The Guardian Project [développeurs de l'application Orbot] est réellement dédié à la réalisation de leurs applications disponibles dans le plus grand nombre de langues possibles. Nous avons coordonné la localisation de Orbot pendant un certain temps, et saisi l'occasion de coopérer sur un événement portant sur la langue aymara.

La sécurité numérique mise à part, les membres de Jaqi Aru voient cette application comme un moyen de plus de veiller à ce que l'aymara reste vivant, grandisse et obtienne son espace mérité dans le monde en ligne. Lorsqu'on a demandé à Rubén ce que signifie pour sa communauté le fait d'avoir une application semblable à celle en aymara. Il répond :

Hay gente que dice con menosprecio: ¿pero que tienen en Aymara? [Orbot] es una de esas muestras de lo que podemos hacer con la Aymara. La gente ve y dice, “Wow, la Aymara si tiene lugar en las cuestiones tecnológicas”.

Il y a des personnes qui demandent de manière méprisante : Qu'existe-t-il en aymara ? [Orbot] est un des exemples de ce que nous pouvons faire en aymara. Ces personnes le constateront et s'exclameront, « Génial ! L'aymara a bien sa place dans la technologie. »

Au Sri Lanka, le nouveau Premier ministre contesté est provisoirement écarté de son poste par une Cour d'appel

jeudi 13 décembre 2018 à 15:10

Image via la page Facebook de Groundviews. Utilisée dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

[Article d'origine publié en anglais le 5 décembre 2018 ]

La lutte pour le pouvoir entre le Premier ministre sri-lankais renvoyé Wickremesinghe et son successeur tout juste nommé Rajapaksa est montée d'un cran. Le 3 décembre 2018, une Cour d'appel sri- sri-lankaise a émis une injonction provisoire écartant Rajapaksa de son poste de premier ministre jusqu'à l'audition de la requête qui conteste sa nomination.

Le Premier ministre déchu Ranil Wickremasinghe, accompagné de 121 autres députés a demandé en justice le mois dernier une ordonnance de Quo Warranto, qui obligerait Rajapaksa à démontrer quelle autorité l'habilite à exercer les fonctions de premier ministre. Les demandeurs ont déclaré que Mahinda Rajapaksa n'y était pas habilité malgré le le rejet par le Président Maithripala Sirisena de deux motions de défiance à l'encontre de Rajapaksa.

La Cour d'appel a émis une injonction provisoire restreignant les fonctions du Premier ministre Mahinda Rajapaksa et de son gouvernement en attendant que la requête soit auditée. Et a aussi émis pour les 49 membres du gouvernement et le Premier ministre des avis à comparaître le 12 décembre pour l'audience de la requête

Sri Lanka : Le dommage qui pourrait résulter de la restriction au fonctionnement d'un gouvernement légitime serait en toute probabilité dépassé par le dommage causé en autorisant un groupe de personnes non habilitées légitimement à agir comme Premier ministre et ministres, a prononcé le juge Surasena

Les Sri Lankais ont été nombreux à se réjouir du jugement :

Quelle différence pour un pays quand ses tribunaux fonctionnent, et sont efficaces ! La plus grande des victoires grâce à #CoupLK : et s'ils tiennent jusqu'au bout, je dirais que ça valait la peine de lutter et de faire le putsch. Un peu de secousses et de désordre amène un plus grand bien !

Les quelques dernières semaines ont vu une justice dynamique en actes – pas seulement les tribunaux au sommet mais aussi ceux de base – dans les affaires de droit public comme de droit pénal. Un moment de fierté pour ceux qui tiennent à l'Etat de droit et à l'indépendance de la Justice dans notre pays

Rajapaksa a tweeté qu'il irait devant la Cour suprême pour contester ce jugement. Dans une autre déclaration, il a appelé à des élections anticipées pour régler le conflit, confiant dans ses chances parce que son parti a balayé les élections locales en février 2018.

“Nous ne sommes pas d'accord avec la décision rendue par la Cour d'appel, car les questions constitutionnelles sont décidées en dernier ressort par la Cour suprême. Nous formerons un recours demain.”

Patali Champika Ranawaka, ex-ministre de Megapolis & Développement occidental au Sri Lanka, a fustigé l'appel de Rajapaksa à des élections :

Mahinda Rajapaksa ne doit pas continuer à produire des déclarations et à demander des élections générales pour résoudre cette crise, qu'il a lui-même créée. Démissionnez simplement de votre poste illégitime de premier ministre. Une affaire de cinq minutes !

Pendant que le processus de décision de quel premier ministre détiendra finalement le poste traîne en longueur, les citoyens continuent à manifester :

A Rise Up #Negombo, nous avons parlé avec un groupe de jeunes séminaristes, tous de moins de 20 ans. Nous leur avons demandé pourquoi ils étaient venus : “Par amour de notre pays”.

Des images enthousiasmantes de manifestations citoyennes venues du Sri Lanka, où la société civile résiste à la saisie inconstitutionnelle du pouvoir par Rajapaksa.
Les femmes marchent sous la pluie, dépliant un long sari devenu une banderole avec des slogans pour la démocratie.

Rohan Samarajiva appelle cette crise au Sri Lanka une collision frontale entre constitution et féodalisme. Il écrit sur un blog :

It appears that the political elite’s dalliance with Constitutionalism has about run its course, sixty years after Independence. We are reverting to our native Feudalism: not just the ruling family but large swaths of the populace, including opinion leaders and intellectuals.

Il semble que le flirt de l'élite politique avec le constitutionnalisme est en train d'arriver à bout de course, soixante ans après l'indépendance. Nous retournons à notre féodalisme originel : pas seulement la famille régnante, mais de larges pans de la population, y compris les leaders d'opinon et les intellectuels.

Sarmini Serasinghe appelle tous les Sri-Lankais à se lever avant qu'il soit trop tard.

The time has come for each and every citizen of Sri Lanka, irrespective of social and professional status, to rise in peace and defend the sacred institution of Democracy in our country before it’s too late. It’s our right and moral duty as its citizens.

Le moment est venu pour tous les citoyen.ne.s du Sri Lanka, quel que soit leur statut professionnel ou social, de se soulever pacifiquement pour défendre l'institution sacrée de la démocratie dans notre pays avant qu'il ne soit trop tard. Ce notre droit et notre devoir moral de citoyens.

Dans l'intervalle, des questions concrètes ont commencé à surgir : par exemple, le titre à donner à Rajapaksa :

Cet article indique la couverture de la presse en cinghalais, tamil et anglais du 1er au 3 décembre à propos du poste tenu par Mahinda Rajapaksa. De nombreux journaux continuent à identifier Rajapaksa comme le Premier ministre. Quel est votre avis ?

Après le vote le 14 novembre par le parlement d'une motion de non-confiance, le 16 le président [du Parlement] a publié une déclaration officielle disant que la motion était adoptée et que le gouvernement était dissous. Est-il convenable que les journaux continuent à appeler Rajapaksa Premier ministre ?

Un journaliste libanais poursuivi pour ses articles sur les violences alléguées contre une employée de maison immigrée

mercredi 12 décembre 2018 à 14:32

Manifestation du 24 juillet contre les arrestations au Liban à la suite de publications en ligne. Photo de Hasan Shaaban, utilisée avec autorisation.

Timour Azhari, un journaliste du quotidien libanais DailyStar, va passer en justice pour avoir traité des violences alléguées subies par une employée de maison éthiopienne aux mains de ses patrons au Liban. Azhari a également contribué à Global Voices.

En mars 2018, Lensa Lelisa avait accusé ses employeurs, qui gèrent une société de mode haut de gamme, de mauvais traitements. Cherchant désespérément à leur échapper, elle avait sauté du balcon du deuxième étage et s'est cassé les deux jambes. Ce qu'elle a raconté par la suite dans une vidéo largement partagée sur internet.

A sa sortie de l'hôpital, ses employeurs l'ont ramenée chez eux, malgré les accusations de mauvais traitements. Lelisa parut ultérieurement dans une émission télévisée au cours de laquelle elle se rétracta, parlant de chute accidentelle.

Lensa (à gauche) avec sa tante Ganneth (à droite). Photo mise en ligne sur les médias sociaux par des amis de Lensa et utilisée avec autorisatio.

Les employés domestiques étrangers au Liban sont contraints de vivre et travailler dans des conditions difficiles, soumis au régime bien connu de la “kefala” (parrainage). Un système qui confère aux parrains (entreprises ou particuliers) une “batteries de capacités juridiques” pour contrôler les travailleurs, rendant ceux-ci vulnérables aux abus. A défaut d'y être autorisés par leurs parrains, ces travailleurs ne peuvent pas abandonner leur emploi ou en changer, ni sortir du pays. L’Organisation internationale du travail, une agence de l'ONU, dit que ce système met les travailleurs à la merci du travail forcé.

Après son enquête sur l'histoire de Lelisa, Azhari a été inculpé de diffamation pour son article publié sur le site web et en édition papier du Daily Star le 28 mars, qui détaillait les accusations de Lelisa contre ses employeurs. Le procès contre Azhari s'étend aux tweets journalistiques qu'il a publiés en couvrant pour son journal une manifestation devant le domicile et le lieu de travail des patrons de la jeune femme.

Sous la pression des autorités, le journal a ensuite retiré l'article de son site web, bien qu'il reste accessible sur le blog d'Azhari. Un autre article sur la manifestation reste accessible sur le site web du Daily Star.

Azhari risque une amende pour ses articles. Photo: profil Twitter du journaliste.

Azhari a été interrogé en juin par le tristement célèbre Service Cybercriminalité libanais. Lorsque j'ai parlé avec Azhari de la procédure en cours, il a raconté comment un enquêteur l'a accusé de “partialité” dans son article. Les autorités lui ont demandé de supprimer ses tweets touchant à l'affaire de Lelisa, au motif que l'enquête de police avait prouvé l'innocence de ses employeurs. Les policiers ont aussi saisi des informations confidentielles sur son téléphone.

Between my questioning and time spent waiting in the interrogation room, I was at the Bureau for 8 hours. My phone was searched, confidential information on an anonymous source was seized from it, and I was made to delete my tweets.

Entre mon interrogatoire et les temps d'attente dans la salle d'interrogation, j'ai passé huit heures dans le Service. Mon téléphone a été fouillé, des informations confidentielles sur une source anonyme saisies, et on m'a fait supprimer mes tweets.

Le service lui a aussi demandé de signer une promesse de ne plus reparler de l'affaire, ce qu'il a refusé.

Créé en 2006 pour renforcer les capacités de l’État libanais en matière de sécurité internet à l'ère numérique, le Service Cybercriminalité est la voie empruntée par la plupart des interrogatoires de journalistes, activistes et blogueurs au sujet de leurs publications en ligne.

Si la législation libanaise comporte des protections pour la liberté d'expression et la liberté de la presse, insulter le président, l'armée libanaise ou le drapeau peuvent conduire à une condamnation à trois années de prison et à de lourdes amendes. Les lois sur la dénonciation calomnieuse et la diffamation sont aussi utilisées de façon croissante par les hommes politiques, les représentants des grosses entreprises et les simples citoyens pour mettre en cause et poursuivre les activistes et réprimer la parole publique critique en ligne.

Au 1er août, Social Media Exchange, une organisation non gouvernementale locale travaillant sur la politique en matière d'internet, a documenté pas moins de 16 cas de personnes convoquées pour interrogatoire sur leurs publications en ligne en 2018.

Le procès d'Azhari s'est ouvert le 27 novembre, devant le tribunal des publications de Baada, mais a été ajourné au 26 février après que les plaignants et leur avocat se sont abstenus de comparaître, a-t-il indiqué. S'il est reconnu coupable, il devra payer une amende.

Pendant le déroulement du procès, Azhari continuera à faire son travail et à couvrir les histoires qui comptent. ”Ce procès m'a plutôt motivé à continuer à couvrir ce qui a trait aux injustices sociales, dont les histoires en rapport avec la maltraitance des travailleurs étrangers au Liban”, dit-il.

Madagascar: Une élection qui va coûter cher au pays

mardi 11 décembre 2018 à 00:16

Débat télévisé entre Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina sur la chaine Youtube de TVM

Bien que la grande majorité de la population malgache vit dans une pauvreté extrême, les élections présidentielles en 2018 à Madagascar sont déjà historiquement l’une des plus coûteuses par habitant. Les deux candidats qui ont terminé en tête du premier tour des élections, Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana bénéficient d'un avantage financier important par rapport aux autres candidats.Les résultats du premier tour ont donné 39,19% (1 949 851) des voix à Andry Rajoelina  et 35,29% (1755 855) à Marc Ravalomanana qui vont s'affronter dans deux débats présidentiels télévisés avant le deuxième tour.

En 2013, le président élu alors Hery Rajaonarimampianina avait déjà dépensé  43 millions de dollars USD (selon RFI Afrique) ce qui correspondait alors à 21,3 USD par votant, le double de l'argent dépensé par Trump en 2016 pour être élu Président des Etats-Unis. Ces dépenses sont de loin le plus important pécule au monde à ce jour dépensé par votant pour l'un des pays les plus pauvres au monde. Pour remédier à cette part trop importante de l'apspect financier dans ces élections et celles des fonds de financement occulte, Transparency International a invité les candidats à rendre public leurs sources de financement et leur budget de pré-campagne et de campagne.

De nombreux candidats se sont plaint de l'impossibilité de faire véritablement concurrence à ces candidats, faute de plafonds financiers pour les dépenses électorales. Les dépenses faramineuses consacrées aux élections par les différentes campagnes ont également été critiquées en raison de la grande pauvreté dans le pays. En cette veille d'élections, Le peuple malgache est plus pauvre que jamais:  environ 92% vivent avec moins de 2 dollars par jour; 80% vont au lit affamés ou assoiffés tous les soirs. De plus, un enfant sur deux souffre de malnutrition et de retard de croissance et le taux de scolarisation a chuté de manière spectaculaire (plus de 600 000 enfants devraient être scolarisés mais ne le sont pas). Enfin, les infrastructures – routes, hôpitaux, cliniques et écoles – sont dans un état de délabrement avancé. C'est pourquoi, de nombreux observateurs estiment que l'argent de ces campagnes pourrait être mieux dépensé pour d'autres causes plus urgentes. C'est ce qui explique aussi que bien que les deux tiers de la population aient moins de 25 ans, le taux de participation et l'intérêt des jeunes pour cette campagne sont relativement faibles.

La corruption à Madagascar est  aussi une des causes majeures du désintérêt de la population pour ces élections:  Madagascar se classe aujourd'hui 155ème sur 175 pays évalués par Corruption Watch. L’absence de contrôle gouvernemental par les administrations depuis 2009 a conduit à un pillage généralisé des ressources naturelles et à des dommages pour le fragile écosystème de Madagascar. Une résolution du Parlement européen de 2017 signalait qu ‘«une grande réserve de bois de rose illégale et inexpliquée, a été découverte au palais présidentiel après la fin du mandat de Rajoelina en 2013».

La combinaison de financement occulte et de corruption est une vrai menace sur la légitimité de ces élections. Marcus Schneider, représentant résident de la Fondation Friedrich Ebert à Madagascar, explique où le bat blesse pour l’avenir de la démocratie à Madagascar:

Le problème qu’on a actuellement, c’est qu’on peut supposer qu’une partie de ces dépenses-là [NDLA: dépenses de campagne] sont financées par de l’argent qui n’est pas légal, par de l’argent sale et bien-sûr, on ne peut pas s’attendre à une politique propre qui est financée par de l’argent pourri

La directrice exécutive de Transparency International Initiative Madagascar Ketakandriana Rafitoson va plus loin dans son évaluation du danger présent pour Madagascar:

Ce n'est pas l'argent qui doit dominer, ce sont les idées. Malheureusement, avec les distributions de goodies à tout va, on voit depuis les cinq jours de campagne électorale que les pratiques n'ont pas changé. Si on attend que la campagne soit terminée pour révéler les fraudes, les malversations, le choix de l'électeur sera fait : il sera trop tard

La bataille électorale du deuxième tour pour élire le prochain président est prévue pour le 19 décembre 2018.