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‘Que tremble la terre, jusque dans ses entrailles': les peuples indigènes ont élu leur porte-parole et candidate à la présidentielle mexicaine

dimanche 4 juin 2017 à 23:19
Imagen tomada de la cuenta de Twitter del Congreso Nacional Indigena: @CNI_Mexico

Illustration provenant du compte Twitter du Congrès National Indigène: @CNI_Mexico

Ce 28 mai, décision historique pour le Mexique, les peuples autochtones membres du Congrès national indigène (CNI), soutenus par l’Armée Zapatiste de libération nationale (EZLN), ont désigné María de Jesús Patricio Martínez comme porte-parole du Conseil indigène de gouvernement (CIG), et comme candidate indépendante aux prochaines élections présidentielles de 2018.

La camarade María de Jesús Patricio Martinez est porte-parole du Conseil Indigène de Gouvernement

L'idée de constituer ce conseil, dont la voix serait “matérialisée par une femme indigène”, est apparue en octobre de l'année dernière, lors du cinquième Congrès national indigène.

C'est lors de la clôture de ce congrès, et pour marquer leurs vingt ans d'existence, que le CNI et le EZLN ont fait cette annonce – non encore approuvée par leurs membres – dans un communiqué commun intitulé “Que tremble la terre jusque dans ses entrailles”, où il est précisé :

Ratificamos que nuestra lucha no es por el poder, no lo buscamos; sino que llamaremos a los pueblos originarios y a la sociedad civil a organizarnos para detener esta destrucción, fortalecernos en nuestras resistencias y rebeldías, es decir en la defensa de la vida de cada persona, cada familia, colectivo, comunidad o barrio. De construir la paz y la justicia rehilándonos desde abajo, desde donde somos lo que somos.

Nous réaffirmons que nous ne luttons pas pour le pouvoir, ce n'est pas ce que nous recherchons. Nous appellerons les peuples autochtones et la société civile à s'organiser pour faire cesser cette destruction, pour que notre résistance et nos révoltes nous rendent plus forts pour défendre la vie de chaque personne, chaque famille, collectivité, communauté ou quartier.  En construisant la paix et la justice, en nous structurant depuis la base, depuis là où nous sommes ce que nous sommes.

D'après le CNI, 523 communautés de 25 États du pays et de 43 peuples indigènes ont approuvé la proposition en décembre, et la constitution du Conseil et la nomination de sa porte-parole devaient intervenir en mai de cette année.

Dans son communiqué, le CNI déclarait ce qui suit à propos du Conseil indigène de gouvernement (CIG) :

El CIG es la parte medular de la propuesta que el CNI hace al país y a los pueblos indígenas. Es la forma de cómo nos organizaremos nacionalmente desde abajo y a la izquierda para gobernar este país, desde la otra política, la de los pueblos, la de la asamblea, la de la participación de todas y todos.  Es la forma en que los pueblos nos organizamos para tomar las decisiones sobre los asuntos y problemas que nos competen a todas y todos. Es la otra forma de hacer política, desde la horizontalidad, desde el análisis y la toma de decisiones colectiva.

Le CIG est la clef de voûte de la proposition que le CNI fait au pays et aux peuples indigènes. C'est ainsi que nous pourrons nous organiser au niveau national à partir du bas et à gauche pour gouverner ce pays, à partir de l'autre politique, celle des peuples, de l'assemblée, de la participation de toutes et de tous. C'est ainsi que les peuples s'organiseront pour prendre les décisions sur les sujets et les problèmes qui leur incombent à toutes et tous. C'est l'autre façon de faire de la politique, de façon horizontale, par l'analyse et la prise de décisions collective.

Précisément, dans le but de se démarquer du parcours habituel des partis politiques et de respecter leurs modes d'organisation et de représentation collective, aussi bien le CNI que l'ELZN, ont insisté sur le fait qu'il ne s'agit pas de désigner une candidate mais bien une porte-parole :

Ella será quién lleve la voz del Concejo Indígena de Gobierno a todo el país, a todo el mundo. Ella será quién lleve la voz de los pueblos y de la sociedad civil. Ella será nosotros, nosotras.

Elle sera celle qui porte la voix du Conseil indigène de gouvernement à travers tout le pays, au monde entier. Elle sera celle qui porte la voix des communes et de la société civile. Elle sera nous, toutes et tous.

Au moins 848 délégués et conseillers de près de 60 villages indigènes du pays, ainsi que le commandement général de l'EZLN, ont participé à la réunion de nomination.

Que ce pays tremble devant la résistance, la rébellion et la dignité de tous les peuples du Mexique.

María de Jesús Patricio Martínez, indigène Nahua de Tuxpan, Jalisco qui pratique la médecine traditionnelle, avait déjà souligné en 2010 :

Anhelo una organización de abajo hacia arriba, en la que se mande obedeciendo y se respeten los acuerdos de todos.

J'aspire à une organisation du bas vers le haut, où l'on commande en obéissant et où l'on respecte les accords de tous.

Dans la vidéo qui suit, avant sa nomination comme porte-parole, “Marichuy” elle-même souligne  combien il est important  d'élire une femme indigène pour mieux mettre en lumière les problèmes, les combats et les traditions des peuples et des communautés indigènes, lors des élections.

L'élection présidentielle de 2018 sera la première à autoriser le dépôt de candidatures indépendantes mais, pour ce faire, il faut répondre à un certain nombre de critères définis dans le Livre sept de la loi générale des institutions et procédures électorales, notamment : créer une association civile, ouvrir un compte bancaire et s'inscrire auprès des services de l'administration fiscale. Et, une fois la candidature enregistrée, obtenir le soutien de 1% de la totalité des citoyens inscrits sur la liste électorale nationale (près de un million de signatures) réparties sur au moins 17 États, entre autres conditions à remplir.

Reste à savoir si la candidature de la porte-parole du CIG parviendra à respecter les délais et les exigences du système électoral mexicain. Néanmoins, le simple fait de promouvoir et de désigner une femme indigène, par et pour les peuples, les nations et les tribus originaires de ce pays, afin d'imposer la devise du Congrès national indigène : “Plus jamais un Mexique sans nous!”,  en vue des élections de 2018, revêt un profond symbolisme et place sur la scène politique des voix qui, historiquement, ont été réduites au silence.

C'est ce qu'exprime en ces mots la porte-parole María de Jesús Patricio Martínez, sur cette vidéo:

Nuestra participación es por la vida, es por esa reconstrucción de nuestros pueblos que han sido golpeados por años y años.

Notre participation, c'est pour la vie, c'est pour la reconstruction de nos peuples qui ont été bafoués pendant des années et des années.

L'Éthiopie impose une coupure totale d'Internet à l'échelle nationale

dimanche 4 juin 2017 à 23:03
Une manifestation en octobre 2016 à Londres par les originaires de la région d'Oromo contre des meurtres et des violations des droits de l'homme de la part du gouvernement éthiopien. Photo de David Holt, l'utilisateur de Flickr. CC BY 2.0

Une manifestation en octobre 2016 à Londres d'Oromos contre des meurtres et des violations des droits de l'homme de la part du gouvernement éthiopien. Photo de David Holt, l'utilisateur de Flickr. CC BY 2.0

Le 30 mai à 15 heures, les Ethiopiens se sont retrouvés incapables d'accéder à Internet. La coupure [fr] semble être à l'échelle du pays.

Il semble que les autorités éthiopiennes ont coupé Internet [fr] dans tout le pays afin d'éviter que “les sujets d'examen ne soient publiés sur Facebook” avant les épreuves des examens de fin d'études secondaires organisées au cours des des deux semaines à venir.

24 heures après le début de la coupure totale d'Internet, le gouvernement n'a toujours pas voulu dire pourquoi.

Vingt-quatre heures après la coupure, le Ministre adjoint de la communication Zadig Abraha a déclaré à l'AFP que les données mobiles avaient également été désactivées.

Enfin, le gouvernement éthiopien a déclaré que la coupure d'Internet se poursuivra jusqu'au 8 juin 2017, motivée par la crainte d'une “fuite des sujets d'examen”.

L'année dernière, le gouvernement avait été contraint de reporter l'examen national d'entrée à l'université après que la session initiale a été marquée par une fuite sur Facebook. Des militants de la diaspora avaient publié les épreuves [fr] sur Facebook avant l'examen au début de juin 2016 quand le gouvernement a refusé de le réorganiser pour les étudiants qui ont manqué un semestre entier de cours en raison de manifestations.

Mais la coupure actuelle est différente des précédentes d'Internet mobile et de médias sociaux qui ont été imposées dans le but d'éviter les fuites d'examens. Elle est plus globale et sur une plus grande échelle, éliminant l’Éthiopie de la carte de l'Internet au nouveau mondial.

C'est particulièrement facile pour le gouvernement éthiopien, puisque tous les services Internet et téléphoniques du pays sont fournis par un fournisseur de services Internet public, Ethio Telecom. Cette coupure laisse ainsi les entreprises, les banques, les cybercafés d'Addis-Abeba et les sites des médias sociaux de même que gouvernementaux coupés du reste du monde, ce qui rend plus difficile leur travail quotidien.

À cause de la coupure : les banques sont hors service, les SMS lourds ne sont pas disponibles, les services GPS ne sont pas accessibles …

Cette grave mesure entraîne une question : les autorités essayent-elles vraiment d'empêcher les étudiants de tricher aux examens ou bien y a-t-il plus que ça ? En fait, ce n'est qu'une des diverses raisons que les autorités éthiopiennes ont utilisées pour justifier la censure et les coupures d'internet ces dernières années.

L'Éthiopie a bloqué l'Internet à trois reprises depuis que de grandes manifestations anti-gouvernementales ont éclaté en novembre 2015. Les réseaux téléphoniques mobile et fixe sont également paralysés dans une grande partie des deux plus grandes régions du pays, Oromia et Amhara, où les manifestations anti-gouvernementales sont revenues à l'ordre du jour ces deux dernières années.

Lorsque les autorités éthiopiennes ont déclaré l'état d'urgence en octobre 2016, elles ont officiellement bloqué l'accès à Facebook, Twitter et aux applications les plus populaires de messagerie comme Viber et IMO. Étant donné que la vitesse de l'Internet est déjà incroyablement lente, les plates-formes vidéo lourdes comme YouTube ont été inaccessibles même si elles ne sont pas bloquées officiellement.

Il y a seulement deux semaines, des militants à l'intérieur du pays ont indiqué qu'ils pouvaient enfin accéder à Facebook gratuitement, après de nombreux mois d'utilisation de VPN et d'autres outils de contournement pour se connecter au réseau social. Mais, avec la coupure totale actuelle dans l'ensemble du pays, ils sont maintenant plus isolés du reste du monde, et même les uns des autres, qu'avant.

‘Financer les narcos vénézuéliens à la mode Goldman Sachs’

dimanche 4 juin 2017 à 12:35
"Bolivar, the weak". Photo by Flickr user Mariely Hernández. Used under CC 2.0 license.

“Bolivar, le faible”. Photo sur Flickr de Mariely Hernández. Utilisée sous licence CC 2.0.

Dimanche 28 mai, le Wall Street Journal a rapporté que la multinationale de la finance basée aux USA Goldman Sachs a acheté pour 2,8 milliards de dollars d'obligations vénézuéliennes, à 31 cents le dollar. Les obligations étaient émises par la compagnie pétrolière d'Etat PDVSA et viendront à échéance en 2022, ce qui revient à offrir au pouvoir vénézuélien, étranglé financièrement et fortement contesté, plus de 865 millions de dollars d'argent frais.

Le technologue et entrepreneur dans la publicité Juan Bermudez a écrit sur Medium un article titré “Financing Narcos the Goldman Sachs Way [Financer les Narcos à la mode Goldman Sachs]” pour “expliquer le scénario politique au Venezuela et comprendre le profond mépris pour l'éthique chez Goldman Sachs”. Selon Bermudez :

La plupart des gens se disent peut-être qu'il n'y a rien de contraire à l'éthique à titrer bénéfice d'une transaction potentiellement lucrative. Mais dès qu'on comprend à qui ils ont acheté ces obligations, on croirait regarder un nouveau croisement chez Netflix entre [les séries] Narcos et The Big Short.

Nicolás Maduro, le successeur coopté de Hugo Chavez, n'inspire pas le même soutien et respect publics que son prédécesseur. Avec trois années de crise économique et des niveaux record de violences criminelles et de pauvreté, la popularité de Maduro a plongé encore plus profondément après l’ ‘auto-coup d’État’ du 30 mars, lorsque la Cour Suprême a usurpé le rôle de l'Assemblée Nationale en autorisant le Président Maduro à s'emparer de certaines fonctions de la législature — avant de renverser la vapeur trois jours plus tard. L'opposition vénézuélienne n'a pas seule à condamner la manœuvre : les Etats-Unis ont frappé de sanctions huit juges de la Cour Suprême vénézuélienne, en gelant leurs avoirs et les privant de visas pour les USA, en punition d'avoir dépouillé le Congrès du Venezuela.

Trois mois de manifestations journalières ont passé depuis, et au moins 60 personnes sont mortes dans les affrontements entre manifestations et forces de l'ordre. Un millier de contestataires sont en prison. Bermudez précise :

Ce qui aggrave les choses, c'est que malgré les élections menées au Venezuela, il n'y a pas de véritable séparation des pouvoirs. Le système judiciaire est utilisé pour faire taire l'opposition politique et la presse libre, mais donne le champ libre aux politiciens corrompus, aux narco-trafiquants, aux kidnappeurs et aux assassins. Ce qui a fait du pays un des endroits les plus violents et les plus dangereux du monde, avec plus de 25.000 homicides signalés en 2016 pour une population dépassant légèrement les 30 millions.

Mais autoritarisme et mépris flagrant des droits humains ne sont pas les seules accusations contre le régime Maduro. Sous sa férule, le pays est devenu un “sanctuaire pour la criminalité, le terrorisme et la corruption”, dit Bermudez :

Le Venezuela est connu comme l'une des plus grandes plaques tournantes de la drogue dans le monde. C'est le siège d’ “El Cartel de los Soles” ( le Cartel des Soleils), un réseau de la drogue dirigé par des responsables de l’État et des officiers supérieurs de l'armée, en collaboration avec l'organisation narco-terroriste colombienne des FARC. Le cartel emprunte son nom aux médailles que les officiers de haut rang portent sur leurs épaulettes.

Des personnages importants de l'armée et du gouvernement sont inculpés aux USA de trafic de drogue. Parmi les plus en vue, on trouve les neveux de la première dame du Venezuela, reconnus coupables de conspiration pour expédier de la cocaïne aux États-Unis, et le Vice-Président vénézuélien Tarek El Aissami qui a eu 3 milliards de dollars d'avoirs gelés dans le cadre de la Loi de Désignation des barons étrangers des narcotiques.

Jusqu'à présent, la solution de Maduro est la convocation d'une “assemblée constituante populaire” qui changerait la constitution actuelle du pays (encore une disposition mal accueillie par une grande partie de la société vénézuélienne) et l'escalade dans la répression de la dissidence en élargissant l’état d'urgence et en amplifiant les violences policières contre les manifestants. Au milieu de ce chaos, Bermudez donne son opinion sur les achats controversés de Goldman Sachs :

[…] Goldman Sachs paraît ne pas se soucier d'apporter en fait un fonds de roulement au réseau autoritaire de narcotrafic qui gouverne le pays afin de le maintenir à flot. Et avant que quelqu'un s'en mêle et soutienne que les obligations ont été acquises auprès de la banque centrale du Venezuela et non de ces criminels, comprenez que ces organismes nationaux sont gérés comme des entreprises personnelles par les ministres, triés sur le volet par Maduro. Il n'y a aucune supervision et les plus de 800 millions de dollars payés par l'institution d'investissement seront selon toute probabilité utilisés pour les maintenir au pouvoir.

En plus des dommages immédiats que cause Goldman Sachs au peuple vénézuélien, en 2022 lorsque les obligations arriveront à échéance, le pays ne se sera sans doute pas relevé de la catastrophe économique causée par la révolution socialiste du 21ème siècle. Ils ont bradé et mis en faillite une grande partie de l'appareil productif du pays, n'ont pas investi dans l'infrastructure, pas créé de sources alternatives de revenus, amassé les dettes vis-à-vis de la Chine, de la Russie et des banques internationales et sont déjà dans un risque élevé de défaut de paiement.

Mais à regarder le mode opératoire de Goldman Sachs par le passé, le fait que le Venezuela ne sera pas en mesure d'honorer ses remboursements n'est nullement un souci pour eux. Le moment venu, ils auront déjà titrisé et vendu les obligations aux Américains, avant de spéculer contre elles, exactement comme ils l'ont fait il y a dix ans.

Des photos trompeuses pour justifier le retour de la loi martiale aux Philippines

samedi 3 juin 2017 à 17:53

Cette photo d'un soldat américain dans un village vietnamien en 1966 a été récemment utilisée par un site web d'information du gouvernement philippin dans un article sur l'instauration de la loi martiale à Mindanao. Photo Wikipedia, domaine public

L'île méridionale de Mindanao — la deuxième plus grande de l'archipel philippin — a été placée sous régime de la loi martiale le 23 mai 2017, après qu'un groupe local suspecté de liens avec l'organisation État Islamique a lancé des attaques coordonnées sur plusieurs parties de la ville de Marawi. Si la décision du gouvernement de pourchasser les insurgés qui ont attaqué la ville, il y a aussi des contestataires estimant que déclarer la loi martiale sur toute l'île n'était pas une nécessité.

Si la loi martiale inquiète, c'est qu'elle rappelle les douloureux souvenirs de la dictature Marcos dans les années 1970, quand la loi martiale avait entraîné des violations endémiques des droits humains et la restriction des libertés civiles de la population.

C'est peut-être pour gagner le soutien de l'opinion à la loi martiale que des responsables et partisans des autorités se sont mis à partager des photographies d'autres pays, en essayant de les faire passer pour des descriptions de la situation à Mindanao. Les internautes se sont employés à les réfuter.

Capture d'écran d'un article mis en ligne sur un site d'information officiel du gouvernement philippin. La photo illustrant l'article provient d'une entrée Wikipedia traitant de la guerre du Vietnam. Source : page Facebook de Tonyo Cruz

Guerre du Vietnam

L'image ci-dessus montre le site internet de l'Agence d'information des Philippines (PNA), un service d'information officiel, qui a publié un article détaillant les difficultés rencontrées par l'armée pour mener la guerre urbaine à Marawi. Problème : la photo qui l'illustre provient de l’article Wikipédia sur la guerre du Vietnam, ce que PNA a opportunément oublié de mentionner.

Après la volée de bois vert qui a salué la publication de cette photo, PNA a concédé son erreur et assuré le public n'avoir eu nulle intention de propager la désinformation :

While there have been lapses in our judgment, it has never been the policy of PNA to tolerate erroneous report, and it has certainly never been our intention to sow misinformation, much less share what is termed nowadays as “fake news.”

We regret that these mistakes have cast doubt on our integrity as a news agency.

S'il y a eu des erreurs de jugement de notre part, cela n'a jamais été la politique de PNA de tolérer un compte-rendu erroné, et cela n'a certainement jamais été dans notre intention de semer la désinformation, et encore moins de publier ce qu'on appelle aujourd'hui des “fake news”.

Nous regrettons que ces erreurs aient jeté le doute sur notre intégrité en tant qu'agence d'information.

Police du Honduras

Le 28 mai 2017, la Secrétaire adjointe du Service de la communication présidentielle Mocha Uson a publié sur sa page Facebook très suivie une photo de soldats en prières. Elle a peut-être voulu rendre hommage aux militaires en train de combattre les terroristes, mais au lieu de soldats philippins, la photo montrait en réalité des agents de la police hondurienne.

@MochaUson Dites à vos abonnés ET à vous-même que nous avons suffisamment de photos de nos soldats en train de prier. Pas la peine d'en utiliser de la police du Honduras. HONTE !

Après avoir été critiquée pour avoir publié la photo, Mme Uson a défendu que ce n'était que symbolique et qu'elle n'avait pas désigné les policiers honduriens comme étant des soldats philippins, et a accusé ses détracteurs de “manquer de bon sens”.

Putsch thaïlandais

Pendant ce temps, les soutiens du président ont activement partagé un album Facebook contenant des photos de citoyens souriants prenant des selfies avec des soldats et chars pour prouver que la loi martiale est acceptée par les habitants de Mindanao. Des photos qui viennent en réalité de Thaïlande, enregistrés lorsque l'armée s'y est saisie du pouvoir en 2014.

Global Voices a raconté comment les “selfies du coup d’État” ont informé le monde qu'une junte avait pris les commandes en Thaïlande et que des citoyens utilisaient les selfies pour exprimer leur protestation contre la dictature militaire. Aux Philippines par contre, ces photos ont été utilisées par les enthousiastes du président pour justifier la loi martiale à Mindanao.

Au moment où cet article était écrit, l'album contenant les selfies du putsch thaïlandais comptait plus de 33.000 partages…

Diwata Luna a commenté sur Facebook que cette attribution fautive représente une injustice envers les véritables auteurs de ces images :

Why is it a big deal if PNA and Mocha Uson used photos of soldiers from other countries? Because it is an injustice to our OWN soldiers who are fighting. And it is an injustice to journalists who risk their lives to take photos in the middle of a war.

Pourquoi c'est grave que PNA et Mocha Urson aient utilisé des photos de militaires d'autres pays ? Parce que c'est une injustice envers NOS soldats qui combattent. Et c'est une injustice contre les journalistes qui risquent leurs vies pour prendre des photos au milieu d'une guerre.

Mais on ne trouve pas qu'accusations et acrimonie. Le mésusage de photos célèbres a aussi encouragé bon nombre de plaisanteries, comme de ce journaliste qui s'en prend à “la faute de jugement” de PNA. Petite explication de texte : Maute est le groupe suspecté de liens avec l'EI, et l'image, celle de l'affrontement entre colonisateurs espagnols et indigènes en 1521.

Toute dernière photo de PNA : Affrontement entre l'AFP [les Forces Armées philippines] et des éléments étrangers du groupe Maute-EI

Pour les Afro-Colombiens, le racisme policier est une “réalité quotidienne”

vendredi 2 juin 2017 à 16:50
Capture d'écran d'une vidéo de Carlos Angulo, qui est devenue virale en 2015 et a suscité des discussions sur le racisme dans la police et le pouvoir judiciaire en Colombie.

Capture d'écran d'une vidéo de Carlos Angulo, qui est devenue virale en 2015 et a suscité des discussions sur le racisme dans la police et le pouvoir judiciaire en Colombie.

Le débat sur le racisme et les violences de la police a explosé sur les réseaux sociaux en Colombie en 2015 avec la publication d'une vidéo sur l'arrestation par la police d'un Afro-Colombien nommé Carlos Angulo. Bien qu'il se soit passé plus d'un an depuis sa première publication, le débat autour de ce que les images révèlent sur la justice (ou l'absence de celle-ci) ne s'est guère éteint.

La vidéo montre Angulo en route vers 8 heures du matin, lorsqu'il est arrêté et fouillé par la police. À en juger par sa réaction, cette situation n'est pas extraordinaire pour lui. Angulo élève la voix et semble frustré, tout en protestant clairement contre le racisme, défendant les droits civils et dénonçant la discrimination qu'il dit souffrir au jour le jour en Colombie.

Vienen pasando cada cinco minutos más de 200 personas y escoges exactamente a los dos negros que vienen pasando para requisarles. Y nos detienes, y asumes una actitud grosera […Pero] claro, somos iguales ante la Ley. Son las ocho de la mañana… ¡Es normal que lleve prisa! Pero mi prisa es sospechosa […] Para el patrón es sospechoso que llegue tarde y para ustedes es sospechoso que vaya rápido […] ¿Me pones entre la espada y la pared y luego me tratas de extremista?

Il y a plus de 200 personnes qui passent toutes les cinq minutes et vous choisissez exactement les deux seules noires pour les fouiller. Et vous nous arrêtez, et vous nous traitez grossièrement [… Mais] bien sûr, nous sommes égaux aux yeux de la Loi. Il est huit heures du matin … Il est normal que je sois pressé ! Mais ma hâte est suspecte […] Pour mon patron, c'est suspect que j'arrive en retard, et pour vous, c'est suspect de marcher vite […] Vous me mettez entre le marteau et l'enclume, puis vous m'appelez extrémiste ?

La discussion qui en résulte sur la vidéo et le racisme quotidien dont elle est la conséquence a été largement débattue. De nombreuses organisations qui défendent les droits des Afro-Colombiens ont réagi en condamnant la manière dont la discrimination de la part de la police, les oblige à vivre dans un environnement hostile dans leur propre pays.

Selon le militant Aiden Salgado Palenquero, membre de l'organisation Conafro – Marcha patriótica :

…Indudablemente, lo que le pasó a Carlos es pan de cada día para los jóvenes afrocolombianos. ¿Cuántos de nosotros hemos armado protestas como estas? No es la primera vez que a Carlos lo detiene un policía; muchos de nosotros y hemos pasado por este mismo hecho, y no solo en Bogotá. Esto sucede en Medellín, Cartagena, Barranquilla, Cali, Pereira, en todo el país y fuera de él…

Sans aucun doute, ce qui est arrivé à Carlos est une réalité quotidienne pour les jeunes Afro-Colombiens. Combien d'entre nous ont protesté comme ça ? Ce n'est pas la première fois que Carlos est retenu par la police ; beaucoup d'entre nous sommes passés par là, et pas seulement à Bogotá. Cela se produit à Medellín, Cartagena, Barranquilla, Cali, Pereira, partout dans le pays et au-delà …

Pour beaucoup d'internautes, comme ces luttes reçoivent peu d'attention en Colombie, le sujet est souvent discuté dans le cadre des violences policières à l'égard des Noirs aux États-Unis et du militantisme qui l'entoure. Cependant, le racisme dans l'application de la loi est loin d'être un phénomène exclusivement nord-américain, comme l'a souligné l’article d'Andrés Páramo Izquierdo dans le magazine Vice :

“…de acuerdo con la Encuesta de Policía y Desigualdad, desarrollada por ese centro, las personas afro o indígenas que tienen encuentros con la policía son requisadas el 32% de los casos; el resto de la población, el 26%. Los perfiles de hombres de raza negra hechos en Cali muestran cómo el prejuicio gana de forma sistemática: no solamente la policía los aborda de forma agresiva y preventiva, sino que siempre hay una mención a la raza: “este negro”, “ese negro tan agresivo, hijueputa”, “negro hijueputa”, “ah, que deje la bulla, negro hijueputa”…

… selon l'Enquête sur la police et l'inégalité réalisée par ce centre, les personnes d'ascendance africaine et les populations autochtones qui croisent la police sont interrogées dans 32 % des cas; pour le reste de la population, le chiffre est de 26 %. Les profils des hommes noirs à Cali montrent comment les préjugés gagnent systématiquement : non seulement la police les approche de manière agressive et suspicieuse, mais il y a toujours une mention de la race: “ce nègre”, “ce nègre tellement agressif, fils-de-p… “, ” oh, arrête de faire du tapage, nègre-fils-de-p…”….

Il y a eu également des avis divergents sur les médias sociaux à propos de la représentation du racisme. Pour Felipe Arias-Escobar, le problème en Colombie est la difficulté à identifier la discrimination dans le pays lorsqu'elle ne correspond pas aux acceptions communes du racisme :

Un grand problème dans le débat sur le racisme en Colombie est que nous ne rencontrons pas de ségrégation “institutionnelle” ou stéréotypée.

D'autres vidéos ont également suscité des controverses. L'une, partagée par l'utilisateur La Cabellera de la Noche, montrait une confrontation entre la police et un groupe de jeunes Afro-Colombiens. Cependant, ce qui attire l'attention plus que le contenu de la vidéo lui-même, ce sont les commentaires qu'elle a générés :

Les réactions à cette vidéo parlent d'elles-mêmes, et il y a des gens qui osent nier que le racisme existe en Colombie, #Journée de l'Afro-Colombianité

Tweets de @NueveYDos: Les Afro-Colombiens sont aussi agressifs, les Afro-Colombiens commettent des crimes, consulter les statistiques de la criminalité en Colombie, vous serez surpris

Recherchez les causes de la criminalité dans la population afro-colombienne [et leur relation avec le manque d’]opportunités dans tous les domaines et vous serez surpris !

La justice ferme sélectivement les yeux

On manque de données sur la situation des personnes d'ascendance africaine dans toute l'Amérique latine et leur relation avec la police et le système judiciaire. Selon le rapport de l'UNICEF intitulé La justice pénale pour les jeunes : situation et perspectives en Amérique latine et dans la Caraïbe(en espagnol, pdf), dans la plupart des pays de la région il n'existe pas de données officielles permettant de mieux appréhender ces discriminations, et le rapport souligne que le nombre limité ou l'absence de données statistiques constitue également une forme de discrimination. Ainsi, en Équateur, au Nicaragua ou au Venezuela, les statistiques qui décrivent la situation sociale des communautés d'ascendance africaine sont rares ou inexistantes, même si la population incarcérée comprend un nombre important de jeunes d'ascendance africaine.

Le rapport indique, aussi, que les politiques de sécurité qui sont souvent défendues par les secteurs les plus conservateurs de la société “dépeignent les adolescents et les jeunes [d'ascendance africaine] comme dangereux [et avec cela] les préjugés racistes s'ajoutent aux vulnérabilités sociales et aux phénomènes tels que les gangs et le trafic de drogue.”

Pour les mouvements qui défendent les droits des personnes d'ascendance africaine, les problèmes de harcèlement de la part de la police, la criminalisation des jeunes et un accès limité à la justice non seulement existent, mais font partie intégrante du racisme structurel dans le système judiciaire. Beaucoup de ces organisations attirent l'attention sur ces inégalités depuis un certain temps, à l’ échelle nationale et internationale.

Parallèlement, les jeunes issus des communautés d'ascendance africaine reçoivent des peines plus sévères ou des mauvais traitements particulièrement graves en prison, comme le montre une étude de Felipe González et Jorge Contesse et un rapport du bureau colombien du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme :

…En centros penitenciarios como la cárcel distrital “La Modelo”, ubicada en Bogotá, los afrodescendientes “carecen incluso de lugar para dormir y se han visto obligados a ocupar, como los más pobres entre los pobres, un intersticio entre dos pabellones (por donde pasan los tubos de agua y desagüe, y los cables de electricidad) […] [Muchos] están en prisión por varios años y su situación revela la falta de una defensa profesional idónea.

…. Dans les établissements correctionnels comme la prison du district “La Modelo”, située à Bogotá, les individus d'ascendance africaine “n'ont même pas de lieu où dormir et se voient obligés d'occuper, comme les plus pauvres des pauvres, l'espace entre deux blocs (où passent tuyaux d'eau et de vidange ainsi que les câbles) […] [Beaucoup d'entre eux] sont en prison depuis plusieurs années et leur situation révèle l'absence d'une défense professionnelle appropriée.