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Des plateformes en ligne pour sauvegarder les multiples langues de l'Angola

vendredi 17 janvier 2014 à 21:08

[Tous les liens mènent à des pages en portugais, sauf mention contraire.]

“En moyenne, une langue disparaît toutes les deux semaines, et l'Afrique est le continent comportant le plus haut risque”, a écrit l'auteur José Eduardo Agualusa dans un article de 2011 sur l'évolution des langues en Angola. Néanmoins, au cours de l'année dernière un certain nombre de plateformes en ligne ont été créées dans le but de protéger les langues nationales de l'Angola.

L'Angola est un pays multilingue [français], avec six langues africaines reconnues comme langues nationales ainsi que le Portugais qui est la langue officielle. En outre, on estime qu'il y a 37 langues et 50 dialectes en usage dans le pays. À la fin d'octobre 2013, le blog Círculo Angolano Intelectual (Cercle Intellectuel Angolais) a rapporté que 30 % de la population angolaise (presque 8,5 millions de personnes) “parlent seulement des langues nationales qui ne sont représentées dans aucun programme éducatif ou social”, ajoutant que :

isto é mais um dos factores que gera exclusão social.

c'est un autre des facteurs qui induisent l'exclusion sociale.

Dans un article [pdf] de Agualusa, publié par Casa das Áfricas, un Institut Culturel pour la Formation et l'Étude des Sociétés Africaines à São Paulo, l'auteur primé envisage une “proposition pour la paix” pour la coexistence des langues nationales avec la langue portugaise (“langue maternelle contre langue d'adoption“) et pose la question :

Porquê que é que em Angola, país de muitas línguas, os escritores apenas utilizam o português?

Pourquoi est-ce que en Angola, un pays de nombreuses langues, les écrivains n'utilisent-ils que le portugais ?

Dans une tentative de contrer le phénomène, diverses initiatives en ligne ont été créées en 2013 par des jeunes qui voient dans les nouvelles technologies un outil pour la promotion et la protection des langues nationales.

 5 formas de fazer perguntas em Kimbundo

Cinq manières de poser des questions en Kimbundo, extrait de la page Facebook d'Evalina, avec permission. 

Un projet, toujours dans sa phase initiale, qui vise à promouvoir l'apprentissage des langues nationales angolaises d'une manière innovante, gratuite et accessible à tous avec un accès à Internet, se nomme Evalina.

Créé en mai 2013 par Joel Epalanga, un responsable de projet des Technologies de l'Information dans le secteur des télécommunications, la raison principale de la création de la plateforme était l'observation selon laquelle il y a un fossé rencontré par beaucoup de jeunes en ce qui concerne les langues nationales. La proposition a été expliquée lors d'un entretien dans le magazine Jovens da Banda :

[para que] os jovens, que hoje em dia gastam boa parte do seu tempo livre na internet, pudessem dedicar algumas horas para aprender um pouco a (sua) língua nacional de preferência.

[afin que] les jeunes, qui de nos jours passent la plupart de leur temps libre sur Internet, puissent dédier quelques heures à apprendre un peu de (leur) langue nationale préférée.

Evalina consiste en une page Facebook où du contenu, telles des incitations à apprendre et des leçons en langues nationales, est partagé. À la date de publication de cet article, la page propose des leçons en umbundu [fr], la deuxième langue la plus parlée après le portugais, et en kimbundo [fr].

En février 2013, une plateforme pour l'argot angolais, Kallun, a déjà fait l'objet d'une note [en français] sur Global Voices. Le projet vise à “créer un espace où l'argot et le language populaire [angolais] sont expliqués afin que tout le monde puisse les comprendre”, et utilise les réseaux sociaux pour promouvoir le partage et l'apprentissage d'une manière informelle. Un autre projet qui se démarque est le Ngola Yetu Dictionary, un dictionnaire et traducteur en ligne pour les langues nationales angolaises”, développé dans le but de renforcer la culture angolaise et d'accroître son usage parmi les jeunes”. Avec un design simple et intuitif pas différent de Google, il fonctionne comme un moteur de recherche entre les langues kilongo, kimbundo, umbundo et portugaise. Le projet utilise Facebook et Twitter pour interagir avec des internautes.

Pour la préservation des langues maternelles

L'importance de l'inclusion de langues nationales dans l'apprentissage est reconnue par des institutions et des universitaires. Mi-juin 2013, le portail angolais Mwelo Weto a publié un entretien avec Daniel Peres Sasuku, un linguiste et conférencier angolais à la Faculté des Arts de l'Université Agostinho Neto, qui se fait l'avocat de la priorisation des langues nationales dans l'apprentissage :

Pensamos, de igual modo que a implementação dessas línguas no ensino é uma forma mais concreta de seu resgate e preservação enquanto patrimônio cultural dos angolanos  

Nous pensons, de la même façon, que l'inclusion de ces langues dans l'apprentissage est un moyen plus concret de les sauver et de les préserver en tant que parts du patrimoine culturel du peuple angolais.

Le Forum Régional pour le Développement des Universités (FORDU) soutient aussi l'idée que les langues nationales devraient être une discipline obligatoire dans les écoles. Sur les recommandations qui ont été faites suite à un débat organisé par le FORDU en avril dernier, 2013, sous le thème “les langues nationales en tant que véritable patrimoine identitaire du peuple angolais”, ceci ressort :

Angola continua uma sociedade plural do ponto de vista das línguas, tradições, cultura (diversidade cultural) tal situação faz de Angola um País rico em cultura, mas precisa política séria de promover as Línguas todas e dar maior grandeza nas Línguas Nacionais, principalmente as mais faladas como Umbundo.

L'Angola continue à être une société plurielle du point de vue de ses langues, traditions et culture (diversité culturelle). Cette situation fait de l'Angola un pays riche en culture, mais des politiques sérieuses sont nécessaires pour promouvoir toutes les langues et donner une plus grande importance aux langues nationales, surtout les plus largement parlées tel l'Umbundo.

Entre 2004 et 2010, une expérimentation a été menée pour introduire sept langues nationales dans une série d'écoles dans le pays. Le Ministère de l'Éducation a déclaré en septembre 2013 qu'il prévoit d'étendre l'apprentissage des langues nationales à toutes les écoles primaires. Un projet de loi sur le “Statut des Langues Nationales en Angola pour promouvoir l'inclusion sociale et renforcer l'unité dans la diversité ethnolinguistique” est dans sa phase finale. Dans le même temps, des artistes – en l'occurence des chanteurs – ont aussi préconisé l'usage des langues nationales dans leurs chansons.

Les “rolezinhos”: l'accès des classes populaires à la culture de consommation en débat au Brésil

vendredi 17 janvier 2014 à 20:28

[tous les liens mènent vers des articles en portugais]

En cette nouvelle année, la polémique sur les “rolezinhos” ["petites virées"] a révélé que, pour une certaine frange de la population brésilienne, tout le monde n'a pas le droit d'accéder aux lieux de consommation. Les “rolezinhos” sont des rendez-vous que les jeunes de banlieue se donnent à travers les réseaux sociaux, pour une virée dans les centres commerciaux de la région métropolitaine de São Paulo.

La définition de rolezinho, c'est draguer beaucoup, se divertir, créer une certaine confusion, mais sans voler. Ces rencontres interrogent la culture de la consommation, la perception des inégalités et la revendication d'accéder à l'espace public fréquenté par la classe moyenne de São Paulo.

Rolezinho (1)

La photo montre les jeunes de banlieue qui se préparent pour le rolezinho. Photo du Blog de Rovai sous licence Creative Commons.

Ce phénomène social est lié à l'augmentation du niveau de vie des classes populaires. Ce qu'il apporte de nouveau c'est qu'il met en évidence la culture propre à ces classes, dont le vocabulaire, les tenues et le comportements célèbrent la lutte pour la reconnaissance. Emicida, le rappeur qui a commencé sa carrière dans la périphérie de São Paulo, a twitté :

Involontairement (ou non) le phénomène est déjà l'une des façons les plus intelligentes de dénoncer le racisme au Brésil.

Dans une vidéo postée sur le site de Estadão, Jefferson Luís, 20 ans, organisateur du rolezinho du Centre Commercial International de Guarulhos [Shopping Internacional de Guarulhos], explique que l'objectif est d'offrir un loisir à ces jeunes discriminés.

“Trouble à l'ordre public” ?

Depuis que 6000 jeunes se sont réunis au Centre Commercial International de Guarulhos le 7 décembre 2013, les rencontres ont été traitées comme un trouble à l'ordre public. Le 14 décembre, 23 personnes ont été arrêtées lors des premiers “rolezinhos”, en raison d'une forte présence policière et alors même qu'aucun vol n'a été constaté. Le Comando SP, canal d'informations sur le trafic routier à São Paulo, a twitté : 

Même sans délits, le “rolezinho” a provoqué la panique et a amené la police au centre commercial de Guarulhos : Un fantasme…

Dans un message transmis via Estadão, le 14 décembre, la Police Militaire a prévenu :

Como tratam-se de ambientes cuja competência pela segurança é privada, a atuação ocorrerá mediante eventual quebra da ordem e acionamento. É importante esclarecer que a PM não pauta sua conduta na repressão pura e simples, mas procura agir de maneira preventiva, atuando para restabelecer a ordem pública quando esta é quebrada, diz a nota.

Comme il s'agit d'environnements dont la responsabilité en matière de sécurité est privée, l'intervention n'aura lieu qu'en cas de signalement d'un éventuel trouble de l'ordre. Il est important de préciser que la police militaire n'oriente pas sa conduite dans la répression pure et simple, mais cherche à agir de manière préventive, afin de rétablir l'ordre public quand celui-ci est mis en cause, dit le message

Le samedi 4 janvier, les portes du Shopping Metrô Tucuruvi, dans la zone nord de São Paulo, se sont fermées avec 3 heures d'avance après que 400 jeunes s'y furent réunis. L'événement a divisé l'opinion sur les réseaux sociaux. Alors que quelques twittos, comme Radical Livre (@RLivre) ont félicité les organisateurs du rolezinho, le considérant comme “un acte politique d'une grande répercussion qui a obligé tout le monde à se remettre en question”, d'autres, comme l'utilisateur Ribocom VS (@advemconstrucao), ont critiqué ce rassemblement de la part “d'une jeunesse qui voit dans la terreur une forme d'amusement”, proférant souvent des commentaires révélateurs d'un profond racisme d'une partie de la population brésilienne.

La journaliste et écrivain Eliane Brum (@brumelianebrum) a écrit sur ce thème un article dans le journal El Pais. Elle décrit la situation comme une criminalisation de la jeunesse pauvre et noire par la classe moyenne et les médias. Elle écrit :

A resposta violenta da administração dos shoppings, das autoridades públicas, da clientela e de parte da mídia demonstra que esses atores decodificaram a entrada da juventude das periferias nos shoppings como uma violência.

La réponse violente de l'administration des centres commerciaux, des autorités publiques, de la clientèle et d'une partie des médias démontre que ces acteurs ont interprété l'entrée de la jeunesse des banlieues dans les centres commerciaux comme une violence.

Le professeur de l'Université Fédérale de São Paulo (Unifesp) Alexandre Barbosa Pereira, auteur d'une recherche sur les manifestations culturelles des banlieues de São Paulo, décrit le “Rolezinho” comme un terme simplement lié à l'idée de loisirs, une revendication du droit de se divertir dans la ville. Dans un entretien accordé à Eliane Brum, le chercheur affirme que :

Os rolezinhos não são protestos contra o shopping ou o consumo, mas afirmações de: Queremos estar no mundo do consumo, nos templos do consumo. Entretanto, por serem jovens pobres de bairros periféricos, negros e pardos em sua maioria, e que ouvem um gênero musical considerado marginal, eles passam a ser vistos e classificados pela maioria dos segmentos da sociedade como bandidos ou marginais.  

Les rolezinhos ne sont pas des manifestations contre le centre commercial ou la consommation, mais des affirmations : “nous voulons faire partie du monde de la consommation, [être] dans les temples de la consommation”. Cependant, parce qu'ils sont de jeunes pauvres des quartiers périphériques, en majorité noirs et métis, et parce qu'ils écoutent un genre musical considéré comme marginal, ils sont mis dans des cases par la majorité des secteurs de la société et considérés comme des bandits ou des marginaux.

La frime est funk

Le mouvement a aussi été associé au “funk de la frime” ["funk da ostentação"], étant donné que les participants des rolezinhos pénètrent dans les centres commerciaux en scandant les paroles de chanteurs des banlieues du littoral et de la région métropolitaine de São Paulo. Leurs phrases évoquant le luxe, l'argent et le plaisir, donnent l'image d'une consommation accessible à la population des périphéries. 

Une de ces idoles est Mc Daleste, un funkeiro assassiné durant un concert à Campinas en juillet 2013. La tendance est expliquée dans le documentaire Funk Ostentação. Le film a été réalisé en 2012 par Konrad Dantas, habitant de la banlieue de Santos. A 23 ans il a abandonné son travail dans une agence de publicité pour ouvrir son agence de production, Kondzilla, responsable d'environ 50 clips de funk et de 50 millions de visualisations.

Pendant ce temps là, de nombreux jeunes utilisent le mot-clé #rolezinho sur Twitter, Facebook et Instagram pour partager des photos de leurs “rolezinhos”.

#Rolezinho au centre commercial en toute tranquillité, manger au McDonald's Brasil, et lol est-ce qu'on va avoir un Eazy club, c'est ça que je veux… 

Renato Rovai, éditeur de la revue Fórum, a écrit sur son blog un texte intitulé “O rolezinho e um Natal na periferia” ["le rolezinho est un Noël en banlieue] où il attire l'attention sur la signification des rolezinhos et lance un appel à la compréhension :

Os rolezinhos que assustam os frequentadores de shopping centers são café pequeno. Sobremesas do que essa garotada passa diariamente. E são apenas um alerta. Um grito de existência. Por enquanto eles só estão pedindo para que se respeite o direito deles à diversão.

Les rolezinhos qui font peur aux clients des centres commerciaux sont du pipi de chat. Une petite douceur comparé à ce que cette génération vit chaque jour. Et ce n'est qu'une alerte. Un cri d'existence. Pour le moment, ils demandent seulement que leur droit à l'amusement soit respecté.

Et il termine:

É bizarro que a gente considere esse apartheid social algo normal.

C'est bizarre que les gens considèrent cet apartheid comme quelque chose de normal.

Pétition aux Philipines contre les restaurants qui servent de la viande de chien

vendredi 17 janvier 2014 à 19:06

Une pétition en ligne circule pour faire pression sur le maire de Baguio pour fermer les restaurants de la ville qui servent de la viande de chien. Baguio est une célèbre destination touristique située au Nord des Philippines :

J'ai récemment appris qu'il y avait à Baguio au moins dix restaurants qui violent ouvertement les lois en servant de la viande de chien.

Je souhaiterais attirer votre attention sur le fait que non seulement le commerce de viande de chien est illégal et extrêmement inhumain, mais aussi qu'il peut entrainer la transmission de la rage.

Nous vous prions de bien vouloir retirer les licences de tous les restaurants qui servent de la viande de chien, rendant ainsi votre ville plus sûre pour les personnes aussi bien que pour les animaux. Et aussi plus acceptable. 

L'Ile Maurice au top des libertés économiques en Afrique

vendredi 17 janvier 2014 à 19:01

the 2013 Index of economic Freedom in Africa via Heritage Foundation - Public Domain

L'Heritage Foundation et le Wall Street journal ont publié le dernier Index de liberté économique, et l'Ile Maurice se place au premier rang parmi les nations africaines. Le pays fait également parti des dix premiers mondiaux. L'index cite les raisons suivantes pour expliquer ce classement prestigieux :

Une règlementation efficace et transparente qui étaie un environnement d'esprit d'entreprise dynamique et soutient un développement économique diversifié.

L'argent ne fait pas le bonheur :Taïwan ouvre la porte aux entreprises chinoises

vendredi 17 janvier 2014 à 11:57
Protest against the Service Trade Agreement in July, 2013. Figure from the coolloud.org. CC: NC.

Une manifestation contre l'Accord sur le Commerce des Services, juillet 2013. Photo de coolloud.org. CC: NC.

[Sauf indication contraire, les liens dirigent vers des pages en chinois]

Les gouvernements taïwanais et chinois ont conclu un certain nombre d'accords bilatéraux de coopération économique depuis 2010, dont le dernier, l'Accord Inter-Détroit sur le Commerce des Services, a été signé en juin 2013. Les négociations entre les deux gouvernements se sont tenues à huis-clos et beaucoup se plaignent des facilités données au continent à l'entrée de capitaux, une menace pour la culture taïwanaise, la liberté d'expression et la sécurité nationale, même si la Chine représente un gigantesque marché pour le monde des affaires taïwanais.

En réponse à ces préoccupations, le groupe civique Democratic Front Against Cross-Strait Trade in Services Agreement (Front démocratique contre l'Accord inter-détroit sur le commerce des services) a mené plusieurs manifestations et convaincu le parlement d'organiser une consultation publique sur le dernier accord signé, sur le Commerce des Services en juin 2013.

La consultation publique a débuté au Parlement en novembre 2013. A ce jour, plus de 14 réunions ont eu lieu et on attend la participation d'autres personnes liées au secteur des services. Cette discussion ouverte a permis au public de prendre conscience des conséquences politiques de la coopération économique. Il est vrai que beaucoup ont repris la discussion sur leurs blogs et sites personnels.

Un accord déséquilibré

En relisant les conditions du dernier accord signé entre Taïwan et la Chine, le professeur Show-Ling Jang qui enseigne l'économie à l'Université Nationale Taïwanaise fait remarquer [pdf] qu'il y a une énorme différence d'échelle entre les économies de chaque pays et que les conditions de l'accord comportent des ‘règles secrètes'. L'accord n'est donc ni juste ni équitable.

中國還有各式各樣的潛規則,讓外國競爭對手無法在中國公平競爭。例如服貿協議明定中國人須擁有股權,未來勢將強迫我國企業進行技術轉移,將智慧財產權交給中國合夥人。

Il y a des tonnes de règles secrètes en Chine et les concurrents ne peuvent pas jouer à armes égales. Par exemple, dans l'Accord sur le Commerce des Services, les [investisseurs étrangers] devront conclure des partenariats et partager leurs avoirs avec leurs partenaires d'affaire sur le continent. De telles dispositions vont obliger nos sociétés à transférer leur technologie et leur propriété intellectuelle à leurs partenaires chinois.

此外,中資來台並非單純商業考量,還夾雜政治戰略目的,我方竟開放攸關國家安全的服務業(如通訊服務業、交通運輸業等), 十分離譜!

Par ailleurs, le capital chinois n'est pas purement commercial quand il entre à Taïwan. Il y a des considérations politiques et stratégiques. Il est scandaleux que le gouvernement taïwanais ait choisi d'ouvrir des services qui touchent à la sécurité nationale, comme les services de communication et de transport [au capital et à l'investissement chinois].

Political satire of the "black box" agreements signed between Taiwan and China governments by etblue

Dessin humoristique sur les accords à huis-clos signés entre les gouvernements taïwanais et chinois, par etblue

La pratique de la censure freine la liberté de parole

Le caractère autoritaire du gouvernement chinois et sa censure de l'expression écrite inquiètent les industries de l'édition de Taïwan. Lors de la consultation publique, de nombreux éditeurs et libraires ont pensé que l'accord finirait par porter atteinte à la liberté d'expression à Taïwan. Par exemple, le propriétaire d'une petite librairie, Shiao-Shiao, fait remarquer que conformément à l'accord, à moins de se soumettre à la censure chinoise, les éditeurs ne verront jamais leurs livres distribués sur le continent chinois :

中國政府對於出版管制嚴格,中國的出版業由國營企業掌握,少數小型出版者也要向國營企業買「書號」,中國不可能開放台灣出版業者進入中國市場。政府在政策上有利財團化經營模式,將影響現行多元的文化環境。

Le gouvernement chinois a un contrôle très strict sur les publications puisque les maisons d'édition chinoises sont toutes des entreprises publiques.  Les quelques éditeurs indépendants qui existent doivent acheter des “numéros de livres” aux entreprises publiques pour éditer leurs livres. Il n'est pas question que le gouvernement chinois autorise les éditeurs taïwanais à pénétrer en Chine. Tandis qu'à Taïwan, la politique du gouvernement favorisant les grosses maisons d'édition, [si l'industrie de l'édition s'ouvre au capital chinois] la diversité culturelle de Taïwan en souffrira.

En fait, comme le dit le metteur en scène de cinéma Hong-Hong, en pénétrant sur le continent chinois, les industries culturelles de Taïwan se sont mises à autocensurer leur travail :

中國並不是自由民主國家。近年來台灣的文化業進入中國之後,已經出現言論自我審查的現象。

La Chine n'est pas un pays libre et démocratique. Ces dernières années, beaucoup de Taïwanais qui travaillent dans les industries liées à la culture ont pénétré le marché chinois, et on constate qu'elles se sont mises à autocensurer leur travail.

Fu-Yi Chou, le Directeur Général de la Fondation Culturelle et du Musée de Laiho, fait une suggestion sur la possibilité d'une dérogation à l'accord pour les industries culturelles:

「文化例外」已成為世界共識:二○○五年,在法國、加拿大主導下,聯合國教科文組織UNESCO通過「文化多樣性公約」。「文化例外」早已是國際周知的事,為何我們的政府完全置之不理?為何文化部也完全沒聲音?那麼又何必談文化立國、文化興國?

“L'exception culturelle” est devenue un consensus international. La France et le Canada ont mené un débat à l'UNESCO et passé la Convention sur la Protection et la Promotion de la Diversité des Expressions Culturelles [fr] en 2005. Alors que “l'exception culturelle” s'applique dans le monde entier, pourquoi notre gouvernement l'ignore-t-il ? Pourquoi le Ministre de la Culture n'en a-t-il pas dit un mot ? Dans ces conditions comment peut-on parler d'une nation qui s'appuie sur sa culture ?

Motivation politique et menaces sécuritaires passent par le commerce

En vérité, les relations entre les affaires et le gouvernement en Chine continentale chinois sont si proches que bien souvent les activités économiques sont intimement liées aux objectifs politiques. Yu-Tsang, ingénieur et blogueur, a suivi les échanges lors de la consultation et exprime sur son blog ses préoccupations quant aux intentions politiques des investisseurs chinois à Taïwan :

如果中國政府考慮到政治利益,對中國企業進行大規模補助,其實還是有可能會有大批中資企業為了政治目的進攻台灣。因此如何避免來自中國政府的補助?這將會是服貿協議很重要的一點。

Si l'on prend en compte les considérations politiques, le gouvernement chinois peut parfaitement subventionner ses entreprises pour investir à Taïwan. En fait, il est fort possible que le principal objectif des entreprises chinoises en s'installant à Taïwan soit politique. Il est donc très important d'éviter des subventions politiques dans nos discussions sur l'Accord du Commerce des Services avec la Chine.

Certains s'inquiètent même du fait que la vie privée et la sécurité nationale puissent être menacées quand les entreprises chinoises pénètreront le marché de l'industrie de l'internet. Le Professeur Ying-Dar Lin de l'Université Nationale de Chiao-Tung avertit le gouvernement taïwanais :

可能會發生設備業者透過後門, 在服務業者不知情的情況下盜取用戶通聯與監聽特定用戶通訊.

Il est possible [pour les agences de renseignements] de créer un accès dérobé aux réseaux qui contourne les fournisseurs d'accès internet pour voler les données des utilisateurs et surveiller les communications d'utilisateurs ciblés.

Spéculations politiques mises à part, l'économie taïwanaise repose principalement sur des petites et moyennes entreprises alors que la contrepartie sur le continent est composée de très grosses entreprises nationales. La différence d'échelle économique rend impossible un jeu à armes égales. Le professeur Show-Ling Jang explique:

我國服務業約有93.5萬家,非知識密集型服務業就占86%;且相較美、日平均每家企業員工15人及8.6人,我國只有4.2人,顯示台灣服務業大都是微型企業。

台灣與中國的語言共通、距離又近,經濟規模及勞動條件卻相差甚大,面臨中國龐大資金、低成本的競爭,將對我國的整體就業市場、薪資所得帶來不利影響……

A Taïwan le secteur des services est composé de 935.000 entreprises. 86 % fournissent des services qui ne demandent pas de qualifications importantes et emploient en moyenne 4,2 personnes. Comparé aux Etats Unis (15 personnes) et au Japon (8,6 personnes), nos entreprises sont très petites.

Les Taïwanais et les Chinois parlent la même langue, et nous sommes proches géologiquement. Cependant, la taille de nos économies et nos conditions de travail respectives sont très différentes. Le gigantesque flux financier et le faible coût du travail en Chine auront un effet négatif sur notre marché du travail et sur la structure des revenus du travail.

Une porte de sortie pour l'immigration

Du fait que l'accord autorise les entreprises chinoises à envoyer à l'étranger certains personnels proportionnellement à leur investissement, certains craignent que cela ne crée une porte de sortie pour l'immigration du continent chinois vers Taïwan. Le Professeur Show-Ling Jang explique que l'accord pourra servir de canal de migration :

法規明定中國企業投資台灣只要二十萬美元以上,即可申請二人來台,且每增加投資五十萬美元,則可申請增加一人,最多不得超過七人。跟各國的技術移民限制相較,台灣的限制明顯寬鬆。[...]由於無專長限制,加以總居留期間無上限,將成變相移民管道。

Selon cet accord, une entreprise chinoise peut envoyer deux personnes à Taïwan si son investissement atteint 200.000 US$, et elle peut envoyer 7 personnes supplémentaires à Taïwan pour un investissement de 500.000 US$ par personne. Comparée à celle de l'immigration qualifiée dans d'autres pays, la réglementation adoptée dans cet accord est très généreuse… Quand on sait qu'il n'y a aucune restriction quant à la qualification ni aucune limite de séjour, cela fonctionne de facto comme un canal de migration.

L'Accord Cadre de Coopération Economique entre Taïwan et la Chine a été signé en juin 2010 [fr], suivi par l'Accord d'Investissement Bilatéral signé en août 2012. Le dernier, l'Accord sur le Commerce des Services, a été signé en juin 2013. Selon une étude en ligne menée par un groupe civique,  Big Citizens Is Watching You, sur 61,6 % des 2.259 personnes interrogées qui ont entendu parler de l'Accord sur le Commerce des Services, plus de 97,5 % désapprouvent, 38,1 % ne connaissent pas l'accord, 0,3 % n'ont pas d'opinion et seulement 1,6 % de ceux qui le connaissent le soutiennent.