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Un Palestinien documente sur Snapchat les périls de la vie sous occupation

lundi 12 juin 2017 à 12:11

Inscription : ‘Danger – zone de tirs, interdit d'entrer.’
Image prise dans une zone désertique de Cisjordanie.

La commémoration par les Palestiniens de 50 ans d'occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza le 5 juin nous rappelle l'angoisse, la détresse et les inimaginables injustices qu'ils doivent subir depuis ce qui ressemble déjà à une éternité.

Elle nous rappelle que l'adversité affrontée par les Palestiniens n'est pas seulement une force agissante qui définit leurs vies quotidiennes et dicte leurs moindres gestes, c'est aussi la lente descente quotidienne vers l'indifférence, voire l'oubli total de la part du monde extérieur. L'article qui suit raconte l'histoire d'un homme palestinien muni d'une caméra et d'un sac à dos, qui essaie de créer une mémoire permanente de ce qui constitue cette adversité. 

Si la plupart des nouvelles provenant des Territoires Occupés évoquent le spectre de l'hostilité ou de la désespérance, il existe un Palestinien de Cisjordanie qui voudrait changer le portrait du territoire, tout en offrant aux gens un aperçu de la riche culture, des fascinantes traditions et de l'histoire glorieuse de cette terre.

Ceux qui regardent ses films n'en voient pas moins la brutalité de l’occupation subie de plein fouet par les habitants de la Cisjordanie. Si certaines de ses excursions se passent plutôt bien, l'aventureux jeune homme rencontre de nombreux et dangereux obstacles en parcourant un environnement qui menace constamment sa vie.

Motasem Ilaiwi est un jeune Palestinien d'une vingtaine d'années, originaire de Naplouse en Cisjordanie.

Ilaiwi s'est gagné une grande attention positive dans la région avec ses vidéos colorées et informatives, qu'il partage sur Snapchat (sous le nom de ps.live), et dans lesquelles il visite les nombreuses pittoresques cités de la Cisjordanie, offre des leçons d'histoire impromptues sur les endroits où il passe, et souligne la résilience des Palestiniens face à la répression.

En dépit du caractère positif de ses vidéos, Ilaiwi insiste aussi sur la rudesse de la maltraitance, la discrimination forcenée, et les méthodes brutales utilisées par les Forces de Défense israéliennes (IDF) contre les habitants de la Cisjordanie.

Le thème central de ses expéditions est la ségrégation institutionnalisée. Dans la vidéo ci-après, Motasem est intercepté par des policiers israéliens parce qu'il marche sur une route réservée – ce qu'il ignorait – aux citoyens israéliens.

Pendant toutes ses vadrouilles, Ilaiwi circule dans l'ombre des IDF, qui ont tué tant de ses compatriotes Palestiniens.

Israël exerce notoirement depuis longtemps un contrôle oppressif sur la Cisjordanie, et applique des mesures discriminatoires contre les citoyens palestiniens, avec des postes de contrôle militaires, des routes séparées pour Palestiniens et Israéliens, et des restrictions d'accès aux commodités de base.

Tandis que les critiques d'Israël estiment que ce système ressemble de façon frappante à l'Afrique du Sud de l'apartheid, l'ancien ambassadeur aux Etats-Unis Michael Oren affirme, lui, que la “large majorité des colons et des Palestiniens choisissent de vivre séparés à cause de leurs différences culturelles et historiques, et pas de la ségrégation…Les routes séparées ont été créées en riposte aux attentats terroristes — pas pour ségréguer les Palestiniens, mais pour sauver les vies juives.”

Ilaiwi passe par le camp de réfugiés d'Aida, à environ deux kilomètres au nord de Bethléhem. Source: Facebook.

En avril 2016, une mère palestinienne de 24 ans et son frère de 16 ans ont été abattus parce qu'ils marchaient sur la voie des véhicules au lieu de celle des piétons. Maram Saleh Abu Ismael se rendait à Jérusalem, elle venait d'obtenir le permis pour entrer dans la ville.

Les soldats de l'IDF leur auraient crié après en hébreu, supposément pour leur ordonner de quitter la chaussée, mais comme Maram ne parlait pas cette langue, elle s'est figée de peur. Les soldats ont réagi en tirant sur elle et sur son frère Ibrahim Taha quand il a couru à son secours.

Les forces d'occupation ont maintenu que Maram, qui s'est vidée de son sang, portait un gilet explosif, mais il a été révélé par la suite qu'elle était enceinte.

Ilaiwi à Hébron. Source: Facebook.

Quand Global Voices a demandé à Motasem quels dangers particuliers il rencontre et comment il s'en prémunit, il a répondu que “provoquer” les soldats israéliens à lui tirer dessus est l'une de ses craintes principales.

Et la ville la plus dangereuse où il s'est rendu ? Sans hésitation, Hébron.

Essentiellement, explique-t-il, à cause de la présence militaire renforcée et de l'hostilité générale des colons israéliens dans la ville. Impossible d'éviter les implantations à Hébron, ajoute-t-il, et il est extrêmement difficile de se frayer un chemin qui ne conduise pas à une rencontre avec les IDF.

Lors d'une de ses visites dans cette ville au sud de Jérusalem, il a trouvé le Caveau des Patriarches, ou Mosquée d'Abraham, bouclé par l'armée israélienne à cause d'une fête juive se déroulant dans le voisinage de la mosquée. Les Israéliens avaient mis la musique à fond, les enfants s'amusaient et les gens dansaient, pendant que les Palestiniens regardaient du haut de leurs terrasses. Ilaiwi grimpa sur une des terrasses pour filmer la scène via Snapchat.

La vidéo présente une juxtaposition affligeante, mais ne fait qu'effleurer la surface des injustices dans la région. La famille qui avait accueilli Ilaiwi chez elle pour qu'il puisse filmer lui a dit avoir reçu le jour même une lettre des IDF leur notifiant qu'ils allaient aussi devoir squatter leur terrasse, dans le cadre de leurs opérations de surveillance.

Hébron connaît une multitude d'agressions de colons contre les Palestiniens, depuis les jets d'ordures et de pierres jusqu'aux voitures-bélier.

L'armée israélienne rejette régulièrement ces affaires, traitées comme des accidents, même lorsque des témoins attestent que la collision semblait délibérée. En avril dernier, Middle East Monitor (MEMO) a rapporté au moins trois incidents de colons-chauffards à Hébron, avec des enfants parmi les victimes. Des incidents qui paraissent renforcer l'affirmation de nombreux critiques qu'Israël jouit d'une ‘culture de l'impunité’.

En août 2016, Israël a provoqué indignation et polémique en annonçant son intention d'étendre les quartiers juifs à Hébron, où vivent environ 30.000 Palestiniens et 1.000 Israéliens.

Une vie d'assiégés

Ilaiwi choisit d'emprunter des routes de montagnes plutôt que les voies principales, et adopte de temps en temps le comportement et l'attirail vestimentaire d'un touriste occidental. Il alterne le port de la casquette, de la casquette à rabat voire du tarbouche, en plus d'un grand sac à dos de campeur. Au contact des soldats israéliens, il parle anglais, convaincu qu'ils peuvent être facilement bernés car beaucoup ne parlent pas cette langue.

D'après un rapport de l'ONG Defence for Children International, 264 enfants palestiniens au total ont été tués par des tirs au hasard des forces israéliennes entre 2000 et 2017, un nombre qui n'inclut pas les victimes de bombardements aériens ou terrestres.

Le rapport 2016/2017 d'Amnesty International sur Israël et les Territoires Occupés a confirmé que les forces israéliennes (agents de sécurité, policiers, soldats) ont tué illégalement au moins 98 Palestiniens en Cisjordanie, huit à Gaza, et trois en Israël. Le plupart de ces victimes, dont des enfants, ne représentaient aucune menace immédiate.

Ilaiwi a déclaré à Global Voices :

Je jure devant Dieu que je n'ai absolument aucun problème avec les Juifs, j'en ai plutôt avec les mentalités qui envisagent le monde uniquement en termes d'armes, de guerre, de vol et de destruction. Très sincèrement, j'ai pitié d'eux plus que je ne les méprise [les forces israéliennes]. Je pense dans mon for intérieur, quelle tristesse que de grandir dans une communauté qui encourage la violence et vomit la haine. Je suis reconnaissant d'être du côté des victimes dans ce contexte, comme je détesterais devoir grandir au milieu d'une mentalité qui justifie et est responsable du meurtre d'enfants et de la destruction d'habitations en toute impunité.

Découvrez la carte la plus complète et la plus à jour des féminicides au Mexique

lundi 12 juin 2017 à 10:51
Pantallazo del Mapa de Feminicidios en México.

Capture d'écran de la Carte des féminicides au Mexique.

La Carte des Féminicides au Mexique (Mapa de Feminicidios en México (MFM) la plus complète et la plus à jour du pays, est une “initiative citoyenne, civique, indépendante et aux données ouvertes qui recense depuis 2016 les féminicides en précisant les identités et les circonstances de chaque cas. A ce jour, elle compte 2.355 cas enregistrés.

Pour qualifier les assassinats de femmes, l’auteur utilise la terminologie pratique du Modèle de Protocole du féminicide de l’ONU, lequel  désigne :

la mort violente de femmes en raison de leur sexe, qu’elle ait lieu au sein de la famille, dans leur foyer, ou dans n’importe quelle autre relation interpersonnelle, qu’elle soit commise dans la communauté par n’importe qui, ou bien qu’elle soit perpétrée ou tolérée par l’État et ses agents, par action ou par omission.

Les sources de l’auteur sont les articles de presse et les communiqués officiels à propos des féminicides, et sa motivation est simple et claire : nommer toutes les femmes et chacune en particulier pour que personne ne les oublie.

Elle utilise le pseudonyme « Princesse » pour cacher son identité, pour des raisons de sécurité. Sa mère a 80 ans, elle est arrivée à Mexico depuis le Zacatecas. C’est une femme travailleuse, religieuse, petite-fille de révolutionnaires, défenseuse des droits des justes et des travailleurs. Elle a sensibilisé sa fille aux  événements de leur communauté.

Princesa a étudié la physique à l’université Autonome de Mexico (UNAM) et elle s’est passionnée pour la sismologie et les tsunamis. En plus de son travail dans le commerce, Princesa a commencé son travail avec les cartes quand elle a colléboré au blog « Nuestra Aparente Rendición » et avec des collectifs numériques qui documentaient les disparitions forcées. Son dévouement et ses connaissances techniques grandirent avec le temps, tout comme son maniement du big data et des outils de systématisation de coordonnées géographiques.

Sur la page Facebook des Cartes, elle reçoit des messages de la presse, de politiques, de législateurs et de personnes intéressées par son travail de documentation. En revanche, les messages les plus importants restent pour elle ceux des familles des víctimes. Voir sur les cartes les noms de leurs filles et l’endroit où elles ont perdu la vie est une forme de reconnaissance qu’elles avaient un nom, qu’elles avaient une histoire et que leur vie avait de la valeur, dit Princesa en se rappelant certains de ces messages.

D'après son auteur,

cette carte sert à rendre visibles les endroits où ils nous tuent, à trouver des modèles d'analyse, étoffer les arguments sur la question, géoréférencer les aides, encourager la prévention et essayer d'éviter les féminicides.

Le travail de Princesa est bénévole, c'est pourquoi son initiative a toujours besoin de soutien. Pour cela, elle a lancé un appel pour collecter des fonds sur le site Generosity by Indiegogo, où elle nous en dit un peu plus sur ses motivations :

[la carte] réunit des informations essentielles pour que les journalistes, les chercheurs, les militants, ceux qui défendent les droits de l'homme, personnes en quête de justice ou décisionnaires comprennent la réalité du féminicide au Mexique. C'est une réalité crue, disséminée et en progression constante.

La communauté Chicas Poderosas soutient l'appel de Princesa :

Une image vaut mille mots et il y a encore mille histoires à raconter. Soutiens la #CartedesFeminicides

Princesa se dit heureuse de faire quelque chose pour les gens. Sa mère et sa sœur sont d'accord ; son père lui demande toujours d'être prudente, mais de ne pas arrêter parce que ça en vaut vraiment la peine.

Un militant birman inculpé de diffamation pour avoir diffusé en direct un spectacle satirique sur l'armée

dimanche 11 juin 2017 à 13:33
Les étudiants jouant une pièce de théâtre jugée diffamatoire par l'armée birmane / Salai Thant Zin / The Irrawaddy

Les étudiants jouant une pièce de théâtre jugée diffamatoire par l'armée birmane / Salai Thant Zin / The Irrawaddy

Cet article de Salai Thant Zin et sa traduction anglaise par Thet Ko Ko proviennent de The Irrawaddy, un site indépendant d'informations au Myanmar (Birmanie). Il est reproduit par Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenus.

Une disposition concernant la diffamation en ligne contenue dans la Loi 2013 sur les télécommunications du Myanmar est utilisée par les institutions publiques, en particulier l'armée birmane, pour harceler les critiques, les journalistes et les militants du pays.

Un responsable local des droits de l'homme dans la province de Pathein a été arrêté le 4 juin 2017 après avoir été inculpé en vertu de l'article 66 (d) de la Loi sur les télécommunications pour avoir diffusé en direct sur Facebook une pièce de théâtre critiquant les affrontements entre les militaires et des groupes ethniques armés.

La police a arrêté U Tun Tun Oo, leader de l'Association des militants des droits de l'homme, pour avoir diffusé une pièce intitulée “We Want No War” (Nous ne voulons pas de guerre) réalisée par des étudiants du secondaire et du premier cycle de l'Université de Pathein lors d'une discussion sur la paix le 9 janvier 2017.

Le personnel du Commandement du Sud-Ouest de l'Armée de Birmanie a porté plainte contre lui au poste de police de Pathein Central en vertu de l'article 34 (d) de la Electronic Transactions Law (Loi sur les transactions électroniques). Mais la police a demandé l'avis juridique préalable des magistrats du canton, qui ont suggéré d'accuser U Tun Tun Oo plutôt sur la base de l'article 66 (d).

U Tun Tun Oo a été jugé lundi par le tribunal de la ville de Pathein.

Neuf étudiants avaient joué la pièce satirique, dans laquelle une agence de presse appelée “Oxygen” interviewait des partisans de la guerre au Myanmar.

“Je l'ai diffusée en direct afin que mes amis puissent la regarder, car mon fils participait à la pièce. Je n'avais pas l'intention de diffamer l'armée “, a t-il déclaré aux médias.

L'armée du Myanmar a également poursuivi pour diffamation les neuf étudiants qui jouaient dans la pièce.

Le tribunal de Pathein a acquitté sept des neuf étudiants, mais a accusé deux autres, Ko Aung Khant Zaw et Ko Myat Thu Htet, qui avaient écrit la pièce. Tous deux encourent toujours un procès.

Depuis la promulgation de la Loi sur les télécommunications en 2013, 67 accusations ont été déposées en vertu de l'article 66 (d), selon un groupe de recherche local dirigé par un ancien prisonnier, Maung Saung Kha, un poète qui a été emprisonné sous la même accusation en 2016.

Le 2 juin 2017, la police a arrêté le rédacteur en chef du journal The Voice Daily, Ko Kyaw Min Swe, et l'éditorialiste attitré Ko Kyaw Zwa Naing, également connu sous son nom de plume British Ko Ko Maung, en vertu de l'article 66 (d) à cause d'un article satirique sur le processus de paix au Myanmar.

Comment ne pas passer six mois horribles en Ouganda

dimanche 11 juin 2017 à 13:18

Et si vous commenciez par avoir un regard plus nuancé sur les gens que vous rencontrez ?

"Nous n'avons pas à être complexes, comme toute autre société."Le centre-ville de Kampala, le soir. PHOTO de Zahara Abdul, utilisée avec la permission

“Il ne nous est pas permis d'être complexes, comme toute autre société.”Le centre-ville de Kampala, le soir. PHOTO de Zahara Abdul, utilisée avec autorisation

De temps en temps, ce type de discussion s'impose à nous. Une discussion qui pourrait se rapporter à beaucoup de ceux qui habitent certaines parties du soi-disant Global South, le Sud du monde.

Habituellement, c'est une de mésaventure dans l'un de ces pays à “gens charmants peuples” et paysages exotiques. Pour moi, il y a un signifiant qui m'alerte ces histoires. Cela arrive quand je me connecte à Facebook et je vois une publication partagée par un ami avec le mot “Eh oui !” qui l'accompagne. En Ouganda, cette petite expression peut contenir l'intégralité des sentiments de quelqu'un à propos de quelque chose. Alors, quand j'ai vu la réponse “Eh oui !” se rapportant à une récente histoire rapportée par le journal canadien The Globe and Mail, je n'ai pu m'empêcher de cliquer.

Dans l'article intitulé My travels in Uganda, like life, were not as perfect as the pictures (Mes voyages en Ouganda, comme la vie, n'ont pas été aussi parfaits que les photos), c'est une jeune femme venue en Ouganda pour participer à un projet de microfinance et qui a fini par vivre six mois d'horreur, ce qui lui enseigne que le monde n'est pas plein que de gens sympas.

Laissons de côté l'idée selon laquelle les images des médias sociaux ne reflètent pas nécessairement la vie des gens, cette “correspondance spéciale” d'une certaine Justina Li “met à nu” surtout l'aspect sauvage de la vie à Kampala. Son récit comporte un vol à main armée, un chauffeur de bus qui part avec son argent, et toutes sortes de fausses amitiés. Elle s'est sentie personnellement ciblée à cause de sa couleur de peau et décrit la discrimination qu'elle a éprouvée en conséquence. S'il est vrai que toutes ces choses se produisent en Ouganda – comme dans d'autres parties du monde – Mme Li raconte ces anecdotes avec une touche de mélodrame que The Globe and Mail semble partager pour satisfaire le goût de son public.

L'auteure se rend ensuite au Rwanda et décrit une peur qu'elle a ressentie à la frontière, sans déterminer d'où lui venait celle-ci. On vous pardonnera de penser à la frontière entre l'Ouganda et le Rwanda et la peur de Mme Li d'être détenue, comme à une scène extraite de l'Amérique de Trump ou encore plus de la Forteresse Europe. Nulle part dans son récit, elle n'interroge l'origine de craintes, d'autant plus que l'on n'a jamais entendu parler d'arrestations de voyageurs à cette frontière.

Depuis longtemps Binyavanga Wainaina rappelle que lorsqu'on écrit sur l'Afrique, on ne devrait pas oublier de mentionner la beauté des enfants et des paysages. Et l'article de Mme Li répond bien à cette exigence, en mentionnant “une extraordinaire randonnée dans la jungle et un beau coucher de soleil”.

Capture d'écran de l'article de Justina Li dans Globe and Mail.

“L'Ouganda est un beau pays avec des gens charmants et de belles histoires. Mais Justina Li s'est aperçue que ce n'est qu'une partie du tableau.” Capture d'écran de l'article de Justina Li dans The Globe and Mail.

Elle décrit plus tard, cependant, qu'elle “avait hâte de s'intégrer”. Elle ne pouvait passer inaperçue dans la communauté locale”. Déclaration extraordinaire, je trouve. Cela suppose que l'on peut arriver du Canada, partir sur les routes en Ouganda et voilà, “on est intégré”. Elle raconte ses tentatives “d'intégration, comme par exemple porter une robe locale et être “coiffée à l'africaine”, mais elle s'étonne que ces choses ne lui confèrent pas assez de crédibilité pour augmenter son sentiment d'appartenance – quelque chose qui prend du temps, beaucoup de travail, de compréhension et de compromis dans de nombreux cas, en plus d'un certain degré de confort dans sa propre peau.

“Je suis allée dans un nouveau pays, croyant que la majorité des gens dans le monde étaient dignes de confiance, avec de bonnes intentions. Je suis repartie, vaincue”, écrit Mme Li. Désolée, mais vous avez parcouru des milliers de kilomètres pour vous rendre dans un autre pays où 77 % de la population a moins de 30 ans et connaît plus de 22 % de chômage chez les jeunes, pour un stage dans un projet de microfinance. En fait, pour les 15-24 ans, le taux de chômage est de 83 %. Vous êtes vous demandé pourquoi ce stage vous a été donné à vous, et non à l'un des milliers de jeunes Ougandais à la recherche d'opportunités?

Tout au long de l'article, je me suis posé un tas de questions. Mme Li a-t-elle jamais pensé que les gens qui l'entouraient pouvaient faire face à des préoccupations semblables aux siennes ? S'est-elle simplement demandé ce qu'elle leur apportait ? Pourquoi attend-elle que nous lui servions sur un plateau d'argent des opportunités et des connaissances ? A-t-elle évalué sa propre place dans le contexte, par exemple pourquoi une “bénévole” a été envoyée dans une partie du monde pour acquérir des compétences à la place de plus de 2 000 autres personnes qui auraient pu utiliser la même opportunité ? Un peu de recherche sur l'endroit ne l'aurait-il pas aidée ? Et n'y avait-il personne avec qui elle travaille dont elle se souvienne du nom ? Peut-être la dame qui lui servait les repas, comme elle soutient qu'elle mangeait seule ? Quelqu'un qui l'a accueillie au bureau du projet de microfinance les premiers jours ? N'a-t-elle eu aucun geste de gentillesse tout au long de son séjour en Ouganda qui vaille la peine d'être mentionné ? Ou peut-être qu'elle est devenue de ces spécialistes de l'Afrique qu'on voit se pointer partout en raison de leur “bonne compréhension des autres cultures” acquise lors d'un bref séjour dans la “patrie” ?

Pour vous aider à répondre à ces questions, je vous invite à jeter un coup d’œil à la publicationYour White Savior Complex is detrimental to my development” (Votre complexe de savant blanc est préjudiciable à mon développement) par TMS Ruge. Ruge dit que son surnom est “Educated Angry African” (Intellectuel Africain enragé), et je suppose que j'en suis une aussi. Vous opérez dans ce complexe indépendamment de votre appartenance ethnique. Oui, vous avez vécu des moments horribles, mais je vous suggère de lire attentivement The Reductive Seduction of Other People’s Problems (La séduction réductrice des problèmes des autres peuples) de Courtney Martin pour comprendre pourquoi.

La correspondance de Mme Li se termine par une note familière. Après avoir mis de côté ses mésaventures avec les méchants Ougandais, elle conclut son article avec cette phrase: “L'Ouganda est un beau pays avec de belles personnes avec des histoires incroyables qui m'ont donné tant d'opportunités”. Pourtant, l'article n'a jamais parlé de ces “belles” personnes “, ni de leurs histoires incroyables. Et en plus d'être “beau”, ce qui est une affirmation trop commune utilisée par les étrangers qui préfèrent éviter de parler des réalités, nous ne sommes jamais autorisés à être différents. Nous ne sommes pas autorisés à être complexes, comme toute autre société. N'est-ce pas une vision d'un peuple qui tourne entre beau, d'une part, et horrible de l'autre, aux dépens du développement que vous prétendez venir ici nous enseigner ? On espère que Mme Li y réfléchira.

Au Madhya Pradesh, un nouveau festival fait revivre une culture en danger

vendredi 9 juin 2017 à 20:45

Le festival de Rani Kajal Mata, capture d'écran de YouTube.

Cet article, écrit par Sangeeta Rane, a initialement été publié sur Video Volunteers, une organisation internationale primée, centrée sur les médias communautaires et basée en Inde. Une version éditée est publiée ci-dessous dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Des milliers de personnes se sont rassemblées dans le village de Verwada pour célébrer le nouveau festival du Madhya Pradesh : le festival de Rani Kajal Mata, une ancienne déité autochtone. Cette déité, un rocher sacré, est la gardienne de la tribu Pata du district de Barwani, le plus au nord de l'état et voisin du Rajasthan.

Ce festival honore la déesse et le mode de vie indigène. Il fut organisé pour la première fois par l'association à but non lucratif Jagrit Adivasi Dalt Sangathan, qui œuvre pour le bien-être des populations adivasi (tribales). Une foule de plus de cinq mille autochtones est arrivée des districts de la région pour se joindre aux célébrations. Rani Kajal Mata est la protectrice d'une ancienne tribu du Madhya Pradesh, c'est à elle que ces communautés adressent leurs prières en période de troubles.

Pourquoi les résidents tribaux de Barwani en appellent-ils aujourd'hui à leur déesse ? “Nous avons perdu nos racines. Notre eau et nos forêts sont en train de disparaître”, explique Bilatibai, du village de Verwada. Les craintes de Bilatibai et de sa communauté sont valides et appuyées par une étude qui place Barwani parmi les districts “fortement vulnérables” au changement climatique, en particulier en ce qui concerne l'accès à l'eau. 14.69 % des cent quatre millions d'Adivasis indiens vivent au Madhya Pradesh.

Barwani est avant tout un district tribal et est situé dans la vallée où coule le fleuve Narmada. D'importantes portions de terres et de forêts ont été submergées par le barrage de Sardar Sarovar, l'un des plus hauts du monde. Ainsi ce rapport affirme que plusieurs villages forestiers tribaux ont été entièrement submergés sous les eaux de la Narmada, déplaçant les communautés locales et détruisant la couverture végétale de cette zone aride. L'étude démontre également que les barrages le long de la rivière ont rendu l'eau stagnante et saline, perturbant le processus naturel grâce auquel les sédiments fertiles sont déposés sur les rives. L'eau saline et alcaline est impropre à l'irrigation et a rendu les champs stériles : les tribus de la région, dont l'activité principale est l'agriculture, en ont été sévèrement affectées.

Pawan Solanki, correspondant communautaire de Video Volunteers et dont la propre famille tribale a été délogée des rives de la Narmada, explique :

Our culture worships nature and its elements as divine. Over the time, we’ve replaced these gods with others and have forgotten the importance of nature in our lives. But we depend on the environment for food, livelihood and shelter.

Dans notre culture, la nature et ses éléments sont divins. Avec le temps, nous avons remplacé ces dieux par d'autres et nous avons oublié l'importance de la nature dans nos vies. Mais nous dépendons de l'environnement pour notre nourriture, notre subsistance et notre logement.

Pawan Solanki a tourné ce reportage vidéo pour Video Volunteers :

Selon le reportage de Pawan, les Adivasi considèrent Rani Kajal Mata comme leur protectrice, prient la déesse de les protéger et lui posent des questions sur leurs problèmes.

En invoquant Rani Kajal Mata pendant le festival, les anciens des tribus de Barwani veulent rappeler aux jeunes générations leur dépendance à la nature et leur besoin de la protéger. Ils tentent également de raviver la lutte pour regagner de l'eau, de la forêt et des terres (jal, jungle, zamin).

Our ancestors could bring water to dry land by singing. A choki (ritual) could end a pandemic disease. These simple ways kept our communities happy.

Nos ancêtres pouvaient apporter de l'eau vers des terres sèches en chantant. Un choki (rituel) pouvait arrêter une épidémie. Ces modes de vie simples ont rendu nos communautés heureuses.

Les craintes de ces communautés quant à l'environnement se sont avérées prémonitoires : appauvries et rendues vulnérables, elles ont payé le prix de la dégradation de l'environnement et de l'appauvrissement des ressources naturelles.

Les anciens voient leurs moyens de subsistance drainés et leur identité érodée par l'impact de ces dégradations. Ces communautés sont enfermées dans un cercle vicieux de famine et d'endettement, en conséquence de quoi les membres des jeunes générations sont obligés de migrer à travers le pays, ne trouvant souvent que des emplois dangereux et mal payés. La migration elle-même a dilué leur identité tribale individuelle et a aliéné ces gens de leurs modes de vie durables.

“À cause des migrations, nos frères et sœurs vont dans les villes et perdent la fierté de leur identité personnelle. Ils imaginent qu'être issu d'une tribu est être inférieur”, explique Pawan. Le festival célèbre cette identité unique à travers les arts et la culture; les participants racontent des histoires qui reflètent l'histoire orale générationnelle, et invoquent l'ancienne déesse par des prières.

Le rassemblement sert également de point de rencontre pour les milliers d'habitants des villages du district de Barwani qui se battent pour leurs droits au sein du mouvement écologique et social Narmada Bachao Andolan [Mouvement pour sauver la Narmada]. “Les gens viennent pour trois jours. Ils se réunissent et discutent de nouvelles stratégies, apprennent les uns des autres de nouvelles solutions et se tiennent au courant du progrès général”, dit Pawan. Bien que les anciens y aient été actifs, l'intérêt des plus jeunes dans ce mouvement se tarit. Pawan pense que ce festival peut être un moyen d'attirer plus de jeunes gens à joindre le combat de leur communauté pour protéger et préserver l'environnement, et donc leur propre identité.

Les correspondants communautaires de Video Volunteers sont originaires de communautés indiennes marginalisées et produisent des reportages sur des événements non-médiatisés. Ces reportages sont des “actualités racontées par leur protagonistes”. Ils offrent une vision ultra-locale des défis liés aux droits de l'homme et au développement mondial.