PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

A Cuba, les villages fantômes de la désindustrialisation

mercredi 3 mai 2017 à 11:12
Bajo la Tarea Álvaro Reynoso cerrarían sus puertas casi un centenar de ingenios en toda Cuba (Foto: Julio Batista)

La procédure Tarea Álvaro Reynoso  pourrait faire fermer près de cent moulins à canne à sucre dans tout Cuba (Photo: Julio Batista)

Au Conseil populaire Gregorio Arleé Mañalich, dans la province occidentale de Mayabeque de Cuba, on l'appelle la sucrerie, mais là-bas on ne parle même plus de la zafra, la récolte de la canne. Il y a douze ans, la sucrerie a cessé son activité. Après l'arrêt d'activité il y a eu le démantèlement. L'usine est partie peu à peu en morceaux jusqu'à ce qu'il ne reste plus que la seule carcasse d'acier.

272 salariés ont dû trouver une solution. Certains ont changé de travail, d'autres se sont résignés à se déplacer quotidiennement jusqu'aux autres raffineries qui continuaient à moudre la canne.

Pour Nene, un vieux soudeur qui se lève tous les jours à l'aube, la zafra ne l'empêche pas de dormir. Mais on lui a dit qu'en Oriente, il y a des moulins qui recommenceront à fonctionner après une longue période d'inactivité, parce qu'ils les ont maintenus en état.

Cela lui a ôté le sommeil.

A Mañalich, Nene se rappelle parfaitement qu'ils ont dit qu'ils conserveraient la sucrerie. Et ils ne l'ont pas fait.

Contre l'industrie sucrière cubaine se sont acharnées les épidémies, l'effondrement du camp socialiste, les bas prix des marchés, l'inefficacité, les mauvaises décisions administratives et le changement climatique.

En 2016, la production a été de 1,6 millions de tonnes de sucre, un niveau inférieur à celui de 1910. La nouvelle, des dizaines d'années en arrière, aurait désespéré la population. Mais l'échec de la récolte, aujourd'hui, n'intéresse plus personne.

Pourquoi l'industrie sucrière cubaine a-t-elle été démantelée ?

El viejo apeadero del batey ya vio pasar sus mejores tiempos (Foto: Julio Batista)

Le vieil aiguillage du batey a connu des jours meilleurs (Photo: Julio Batista)

La restructuration de l'industrie sucrière était une nécessité économique : 155 sucreries, technologiquement en retard et peu compétitives, c'était insoutenable pour le pays. La recette initiale consistait à concentrer la production dans ceux qui étaient les plus rentables, avec une limite de 4 millions de tonnes par an.

N'auraient été gardées que les usines capables de produire du sucre à un coût de 4 centavos la livre, ou moins. La solution au chômage : les études.

Les raisons de telles mesures étaient la faible productivité des champs de canne et la crise mondiale du sucre.

Cependant, le prix du sucre a commencé à se redresser depuis plus de dix ans.

A partir de 2017 et jusqu'en 2025, le prix du sucre non raffiné devrait se stabiliser à 15 ou 16 centavos par livre, selon l'édition 2016 des “perspectives agricoles de l'OCDE-FAO”.

Si la production de 2001 du pays avait été maintenue (3,6 millions de tonnes), les exportations de sucre brut auraient rapporté environ 815 millions de dollars.

Tout n'allait pas bien

“Aujourd'hui deviendra sûrement un jour historique”, tels ont été les premiers mots du président cubain Fidel Castro lors de son discours du 21 octobre 2002 à la sucrerie Lavandero. C'est ainsi qu'a commencé le processus de restructuration de l'industrie sucrière.

Les années suivantes, 98 usines ont été arrêtées et plus de 65 000 personnes ont reçu leur salaire intégral pour aller étudier. Cela a été le tour de la sucrerie Gregorio Arleé Mañalich le 14 mai 2004.

Luis Alberto Pérez travaillait là-bas depuis 1967. Quand Nene – comme tout le monde l'appelle – parle de la fermeture de la sucrerie, le mot qu'il répète le plus est “tromperie”.

Presque toutes les personnes interrogées disent la même chose : on ne leur a jamais dit que la sucrerie serait démantelée. Pour conserver le lieu, une équipe de travail est restée à temps complet.

Avant la fin de la première année de la fermeture, des lettres ont commencé à arriver. C'étaient des documents rédigés de façon officielle où juste changeaient le nom des pièces qui seraient enlevées, le destinataire et la date. Toutes les lettres étaient signées par Ulises Rosales del Toro, car seul le ministre pouvait autoriser chaque extraction. Par la suite, la responsabilité a été déléguée et les lettres arrivaient plus souvent.

Juan Carlos Rivero a été pendant deux ans à la tête de l'usine paralysée. Il a été un de ceux qui a reçu les lettres. “Le pays n'avait pas d'argent pour acheter les produits ou les pièces de rechange pour les autres moulins qui eux fonctionnaient”, confirme-t-il.

Eddy Reyes a 64 ans et attend l'âge de la retraite dans un autre moulin, qui s'appelle Boris Luis Santa Coloma. Contre sa volonté, il a démonté les installations qu'il avait réalisées auparavant. A chaque pièce qu'il arrachait, il démontait 31 ans de sa vie.

La conséquence directe de la fermeture d'une centaine de moulins à canne à sucre a été le même nombre de collectifs avec des ingénieurs et des mécaniciens qui d'un jour à l'autre n'avaient plus d'usine à faire marcher ou réparer.

On a supprimé la branche industrielle la mieux déployée à Cuba et la plus grande source d'emploi du pays. Dans beaucoup de cas, il n'a pas été créé de substituts en terme d'emploi et de services comme ceux que généraient les moulins pour les communautés où elles étaient implantées.

Nous ne saurons jamais si lors du discours fleuve du 21 octobre 2002, le président cubain a perçu les physionomies de ses auditeurs quand il a assuré que dans les moulins qui avaient cessé de moudre cinq ans auparavant, tout allait bien.

Le coût humain de la fermeture des sucreries

Después de 2004, en Mañalich solo se exprime caña en una guarapera (Foto: Julio Batista)

Après 2004, à Mañalich, on extrait le sucre de canne uniquement dans la guarapera (!e kiosque à boissons) (Photo: Julio Batista)

Deux ans après, le Conseil populaire Gregorio Arleé Mañalich apprendrait que quand une sucrerie ferme, beaucoup de choses changent mais presque jamais en mieux.

Quand le moulin a fermé, ou plus précisément, quand on a commencé à le démolir, on a également cessé d'asphalter la route et les services ont décliné.

Sans travail au village et trop âgés pour étudier, Nene et Eddy ont dû aller dans d'autres sucreries. Ils se sont reconvertis en pièces de rechange. Sans d'autre avenir que l'isolement, beaucoup de jeunes sont aussi partis définitivement.

Dans le batey, campement où vivent les employés de la canne à sucre à Cuba, ils ont créé une usine de pâtes alimentaires dont les nouilles n'alimentent même pas le village. Les bribes du moulin qui restaient au fond de la nouvelle installation restent imposantes.

Fin 2016, Nene est retourné du moulin Boris Luis Santa Coloma aux ruines du site où il a commencé à travailler. Quarante-neuf zafras lui ont permis de s'enterrer à Mañalich avec plus de 2 000 pesos en chèque.

Nene – noir, petit, avec peu de dents et une voix claire – n'est pas un homme rancunier, mais il ne pardonnera jamais qu'on lui ait menti. Le mal-être le ronge depuis dix ans.

Nene, à 65 ans, prend sa retraite non pas parce qu'il manque de force, mais parce qu'il est amer.

*Cet article est un extrait exclusif pour Global Voices. Vous pouvez consulter la version originale, “Usines de silence” sur ce lien et lire d'autres articles de Julio Batista sur ce lien.

Classement mondial de la liberté de la presse : Taiwan en tête des pays asiatiques tandis que Hong Kong perd quatre places

mercredi 3 mai 2017 à 09:30

Image tirée du Classement 2017 de Reporters sans frontières.

Cet article de Kris Cheng a initialement été publié sur le site de Hong Kong Free Press le 26 avril 2017. Il est reproduit sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenus.

L’édition 2017 du Classement mondial de la liberté de la presse publié chaque année par l'organisation Reporters Sans Frontières (RSF) révèle que Hong Kong a chuté de quatre places.

Ce classement examine la situation de la liberté de la presse dans 180 pays et régions. Hong Kong occupe le 73e rang, tandis que la Chine demeure à la 176e place. Taïwan a gagné 6 places pour arriver en 45e position – le meilleur élève de la région asiatique.

Selon l’ONG, Hong Kong pourrait être en train d’expérimenter « le début de la fin d’ “un pays, deux systèmes” », un principe mis en place par la Chine afin de garantir l’autonomie de la ville.

Benjamin Ismaïl, le responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF, a déclaré que les exemples démontrant l’érosion de la liberté de la presse dans l'archipel hongkongais en 2016 ne manquaient pas. Il explique à Hong Kong Free Press :

Many free speech and human rights groups have condemned the broadcasting by several outlets of the forced confessions of Hong Kong booksellers arrested in China.

De nombreux groupes de défense de la liberté d’expression et des droits de l'homme ont condamné la diffusion par plusieurs médias des confessions forcées des libraires hongkongais arrêtés en Chine.

Selon lui, l’on a également pu observer des changements de ligne éditoriale au sein de médias tels que le journal anglophone South China Morning Post, racheté par le géant de l’Internet chinois Alibaba. Il ajoute :

Several Hong Kong citizens contacted us to inform us of censorship of their comments on the media’s website and the absence of [a] clear explanation.

De nombreux citoyens de Hong Kong nous ont fait part de la censure de leurs commentaires sur le site du journal sans qu’aucune explication claire ne soit donnée.

Il note également que les autorités ont limité l’accès de certains médias en ligne aux évènements et conférences de presse organisés par le gouvernement :

The fact that digital media, such as Hong Kong Free Press, are considered ‘2nd class media’ and face discrimination in terms of accreditation also shows the difficulties for independent journalists to work freely.

Le fait que des médias en ligne, tels que Hong Kong Free Press, soient considérés comme des « médias de seconde classe » et soient confrontés à de la discrimination en termes d’accréditation illustre également les difficultés que rencontrent les journalistes indépendants qui tentent de travailler en toute liberté.

Manifestation en faveur de la liberté de la presse, 2016. Photo: Hong Kong Free Press.

« L’autocensure est généralisée »

Pour établir son classement annuel, Reporters Sans Frontières compile des données récoltées grâce à un questionnaire s’adressant à des professionnels de médias, des avocats et des sociologues. Les thématiques abordées par le questionnaire sont le pluralisme, l’indépendance des médias, l’environnement et l’autocensure, le cadre légal, la transparence et la qualité des infrastructures soutenant la production de l’information.

L’ONG basée à Paris évoque des incidents au cours desquels certains journalistes hongkongais réputés pour leur ton critique, notamment ceux du tabloïd Apple Daily, ont été confrontés à des actes de violence perpétrés par « des sbires du Parti communiste chinois ».

Benjamin Ismaïl ajoute :

Self-censorship is also rampant, and the index is also a reflection of the perception of press freedom by local journalists […] A majority have expressed an increasing pressure which results in deliberate self-censorship.

L’autocensure est généralisée, et le classement reflète également la perception de la liberté de la presse par les journalistes locaux […] Une majorité d’entre eux ont déclaré ressentir une pression grandissante aboutissant à une autocensure délibérée.

Au début du mois d’avril, RSF a annoncé l’ouverture de son premier bureau asiatique à Taïwan, après avoir écarté Hong Kong au motif que la Chine posait une « menace trop importante » à la liberté de la presse.

Cédric Alviani, le directeur du bureau de Taipei, a déclaré que ce nouveau bureau permettrait de mieux soutenir la lutte de Hong Kong pour la liberté de la presse. Il explique cette décision à Hong Kong Free Press :

In Hong Kong, we might be under surveillance, we might have pressure on the staff. […] Nobody is 100 per cent safe… But for our central office that is covering seven countries… it wouldn’t be a safe choice to have chosen Hong Kong.

We think we can bring more support by not [being] directly exposed.

A Hong Kong, nous aurions pu être sous surveillance, faire l’objet de pressions. […] Personne ne peut être 100% en sécurité… Mais pour ce bureau central couvrant 7 pays, Hong Kong n’aurait pas été un choix sûr.

Nous pensons pouvoir fournir un soutien plus efficace en n'étant pas directement exposés.

Cédric Alviani précise également que la bonne note de Taïwan au sein du Classement 2017 n’est pas forcément imputable aux améliorations qu'a connu le pays récemment, mais plutôt au fait que le déclin mondial de la situation de la liberté de la presse a relativement épargné Taïwan.

Il souligne :

Taiwan also has problems of government officials trying to interfere with the work of the state-owned media […] Taiwan also has the problem of mainland China interfering more and more into the editorial line of some of the private [corporate] media.

Les autorités taïwanaises ont déjà interféré dans la ligne éditoriale des médias publics […] Taïwan souffre également de l’influence croissante de la Chine continentale sur la ligne éditoriale des médias privés.

Il salue néanmoins les « beaux » progrès de Taïwan en matière de liberté de la presse.

Un des hommes les plus publics d'Ethiopie meurt dans la solitude

mardi 2 mai 2017 à 23:29
Capture d'écran du programme spécial sur M. Assefa Chabo 25 avril 2017 partagée par la chaîne YouTube officielle de la télévision éthiopienne

Capture d'écran de l'émission spéciale conscrée à Assefa Chabo 25 avril 2017, source image : chaîne YouTube officielle de la télévision éthiopienne

Assefa Chabo, un écrivain qui symbolise le mouvement politique éthiopien des années 1970 et la répression qui l'a suivi, est décédé le 23 avril en exil. Il avait 73 ans.

Il a vécu une vie publique mais dans la solitude. Un de ses amis a déclaré lui avoir parlé pour la dernière fois au téléphone deux semaines auparavant. Le 20 avril, Birtukan Mideksa, une femme politique éthiopienne en exil et une de ses connaissances, a dit à ses amis qu'il ne l'avait pas appelée depuis un moment. Quand elle lui a téléphoné, il n'a pas répondu.

La dernière publication sur sa page Facebook, qui accueillait habituellement ses textes, date du 3 avril.

Inquiète de cette interruption soudaine de ses habitudes, Mme Birtukan l'a appelé sans relâche. Son téléphone a sonné plusieurs fois, mais sans réponse. Elle a continué à appeler anxieusement jusqu'à ce qu'une réponse bouleversante vienne d'une infirmière, disant qu'il était dans l'unité de soins intensifs de l'hôpital Parkland à Dallas, au Texas. On a appris qu'il s'était présenté lui-même à l'hôpital pour une pathologie non précisée.

Sa mort a été annoncée sur Facebook par son ami Yared Tibebu.

Assefa était diplômé de l'Université d'Addis-Abeba. Parmi ses contemporains, il était apprécié à la fois comme écrivain et comme membre de la génération des révolutionnaires éthiopiens des années 1960 qui ont entamé la lutte pour se libérer de la répression politique.

Dans les années 1980, pendant la dictature militaire de Mengistu Hailemariam, ses écrits l'ont amené à passer 12 années difficiles dans les cachots d'Addis-Abeba comme prisonnier politique.

En 1991, il a été libéré de la prison lorsque le régime politique actuel a triomphé dans la guerre civile. Après cela, il a brièvement servi dans le gouvernement provisoire éthiopien mais ses rapports avec les nouveaux détenteurs du pouvoir se sont vite aigris. En 1993, il a quitté l'Éthiopie pour de bon, et vivait depuis plus de deux décennies aux États-Unis.

Assefa, qui laisse quatre enfants, était également un célèbre avocat dont l'instinct politique et les écrits ont inspiré les générations plus jeunes. Cependant, à la fin de sa vie, il a souffert dans la solitude de la lumière pâle de l'exil.

Les circonstances de sa mort ont suscité de la compassion et des souhaits respectueux de paix à son âme au sein de la diaspora éthiopienne, mais il n'est en aucun cas le premier écrivain éthiopien à mourir en exil.

Photo de la couverture du livre de M. Assefa

Photo de la couverture du livre d’ Assefa

Depuis la révolution éthiopienne de 1974, une longue liste d’Éthiopiens de haut niveau qui ont consacré leur vie au service public sont morts en exil. Le grand poète, traducteur et dramaturge Tsegaye Gebre-Medhin est décédé en 2006 après avoir quitté l’Éthiopie pour New York en 1998.

Gebre Kristos Desta, considéré comme le père de l'art moderne éthiopien, est mort à Lawton, en Oklahoma. Il a été obligé de quitter l'Éthiopie en 1978, d'abord pour le Kenya, puis pour l'Allemagne, enfin pour les États-Unis où il a obtenu l'asile politique mais où il est décédé en 1981.

Mulgeta Lul, la figure la plus célèbre du journalisme éthiopien, est décédé en exil à Washington en 2015. Tesfaye Lemma, sans doute la personnalité la plus importante de la musique éthiopienne, a subi un sort semblable :il a été contraint à l'exil aux États-Unis, où il a établi le centre culturel éthiopien dans le District de Columbia, avant d'y mourir.

Ce ne sont là que quelques exemples : de nombreux autres Éthiopiens qui étaient du côté des perdants dans les luttes politiques du pays ont été forcés de vivre et mourir en exil.

Assefa a joué un rôle de premier plan pendant et après le mouvement étudiant éthiopien des années 1970, non seulement par ses écrits mais aussi par l'organisation de divers groupes politiques. Il a mené une vie isolée après avoir été forcé à s'exiler, mais il correspondait régulièrement avec des journaux en Éthiopie. Il a écrit sur ce qu'il appelait “Ethiopie – Notre Maison Commune” avec l'obsession d'un écrivain coupé de sa patrie.

Extrait de YouTube Channel of Addis Vision

Extrait de YouTube Chaîne d'Addis Vision

En 2016, il a publié une anthologie de ses articles. Il a écrit des lettres ouvertes au gouvernement éthiopien et a rassemblé des partisans sur Facebook lors des récentes manifestations dans le pays.

Les amis de M. Assefa disent qu'il avait toujours souhaité retourner dans sa maison d'enfance à Chencha, un village du sud de Éthiopie. Les membres de la diaspora éthiopienne dans la région de Dallas et ses amis qui ont appris sa mort ont organisé une collecte de fonds en ligne à travers gofundme pour réaliser ce souhait. Les fonds obtenus ont permis d'envoyer son corps à son dernier lieu de repos.

Dans la mort d'Assefa se retrouve la tristesse de l'exil, quelque chose d'à la fois profondément individuel et politique.

Le Brésil connaît sa plus grande grève depuis 1996

mardi 2 mai 2017 à 11:21

Le plus grand rassemblement était à Largo da Batata au centre-ville de São Paulo. Photo: Ricardo Stuckert, publiée avec permission.

Vendredi dernier, des millions de travailleurs ont fait grève au Brésil contre les réformes visant à affaiblir les lois sur le travail et les pensions que veut mettre en place le gouvernement conservateur de Michel Temer, successeur depuis un an de la présidente Dilma Rousseff an après une procédure controversée de destitution.

Les transports publics ont été en partie fermés dans la plupart des capitales d’États, y compris la plus grande du pays, São Paulo. Les salariés des banques et de l’industrie pétrolière, les enseignants et fonctionnaires sont parmi les principaux groupes à arrêter le travail pendant 24 heures, à partir de minuit, vendredi 28 avril, sous la direction des militants de la société civile et des syndicats, qui ont aussi tenu des manifestations publiques.

Contrairement aux autres mouvements de protestation qui se sont produits à maintes reprises au Brésil pendant les trois dernières années, ces manifestations ont aussi eu lieu dans des petites villes et les banlieues défavorisées des grandes villes. Les manifestants ont bloqué certains des ponts, routes, aéroports et terminaux les plus importants depuis tôt le matin. Beaucoup de gens disaient que cela ressemblait à un dimanche ou un jour férié.

La dernière fois que le pays a connu une grève générale de cette ampleur était en 1996, quand le Brésil avait un autre président pro-austérité. Sur Twitter, les hashtags #GreveGeral et #BrasilEmGreve ont été très utilisés pendant toute la journée du vendredi.

Des manifestants à Belo Horizonte, la quatrième plus grande ville du Brésil.. Photo: Mídia Ninja CC BY-SA 2.0

La semaine précédente, la Chambre des Députés du Brésil avait approuvé des réformes du travail allongeant la semaine de travail de 44 à 48 heures, réduisant les sanctions pour les entreprises qui licencient, et rendraient plus difficile pour les salariés de poursuivre leurs employeurs en justice.

Le projet de loi fait partie d’une série de réformes hâtivement proposées par Temer, qui dispose d'une majorité législative importante, ainsi que du soutien de la part du milieu des affaires, en dépit de la chute de sa popularité. Un sondage récent d’Ipsos a estimé sa cote de popularité à un minuscule 4%. Les autres projets de loi été adoptés incluent un gel des dépenses publiques et des changements législatifs qui réduisent les restrictions sur la sous-traitance. Dans les prochaines semaines, il est probable que le Congrès votera des réformes majeures des retraites.

Le gouvernement affirme que les réformes sont nécessaires pour traiter l’énorme déficit public budgétaire du Brésil, et elles avaient déjà été annoncées à la fin de 2015 par le parti centriste PMDB dans un document titré « Pont vers l’avenir ». Le plan a été publié un peu avant que le parti mette fin à son alliance de douze ans avec le Parti des Travailleurs – une rupture cruciale qui a permis au Congrès d’inculper Dilma Rousseff facilement en avril 2016.  Rousseff avait été élue avec 54% des voix en octobre 2014 sur un programme très différent, ce qui a depuis soulevé des questions sur la légitimité des nouvelles réformes du gouvernement.

L'interminable scandale de corruption, où étaient impliqués plusieurs dirigeants des partis et Temer, intensifie aussi le mécontentement populaire et laisse le pays dans un état d’incertitude jusqu’aux élections générales en 2018. Temer lui-même sera probablement déclaré inéligible, car il a été reconnu coupable d’avoir violé les lois électorales en 2014, et donc ses contempteurs ont souligné qu'il n’est pratiquement plus responsable devant les futurs électeurs, alors qu’il met en pratique un programme largement impopulaire.

Une manifestation à São Paulo, Zone Sud, tôt le matin. Photo: Mídia Ninja CC BY-SA 2.0

Beaucoup de gens n’étaient pas en faveur de cette grève générale. Les groupes conservateurs comme Movimento Brasil Livre et Vem pra Rua, qui étaient en première ligne des manifestations pro-impeachment en 2015 et 2016 et qui soutiennent les réformes d’austérité, disent que la grève et les manifestations ne sont qu’une action politique de la part du Parti des Travailleurs. Les deux groupes ont commencé des campagnes sur les réseaux sociaux appelant les grévistes à arrêter la grève et reprendre le travail, alors que le Movimento Brasil Livre, qui souvent emploie une rhétorique plus agressive, a qualifié les manifestants de « terroristes ».

Une manifestante à São Paulo. Photo: Mídia Ninja CC BY-SA 2.0

La police a utilisé des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc pour disperser certaines manifestations, alors que d’autres pas été perturbées. À São Paulo, la police a interpelé 16 militants du Mouvement des Sans Toit, qui défend le logement social et est aujourd’hui peut-être le plus grand mouvement social du Brésil. Ils ont été accusés de « collaboration criminelle » d’après certaines informations.

À Rio de Janeiro, la police a dispersé une grande foule de manifestants en début de soirée.

Un peloton de choc de la PM se dirige vers les manifestants au Centre de Rio

Si la plupart des manifestations ont été dispersées, le plus grand rassemblement a eu lieu dans la soirée du vendredi au centre-ville de São Paulo, et les manifestants se sont dirigés vers la résidence de Michel Temer à proximité.

Une manifestation dans la ville de Salvador. Photo Mídia Ninja CC BY-SA 2.0

Des manifestations plus limitées de solidarité ont eu lieu dans certaines capitales européennes, dont Berlin.

Manifestation de la diaspora brésilienne à Berlin en soutien de la grève nationale

Le Kremlin s'inquiète que les agressions de leaders d'opposition accroissent leur popularité

lundi 1 mai 2017 à 21:53

Source : Alexei Navalny, Twitter

Quelques jours après que le leader de l'opposition et candidat à la présidence Alexeï Navalny s'est à nouveau fait asperger d'antiseptique en vert en route pour une intervention à Moscou, le site d'informations Gazeta.ru a rapporté que le Kremlin a donné instruction aux autorités régionales de sévir dorénavant contre de telles agressions.

Gazeta.ru cite une source au Kremlin disant que les agressions contre Navalny et d'autres opposants avec l'antiseptique “vert brillant”—appelé “zelyonka” en russe—font de la publicité gratuite à l'opposition et contribuent à améliorer son image dans tout le pays. “En réalité, ces attaques ne font qu'accroître leur popularité”. Les autorités de maintien de l'ordre sont encouragées à réprimer les agressions et à punir leurs auteurs, a indiqué cette source.

Une publicité pour Alexeï Navalny

Navalny a été hospitalisé jeudi après qu'un agresseur a déversé de la zelyonka sur lui devant son bureau de Moscou. Dimanche, il a écrit sur son site web qu'il soigne toujours son œil droit, aspergé pendant l'attaque, et qu'il craint de perdre une partie de sa vision. 

Les attaques à la zelyonka se sont tellement multipliées ces derniers mois que le vert brillant est devenu la couleur officieuse de la campagne présidentielle 2018 de Navalny et plus largement de l'opposition anti-Poutine. Les sympathisants de Navalny se sont peint le visage de vert en signe de solidarité, et s'efforcent de rebondir sur les attaques pour mobiliser des volontaires.

Selon une source de Gazeta.ru, une récente agression contre le blogueur populaire Ilia Varlamov dans la cité méridionale de Stavropol le 26 avril a été “la goutte qui a fait déborder le vase”. Depuis, les autorités de maintien de l'ordre ont mis la main sur cinq agresseurs—Varlamov lui, dit qu'ils étaient dix.

Salut tout le monde !

Les agressions ne paraissent pas pour autant marquer le pas. Hier, c'est le populaire blogueur de Samara Tema Izgaguine qui a été agressé par des individus.

Hier à Ekaterinbourg, des voyous ont suivi Tema Izgaguine quand il a quitté une manifestation anti-Poutine, l'ont coincé et arrosé d'antiseptique.

Navalny a écrit dimanche sur son blog que le Kremlin était derrière les agressions contre sa personne, accusation catégoriquement rejetée par les sources de Gazeta.ru. L'article de Gazeta.ru met cependant en question l'idée que les agresseurs puissent agir sur instructions des autorités locales ou régionales. En particulier, une source a attiré l'attention sur le fait que beaucoup d'auteurs identifiés proviennent de régions voisines des lieux de leurs forfaits, ce qui fait penser à une coordination centralisée.

Une autre source, de son côté, a dit croire que les agresseurs agissaient indépendamment et par conviction sincère que Navalny et d'autres opposants nuisaient à l’État.

L'Administration Présidentielle ignore qui a lancé de la zelyonka dans les yeux de Navalny.

L'inquiétude du Kremlin que les attaques améliorent l'image de l'opposition coïncident avec une montée en popularité de Navalny : près de 100.000 bénévoles se sont inscrits pour œuvrer à sa campagne électorale, montrant que son mouvement politique pourrait être plus populaire que beaucoup ne le pensaient jusqu'ici.

Nombre d'adhérents des partis :
Russie Unie ~2 millions
Communistes ~150.000
Parti Libéral-Démocrate de Russie ~180.000
Russie Juste ~410.000
Iabloko ~50.000

Bénévoles inscrits de Navalny : ~95.000

A n'en pas douter, le message anti-corruption de Navalny est de plus en plus vendeur chez les Russes. Le 26 mars, c'est par dizaines de milliers que les gens ont rejoint les manifestations anti-corruption organisées à l'échelle nationale par Navalny, le mouvement anti-gouvernemental le plus vaste en Russie depuis 2011-2012.