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Le baobab et le moringa, deux «super-aliments» aux multiples bienfaits

samedi 14 mai 2016 à 17:31
The Sindri village (Kongoussi area) Baobab fruit called Monkey Bread and by the locals theodo, Burkina Faso. Photo by Flickr user CIFOR. CC-BY-NC-SA 2.0

Le fruit du baobab dans le village de Sindri (zone de Kongoussi), est appelé pain de singe et Teodo par les habitants, Burkina Faso. Photo du compte Flickr de CIFOR. CC-BY-NC-SA 2.0.

Cet article de Rachel Cernansky est initialement paru sur Ensia.com, un magazine qui met en lumière des solutions environnementales concrètes, et est reproduit ici dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

On a parfois l'impression qu'il ne se passe pas une semaine aux Etats-Unis sans qu'un nouvel engouement pour des aliments sains ne surgisse — engouement qui retombe souvent aussi vite qu'il est apparu. Deux produits en plein essor en ce moment méritent cependant que l'on s'y intéresse de plus près : le baobab et le moringa. Ces aliments, consommés traditionnellement dans une partie de l'Afrique (et, dans le cas du moringa, également en Asie), pourraient non seulement renforcer les économies locales, mais aussi encourager la conservation et la séquestration du carbone.

De manière récurrente, lorsque le monde découvre un «aliment» jusque-là consommé par une petite partie des habitants de la planète, la demande globale s'accroît et la production passe d'une exploitation durable à petite échelle à un système de monoculture extensif. Dans certains cas, cela finit par causer des ravages sur les écosystèmes locaux et laisse augurer de difficultés économiques pour les producteurs sur place et l'approvisionnement en produits locaux.

Toutefois, des chercheurs affirment que, dans le cas du baobab et du moringa, l'augmentation de la demande mondiale donne accès pour les agriculteurs à un marché fiable pour les récoltes qu'ils ne parvenaient souvent pas à vendre auparavant — et cela rend également service à l'environnement. Ces arbres sont présents depuis longtemps dans le régime alimentaire de nombreuses cultures, mais ils poussaient dans les étendues sauvages et on ne les a pas considérés comme des espèces commercialisables, ce qui a peu incité les agriculteurs à en planter. Les choses sont en train de changer.

Et même si les bénéfices réels pour l'environnement des baobabs et moringas plantés ne sont pour l'instant pas connus, nous savons en revanche que les arbres contribuent à améliorer la structure et la fertilité du sol — parfois de manière si significative que les rendements des autres récoltes augmentent aussi — et qu'ils protègent les écosystèmes hydriques en filtrant les polluants, en limitant l'écoulement d'eau et, dans certaines zones, en réduisant les conséquences de la salinisation via une diminution de la surface libre des nappes phréatiques [NdT la surface libre correspond au niveau supérieur atteint par l'eau dans une nappe phréatique]. En plus de cela, ces arbres protègent aussi les abeilles et autre pollinisateurs, améliorent la qualité de l'air et le stockage du carbone.

Les observateurs espèrent que le baobab et le moringa — s'ils finissent par générer, et alimenter, les bénéfices économiques et écologiques attendus — ouvriront la voie à un modèle de chaîne d'approvisionnement durable qui pourra être appliqué également à d'autres productions agricoles.

L'arbre de vie

Le baobab est considéré par beaucoup comme l'une des plantes africaines les plus emblématiques : il pousse sur une bonne partie du continent et possède une apparence à part avec son large tronc majestueux et ses branches qui ressemblent plus aux racines d'un arbre s'élevant vers le ciel. Capable de vivre plus d'une centaine d'années, le baobab est connu sous le nom d’ « arbre de vie » pour ses nombreux usages, y compris alimentaires et médicaux ; son fruit de la taille d'une papaye est gorgé de nutriments — plus de vitamine C qu'une orange, plus de calcium que le lait, et des minéraux, dont du magnésium, du potassium et du fer — et ses feuilles sont mangées sous forme de légumes dans une partie de l'Afrique de l'Ouest.

Cependant, malgré sa réputation d'être l'un des arbres les plus importants du continent, les chercheurs s'inquiètent de son avenir. Peu de gens cultivent le baobab à dessein car ils n'en ont jamais eu besoin, mais la déforestation et les évolutions dans l'utilisation de la terre, y compris le développement de l'industrie et du tourisme, ont réduit les populations sauvages.

Selon Stepha McMullin, chercheure en sciences sociales au Centre mondial d'agroforesterie (ICRAF) situé à Nairobi, « les gens ne connaissent pas forcément toutes ses vertus, alors ils peuvent faire le choix de le couper, et cela représente des milliers d'années de croissance [qui disparaissent]. »

Les chercheurs de l'ICRAF estiment comme d'autres qu'il faudra beaucoup de temps pour intégrer les agriculteurs dans le jeu de la conservation et aller vers la sauvegarde de ces arbres uniques dans le futur, et c'est là où le marché mondial intervient. Les cultures destinées à l'export ou même à des marchés régionaux plus importants atteignent généralement des prix beaucoup plus élevés que les cultures vendues sur les marchés locaux ; la plupart des petits producteurs choisissent donc davantage de cultiver des pommes ou des mangues, qui ont plus de succès sur le plan commercial, que des cultures autochtones comme le baobab. Mais lorsque le prix qu'ils peuvent toucher pour le fruit du baobab grimpe, les agriculteurs cessent de couper les arbres mais au contraire les préservent  — et commencent même à en planter de nouveaux.

PhytoTrade, une association professionnelle basée au Botswana qui représente des entreprises d'Afrique australe, est l'une des organisations qui travaillent à l'importation du fruit du baobab et d'autres produits agricoles en Europe, tout en ayant à l'esprit la conservation des espèces végétales. L'objectif de l'association est de contribuer à la préservation de la biodiversité locale en développant le commerce et en créant des chaînes d'approvisionnement éthiques et durables qui incorporent le baobab à des produits allant de la crème glacée aux barres de céréales.

Au fur et à mesure que le marché du baobab s'est accru, PhytoTrade a vu des producteurs — dont l'immense majorité sont des agricultrices qui possèdent de petites exploitations — installer des pépinières et mettre en place un dispositif d'observation des arbres dans les forêts autochtones du Malawi, de Mozambique, du Zimbabwe et d'Afrique du Sud. Le marché en hausse encourage aussi les programmes comme celui des Gardiens du baobab basé en Afrique du Sud, dans lequel des femmes issues du monde rural mettent en terre de jeunes plants de baobabs et en prennent soin puis sont payées lorsque les arbres dépassent le stade des plantules.

L'importance du choix

Le moringa, qui pousse dans les régions tropicales de l'Afrique de l'Ouest à l'Inde en passant par les Caraïbes, a une histoire similaire à raconter — même s'il s'agit d'un arbre extrêmement différent doté d'un tronc fin et élancé, aux feuilles d'un vert vif, qui comporte des taux élevés de nutriments et antioxydants, et des cosses allongées (le fruit de l'arbre) qui sont utilisées depuis longtemps dans la cuisine indienne. L'une des sociétés qui enregistre une croissance particulièrement élevée parmi celles qui commercialisent des produits à base de feuilles de moringa aux Etats-Unis a été fondée avec l'intention explicite d'améliorer les moyens de subsistance des petits agriculteurs, notamment les femmes, qui cultivent le moringa dans des zones fortement déboisées qui pourraient bénéficier des arbres fraîchement plantés.

Fondatrice et PDG de Kuli Kuli, Lisa Curtis a commencé à importer en 2013 du moringa issu de coopératives agricoles gérées par des femmes au Ghana. L'entreprise a depuis étendu ses sources d'approvisionnement à Haïti et plus récemment au Nicaragua. Sa présence ainsi que les bénéfices potentiels à long terme de la plantation de moringas pourraient favoriser la reforestation à Haïti alors que, chose inquiétante, la couverture forestière n'occupait plus récemment que moins de 2 pour cent du territoire— un objectif pour lequel le pays, les Nations unies et d'autres organisations ont dépensé des millions, et dont bien des lignes d'action se sont révélées intenables sur le long terme. D'après Curtis, le problème rencontré par la plantation d'autres espèces d'arbres est que « si l'arbre n'a pas d'utilité avérée pour la population, il prend plus de valeur en tant que charbon de bois qu'en tant qu'arbre, et il est donc abattu. »

Le moringa n'est pas le premier arbre présent dans l'alimentation humaine que les agriculteurs sont incités à cultiver à Haïti et ailleurs, mais il pourrait permettre d'engranger des profits particulièrement importants. Il possède une forte teneur non seulement en vitamines et en minéraux y compris en fer, mais aussi en protéines, et sa culture comporte peu de difficultés pour les agriculteurs. Le moringa s'adapte bien à différents types de sols, il résiste à la sécheresse et aux maladies — et, élément décisif pour les agriculteurs pauvres, sa croissance est rapide et ses feuilles prêtes à être récoltées quelques mois à peine après avoir semé les graines.

« J'emploie rarement le mot “miracle”, mais je suis prêt à faire une exception pour le moringa, » déclare Hugh Locke, président de la Smallholder Farmers Alliance, qui travaille avec des coopératives agricoles pour améliorer l'alimentation et participer à la reforestation à Haïti. « Non seulement il possède ces qualités nutritionnelles uniques — uniques dans l'ensemble du règne végétal — mais il nécessite très peu d'humidité et de nutriments. Et le truc passe de l'état de graine à celui d'un arbre de 13 pieds en un an. Donc, on n'a pas à attendre pour réaliser un retour sur investissement après avoir planté l'arbre. »

La teneur élevée en nutriments du moringa pose la question de savoir s'il devrait constituer un aliment de base pour les familles qui le cultivent plutôt qu'être exporté. Curtis révèle qu'elle est confrontée à cette question en permanence, et estime qu'il s'agit d'une préoccupation légitime, mais elle fait remarquer que, dans de nombreuses régions, les gens n'en consomment de toute façon pas de façon régulière. Son point de vue sur le sujet est que les étrangers qui veulent voir se concrétiser les effets bénéfiques du moringa peuvent soit recommander aux habitants d'en manger parce que c'est bon pour eux, soit créer un marché fiable pour leurs récoltes dans l'espoir de donner aux populations locales les moyens d'améliorer leur propre alimentation d'autres façons. Pour Curtis, « l'une de ces options est beaucoup plus attirante que l'autre. »

Certains observateurs pensent même que cette tension serait l'un des arguments majeurs en faveur de la création d'un marché d'exportation dès le début : Le succès du moringa ailleurs dans le monde pourrait avoir pour effet d'accroître la consommation locale — mais aussi les rations alimentaires par la suite.

Jef Fahey, directeur du Centre Cullman de chimioprotection à l'université John Hopkins, étudie le moringa depuis vingt ans. Il note que dans le sud de l'Asie et en Afrique, « il est soit trop répandu pour être réellement valorisé, soit consommé à certains endroits en période de disette,et bien sûr ce type d'aliments est regardé avec mépris. » Selon Fahey, créer un marché d'exportation « serait susceptible de rendre [le moringa] plus attractif aux yeux des populations locales, qui pourraient porter un nouveau regard sur lui et se montrer plus disposées à l'utiliser — plutôt que de l'ignorer ou d'en faire des piquets de clôture et du bois de chauffage. »

Cela pourrait être profondément bénéfique pour les personnes qui souffrent de malnutrition. Une étude a par exemple démontré qu’ajouter du moringa au porridge serait à même d'aider les enfants sous-alimentés à prendre du poids et à se remettre plus rapidement de leurs carences alimentaires.

Lorsque le moringa est transformé en « super aliment » occidental, ses effets sur la santé sont cependant moins clairs, prévient Mark Olson, professeur en biologie évolutive à l'UNAM (l'université nationale du Mexique) et l'un des plus éminents chercheurs sur le moringa dans le monde.

Selon lui, « Plus un produit est proche d'un légume frais et s'éloigne d'un complément factice ou d'un médicament, mieux c'est, » et il met particulièrement en garde contre les extraits et concentrés, qu'il considère comme « potentiellement dangereux » et « totalement non évalués. » Le chercheur conseille plutôt aux gens de faire leurs courses dans une épicerie exotique pour acheter des feuilles fraîches ou surgelées.

Risque environnemental

En dépit des promesses qu'offrent ces cultures, la demande grandissante pour le baobab et le moringa présente aussi des risques pour les écosystèmes. Ramni Jamnadass, qui dirige un projet de recherche sur les arbres à l'ICRAF, relève qu'il est impossible d'évaluer la durabilité ou l'échelle des techniques de récolte actuelles en raison du trop faible nombre de recherches effectuées sur l'immense majorité des cultures locales, dont le baobab. Quant au moringa, il se reproduit si facilement et grandit si vite qu'il est parfois perçu comme une espèce invasive. Comme les recherches sont là aussi rares, rien ne permet réellement de dire si cela devrait être considéré comme un réel sujet d'inquiétude.

En outre, malgré la vision optimiste proposée par Curtis et Fahey, inciter les gens à vendre leur récolte à l'exportation plutôt que d'en retirer eux-mêmes les bénéfices sur le plan nutritionnel continue d'interroger. Pour McMullin de l'ICRAF, « il faut être très attentif à ne pas causer du tort, quand on fait la promotion [d'une plante] pour son marché potentiel, en particulier le marché mondial. Dès lors que tu produis quelque chose qui possède une valeur économique élevée, cela devient inaccessible pour les communautés qui peuvent aussi en bénéficier, notamment d'un point de vue nutritionnel. »

Certains craignent également que, avec l'augmentation de la demande, la production commence à se rapprocher de la monoculture — qui peut avoir de nombreux impacts sur l'environnement, y compris celui de porter atteinte aux récoltes elles-mêmes. Ancien directeur de recherche à l'ICRAF, Roger Leakey explique que les cultures indigènes sont naturellement résistantes aux maladies et pesticides locaux en partie grâce à l'écosystème diversifié dans lequel elles grandissent. Il observe qu’ « il y a déjà tous ces insectes et autres petites bêtes, qui dans la nature ne feraient que les grignoter — mais qui, s'ils se retrouvent soudain devant ce gigantesque festin, se multiplieront et dévoreront la récolte entière. Nous devons donc bien nous assurer que, si nous commençons à vendre ces produits sur le marché international, les gens comprennent ce type de risques. Nous devons réfléchir très attentivement à la manière dont nous les cultiverions. »

Olson convient que le moringa serait en mesure de faire face à ces risques — comme n'importe quelle plante. Il évoque « le casse-tête agricole mondial » et la véritable interrogation porte selon lui sur sur les priorités au niveau mondial. « Nous devons décider de ce que nous voulons en tant que société. Voulons-nous une production très élevée à court terme, ou voulons-nous miser sur ce qui d'après nous apportera de la stabilité sur le long terme ? Et cela ne concerne pas seulement le moringa. »

Dans le même temps, les défenseurs d'autres cultures agricoles cherchent aussi à encourager la croissance des arbres par le biais d'une ouverture aux marchés internationaux. Le maté, une boisson traditionnelle que l'on trouve dans différentes lieux d'Amérique du Sud, est produit à partir des feuilles d'un arbre sacré sud-américain (la yerba mate) qui est maintenant prisé dans certains pays occidentaux. Cet arbre pousse dans des régions naturellement riches en biodiversité et des entreprises l'utilisent pour encourager les populations locales à protéger la forêt native ou reboiser les zones touchées par la déforestation. Alice Muchugi, responsable de la banque de gènes de l'ICRAF, affirme que beaucoup d'autres aliments traditionnels d'Afrique et du monde entier gagneraient à être présents sur le marché mondial — le tamarin, le safou, l'orange de singe (Strychnos cocculoides) et le jujube (Ziziphus mauritiana) pour ne nommer que ceux-là.

Pour Jamnadass, l'un des défis les plus pressants est d'obtenir des financements pour étudier les effets bénéfiques des arbres, les techniques de culture, et les menaces auxquelles sont confrontés les arbres, et pour nouer des partenariats avec les agriculteurs — car les donateurs sont souvent attirés par les cultures à croissance plus rapide.

D'après la chercheure, « les arbres vont prendre leur temps … pour grandir. Mais alors ils sont là pour très, très longtemps. »

Rachel Cernansky est journaliste indépendante. Ses articles portent sur l'environnement et en particulier sur les problématiques liées à l'eau, la poussière de charbon et l'agriculture durable, mais ils abordent aussi les questions d'immigration et du trafic d'êtres humains dans différentes publications dont le New York Times, National Geographic News, Grist et Smithsonian.com. Originaire de New York, Rachel Cernansky vit maintenant à Denver. Son compte Twitter est @rachelcernansky.

En Gambie, la police aurait tiré à balles réelles lors d'une répression sanglante de manifestations

vendredi 13 mai 2016 à 22:14
Capture d'écran d'images de militants blessés publiée sur Twitter par un journaliste gambien @ freejobe39.

Capture d'écran d'images de militants blessés publiée sur Twitter par un journaliste gambien @ freejobe39.

Les autorités de Gambie, une petite nation ouest-africaine, ont tiré à balles réelles pour disperser des manifestations pacifiques, selon des participants et des journalistes.

Une force para-militaire appelée Police Intervention Unit (Unité d'intervention de la police) (PIU) aurait battu des manifestants, arrêtant d'autres personnes pour essayer de briser les manifestations de soutien au chef de l'opposition en détention, Ousainou Darboe. Une vidéo amateur partagée sur les médias sociaux montre des agents de police en train de frapper des gens tandis qu'on entend des bruits sourds – présentés comme des coups de feu.

Maintenant, des tirs à balles réelles !

Les manifestants revenaient d'une audience du tribunal dans le procès de M. Darboe et des membres du parti United Democratic Party (UDP), qui ont été arrêtés le 16 avril – un autre jour où les autorités auraient utilisé des balles réelles.

preuve de coups de feu en Gambie

M. Darboe avait pris l'initiative d'organiser des manifestations, suite aux informations selon lesquelles M. Ebrima Solo Sandeng, le chef de la jeunesse de l'UDP et deux autres membres de ce parti étaient morts en garde à vue. M. Sandeng et les autres manifestaient 48 heures plus tôt pour exiger des réformes électorales et la démission du Président Yahya Jammeh, qui est au pouvoir depuis 1994.

Les rassemblements ont continué même après l'arrestation de M. Darboe. Les utilisateurs de Twitter ont partagé des images de t-shirts des manifestants tachés de sang après la répression la plus récente :

Preuves d'agression en #Gambia En hausse!

Gros affrontements entre manifestants et policiers armés sur l'avenue Kairaba, des manifestants blessés

En avril 2000, les forces de sécurité gambiennes avaient ouvert le feu sur des étudiants qui manifestaient, tuant jusqu'à 14 personnes dont un journaliste et un volontaire de la Croix – Rouge. Avec cette journée noire à l'esprit, les militants et les organisations des droits humains demandent à la communauté internationale d'agir pour protéger les droits des personnes à se réunir et à organiser des manifestations pacifiques :

Appel à la communauté internationale

Le 5 mai, un juge de la haute cour a refusé à M. Darboe et 19 autres militants la liberté sous caution au nom de la sécurité nationale et de la nécessité d'empêcher la fuite des prévenus. Le jugement a été ajourné au 16 mai 2016.

Ouganda : La campagne de défiance de l'opposition ne sera pas télévisée

vendredi 13 mai 2016 à 20:35
Les entreprises de médias électroniques en Ouganda comme celle-ci, Voice of Tooro FM, pourraient perdre leur licence de pour avoir diffusé la campagne de défi de l'opposition. Photo Creative Commons (CC BY 2.0) par la Mission américaine en Ouganda.

Les entreprises de médias électroniques en Ouganda comme celle-ci, Voice of Tooro FM, pourraient perdre leur licence pour avoir diffusé la “campagne de défiance” de l'opposition. Photo Creative Commons (CC BY 2.0) par la Mission américaine en Ouganda.

Moins d'une semaine après que la célébration en Ouganda de la Journée mondiale de la liberté de la presse, le ministre de l'Information et de l'orientation nationale Jim Katugugu Muhwezi a interdit aux entreprises de presse de couvrir les manifestations de l'opposition, que leurs organisateurs qualifient de «campagne de défiance». Les manifestations sont organisées par Kizza Besigye, leader du Forum pour le changement démocratique (FDC), principal parti d'opposition du pays.

S'adressant aux membres de la presse, le ministre a déclaré que l'interdiction de la couverture en direct des activités du FDC serait appliquée par la Commission des communications de l'Ouganda, ainsi que par la police, et que tous les médias électroniques couvrant la campagne de l'opposition allaient perdre leurs licences de radiodiffusion. Il n'a rien dit à propos de la couverture par la presse écrite.

Le directeur exécutif de la Commission ougandaise des communications, Godfrey Mutabazi, a mis en garde les utilisateurs de médias sociaux en ces termes : “L'interdiction pourrait être étendue aux médias sociaux, si ceux-ci étaient utilisés comme un outil alternatif de propagation de [la] campagne de défiance.”

Pendant ce temps, les organisateurs de la campagne de défiance envisagent d'utiliser les prières hebdomadaires et les manifestations publiques pour exiger une vérification indépendante des résultats de l'élection présidentielle 2016. L'élection controversée qui a eu lieu le 18 février, a vu le Président Yoweri Museveni gagner son cinquième mandat avec 60,75 % des voix, tandis que Kizza Besigye remportait 35 %. M. Besigye et ses partisans affirment que l'élection a été truquée. Les observateurs internationaux et les groupes des droits humains ont également critiqué le processus électoral.

Un tribunal ougandais a statué que la campagne de défiance était illégale. Le tribunal a jugé que l'organisation de la campagne de défiance dans le but d'obtenir le contrôle du gouvernement était une violation de la Constitution ougandaise. Il convient de noter que l'objectif de la campagne n'est pas directement de renverser le gouvernement, mais plutôt de contester les résultats des élections par des manifestations publiques. L’ Uganda Law Society a critiqué la décision, en faisant valoir que le tribunal n'a entendu que l'une des parties intéressées, c'est-à-dire le procureur général. Le FDC a dit qu'il ne respecterait l'ordonnance du tribunal.

La blogosphère ougandaise a réagi à l'interdiction en utilisant deux hashtags Twitter, #PressBan (interdiction de la presse) et #UgandaMediaGag (Bâillonnement des médias en Ouganda).

Certains utilisateurs de Twitter ont souligné l'ironie du moment choisi pour l'interdiction, tandis que d'autres étaient impatients de voir la réaction de la presse :

Sur les talons de la Journée mondiale de la liberté de la presse, Bâillonnement des médias en Ouganda. Ironie

Impatient de voir comment les médias vont réagir à ce Bâillonnement des médias en Ouganda. Vont-ils s'interdire la couverture des activités du gouv/parti au pouvoir ?

D'autres se sont simplement moqués de la décision du gouvernement:

Vous avez le droit de garder le silence. Vos tweets peuvent être utilisés contre vous dans les tribunaux.

Se référant à la menace du ministre adressée aux journalistes en ligne, cet utilisateur de Twitter a écrit :

ils viennent juste d'apprennent les mots ‘journaliste numérique’. Le ridicule des menaces d'hommes de la brousse

Enfin, la mission des États-Unis en Ouganda a été sidérée par la mesure :

Les citoyens ougandais devraient pouvoir décider eux-mêmes quelles sont les informations à utiliser pour faire des choix éclairés concernant leur pays.

Rana, Masud Rana, le James Bond du Bangladesh, fête des 50 printemps

vendredi 13 mai 2016 à 12:33
Golden Jubilee poster of Masud Rana series. Image courtesy from official facebook page of Sheba Prokashoni (publisher of Masud Rana book series).

Affiche du cinquantenaire de la série des Masud Rana. Avec l'aimable autorisation de la page Facebook officielle de Sheba Prokashoni (éditeur de la série de livres Masud Rana).

Un ex-major de l'armée reconverti dans les services de renseignement de son pays. Un homme dont les missions secrètes lui font parcourir le monde, et qui répond à un nom de code bref et facile à retenir. Un séducteur et charmeur qui jamais ne s'attache.

Ça vous rappelle quelle que chose ? Sans doute, pourtant il ne s'agit pas de James Bond. C'est Masud Rana, nom de code MR-9, l'espion le plus populaire de la littérature bengalie, qui en compte peu d'autres. Il aura 50 ans en mai 2016.

Qazi Anwar Hussain, Creator and author of Masud Rana Series. Image by Humayra Ahmed via Wikimedia commons CC BY-SA 3.0

Qazi Anwar Hussain, créateur et auteur de la série Masud Rana series. Photo Humayra Ahmed via Wikimedia Commons CC BY-SA 3.0

Créature de l'écrivain renommé Kazi Anwar Hussaince maître-espion du Bangladesh a fait sa première apparition en 1966 dans le roman ‘Dhwangsha Pahar’ (La montagne de destruction). Les lecteurs trouveront bon nombre de similitudes entre Rana and James Bond. De fait, ses fans l'appellent affectueusement le James Bond bengali.

Rana a eu une longue carrière dans le monde de l'espionnage de fiction du Bangladesh, et a été une icône culturelle dans les années 1970 et 80. Il est le personnage central de plus de 400 livres à ce jour.

Hussain est dit avoir généreusement pioché ses intrigues dans les romans occidentaux d'espionnage à succès aux débuts de la série des Masud Rana, qui en même temps répondait à un besoin des jeunes de langue bengalie, à cette époque avare en distractions alternatives d'avant les jeux vidéos, la télévision câblée, les livres occidentaux importés et l'internet.

Le personnage et bon nombre de ses aventures ont été portés à l'écran pour le cinéma et la télévison au Bangladesh.

On comprend mieux la popularité de Masud Rana avec ce commentaire sur Facebook de Tasdik Aurangazeb :

সেই সময় আমার হাতে তেমন একটা পয়সা থাকত না। এক একটা বই যোগাড় করতে কি যে কষ্ট করতে হত তা লিখে বোঝাতে পারব না। এক একটা বই কেনার জন্য ১৫ থেকে ২০ দিন না খেয়ে টিফিনের পয়সা বাঁচাতে হত। রিকশা ভাড়ার পয়সা বাঁচানোর জন্য মাইলের পর মেইল হেটে পারি দিতাম। আহ কি অদ্ভুত সব কষ্ট-মাখা আনন্দের দিন গেছে সেই সময়!

A l'époque je n'avais pas beaucoup d'argent pour le superflu. Acheter des livres était extrêmement difficile ; impossible d'expliquer en quelques mots l'étendue de cette difficulté. Je sautais des repas pour économiser de quoi m'acheter des livres de Masud Rana. Je faisais aussi des kilomètres à pied pour économiser sur les courses de rickshaw. Ah, c'était le bon temps ! Plein de souvenirs doux-amers.

Si la majorité des lecteurs de Masud Rana sont jeunes, l'attrait est aussi fort pour les lecteurs adultes. Morshed Alam Badol écrit :

কৈশোর পেরিয়ে যৌবন । যৌবন পেরিয়ে প্রৌঢ়। আজও মাসুদ রানা সমান ভাবে টানে। সেই স্কুল বয়সের কিশোর ছেলেটির মত।

De l'adolescence à la jeunesse, de la jeunesse à l'âge mûr, Masud Rana me plaît toujours autant. Exactement comme au temps du lycée.

Le commentaire de Raat-Prohori illustre la manière dont Masud Rana a exercé une influence sur les lecteurs bangladeshis :

দীর্ঘদিন মাসুদ রানা পড়ে মনে হতো আমাকে কোথাও কেউ ঠেকাতে পারবে না। আমি ঠিকই উতরে যাবো। তা পাঁচতারা হোটেলের রিসেপশন হোক, বিলাসবহুল জাহাজ এর ক্যাপ্টেন হোক আর উড়োজাহাজ এর পাইলট হোক যে কোন পরিবেশ সামলাতে পারবো আমি। কিভাবে আগ্নেয়াস্ত্র চালাতে হয়, কিভাবে প্যারাস্যুট জড়িয়ে প্লেন থেকে লাফাতে হয়, কিভাবে স্কুবা ডাইভিং করতে হয় এসব যেন মাসুদ রানার মাধ্যমে আমাকে শিখিয়েছেন আমাদের কাজী'দা।

Lecteur de longue date de Masud Rana, je me sentais irrésistible. Que je sois à la réception d'un hôtel cinq-étoiles, capitaine d'un yacht de luxe ou pilote d'avion, je me glissais avec aisance dans mon rôle. M. Kazi Anwar Hussain m'a appris à utiliser les armes à feu, à sauter d'un avion en parachute, à faire de la plongée, et il m'a appris tout ça par Masud Rana.

 New book and magazine are published on the celebration of 50 years. Image courtesy from official facebook page of Sheba Prokashoni (publisher of Masud Rana book series).

Un nouveau livre et un magazine sont sortis en l'honneur du cinquantenaire de Masud Rana. Avec l'aimable autorisation de la page Facebook officielle de Sheba Prokashoni (éditeur de la série des Masud Rana).

Cependant, Masud Rana n'est pas le bienvenu dans tous les foyers du Bangladesh. La série est contestée pour les scènes sexuellement explicites de certains livres. Il y a des cercles où les jeunes lecteurs de la série sont mal vus pour cette raison.

Les fans les plus fervents de Masud Rana n'en continuent pas moins de chanter les louanges de la série sans se laisser décourager. Sur une page Fcebook Rana Facebook, des gens évoquent leurs souvenirs de lecture de ces livres. Sottom Haldar se rappelle :

আমি জানি এখনকার ছেলেমেয়েরা আর রানা পড়ে না, তারা সিডনী শেলডন নাইলে রর্বাট লুডলাম পড়ে। আমি জানি রানার বই সাহিত্য পন্ডিত দের কাছে একদম অখাদ্য। কিন্তু আমার মত যারা 90″s কিড তাদের কাছে এখনো রানা আর কাজীদা এক মহাপুরুষের নাম। আমি কৃতজ্ঞ রানা আর কাজীদার কাছে যারা বিনা পাসপোর্টে আমাকে দুনিয়ার রং রুপ চিনে নিতে শিখিয়েছেন।

Je sais que la génération actuelle d'adolescents ne lit pas Masud Rana, ils préfèrent [les romans des écrivains américains] Sidney Sheldon ou Robert Ludlum. Je sais qu'ils ne feraient que se débarrasser des livres de Masud Rana comme inférieurs. Mais pour les gamins des années 90 [au Bangladesh] comme moi, Rana et Kazi Anwar Hussain sont des légendes. Je leur suis redevable de m'avoir montré le monde par ces livres.

Qu'est-ce qui attend la Turquie après le coup de force d'Erdogan ?

mercredi 11 mai 2016 à 11:27
7 March 2016, Turkey's Prime Minister Davutoglu meets European Parliament President Martin Schulz: “For the benefit of refugees we need to cooperate with Turkey” Source: European Parliament www.europarl.europa.eu/news/en/news-room/20160304STO17353/Schulz-“For-the-benefit-of-refugees-we-need-to-cooperate-with-Turkey”

7 mars 2016, Le premier ministre turc Ahmet Davutoglu rencontre le président du Parlement Européen Martin Schulz : “Pour l'intérêt des réfugiés nous devons coopérer avec la Turquie” Source: Parlement Européen.

Ahmet Davutoglu n'était pas tellement aimé en Turquie. En quittant ses fonctions de Premier Ministre de Turquie à l'issue d'une confrontation apparente avec le Président Recep Tayyip Erdogan, il ne pourra plus prendre ses distances avec le lourd coût humain de l'opération militaire gouvernementale dans la Turquie de l'Est, ni avec la répression contre les médias et l'opposition.

Mais ce qui inquiète davantage, c'est la suite des événements, avec un Président Erdogan qui sera encore moins enclin à se brider qu'avant la sortie de son ex-premier ministre.

Le bilan de Davutoglu

Sous prétexte de “lutte contre le terrorisme” et l'organisation rebelle interdite PKK, le gouvernement du premier ministre Davutoglu a instauré des mois de couvre-feu et d'attaques lourdement armées contre les agglomérations turques du sud-est du pays, qui ont coûté la vie à au moins 338 civils et contraint à l'exil plus de 355.000 personnes depuis les huit derniers mois, selon un rapport de la Fondation des Droits Humains de Turquie.

A ce jour, au moins 338 civils ont perdu la vie sous les couvre-feux en Turquie

C'est aussi sous le gouvernement Davutoğlu — formé en août 2014 — que quatre journaux et une agence de presse nationale se sont vus imposer des ‘administrateurs étatiques’ avant d'être fermés, tandis qu'une vingtaine de chaînes de télévisions étaient retirées des plates-formes satellitaires et numériques, sous l'accusation de “propagande terroriste”.

Des dizaines de sites internet et d'articles d'information d'agences de presse, quotidiens et autres médias essentiellement kurdes, ainsi que des centaines de comptes Twitter appartenant à des journalistes et des dissidents ont été bloqués par les autorités pour motifs de “sécurité nationale”.

Un juge turc a bloqué l'accès à 130 comptes Twitter avec une décision dépourvue de toute justification. Pure censure.

93 % des ordres judiciaires de censure sur Twitter viennent de Turquie

Dans la même période, plus de 1.845 individus, dont des journalistes, ont été poursuivis pour “outrage” au président, et certains ont déjà été condamnés à des peines de prison.

Au moment de l'écriture de cet article, 33 journalistes sont derière les barreaux en Turquie, pour la plupart des journalistes kurdes en attente de leur procès pour des charges de “propagande terroriste”.

Le 6 mai, le rédacteur en chef et le chef du bureau d'Ankara de Cumhuriyet ont été condamnés à plus de cinq ans d'emprisonnement pour “révélation de secrets d'Etat” dans leurs articles sur les preuves d'expédition illégale d'armements en Syrie du Nord.

Plusieurs journalistes indépendants ont été emprisonnés et refoulés depuis l'été dernier, et désormais un nombre croissant de correspondants étrangers et de reporters se voient refuser l'entrée en Turquie.

Giorgos Moutafis renvoyé de Turquie à Athènes ! Les autorités disent qu'il est sur liste des personnes interdites d'entrée !

L'an dernier, le correspondant du Spiegel a été expulsé du pays l'an dernier après avoir reçu des menaces de mort, sa carte de presse non renouvelée, tandis que le chef de bureau de Spoutnik Turquie était expulsé vers Moscou, et sa carte de presse confisquée.

L'accès à Spoutnik — un site web d'information russe dont la propagande en est venue à se focaliser de plus en plus sur la Turquie depuis qu'Ankara a abattu en novembre dernier un avion de combat russe en opérations dans le ciel syrien– est, sans surprise, bloqué en Turquie.

Un autre quatuor de reporters s'est vu refuser l'entrée dans le pays dans la dernière semaine d'avril.

Les journalistes interdits d'entrée en Turquie la semaine dernière :
1.Volker Schwenck
2.Tural Kerimov
3.Giorgos Moutafis
4.D.Lepeska
(Ebru Umar est retenu)

Le Comité de Protection des Journalistes (CPJ) et Index on Censorship ont publié la chronologie détaillée des atteintes à la liberté de la presse de la Turquie, qui ont justifié la dégringolade de la Turquie dans le classement de Reporters sans Frontières.

En cette Journée mondiale de la Liberté de la Presse 2016, la Turquie pourrait être l'environnement en dégradation la plus rapide.

Exit le Premier Ministre, vive le Président

Cependant, si M. Davutoglu était constitutionnellement mieux doté que son allié devenu rival Erdogan, peu de gens lui ont attribué le rôle moteur dans la répression des médias et de l'opposition politique.

M. Erdogan, arrivé au pouvoir comme un Premier Ministre réformiste en 2003, avait initialement promis de mener le pays vers une pleine adhésion à l'Union Européenne et à  l'Etat de droit.

En 2009 il a initié une courageuse politique de paix, l’ ‘Initiative Démocratique,’ qui comportait des négociations avec la direction du PKK afin de mettre fin aux décennies de négation des droits des Kurdes et élaborer une solution politique que la direction du PKK était également prête à accepter.

Mais quand les négociations d'adhésion à l'UE se sont enlisées aux environs de 2010, Erdogan a amorcé un tournant autocratique, qui a  frappé de plein fouet le mouvement politique kurde.

En 2012, les journalistes critiques emprisonnés ont atteint la centaine, tandis qu'une télévision de premier plan et son journal associé étaient confisqués par le pouvoir et vendus à une société contrôlée par le gendre d'Erdoğan Berat Albayrak, dans une mise à prix pour  remettre la propriété des médias entre les mains de quelques associés d'affaires amis du pouvoir.

(Albayrak est à présent le ministre turc de l'Energie, et parmi les quelques candidats potentiels au poste de premier ministre.)

Après le mouvement protestataire de Gezi en 2013, Erdogan et l'AKP (le parti Justice et Développement) au pouvoir ont encore resserré leur contrôle sur la société turque.

Le scandale de corruption de décembre 2013 qui a éclaboussé la famille Erdogan et plusieurs ministres s'est terminé par une purge des responsables policiers et procureurs investis dans l'enquête.

La censure aujourd'hui généralisée de l'internet et la violence policière disproportionnée contre les manifestations se rattachent aux modifications législatives qui ont accompagné cette évolution politique.

Tout au long de la période, Davutoglu était le conseiller de politique étrangère d'Erdogan, puis son Ministre des Affaires étrangères. Ensuite, quand Erdogan a été élu Président en août 2014 — libérant le fauteuil de Premier Ministre — Davutoğlu a été son loyal successeur.

Mais la propension d'Erdogan à un autoritarisme exacerbé aurait fini par déplaire à Davutoglu : un media a recensé pas moins de 20 désaccords importants dans le couple — soit quasiment un par mois — pendant son mandat de premier ministre.

Changements à l'horizon

Les désaccords qui vont conditionner l'avenir immédiat de la Turquie ne se limiteront pourtant pas à l'inexpugnable Erdogan.

Le président est en train de réclamer davantage de pouvoirs pour sa fonction à travers une nouvelle constitution, ainsi qu'une définition encore élargie du terrorisme qui lui permettrait d'étouffer toute dissidence politique.

Tandis que l'opposition parle de ‘révolution de palais’, les éditorialistes pro-Erdogan sonnent déjà le glas du système parlementaire en Turquie.

Le ministre de la Justice Bekir Bozdag loyal à Erdogan est favori pour remplacer Davutoglu, au moins jusqu'au référendum annoncé sur la levée des immunités parlementaires — une mesure pour laquelle les députés AKP se sont littéralement battus — qui permettra au gouvernement d’emprisonner les députés d'opposition.

Pendant que l'UE et la Turquie marchandent les vies de millions de réfugiés – un accord dont l'application pourrait être plus difficile en l'absence de Davutoglu — les Turcs eux-même font de plus en plus figure de captifs lorgnant vers les bateaux.

Mais le bateau Turquie a bel et bien un capitaine, et nul ne doute de son nom.