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“Les Afro-Équatoriens sont aussi des créateurs de savoir.”

mardi 29 mai 2018 à 21:31

Le projet Histoires recadrées [en] demandent à des participants de réagir aux thèmes dominant la couverture médiatique les concernant. Ces articles se concentrent sur les réflexions de personnes plus souvent représentées dans les médias par d'autres qu’elles-mêmes. Grâce à la génération de nuages de mots sur la plate-forme de Media Cloud [en], qui effectue des recherches dans des collections de médias d'une région donnée du monde, les participants peuvent réfléchir et analyser cette représentation et réagir à travers cette histoire numérique. Ce projet leur donne une occasion de définir la forme qu'ils peuvent donner à leur propre représentation dans les médias numériques.

Jaqueline Gallegos est membre d’Afro Comunicaciones [es], une organisation opérant dans les villes de Quito, Muisne et Carchi-Imbabura et qui crée des produits écrits et audiovisuels sur le savoir des Afro-Équatoriens [fr]. Ce qui suit est une transcription de la vidéo ci-dessus.

Yo elegí [la palabra] afrodescendencia/afrodescendientes. ?Qué me sorprende de esta nube? Como al inicio siempre la palabra afrodescendiente está ligado a cultura, manifestación, en un inicio, verdad? Pero al final de esta nube se encuentra lo que es conocimiento, educación, desarrollo. lo que te deja ver más bien es como nos están viendo entonces sí, el pueblo afro es música, es danza, es cultura, pero también es proveedor de grandes conocimientos científicos, también es generador de conocimientos y eso no se lo dice o está en los espacios más bajos.

J'ai choisi le mot “afrodescendiente” [d'origine africaine, NdT]. Ce qui me surprend dans ce nuage de mots ? En haut, le mot “afrodescendiente” est lié à la culture, à des rassemblements, n'est-ce pas ? Mais en bas, on lit savoir, éducation et développement. Ça nous montre comment ils nous voient, oui, la population afro est musique, danse, culture, mais ils sont aussi générateurs d'un important savoir scientifique, ils créent du savoir, mais ça ne se voit pas ou c'est près de la fin [du nuage de mots].

Mots dominants dans 116 articles publiés entre janvier 2017 et avril 2018 mentionnant le terme “afrodescendiente” [d'origine africaine, NdT] parmi quatre collections de Media Cloud d'organes de presse équatoriens en langue espagnole. (voir l'image en grand)

Comment les Afro-Équatoriens sont-ils représentés dans les médias équatoriens ?

Más bien [han sido] invisibilizado toda la lucha de los pueblos. No se dice todo lo que se hace ni estar registrado todo lo que se hace y se dice desde el pueblo afro. El pueblo afro no solo [son] los negros que hacen deporte, los que hacen baile y no más. El pueblo afro es un generador de conocimientos, es una cultura que tiene sus propias formas y manifestaciones en muchas áreas.

La lutte du peuple [afro] a été occultée. Tout ce que les Afros font et disent n'est pas rapporté ou documenté. Les Afros ne sont pas seulement ces blacks qui font du sport ou qui dansent. Les Afros sont des créateurs de savoir, c'est une culture qui possède ses propres formes et manifestations dans de nombreux domaines.

Comment les Afro-Équatoriens devraient-ils être représentés dans les médias équatoriens ?

La representación debe ser desde su cultura, debe ser desde esas riquezas que también te dan y te identifican distinto y diverso. Entonces se debe enriquecer eso no debieran ser unas cosas que te excluyan sino al contrario que te sumen.

Cette représentation doit venir de leur culture, de cette richesse qu'elle vous apporte et qui vous identifie comme différent et divers. Ensuite vous devriez l'étoffer, ça ne devrait pas être de ces choses qui vous excluent mais qui au contraire vous apportent quelque chose.

Quels termes devraient faire partie d'un nuage de mots sur les Afro-Équatoriens ?

Deben estar “luchas,” deben estar “logros,” deben estar “mujeres,” deben estar “niños,” deben estar nuestras abuelas deben estar nuestros “varones”, el “deporte,” pero también debe estar la “ciencia la investigación”, los aportes que se han hecho que se siguen haciendo y que han aportado a la historia no sólo de Ecuador sino del mundo.

Les mots “lutte”, “réalisations”, “femmes”, “enfants” devraient tous en faire partie. Des mots sur nos grands-mères, les hommes, “sports”, mais aussi “recherche scientifique”, qui contribuent et continuent de contribuer à créer l'histoire, non seulement de l'Équateur, mais du monde entier.

Cet article fait partie de la série Rising Frames développée en proche collaboration avec l'organisation El Churo [es], basée à Quito, dans l'Équateur. Le 21 avril 2018, El Churo a organisé un atelier qui a rassemblé des représentants de différents collectifs et groupes pour examiner la façon dont eux-mêmes, ou des questions qui leur tiennent à cœur, sont représentés dans les médias équatoriens et pour réagir en créant leurs récits.

En Bulgarie, la justice donne raison aux écologistes dans la bataille pour sauver le parc national du Pirin

lundi 28 mai 2018 à 12:46
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Une carte en relief des monts du Pirin, sur un mur du Service de secours en montagne de Borovets, en Bulgarie. Photo : Global Voices, CC-BY.

[Billet d'origine publié le 2 mai 2018]

Les militants écologistes ont applaudi quand, le 26 avril, la Cour administrative suprême de Bulgarie a jugé que l’État devait renoncer à ses projets d'autoriser de nouvelles constructions dans le parc national du Pirin, un site inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO, sans avoir mené au préalable une évaluation stratégique environnementale.

Une coalition appelée Pour la nature avait intenté le procès et a salué la décision de la cour comme étant un pas important dans son combat pour ce précieux morceau de nature.

Selon le WWF-Bulgarie, un membre de cette coalition :

Le projet [de l’État] autorise la construction sur une zone 12,5 fois plus grande que celle actuellement autorisée, et pourrait conduire à une exploitation forestière affectant près de 60 % du parc (aucun abattage commercial n'est autorisé dans le parc actuellement). Le développement du plan est financé par l'UE.

La menace contre le parc national du Pirin a été à l'origine de cinq mois de manifestations dans toute la Bulgarie et à l'étranger. Les plus récentes ont eu lieu à Sofia, Blagoevgrad, Plovdiv, Sliven et Londres le 26 avril, lors desquelles les participants ont aussi exigé la protection du patrimoine naturel dans la région de la Mer Noire.

L'arrêt de la cour a annulé la décision du ministère bulgare de l'Environnement et de l'Eau d'accepter une ébauche de plan préliminaire 2014-2020 pour le parc national du Pirin en l'absence d'évaluation stratégique environnementale préalable, autorisant la construction d'une nouvelle station de ski à proximité de la localité de Bansko.

Les militants qui ont saisi la justice arguaient que ce projet immobilier mettrait en danger la totalité du parc, et qu'il était une directe violation de la directive européenne 2001/42/EO, qui exige la réalisation d'une évaluation environnementale en cas de décisions concernant le tourisme, la foresterie et la biodiversité.

Dans ses attendus, la cour a affirmé que, faute d'avoir mené l'évaluation environnementale requise, “le ministère n'avait aucune base pour évaluer de manière appropriée si les actions du projet auraient ou non un impact sur l'environnement.” Le collège de trois magistrats a noté que cette évaluation devait reposer sur les critères du Règlement des évaluations environnementales, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent.

Même s'ils ont brièvement fêté la décision de la Cour administrative suprême, les militants écologistes bulgares, prudemment, ne la considèrent pas comme la conclusion de leur lutte pour #SavePirin [Sauver Pirin], sachant bien que de puissants intérêts financiers aimeraient récupérer des terrains pour leurs projets touristiques. Pour commencer, juridiquement le ministère a deux semaines pour faire appel, alors soumis à un collège de cinq juges.

Grande nouvelle pour Za Zemiata et les milliers de manifestants contre les projets d'endommager le parc national du Pirin en Bulgarie !

Les médias traditionnels en Bulgarie appartiennent principalement à des oligarques et n'ont pas précisément soutenu cette cause, présentant les manifestations comme insignifiantes et clairsemées. Par exemple, un récent article traitait les militants de “corrupteurs verts” (зелени рушветчии).

La Bulgarie est dernière de l'UE pour la liberté des médias

Rendre les sources thermales japonaises plus accueillants pour les personnes LGBT

dimanche 27 mai 2018 à 21:35
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Des personnes s'identifiant comme ‘hommes’ profitent d'un bain accueillant pour les transgenres à Beppu, au Japon. Capture d'écran de NHK / YouTube.

La “capitale thermale” japonaise tente de trouver les moyens pour rendre plus intégrateur l'un des passe-temps les plus populaires du pays pour les personnes qui s'identifient comme LGBT, alors que la plupart des bains publics sont séparés selon un binaire “hommes” ou “femmes”.

Le Rainbow Furoject (‘furoject’ est un mot-valise du mot japonais pour ofuro , ‘bain’, et お 風 呂, projet ‘) est une initiative de la ville de Beppu, située dans la préfecture d'Oita sur l'île japonaise de Kyushu.

Le 1er mai 2018, une quarantaine de personnes, dont des membres de la communauté LGBT et des habitants de Beppu, se sont rassemblés dans une station thermale exploitée par la municipalité pour se baigner et réfléchir ensemble aux moyens de faire bénéficier plus aisément les personnes s'identifiant comme LGBT des sources chaudes au Japon.

Le #RainbowFuroject diffusé tard hier soir sur #TenGoChan (NHK Ten5 ou Channel 1.5) était génial.

Pour aider à répondre à la question “que peut-on faire pour s'assurer que chacun puisse se baigner dans une source thermale ?”, plutôt que de diviser les baigneurs (selon le genre binaire), les participants ont trouvé trois différents critères pour les organiser : le regard “‘extérieur”, la reconnaissance du genre dans les documents d'identité, et la sexualité à laquelle on s'identifie soi-même.

Selon les organisateurs de l'événement, il est difficile pour de nombreux membres de la communauté LGBT, en particulier ceux qui s'identifient comme transgenres, et pas toujours selon le genre binaire masculin / féminin, de profiter facilement du bain communal. Au Japon, les sources thermales et les bains publics sont presque toujours séparés en bains “masculins” et “féminins”, sans la reconnaissance de la fluidité des genres.

Se baigner dans des sources chaudes ou des bains publics est un élément important de la culture japonaise. On estime qu'il y a au moins 27 000 sources chaudes en usage au Japon, et 3 500 qui se trouvent dans la préfecture d'Oita, qui en compte le plus. Les villes thermales comme Beppu, qui abritent de nombreux hôtels pour tous les goûts et tous les budgets, sont des destinations de vacances populaires au Japon depuis au moins mille ans.

De plus, la plupart des municipalités exploitent des bains thermaux publics subventionnés pour permettre aux résidents de se détendre et de faire un plongeon, généralement avec leur famille, leurs amis ou leurs collègues de travail.

Beppu-shi - 別府市

Beppu-shi – 別 府 市” par l'utilisateur de Flickr Thomas. Les panaches de vapeur proviennent des divers hôtels thermaux de la ville. Licence CC BY-NC 2.0.

Beppu dans la préfecture d'Oita, l'une des villes thermales les plus célèbres du Japon, a régulièrement testé différentes stratégies pour attirer les visiteurs, notamment la création d'un parc à thème sur les bains et le lancement d'une campagne de communication sur la natations synchronisée dans les sources chaudes.

Le 1er mai, Furoject LGBT a eu lieu à Kitahama Onsen Termas, une source d'eau chaude exploitée en journée par la ville. L'événement a été couvert par la chaîne spécialisée TenGo, qui fait partie de NHK, la téléviosion publique japonaise, et Oguni Shiro, producteur et chroniqueur de NHK qui a assisté et rapporté l'événement pour Forbes Japan.

Au cours de la journée, des séances de baignade ont été organisées autour de trois thèmes : la façon dont les baigneurs se présentent, quel que soit le genre attribué à la naissance ; selon le genre désigné dans leur identification administrative officielle ; et selon la sexualité à laquelle ils s'identifient.

Le résultat a été que les participants ont eu la chance d'explorer et de comprendre l'expérience qu'avaient les personnes transgenres et non binaires [fr] des bains thermaux au Japon, où les baigneurs doivent généralement choisir de se baigner du côté “masculin” ou “féminin”. Tout au long de la journée, les habitants de Beppu ont eu la chance de partager le bain et de développer des relations avec les membres de la communauté LGBT invités à assister à l'événement.

Le but de la journée était que le groupe trouve des moyens de rendre les bains collectifs au Japon plus inclusifs pour les personnes de tous les genres. Selon Oguni Shiro, sur Forbes, une des idées pour rendre les bains plus favorables aux LGBT est, plutôt que de les séparer selon le binaire “masculin” “féminin”, de diviser les baigneurs selon le groupe sanguin (un concept important au Japon).

D'autres idées incluaient une signalétique de stations thermales “accueillantes pour les LGBT”, à l'instar de certains établissements qui affichent bienvenus les “animaux de compagnie” ou “les personnes tatouées” (les personnes tatouées sont généralement interdites de bains publics au Japon ). Une autre idée est que les stations thermales devraient employer de manière proactive des membres de la communauté LGBT pour aider à rendre le bain plus inclusif.

Occasion d'un échange créatif d'idées, le Furoject du 1er mai a également permis à certains participants de s'adonner au passe-temps japonais par excellence : prendre un bain en public.

Interviewé par NHK, un participant et baigneur, un homme qui avait subi une chirurgie de changement de sexe, a déclaré qu'il ne pouvait généralement aller prendre un bain que très tôt le matin ou tard dans la soirée, quand il y avait moins de gens dans le bain qui pouvaient l'observer.

Un autre participant a déclaré:

「(体女性、心男性の)トランスジェンダーの自分が男湯にはいっても『違和感ないよ』って言ってくれた。広いお風呂に入ったのは13年ぶり。すごく嬉しかった!」

“(En tant qu'homme auquel on a assigné le sexe féminin à la naissance), quand j'ai pris un bain du côté des hommes (à Furoject à Beppu le 1er mai), personne ne se sentait mal à l'aise. C'est la première fois que je suis entré dans un bain communautaire depuis 13 ans. Cela m'a rendu si heureux !”

L'émission TenGo de la NHK sur l'événement peut être visionnée en totalité sur YouTube en suivant ce lien (en japonais seulement), tandis que le vlogueur sur YouTube Kazue-chan a également participé à l'événement et a créé un blog vidéo (également en japonais uniquement).

80 ans après, les préjugés subsistent entre Jordaniens et Palestiniens

vendredi 25 mai 2018 à 13:25

Un homme portant le keffieh (le couvre-chef traditionnel palestinien) converse avec un homme portant la shemagh (le couvre-chef traditionnel jordanien). Photo dans le domaine public, Source: Garaa News.

Près de 70 % de la population de la Jordanie est d'origine palestinienne, et généralement bien intégrée dans la société jordanienne. Jordaniens et Palestiniens vivent côte à côte depuis la guerre israélo-arabe de 1948 et la Nakba palestinienne, et même longtemps auparavant.

Pourtant, parlez à des Palestiniens et Jordaniens ordinaires et vous découvrirez les histoires qui disent les tensions sous-jacentes entre les deux groupes.

Sara Suod est de Madaba, dans le centre de la Jordanie. Elle a raconté à Global Voices que ses parents ne la laissaient pas aller chez ses copines palestiniennes :

“I come from Madaba, and my family is extremely proud of that [being Jordanian]. So proud that they refused to let my sisters and I visit our Palestinian friends at their houses as children.”

Je viens de Madaba, et ma famille est extrêmement fière de ça [être jordanienne] Si fière qu'on ne me laissait pas, mes sœurs et moi, aller enfants dans les maisons de nos amies palestiniennes.”

Si la cohabitation a créé avec le temps un sentiment de paix entre les deux peuples, une harmonie totale reste absente. Le mariage et le sport sont deux des domaines où ces tensions restent les plus visibles.

Les mariages jordano-palestiniens toujours tabous ?

Sur les 82.000 Jordaniennes mariées à des étrangers, près de 53.000 le sont à des Palestiniens. Un chiffre plutôt élevé que l'on pourrait prendre pour un signe de normalité des mariages jordano-palestiniens en Jordanie, mais qui peut aussi être trompeur.

Les récits de citoyen.ne.s jordanien.ne.s (d'ascendance jordanienne ou palestinienne) dessinent un autre tableau de la société jordanienne à propos de ces mariages. Même si le mariage n'est pas exactement un tabou, il peut être –selon le lieu et la famille— banal, mal vu ou totalement interdit.

Pour commencer par les histoires de familles sereines sur le sujet, voici celle d'Ahmad Khalil, un homme palestinien, et de sa femme jordanienne. Il considère leur mariage comme une réussite et raconte à Global Voices :

We met at college, and got engaged after we both finished. Her family knew from the beginning, and so did mine. No one objected to anything, and things went quite smoothly throughout the engagement. Aside from normal, pedantic clashes between the in-laws, no major problems arose. Also, the clashes were never race-related. I guess it is because my mom is Jordanian, and her uncles are all married to Palestinians, so you can say our families are both equally used to the situation.

Nous nous sommes rencontrés à l'université en premier cycle, et nous sous sommes fiancés après avoir terminé tous les deux. Sa famille a su dès le début, et la mienne aussi. Aucune n'a eu la moindre objection, et tout s'est déroulé sans accroc pendant la durée des fiançailles. A part quelques pinaillages normaux entre belles-familles, aucune difficulté majeure ne s'est élevée. D'ailleurs, les différends n'étaient jamais d'ordre racial. Je suppose que c'est parce que ma maman est jordanienne, et que ses oncles sont tous mariés à des Palestiniennes, on peut donc dire que nos familles sont toutes deux également habituées à cette situation.

Ahmad et son épouse ont de la chance, comme tous ceux et celles né.e.s dans des familles mixtes, puisque le problème du préjugé ou du racisme est minimisé par le fait que chaque individu se réclame des deux identités.

Mais le vécu d'Ahmad n'est pas celui de tout le monde. Sara Majali est une jeune femme de 26 ans et vit à Al-Salt, dans le centre-ouest de la Jordanie. Elle évoque pour Global Voices l'opinion de sa famille sur son mariage avec un Palestinien :

Growing up, my family was never particularly strict about my siblings and I marrying a Palestinian, although when I told them that I was, they were not exactly thrilled about it. They would have rather I married my cousin who also comes from Al-Salt, or at least someone else from it. My mom opposed the marriage at first, telling me I could find someone ‘closer to us’, but my dad was not as opinionated.

En grandissant, ma famille n'a jamais été spécialement stricte sur le fait que mes frères et sœurs et moi se marient avec un Palestinien [ou une Palestinienne], mais quand je leur ai dit que ce serait mon cas, il n'étaient pas exactement enthousiastes. Ils auraient préféré que j'épouse mon cousin, qui est aussi d'Al-Salt, ou au moins quelqu'un de là. Maman a commencé par être contre le mariage et m'a dit que je pourrais trouver quelqu'un ‘plus proche de nous’, mais papa n'avait pas des idées aussi arrêtées.

Sa mère a fini par consentir au mariage.

My mom eventually agreed to the marriage after months of convincing, but she still does not wholeheartedly bless the marriage. When my partner and I fight, the first words out of her mouth are always “wouldn’t it have been better if you married…?” and then she mentions the name of any Salt-born man.

Maman a fini par accepter le mariage après des mois de persuasion, mais elle ne le bénit pas encore de tout son cœur. Quand mon conjoint et moi nous disputons, les premiers mots qui sortent de sa bouche sont “ça n'aurait pas été mieux si tu avais épousé…?” et elle cite le nom de n'importe quel homme né à Salt.

Elle poursuit :

My partner’s family, although not as aggressively against the marriage as my mom, still gave him a hard time. Afraid of the fact that I come from a large family, a trait that they think I would use against my husband, they also ironically advised him to find someone ‘closer’ to them. After 3 years of marriage, they have gotten to know me better, but I still feel that they put borders around my interactions with them—unlike their relationship with my brother in law’s Palestinian wives, who were immediately accepted and treated as a part of the family.

La famille de mon conjoint, même si elle n'était pas aussi agressivement contre notre mariage que maman, lui a quand même donné du fil à retordre. Craintifs de ce que je viens d'une famille nombreuse, un trait qu'ils pensaient que j'utiliserais contre mon mari, ils lui ont aussi conseillé moqueusement de trouver quelqu'un de “plus proche” d'eux. Au bout de trois ans de mariage, ils ont appris à mieux me connaître, mais je garde l'impression qu'ils mettent des limites à mes rapports avec eux — à la différence de leurs relations avec les femme palestinienne de mes beaux-frères, tout de suite acceptées et traitées comme faisant partie de la famille.

L'histoire de Sara reflète une idée implicite qui prédomine dans la société jordanienne depuis la première immigration palestinienne en Jordanie en 1948 : à savoir que les familles jordaniennes sont plus grandes et tendent à être plus puissantes, alors que les familles palestiniennes (étant immigrées) sont “sans colonne vertébrale”.

“Sans colonne vertébrale” est une façon péjorative de dire que les familles palestiniennes ne sont pas aussi étendues et/ou n'ont pas le bras aussi long que les jordaniennes, avec le sous-entendu qu'un Jordanien ou Jordanienne dominera le mariage parce que disposant de la famille et du pouvoir pour cela.

D'où les réticences de nombreuses familles palestiniennes envers un mariage dans une famille jordanienne, et réciproquement.

Rivalités entre supporters de football

Al-Faisaly est une des équipes les plus célèbres de la Ligue de football jordanienne, et est devenue un symbole du patrimoine jordanienne pour les citoyens du pays.

Al-Wehdat, du nom du 2ème plus camp de réfugiés palestiniens au sud-ouest d'Amman, est tout aussi célèbre, et est de son côté un symbole de patrimoine palestinien pour les citoyens de Jordanie.

Si les supporters s'en prennent toujours les uns aux autres quelles que soient les équipes, les Jordaniens des deux côtés ont coutume de s'apprêter quand un match est prévu entre les deux équipes citées plus haut.

Les cas de bagarres sont fréquents, et en sont arrivés une fois au point que 250 supporters ont été blessés. Magasins et voitures de passants sont souvent incendiés sans raison apparente autre qu'une poussée de violence.

La police intervient d'ordinaire, et les directions des deux clubs s'efforcent en général de discipliner leurs supporters en interdisant ceux d'entre eux qui tentent de lancer une bataille entre les deux camps—ce qui ne se produit pas quand l'une des deux équipes joue contre l'autre.

En 2009, un câble diplomatique américain fuité indiquait :

Anti-Palestinian hooliganism and slogans denigrating the Palestinian origins of both the Queen and the Crown Prince led to the cancellation of a July 17 soccer game between the rival Faisali and Wahdat clubs [sic], who traditionally represent the East Banker and Palestinian communities, respectively.

Le hooliganisme anti-palestinien et les slogans dénigrant les origines palestiniennes de la reine et du prince héritier ont entraîné l'annulation d'un match de foot le 17 juillet entre les clubs rivaux Faisali et Wahdat [sic], qui représentent traditionnellement et respectivement les communautés cisjordanienne et palestinienne.

On peut en conclure que les échauffourées, incendies et volontaires et méfaits vont au-delà du seul football, il s'agit de ce que représentent les équipes : la race. Un point souligné par le président d'Al Wehda lui-même, qui a affirmé dans un de ses entretiens avec World Socce r:

Pour le Wehdat, 99 pour cent des supporters sont Palestiniens, vous ne trouverez aucun supporter jordanien du Wehdat.

Les élections en Irak : Boycott d'élections ‘vaines’ ou chamboulement du parlement

jeudi 24 mai 2018 à 16:08

Les partisans de Muqtada al-Sadr fêtent sa victoire électorale. Capture d'écran de la vidéo sur YouTube ‘Comment Muqtada al-Sadr, tête de peloton aux élections, a tiré profit du mécontentement général’ téléversée le 14 mai 2018 par la chaîne PBS NewsHour.

C'est une improbable alliance trans-confessionnelle qui a remporté les premières élections parlementaires irakiennes depuis que le pays a vaincu l'organisation État islamique l'an dernier.

Les électeurs ont choisi de bousculer le système en propulsant au premier plan l'alliance Sairoun (En marche vers la réforme) menée par l'influent clerc Muqtada al-Sadr. Cette coalition, composée du parti Istiqama (Intégrité) de Sadr et de six mouvements laïcs, dont le Parti communiste irakien, a engrangé plus de 1,3 million de voix et aura 54 sièges sur un total de 329 au parlement, davantage que toute autre coalition.

Depuis les premières élections démocratiques en Irak en 2005, les hommes politiques quêtaient invariablement les voix en flattant les identités des Irakiens. La victoire de Sairoun est donc un moment remarquable dans l'histoire politique irakienne, la démonstration que les Irakiens ne votent pas forcément sur des lignes ethnico-religieuses, et que les politiciens devront en faire plus pour impressionner les électeurs.

Cela annonce peut-être aussi la possibilité de s'éloigner des politiques identitaires en faveur de programmes s'intéressant aux questions qui accablent le pays.

Sadr s'est détaché du lot des autres politiciens irakiens, passés et présents, en se promouvant comme un nationaliste et un populiste, tout en centrant sa campagne sur la réforme de la gouvernance, l'élimination de la corruption, et l'amélioration des services publics.

Il soutient aussi la formation d'un gouvernement de technocrates, se plaçant au-delà du système commun de quotas ethnico-religieux qui a, immanquablement, installé des élites politiques incompétentes et corrompues.

‘Je n'ai pas eu d'autre choix pour dire mon rejet que le boycott’

Mais si le paysage politique irakien va peut-être changer en mieux, la faiblesse record de la participation cette année signale que les Irakiens perdent foi en la capacité de leur vote à entraîner un changement positif.

Selon la commission électorale irakienne, seulement 44,5 pour cent des 22 millions d'électeurs inscrits se sont déplacés pour le scrutin de cette année, un net recul après les 62 pour cent des élections de 2010 et 2014, et le pic de 70 pour cent en 2005.

Ce déclin de la motivation des électeurs signe la désillusion envers le processus politique. Les Irakiens ont constaté la quasi-passivité du gouvernement vis-à-vis de la corruption endémique, de l'instabilité économique et de la détérioration des services publics.

Des militants irakiens sont allés jusqu'à lancer une campagne de médias sociaux pour encourager les électeurs à boycotter le scrutin, invoquant l'absence de réformes et les lois excluant injustement les petits partis de manière à conserver l'actuel paysage politique.

Dans un entretien avec le Washington Post, l'écrivain de Bagdad Mustafa Sadoon a expliqué pourquoi il a décidé de bouder les urnes :

I participated in all the previous elections, yet there was no change. We demonstrated against the electoral system, but no one listened. I didn’t find any other choice to express my rejection except to boycott.

J'ai participé a toutes les élections précédentes, pourtant il n'y a eu aucun changement. Nous avons manifesté contre le système électoral, mais personne n'a écouté. Je n'ai pas eu d'autre choix pour dire mon rejet que le boycott.

Le blogueur irakien Sabaa Subhi a dit la même chose sur Niqash, un site web irakien multilingue d'actualités :

We decided to boycott the election because we believe it is futile. There is no real chance for change and we are trapped in a black hole that was dug by the political elites; they used their power to pass laws to ensure that the bigger parties remain in government and get to continue with their corrupt ways. They don’t even give the voters a chance to remove them from power.

Nous avons décidé de boycotter l'élection parce que nous croyons qu'elle est vaine. Il n'y a aucune chance réelle pour les réformes et nous sommes piégés dans un trou noir creusé par les élites politiques. Celles-ci ont utilisé leur pouvoir pour garantir que les grands partis restent au gouvernement et puissent continuer leurs pratiques corrompues. Elles ne donnent même pas une chance aux électeurs de les ôter du pouvoir.

L'irakien Hassan Shian a aussi exprimé sa frustration sur Al-Rafidain, une chaîne d'information irakienne en langue arabe :

The same corrupt politicians will always have the ability to return to power. In Iraq nothing is transparent, everything is rigged.

Les mêmes politiciens corrompus auront toujours la capacité de revenir au pouvoir. En Irak rien n'est transparent, tout est truqué.

La racine du mécontentement envers le processus électoral est la méthode Webster/Sainte-Laguë d'attribution des sièges. Cette méthode [de représentation proportionnelle] est censée favoriser les petits partis en leur assurant une meilleure représentation parlementaire. L'ennui est que les législateurs l'ont modifiée pour favoriser les grands partis, et les Irakiens pensent que c'est pour maintenir au pouvoir les groupes corrompus.

Alors que peu d'Irakiens font confiance au nouveau gouvernement, Sadr veut donner des assurances que le changement arrive. Il promet dans un discours :

Your government will be a caring and inclusive one, we will not exclude anyone. We will work toward reform and prosperity.

Votre gouvernement sera attentif et inclusif, nous n'exclurons personne. Nous travaillerons à la réforme et à la prospérité.

Seul le temps dira si Sadr réalisera sa vision proclamée d'un gouvernement technocratique non-confessionnel. En attendant, il négocie avec les autres partis pour s'assurer la majorité de 165 sièges nécessaire pour former un gouvernement.