PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

Au Tadjikistan, on évalue le pour et le contre d'Halloween

vendredi 31 octobre 2014 à 17:47
Le gouvernement tadjik n'arrive pas à voir le côté amusant d'Halloween. Wikipedia image.

Le gouvernement tadjik n'arrive pas à voir le côté amusant d'Halloween. Wikipedia image.

Halloween, une fête célébrée par une poignée de personnes au Tadjikistan, est toujours sur la sellette dans ce pays d'Asie Centrale deux ans après la discussion publique sur une possible interdiction.

Célébrer cette fête n'est pas juridiquement illégal dans la république, mais le 25 octobre, des policiers tadjiks ont fait irruption (tadjik) dans une des plus prestigieuses boites de nuit de Douchanbé au beau milieu d'une fête costumée et ont donné l'ordre à la direction du club d'éteindre la musique, selon les reporters au service tadjik de Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL). Ils ont par la suite interrogé une prétendue sorcière et un faux vampire avant de les relâcher. 

Halloween, argumentent les représentants de l'État ainsi que certains blogueurs à l'esprit plus traditionaliste, est une fête occidentale et possède une influence corrosive sur la société tadjike. La blogosphère nationale, quant à elle, est divisée entre ceux qui approuvent l'interdiction de facto et ceux qui la trouvent absurde. 

L'idée d'un moratoire moral sur ce jour date d'au moins 2012. La veille d'Halloween de cette année, Global Voices cite (anglais) le blogueur Bachai Sako :

We should teach the younger generation that Halloween is alien to Tajiks and all Muslims. Proud Tajik boys and girls who love their nation should never celebrate alien holidays.

Nous devrions enseigner à la jeune génération qu'Halloween est étranger aux Tadjiks et aux musulmans. De fiers garçons et filles tadjiks aimant leur nation ne devraient jamais célébrer de fêtes étrangères.

En 2013, lorsque Global Voices a entendu parler pour la première fois d’arrestations liées à Halloween (anglais), la plateforme a cité (anglais) un utilisateur de Twitter s'opposant aux tentatives de censure de la fête. 

Est-ce qu'on vit dans un État islamique ? Notre police a-t-elle été transformée en police des moeurs ?

Sur Blogiston.tj, une plateforme en ligne émergente, le débat a fait rage cette année. 

Le 27 octobre, le blogger Sitora Yusupoca écrivait (tadjik) :  

Чашни холлуин моликияти аврупо мебошад. (ба мо расм шудааст, ки ба чуз илм ва хунар дигар амалхоро таклид созем ва худро чун заррае ба аврупоихо монанд бисозем, кани чавони англисе, ки икдом гирифта бошад то наврузро чашн бигирад?)

Halloween est une fête européenne, et il nous est devenu plus commun d'imiter les valeurs occidentales. Est-ce qu'il y a des étrangers qui veulent célébrer notre Norouz ? Halloween gâte l'esprit des enfants ; les enfants s'effraient lorsqu'ils voient Jack la citrouille. 

Yusupova ajoute (tadjik) qu'Halloween contredit non seulement l'islam mais aussi le christianisme orthodoxe.  

Рухониёни мо низ таъкид доранд, ки чашнгирии ин маросим ба мардуми мусалмон чоиз нест. Сабаби чоиз набудани чашнгирии маросими мазкурро намояндагони кумитаи дин ба якчанд критерияи чшнгирии иди зикргардида диданд, ки бо идеологияи исломи муковимати сахт дорад. Ва илова бар ин намояндагони равияи “Православи” низ зидд мебошанд. Пас аз навиштани ин мавод маро харки хонед хамонам!

Les mollahs [chefs religieux] affirment que célébrer cette fête n'est pas pertinent pour les musulmans car elle ne remplit pas les critères du Comité religieux du Tadjikistan. Elle contredit l'enseignement islamique. En outre, les Orthodoxes s'opposent également à cette fête. Après l'écriture de ce billet, vous pouvez m'appeler comme bon vous chante !

Rustam Gulov, qui anime Blogiston.tj a cherché le juste milieu (tadjik) suite à l'article de Yusupova : 

Ман, албатта, тарафдори ҷаҳонишавиям (глобализатсия), аммо дар баробари ин хеле хурсанд мешавад, вақте фаҳмам, ки ҷавононе ҳастанд, ки урфу одат, дину фарҳанги худро пос медоранд ва ҳимоя менамоянд. Ин тақлидкорӣ ба чунин ҷашнвораҳои даҳшатангез тақлидкории кӯр-кӯрона аст. Бигузор ба илмомӯзию фаъолнокии ҷамъиятии ғарбиён тақлид кунанд, на ин ки тарзи носолими ҳаёти онҳо.

Malgré le fait que je sois pour la mondialisation, je me réjouis qu'il existe de jeunes personnes (telles que Yusupova) qui veulent préserver leur culture.

Cependant, sur la même plateforme, Ovora, un autre blogueur s'élève contre la pression publique (tadjik) du boycott d'Halloween. 

ну да, праздник не наш, конечно. но какой вообще праздник можно назвать нашим? 25 лет назад у нас не было ни дня независимости, ни дня конституции, ни дня национального языка. 100 лет назад у нас не было нового года, 23 февраля, 8 марта и дней рождения. а было ведь время, еще раньше, когда и исламских праздников у нас не было. так что все праздники, которые мы сегодня празднуем, были не наши – а потом стали нашими. это я о том, что делить праздники на наши и не наши наверно не совсем правильно.

D'accord, Halloween n'est pas notre fête, mais quelles sont vraiment nos fêtes ? Il y a vingt-cinq ans, nous n'avions pas de Fête de l'Indépendance, Fête de la Constitution, Fête de la Langue Nationale. Il y a cent ans, nous n'avions pas de Nouvel An, de 23 Février, de 8 Mars et d'anniversaire. Il y avait même une époque où nous n'avions pas de célébration islamique. Toutes nos fêtes sont par conséquent universelles, et ce n'est pas correct de diviser les célébrations en catégories “les nôtres” et “pas les nôtres”.

Ovora conclut (tadjik) que tant que le Tadjikistan sera un État laïc, chaque personne aura le droit de célébrer ou non une fête.  

наша жизнь состоит не только из пятикратных молитв и походов в мечеть, ибо таджикистан – не исламское государство. наши граждане хотят еще и веселиться, приятно проводить время. а празднование хэллоуина это как раз приятноe времяпровождение для людей, соскучившихся по костюмированным тематическим мероприятиям. люди ведь не становятся ближе к аллаху только от того, что они празднуют или не празднуют хэллоуин.

Notre vie ne se résume pas à aller à la mosquée et prier cinq fois par jour – le Tadjikistan n'est pas un État islamique. Notre peuple veut se divertir et Halloween est fait exactement pour ça – une façon amusante de passer du temps avec d'autres personnes qui ont besoin de fêtes costumées et d'événements thématiques. Les gens ne sont pas plus proches d'Allah parce qu'ils célèbrent ou non Halloween. 

N.B. Farrukh Umari a fourni les traductions depuis la langue tadjike.

De la “strip-teaseuse de Gaza” au Texas aux immigrés chinois en Egypte, Kim Badawi photographie les rencontres interculturelles

vendredi 31 octobre 2014 à 17:25
pic

Thiago Pater Kayapo et Samantha Aweti Kalapalo, la veille de leur mariage, célébré en dépit des différences liées à leur appartenance tribale, à Aldeia Maracanã le 2 février 2013, (Rio de Janeiro). “En raison des tensions qui existent entre leurs tribus ancestrales respectives, non seulement Thiago et Samantha ne sont pas autorisés à se fréquenter mais encore moins à se marier. Néanmoins, dans l'espace sécurisant d'Aldeia Maracana, leur amour interdit est accepté.” Photo de Kim Badawi, publié sur le site web Phmuseum. Utilisation autorisée par l'auteur.

[Billet d'origine publié le 28 août] A travers ses photographies et son travail artistique, Kim Badawi a été en mesure de saisir et exposer les rencontres inattendues mais pourtant très réelles qui surviennent dans différentes parties du monde. On pourrait dire que son travail tente de capturer les représentations visuelles des rencontres culturelles d'aujourd'hui. Que ce soit à travers des photographies de groupes autochtones vivant en zone urbaine au Brésil, ou des communautés chinoises vivant en Egypte, le travail de Badawi montre comment ces rencontres ont lieu. Etant lui-même un “hybride culturel”, comme il aime à le dire, Badawi se focalise sur les aspects quotidiens de ce type d'entrecroisement culturel, en soulignant les différentes facettes de chaque expérience de rencontre.

Global Voices s'est entretenu avec Badawi afin d'en savoir plus sur son travail (dont un échantillon est partagé ci-dessous). Badawi a décrit ses principales motivations ainsi que quelques uns des moments mémorables de sa carrière. Il a fait valoir que les réseaux sociaux peuvent constituer un important espace de partage pour des récits que les médias traditionnels ne présentent pas ou pour lesquels ils ne montrent aucun intérêt. 

Global Voices (GV): Quel genre d'histoires essayez-vous de raconter à travers votre travail ?

Kim Badawi (KB): Etant moi-même un hybride culturel, j'ai étroitement travaillé, par le passé, sur des sujets interculturels. Jusqu'à ce jour, je suis fasciné par la notion d'”identité”, voire d'”identité nationale” et par conséquent par les stéréotypes en général. Peut-être est-ce pour ces raisons que la majorité de mon travail traite en grande partie du clivage bipartisan ou de l'envers des stéréotypes renforcés par les médias.

Un exemple de ce travail est illustré par l'oeuvre de Badawi, “The Gaza Stripper“, un film provocateur sur Ari Lauren Souad Said, une femme “née d'une mère israélienne et d'un père palestinien [qui a passé] une grande partie de son enfance tiraillée entre deux confessions et deux cultures divergentes en Israël”.


The Gaza Stripper de Kim Badawi sur Vimeo. Utilisation autorisée par l'auteur.

GV: Selon vous, quel est le genre d'images que les médias grand public ne parviennent pas à montrer ?

KB: De manière générale, les médias grand public sont esclaves du bouton “j'aime”. Les récits filmés doivent être nécessairement courts et aller à l'essentiel. Heureusement ou peut-être malheureusement, tout n'est pas noir et blanc. [L'histoire de la communauté d'immigrés chinois en Egypte] n'a pas réussi à susciter l'intérêt pour deux raisons : tout d'abord, pendant que je travaillais sur ce projet, pratiquement tous les éditeurs qui m'ont demandé sur quoi je travaillais – après que je leur ai expliqué que j'avais découvert un réseau de travailleurs immigrés chinois non déclarés vivant au Caire – m'ont répondu “c'est génial ! Mais au fait Kim, quel est le rapport entre cette histoire et la révolution égyptienne ?” Aucun, et c'est pourquoi j'ai poursuivi ce projet.

Heureusement pour moi, j'avais reçu un financement de la French American Foundation et j'étais libre de travailler selon mes propres limites et mon planning de travail. Ce projet n'a pas non plus fait les gros titres des magazines parce qu'il a été filmé en noir et blanc. En un mot, parce que je le considère comme un document historique. 


The Migratory Silk Road: Chinese in Egypt de Kim Badawi sur VimeoUtilisation autorisée par l'auteur.

GV: Quels avantages retirez-vous de l'utilisation des réseaux sociaux ?

KB: Dans la plupart des cas où j'ai fait un travail documentaire sur les mouvements sociaux, les sous-cultures et les communautés dans le passé, les réseaux sociaux et internet en général ont servi de plateforme de communication pour les personnes [en dehors de leur lieu de résidence].  Cependant, dans [le cas de la communauté immigrée chinoise en Egypte], la barrière de la langue et le fait que l'Egypte traverse un soulèvement social, justifiaient que [la communication se fasse nécessairement] de personne à personne. Les Chinois que j'ai pris en photo, étaient néanmoins très présents sur les réseaux sociaux et communiquaient quotidiennement via l'utilisation de messageries instantanées chinoises ou QQ. Cela n'a jamais cessé de me surpendre, ce fait que, au lieu d'utiliser une adresse mail classique avec un nom accrocheur (comme nous le ferions), ils avaient de très longues adresses QQ qui se résumaient uniquement à une longue suite de nombres. 

GV: Y a-t-il une idée/ une anecdote que vous aimeriez partager ?

KB: Sur ce lien je fais référence à plusieurs anecdotes, notamment sur les débuts du projet. Ce projet dans son intégralité a été rendu difficile à cause des barrières de langue. Car même avec des interprètess, j'étais, pour la majeure partie, ‘perdu dans la traduction'. Que ce soit des Chinois qui parlent arabe ou des Egyptiens qui parlent chinois, les accents étaient si difficiles à comprendre que cela rendait comique la situation même. Pour ajouter à la confusion, les différences culturelles, les manières de faire et même les goûts culinaires ont occasionné beaucoup de discussions et d'incompréhensions.

Une fois, j'ai passé toute la journée à photographier une famille de paysans dans la banlieue du Caire, dans le Fayoum. Mon premier défi a consisté à expliquer la localisation de la ferme à un chauffeur de taxi égyptien. Le second a été de trouver le lieu en question. Une fois arrivé sur place, j'ai passé la majeure partie de la journée à photographier la famille travaillant sous un soleil de plomb. A la tombée du jour, le père m'a invité dans leur minuscule maison et m'a dit “sais-tu ce que fait un paysan après une dure journée de labeur ?” Il commença à sortir une bouteille de tord-boyaux dans laquelle flottaient des hippocampes. J'avais la gorge en feu, mais après le premier verre, ça passait mieux. Nous avons bavardé jusqu'à une heure tardive, jusqu'à ce que je demande à l'un de ses enfants de m'aider à prendre un taxi pour rentrer au Caire. Je ne me souviens pas être rentré à la maison mais de m'être réveillé en pleine forme à 8h du matin ! Je n'ai aucune idée de ce que j'avais bu ni  comment ils ont pu trouvé des rivages marins au Caire, mais j'ai appris plus tard que fort heureusement, je n'avais pas bu de la liqueur fermentée à base d'insectes, comme le veut la coutume en Chine !

Le travail de Badawi a également abordé l'actuel rapport entre quelques unes des communautés autochtones du Brésil et la population urbaine en augmentation galopante dans le pays. La récente Coupe du Monde au Brésil a particulièrement constitué un cadre de résonance pour ces images, ce qui montre que deux mondes peuvent coexister pacifiquement, si ce n'est sans difficultés.

Un plus grand nombre de travaux de Badawi sont visibles sur son site web et sa chaîne Vimeo.

GV Face: L'Europe et l'Australie multiplient les obstacles pour les demandeurs d'asile

vendredi 31 octobre 2014 à 11:53

Récemment, en France, un demandeur d'asile [fr] originaire du Tchad, après avoir été débouté, a tenté de s'immoler par le feu devant la Cour nationale d'appel du droit d'asile.

Selon le HCR, 612 700 personnes ont demandé l'asile [fr] l'an dernier en Amérique du Nord, en Europe, en Asie de l'Est et dans le Pacifique  - le plus grand nombre en une année depuis 2001. La plupart de ces personnes fuyaient des conflits et la violence en Syrie, en Afghanistan, en Erythrée, en Serbie, et en Irak.

Alors que le nombre de demandeurs d'asile dans les pays industrialisés augmentent, les politiques d'accueil n'ont jamais été aussi restrictives.

Au nom de la “Forteresse Europe“ [fr] et sous le slogan “Pas question, vous ne vous installerez pas en Australie“, les partis d'extrême-droite en Europe et en Australie tentent d'empêcher les demandeurs d'asile d'entrer dans leurs pays par un renforcement des mesures de contrôle aux frontières, mènent des campagnes qui brouillent les lignes entre les réfugiés et les terroristes, et exigent d'envoyer les demandeurs d'asile dans des centres de détention semblables à des prisons en retardant le traitement de leurs dossiers. En Australie, ils font même pression pour la “délocalisation” du traitement des demandes d'asile. Avec la crise économique dans leurs pays, ces partis sont de plus en plus populaires. 

Beaucoup de demandeurs d'asile arrivent dans ces pays par des moyens illégaux. Globalement, les passeurs et trafiquants en tireraient annuellement 7 milliards de dollars. L'an dernier seulement, plus de 4.000 personnes ont perdu la vie  dans des naufrages en Méditerranée sur leur route pour la recherche d'une vie meilleure. Depuis le début de cette année, 134.272 personnes ont réussi le voyage illégal plein d'embûches entre la Libye et l'Italie en quête d'asile.

Les taux d'acceptation pour les personnes en provenance de Syrie, d'Erythrée, d'Irak, de Somalie et d'Afghanistan, sont entre 62 et 95 %. Les taux d' acceptation pour les ressortissants de la Fédération de Russie et la Serbie sont nettement inférieurs, soit environ 28 et 5 %.

Et pour ceux qui parviennent à obtenir l'asile, ils sont souvent logés dans de mauvaises conditions et confrontés à des impasses administratives, générant une interminable série de difficultés.

En 2013, l'Europe a reçu 484.600 demandes – soit une augmentation d'un tiers par rapport à 2012. L'Allemagne est le plus grand pays d'accueil avec 109.600 nouvelles demandes d'asile quant à la France, elle en a reçu 60 100.

Dans ce nouvel épisode de GV Face nous essayons de mettre en évidence les personnes derrière les chiffres, les problèmes et les politiques. L'hospitalité est encore possible ? Comment peut-on rappeler aux Européens et aux Australiens que leurs continents étaient, il y a à peine un siècle, pour le premier une source, pour le deuxième, bénéficiaire  d'un vaste mouvement de migration?

Dans cet épisode, nous parlons avec les contributeurs de GV Suzanne Lehn en France, Anne Hemeda en Allemagne, Kevin Rennie en Australie et Thalia Rahme au Liban.

Le Laos rejoint ses voisins d'Asie du Sud-Est en imposant de plus stricts contrôles de l'Internet

jeudi 30 octobre 2014 à 22:14
An Internet cafe in Laos. Photo from Flickr user Jon Rawlinson. CC License

Un cybercafé au Laos. Photo de Jon Rawlinson publiée sur Flickr. CC License

Le Premier ministre laotien,Thongsing Thammavong, a signé un nouveau décret imposant un contrôle plus strict de l'Internet dans son pays. Signée le 16 septembre de cette année, la nouvelle réglementation promeut une utilisation responsable et “constructive” de l'Internet parmi les citoyens laotiens.

Il y a quelques mois, les autorités laotiennes avaient annoncé qu'elles étudiaient de près ce qui se passait chez ses voisins du Sud-Est asiatique, estimant que leur expérience était un guide pour la mise en œuvre de leur propre loi sur l'Internet dont l'application est prévue cette année. Pour en définir le cadre juridique, elles ont choisi de prendre modèle sur la législation restrictive sur le droit de l'Internet de la Birmanie et du Vietnam. Les autorités laotiennes se seraient également inspirées de l'approche chinoise pour réguler Internet.

Comme on pouvait s'y attendre, le résultat est une loi qui, si elle se veut comme un soutien à la croissance d'Internet, comprend pourtant de nombreuses dispositions contradictoires qui vont fragiliser la liberté d'expression et d'autres droits des citoyens.

Les dispositions concernant la reconnaissance des droits de la protection à la vie privée des utilisateurs d'Internet, la protection de la propriété intellectuelle et les interdictions sur la pornographie, seront peut-être moins sujettes à la controverse pour les Laotiens. Mais la loi interdit également le partage de photos qui “contredit les traditions et la culture laotiennes.” Se pose donc la question de savoir qui décidera si une image licencieuse insulte ou pas l'héritage du Laos.

Ce décret a également identifié plusieurs soi-disant “cybercrimes” dont les définitions ne sont pas claires et très générales. Sont entre autres considérés comme un crime :

- Disseminating false information against the Lao People's Revolutionary Party;
- Circulating information that encourages citizens to be involved in terrorism, murder, and social disorder;
- Supporting online campaigns that seek to divide solidarity among ethnic groups and between countries;
- Spreading information that distorts truth or tarnishes the dignity and rights of individuals, sectors, institutions and organizations;
- Sharing of comments whose contents are in line with the abovementioned prohibitions.

- la diffusion de fausses informations contre le Parti révolutionnaire populaire lao ;
- la communication d'informations encourageant les citoyens à s'impliquer dans des actes de terrorisme, d'assassinats ou de désordres sociaux ;
- le soutien à des campagnes en ligne visant à diviser la solidarité aussi bien entre les groupes ethniques qu'entre les pays ;
- la diffusion d'informations déformant la vérité ou ternissant la dignité et les droits de la personne, les secteurs économiques, les institutions et les organisations ;
- le partage de commentaires en ligne dont le contenu comporte les interdictions précitées.

Les fournisseurs de services Internet ont reçu l'ordre de ne pas fournir des services aux particuliers, aux personnes morales ou aux organisations dont le comportement cherche à miner le Parti et les politiques gouvernementales.

Des meilleurs articles de cette semaine : #Laos les problèmes que soulèvent le décret gouvernemental pour contrôler les activités en ligne http://t.co/ebCfH4Xd6r pic.twitter.com/0Fas8PoP2A

— LaosInvestmentReview (@laosinvest) le 23 septembre 2014

Basé sur ces lignes directrices, il semble que la critique légitime envers les politiques et les programmes du gouvernement puisse être interprétée comme un acte criminel, si elle est considérée comme source de division, de confusion ou de “désordre” dans la société civile. Il est facile de voir comment les autorités pourraient user de cette loi pour poursuivre les journalistes, les militants et toute personne émettant une critique à l'encontre du gouvernement.

La loi interdit également la création en ligne de comptes anonymes ou pseudonymes pour “faciliter les efforts des autorités dans la régulation de l'Internet”. C'est un coup dur pour les citoyens qui cherchent à dénoncer les actes répréhensibles au sein du gouvernement par le biais d'Internet.

Le gouvernement estime que ce type de réglementation est nécessaire pour éviter les abus et le mauvais usage d'Internet en tant qu'espace de communication et de connexion. Bien qu'elles reconnaissent les contributions positives d'Internet au niveau de l'économie locale, les autorités laotiennes préviennent aussi qu'il ne peut être utilisé pour provoquer la panique au sein de la société. Elles rappellent à ce titre la diffusion d'informations inexactes sur le crash du vol Lao Airlines et  de la dernière rumeur en ligne concernant un trafic d'organes dans la province d'Attapeu. Dans ces deux cas, le gouvernement s'est retrouvé dans l'obligation de faire des déclarations officielles pour clarifier ces informations erronées.

Cependant, malgré ces excès, le gouvernement laotien s'était déjà engagé à ne pas bloquer Internet, estimant qu'il est essentiel à “la modernisation et à l’industrialisation” du pays. Mais la nouvelle loi va saper cet engagement à préserver l'espace ouvert et libre que représente Internet. Pire, elle risque de décourager les internautes à investir complètement les espaces en ligne pour nouer le dialogue avec les autorités publiques ainsi que pour remettre en question leurs politiques.

La loi pourrait également entraver la croissance du secteur de l'informatique. En 2011, il n'y avait que 60 000 utilisateurs de Facebook au Laos. Aujourd'hui, plus d'un demi-million de citoyens dans ce pays utilisent le populaire site de réseau social. D'après des rapports de presse, il y a maintenant cinq sociétés de télécommunications, sept fournisseurs de services Internet et environ 900 magasins d'informatique dans le pays. Pour le moment, ce dont le Laos a besoin, est une loi qui puisse soutenir son industrie, et non une qui va injustement pénaliser les esprits critiques, les militants comme les utilisateurs lambdas d'Internet.

Il est regrettable que ce pays se soit de lui-même aligné à ses voisins régionaux dont la ligne de conduite est la mise en œuvre de lois sur l'Internet répressives pour étouffer la dissidence, intimider l'opposition et même punir tout citoyen ayant émis une critique.Le Laos devrait plutôt s'efforcer de se démarquer dans la région en adoptant un cadre juridique fondé sur les droits de l'homme dans la régulation de l'Internet.

Des marches contre “la taxe internet” en Hongrie filmées par des drones

jeudi 30 octobre 2014 à 20:52

Les Hongrois ont manifesté en masse contre un projet de taxation du trafic internet que beaucoup de gens dans le pays trouve scandaleux.

Le gouvernement hongrois envisage de mettre en place une taxe de 50 cents d'euro par gigabit de trafic internet. Cette proposition en a énervé plus d'un, et des milliers de personnes se sont précipitées dans les rues de la capitale Budapest dimanche 26 octobre, 2014 et mardi 28 octobre. Les marches dans la capitale ont vite été suivies d'autres similaires dans plusieurs autres villes.

Une page Facebook a permis de coordonner ces actions et plus de 200.000 “J'aime” ont été obtenus à ce jour. Les manifestants levaient leur téléphone cellulaire en l'air de façon symbolique pour que le premier ministre hongrois comprenne qu'internet leur était indispensable pour s'informer au quotidien. Le site d'investigation Atlatszo.hu a publié des vidéos de drones survolant les manifestations à Budapest :

http://vimeo.com/110394933