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Franchir la frontière syro-turque : un danger de chaque instant

vendredi 7 décembre 2018 à 08:05

Des migrants en Hongrie, août 2015. Photo: Gémes Sándor/SzomSzed, Creative Commons BY-SA 3.0 via Wikimedia.

Après que le régime Assad a déplacé de force les habitants de la Ghouta orientale dans des villes du nord, certains ont décidé de rester en Syrie. Mais d’autres ont choisi de passer la frontière pour rejoindre la Turquie et commencer une nouvelle vie, loin de la guerre, des bombes et de la mort. Parmi eux, certains envisagent d’aller plus loin encore, vers les villes de l’Union européenne.

Omar (nom d’emprunt) était l’un de ceux qui on choisi de se réfugier en Turquie. L’instabilité, le manque de sécurité et les combats continus entre les différentes factions, en plus du manque d’opportunités professionnelles ou d’éducation supérieure, l’ont poussé à prendre cette décision. Le jeune homme de 22 ans est arrivé à Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie, avec la foule de personnes déplacées de force depuis la Ghouta orientale.

C’est environ deux mois après leur arrivée dans cette ville, qu’Omar et un ami ont décidé de trouver un moyen d’atteindre la Turquie. Il a contacté un passeur, qui, quelques jours auparavant, avait aidé des amis d’Omar à passer la frontière turque. Le passeur lui a dit de se rendre dans une région syrienne appelée Zarzour afin de négocier les détails et le coût de la traversée.

Conformément aux instructions, Omar et son ami ont rencontré le passeur à l’endroit désigné et ils se sont mis d’accord pour franchir la frontière turque la nuit même. Le passeur leur a demandé d’attendre dans une certaine maison, mais  il n’est pas revenu le soir-même. Quelques heures plus tard, cinq personnes sont arrivées et ont dit que la Jandarma (gendarmerie turque) les avait attrapés et leur avait donné l’ordre de retourner en Syrie. Ils ont ajouté qu’ils faisaient partie d’un groupe plus grand qui avait été séparé en deux. Le plus grand groupe, composé de huit personnes, s’était lancé en premier et avait eu la chance de passer la frontière sans se faire remarquer. Pour le groupe le plus restreint, c’était la dixième tentative infructueuse.

D'après leur récit, leur périple avait commencé dans un mini-van qui les avait transportés à Adduriyah, une aire adjacente à la frontière, accompagnés d’un guide, c’est-à-dire une personne qui connait bien la route et communique par téléphone avec un guetteur. Le guetteur, quant à lui, surveille les mouvements des forces turques. On avait averti le groupe que la route était ardue et qu’ils devraient sauter par dessus un mur et marcher dans des tuyaux d'égouts. Leur périple avait été interrompu par les forces turques. Trois des membres du groupe avaient décidé de ne pas retenter leur chance et étaient restés en Syrie.

Le passeur est revenu le jour suivant. Il a demandé à Omar et son ami de payer 450 dollars chacun, le montant préalablement annoncé à Omar. Le passeur leur a dit de tout laisser derrière eux, même leurs bagages, car le périple serait rude. Omar a d’abord refusé, mais a fini par céder lorsque ceux qui ont vécu ce périple lui ont expliqué que les sacs étaient devenus un énorme fardeau pour franchir la frontière.

Le groupe qui a pris la route était composé de quatre jeunes hommes et deux femmes. Ils ont gravi une colline jusqu’au mur longeant la frontière. Après avoir sauté par dessus, le guide leur a dit de courir sans s’arrêter. Ils ont dû traîner les femmes, pour qui l’effort est rapidement devenu trop difficile. Le chemin cahoteux était plein de boue, ce qui rendait la course encore plus compliquée car leurs pieds s’enfonçaient. Il était également semé de ronces et d’écoulements d’eaux usées. Juste au moment où ils allaient passer la frontière, les deux femmes, qui n’en pouvaient plus, se sont mises à crier et pleurer.

Les cris ont attiré l’attention des policiers turcs, qui sont arrivés sur place et ont tiré en l’air. Le guide a traduit ce que les policiers turcs disaient. Ces derniers les ont amenés dans une enceinte militaire équipée d’un mirador, de projecteurs et d’une piste d'atterrissage pour hélicoptère. Ils les ont fait s’asseoir sur la piste, à côté d’un autre groupe qui avait été attrapé plus tôt.

Un soldat les a individuellement pris en photo avec son téléphone portable. On a relevé leur nom et on les a gardés là jusqu'à 3 heures du matin. De temps à autre, d’autres groupes de Syriens, qui avaient été capturés par les forces turques, les rejoignaient ; des hommes et des femmes, jeunes et âgés.

À 3 heures du matin, dans un froid glacial, le groupe a pris le bus pour retourner au poste-frontière syro-turc, un souvenir amer du temps, pas si lointain, où ils étaient montés dans des bus pour être déplacés de force de la Ghouta orientale à Idlib.

Du poste-frontière, des mini-vans les ont ramenés à la maison du passeur, qui était bondée de Syriens attendant de fuir le pays. Il y avait à peine la place pour dormir. Et les pleurs retentissants des enfants, accompagnés des cris des hommes et des femmes, empêchaient Omar et son ami de profiter d’un repos bien mérité.

Le lendemain, à midi, le passeur leur a dit qu’ils allaient franchir la frontière dans la journée. Alors qu’ils approchaient, une fois de plus, de la zone frontalière, ils ont vu les policiers se disperser le long de la frontière. Ils ont catégoriquement refusé de traverser, et le passeur a alors accepté de repousser le voyage au soir.

À 20 heures, il les a ramenés au même endroit. Ils ont attendu dans une oliveraie, à 200 mètres de la frontière, où de nombreuses autres personnes attendaient aussi de traverser. Le guide est parti en éclaireur, et leur a rapporté qu’ils devraient attendre, jusque 5 heures du matin. Des problèmes ont commencé à surgir au sein du groupe, et les gens se sont mis à crier sur le guide perplexe et à lui demander de les ramener à la maison du passeur. Le guide a appelé le passeur et lui a dit que la voie n’était pas libre, que les policiers turcs étaient présents en nombre, et tiraient en l’air. Ils ont attendu là une heure de plus avant de retourner à la maison du passeur.

Le moral d’Omar et de son camarade était au plus bas. Ils n’avaient que très peu dormi durant les trois dernières nuits, et ils étaient fatigués. Mais ils étaient déterminés à franchir cette frontière et ont décidé d’essayer avec un autre passeur. Ils ont récupéré leur argent et se sont dirigés vers Silkin, à 30 kilomètres de Zarzour, où ils ont attendu le nouveau passeur.

Au bout d’un moment, un jeune homme, âgé d’à peine 18 ans, est arrivé et s’est présenté comme étant le passeur. Il les a amenés chez lui et leur a expliqué le plan d’évasion. Il leur a dit que la traversée ne durerait pas plus d’une heure et que la zone de danger ne s’étendait que sur 200 mètres. S’ils arrivaient à passer cette portion du trajet, ils réussiraient à atteindre la Turquie. La famille du passeur était très hospitalière, sa mère a même prié pour eux. Le passeur leur a fait payer 400 euros chacun et leur a dit, comme l’avait fait le précédent, qu’ils ne pouvaient emporter aucun effet personnel.

C’était le premier jour du mois sacré du Ramadan. Ils se sont lavés et se sont mis en route avant le lever du soleil. Le guide est arrivé et leur a expliqué l’itinéraire. Ils étaient cinq, divisés en deux groupes. Ils devaient d’abord traverser le fleuve Oronte sur un radeau, lequel était fait d’un sac en tissu rempli de bouteilles en plastique attachées les unes aux autres. Conformément aux instructions du guide, ils ont attendu l’appel à la prière de Maghrib [qui a lieu juste avant le coucher du soleil] pour que les soldats turcs soient occupés à rompre leur jeûne en mangeant le repas d’Iftar.

Il y avait, sur la rive opposée, des champs de blé. Le guide les a menés durant une demi-heure, rampant au sol, dans la boue et les épines, jusqu’à ce qu’ils atteignent l’asphalte. Ils ont ensuite parcouru, courant à toute vitesse, les 50 mètres qui séparaient la route d’asphalte de la montagne. Ils ont continué à courir en suivant la route qui gravissait la montagne. Au bout d’une demi-heure, le guide les a arrêtés et leur a dit qu’ils venaient de franchir la zone de danger. Ils ont repris leur souffle et ont marché jusqu'à un village turc. Là, ils se sont abrités dans une planque, en attendant qu’une voiture les récupère le lendemain.

Ils se sont lavés et ont mangé. Le jour suivant, un Turc est arrivé et leur a demandé leur destination. Ils ont répondu Istanbul. Il leur a fait payer 200 dollars. Les cinq hommes sont montés dans sa voiture et sont arrivés à destination vingt-six heures plus tard.

Omar envisage à présent un plan pour aller en Europe. Va-t-il, une fois de plus, mettre sa vie en danger en quête d’une meilleure alternative à la vie en Syrie ?

Pourquoi Cuba a décidé de rapatrier 8000 médecins du Brésil

mercredi 5 décembre 2018 à 17:15

D'après le gouvernement cubain, 20 000 médecins ont soigné 113 millions de Brésiliens au cours des cinq dernières années. Image.: Agência Brasil, CC BY 3.0.

Des milliers de Brésiliens pourraient se retrouver sans services de santé maintenant que Cuba a décidé de rapatrier 8400 médecins qui étaient en poste depuis 2013 dans les villages les plus pauvres et les plus reculés du pays.

Dans un communiqué officiel du 14 novembre, La Havane a annoncé mettre fin à son accord avec le Brésil après les commentaires publics du président élu, Jair Bolsonaro, jugés “menaçants et désobligeants”. À diverses reprises au cours de la campagne électorale pour les présidentielles, Bolsonaro a remis en cause les compétences des médecins cubains et critiqué les termes de l'accord.

Le programme a été lancé en 2013 par l'ancienne présidente Dilma Rousseff sous le nom de “Mais Médicos” (Plus de médecins) pour améliorer l'accès aux soins dans les régions les plus défavorisées du Brésil, dans lesquelles il n'y avait pas de médecins auparavant. Des milliers de postes ont été proposés dans ces régions, pour des salaires allant jusqu'à 3 500 dollars par mois, plus une indemnité pour le logement et la nourriture (à titre de comparaison, le salaire minimum au Brésil s'élève à moins de 300 dollars par mois).

Le programme donnait priorité aux médecins brésiliens, mais ceux-ci n'ayant pourvu que 6 % des postes offerts, les emplois vacants ont été comblés par des médecins cubains conformément à un accord passé entre le ministère de la Santé du Brésil et La Havane, avec le concours de l’Organisation panaméricaine de la santé [fr]. Selon les termes de l'accord, le Brésil ne recrute pas directement les médecins cubains : il paie le gouvernement cubain qui recrute, administre et rémunère ceux-ci en tant que fonctionnaires – pour une rémunération équivalente à 25 % de ce que le Brésil les paierait s'il les embauchait directement.

Médecins cubains portant assistance aux Brésiliens les plus fragiles.
Ce sont eux que Bolsonaro chasse du Brésil avec ses déclarations déplorables …
Photos de Araquém Alcântara.

L'accord a suscité de nombreuses critiques dès l'arrivée des premiers médecins. Ils ont été hués et traités “d'esclaves” par des foules immenses lors de manifestations dans les aéroports organisées par des associations médicales brésiliennes.

Bolsonaro lui-même, alors député, a saisi la Cour suprême pour exiger la suspension du programme. Durant son mandat de député et pendant la campagne électorale pour les présidentielles, il a déclaré à maintes reprises que le programme était de “l'esclavage”. Il a promis de renvoyer les médecins à Cuba “d'un coup de stylo” pour qu'ils puissent soigner les “membres du Parti des travailleurs qu'il allait bientôt envoyer à Guantanamo”. Dans un entretien à la télévision en juillet 2018, il a déclaré : “personne ne sait vraiment si [les médecins cubains] ont des connaissances en médecine”.

Dans son communiqué officiel, La Havane déclare :

El pueblo brasileño, que hizo del Programa Más Médicos una conquista social, que confió desde el primer momento en los médicos cubanos, aprecia sus virtudes y agradece el respeto, sensibilidad y profesionalidad con que le atendieron, podrá comprender sobre quién cae la responsabilidad de que nuestros médicos no puedan continuar prestando su aporte solidario en ese país.

Le peuple brésilien, qui a fait du programme “Mais Médicos” une réussite sociale, qui, dès le début a fait confiance aux médecins cubains, apprécié leurs qualités ainsi que le respect, la sensibilité et le professionnalisme avec lesquels ils ont été traités, comprendra qui est responsable de l'impossibilité pour nos médecins de continuer à apporter leur soutien solidaire à ce pays.

Bolsonaro a répondu sur les réseaux sociaux que La Havane ne voulait tout simplement pas accepter ses nouvelles conditions : remettre l'intégralité de la rémunération aux médecins et que ceux-ci passent une équivalence de leurs diplômes au Brésil. Il a qualifié “d'irresponsable de la part de la dictature cubaine” de ne pas prendre en compte l'impact qu'une telle décision aurait sur la vie des Brésiliens.

Comme l'écrit le journaliste Leonardo Sakamoto, cela pourrait être la “première crise sociale du gouvernement Bolsonaro”, et elle survient avant même qu'il n'assume ses fonctions.

Les Cubains représentent 45 % des professionnels de “Mais Médicos”. Près de 28 % des villes brésiliennes prises en charge par le programme ne peuvent compter que sur un seul médecin cubain. Près de 90 % des médecins qui travaillent sur les territoires autochtones au Brésil sont des Cubains.

Problèmes du Brésil, solutions cubaines

En 2013, le système de santé publique du Brésil accusait un déficit de 54 000 médecins. Le pays comptait 1,8 médecins pour mille habitants. A titre de comparaison, le taux [fr] actuel est de 2,5 aux États-Unis et de 7,5 à Cuba.

Les petites villes du Brésil ont toujours eu beaucoup de difficultés à attirer les professionnels de santé qui se plaignent du manque d'infrastructure. Et le Brésil ne forme pas assez de médecins pour desservir ses 200 millions d'habitants.

En contrepartie, dans le petit pays socialiste, les médecins abondent. Actuellement, Cuba compte 50 000 professionnels de santé répartis dans 67 pays. Les médecins sont la principale source d'exportation de Cuba : ils génèrent 11 milliards de dollars de revenus à l'État chaque année, plus que le tourisme.

Cuba a envoyé sa première brigade médicale à l'étranger en 1963, juste après la guerre d'Algérie. Depuis lors, d'après une publication de Radio Ambulante, pratiquement 500 000 médecins cubains on travaillé en Afrique, en Asie et sur le continent américain.

Au fil des ans, certains Cubains ont déclaré à la presse brésilienne qu'ils se sentaient “exploités”. Certains d'entre eux ont entamé des actions en justice contre les gouvernements des deux pays mais aussi contre l'OMS. D'autres ont signalé avoir reçu des menaces de la part de leur gouvernement. Toutefois, dans un podcast de Radio Ambulante, ils sont nombreux à reconnaître que, malgré la retenue de 75 % de leur salaire par La Havane, ils ne pensent pas que leur rémunération est injuste.

Les résultats

Une étude de l’Université fédérale de Minas Gerais, sur un panel de 14 000 patients interviewés dans 700 villes un an après la mise en place du programme “Mais Médicos”, a révélé un niveau élevé de satisfaction : 85 % des personnes interrogées ont répondu que les services de santé dans leur région était “meilleurs” ou “bien meilleurs”. Ils ont aussi dénoncé les problèmes non résolus comme le manque d'infrastructure et de médicaments.

Une autre enquête de la Fondation Getúlio Vargas démontre que le programme a permis au gouvernement de réduire d'un tiers ses dépenses d'hospitalisation. Débora Mazetto, une des économistes qui a mené l'enquête, a déclaré à BBC Brasil:

Houve uma melhora na qualidade do atendimento à população. Imagine uma comunidade que não tinha médicos? Com o aumento das consultas em áreas desassistidas, foi possível identificar e tratar doenças com agilidade, evitando internações que poderiam ser de fato evitáveis

Il y a eu une nette amélioration de la qualité de soins à la population. Vous imaginez une communauté sans médecins ? L'augmentation des consultations dans des zones non desservies a permis d'identifier et de traiter des maladies plus rapidement et d'éviter des hospitalisations inutiles.

Et après ?

Depuis le 14 novembre, plus de 200 médecins sont rentrés à Cuba. L'Organisation panaméricaine de santé espère qu'ils seront tous de retour d'ici le 12 décembre.

Dans de nombreuses cliniques publiques, les gens se sont retrouvés sans soins médicaux dès la deuxième quinzaine de novembre, ou on leur a dit qu'ils ne pourraient voir le médecin qu’une fois par semaine dorénavant. Bien que le gouvernement brésilien affirme que 92 % des postes laissés vacants par les cubains ont été comblés, le journal Folha de S. Paulo précise que ce chiffre pourrait ne pas vouloir dire grand chose en fin de compte :

Em 2017, o Ministério da Saúde abriu concurso para selecionar brasileiros para o Mais Médicos. Ao todo, 6.285 se inscreveram para 2.320 vagas, mas só 1.626 apareceram para trabalhar. Cerca de 30% deixaram seus postos antes de um ano de serviço.

En 2017, le ministère de la Santé a lancé un concours pour le programme “Mais Médicos” dans tout le Brésil. Au total, 6 285 candidats ont concouru pour les 2 320 postes proposés, mais seulement 1 626 se sont présentés pour travailler. Près de 30 % d'entre eux ont abandonné leur emploi au cours de la première année.

Comme beaucoup de programmes sociaux au Brésil, “Mais Médicos” a ses zones d'ombre, mais il a radicalement transformé la santé publique dans des régions totalement oubliées par l'État brésilien. Le plus grand défi maintenant pour le prochain gouvernement sera peut-être de tirer les leçons de ses erreurs et de les corriger. Reste à voir comment le gouvernement de Bolsonaro va garantir l'accès aux soins dans ces régions, et s'il le peut.

Conversation avec Gyani Maiya Sen, l’une des dernières locutrices d’une langue du Népal en voie de disparition

mercredi 5 décembre 2018 à 12:20

Gyani Maiya Sen Kusunda. Photo de l’auteur.

Longtemps, peu de personnes ont connu l'existence du kusunda, une langue de l’ouest et du centre du Népal. Le recensement de 2011, effectué par le Bureau Central des Statistiques du Népal, évalue la population des Kusundas, une tribu des forêts de l’ouest du Népal, à environ 273 individus. Pour en apprendre davantage sur la langue et la culture de la tribu Kusunda, Global Voices a rencontré Gyani Maiya Sen Kusunda – l’une des seulement deux locuteurs parlant couramment le kusunda, langue en voie de disparition.

« Les rois de la forêt »

Il faisait chaud et humide, les routes étaient vides, et même les conducteurs de Tuk-Tuk [fr] électriques n’étaient pas disposés à nous emmener. Chargés de lourds trépieds, de caméras et d’autres outils pour filmer, nous nous sommes rendus chez Gyani Maiya Sen dans le village de Kulmor, situé dans le district népalais de Dang. Gyani Maiya Sen Kusunda, récemment octogénaire, est l’une des deux seuls locuteurs parlant couramment la moribonde langue Kusunda. La population des Kusundas compterait 273 personnes, cependant, des études de terrain ont montré que seulement 150 d’entre eux sont dispersés dans les districts népalais de Dang, Rolpa, Pyuthan, Arghakhanchi et Surkhet.

Les Kusundas se sont installés dans des villages après que leurs ancêtres ont vécu dans la jungle et des grottes comme les tribus nomades. Ils ne se rendaient dans les villages que pour demander l’aumône, et beaucoup de Kusundas sont encore gênés de dire leur nom parce qu’ils sont toujours considérés comme des « habitants de la jungle ». Toutefois, de nos jours, ils ont pris des noms Thakuri comme Shahi, Sen et Khan – des noms liés au clan dirigeant le Népal. Les Kusundas s’autoproclament ban rajas, rois de la forêt.

Le Kusunda est une langue isolée, ce qui signifie qu’elle n’est reliée à aucune autre langue dans le monde. Malheureusement, elle se caractérise aussi par une jeune génération qui a arrêté de la parler – entraînant sa disparition progressive à mesure que les vieilles générations meurent. En plus de Gyani Maiya, Kamala, sa sœur, début de la cinquantaine, est une autre locutrice qui la parle couramment.

Uday Raj Aaley, un chercheur qui se consacre au ravivement du kusunda, parle aussi la langue. Cependant, Gyani Maiya craint que sa petite-fille Rakshya ne parle jamais sa langue maternelle, ne contribuant pas ainsi à maintenir la tradition vivante. Quand nous avons rencontré Gyani Maiya, elle était occupée à peler des mangues vertes avec sa petite-fille. Elle lui apprenait à peler, trancher et faire sécher les mangues pour un usage ultérieur, mais malheureusement, elles se parlaient en népali.

Gyani Maiya Sen avec sa petite-fille. Photo de l’auteur.

Pas les sabots, seulement les griffes

Alors que nous entamions la conversation avec Gyani Maiya et qu’elle commençait à nous parler de leur culture et de leurs traditions, une vache errante entra dans la grange. Elle se leva soudain de son siège, descendit le « lisno » (un rondin de bois creusé en forme d'échelle), et chassa le bovin. Quand elle revint, elle nous parla des habitudes alimentaires des Kusundas : « Les Kusundas évitent les animaux dotés de sabots mais ils adorent manger ceux pourvus de griffes. » Ils ne touchent même pas au bétail, y compris les oies et les cochons. Ils ne tuent pas non plus les cerfs ou les chevreuils ce qui montre comment ils cohabitant avec la nature.

Toutefois, ils aiment manger les oiseaux, le faisan étant leur préféré. Et ils préfèrent chasser le varan [fr]. C’est si spécial que cela fait désormais partie de la cérémonie nuptiale puisqu’ils doivent présenter à la famille de la future mariée des œufs de varan, sa chair, des vêtements et bien sûr de l’argent. S’ils ne parviennent pas à trouver un œuf de varan, alors, les premiers pourparlers entre les intéressés ne peuvent avoir lieu. Et l’absence de viande de varan signifie pas de mariage du tout.

The bag and the snare Image by author.

Le sac et le piège. Photo de l’auteur.

Toujours chasseurs-cueilleurs

Elle a ensuite défait un tas de cordes emmêlées. Les mailles de la corde formaient un piège pour attraper les volailles de la jungle et le sac est supposé servir à transporter les oiseaux piégés. Fabriqué avec des cordes tirées de plantes sauvages grimpantes, le piège se dit « aant » et le sac « aamji » en langue Kusunda. Les Kusundas attachent le piège entre deux arbres, se cachent à proximité et imitent les cris des faisans en se mettant des feuilles de cycas entre les lèvres. Quand les oiseaux passent entre les arbres, ils se font piéger. Les Kusundas les attrapent et les transportent dans ces sacs perforés.

Alors que nous étions affairés à documenter les mots particuliers de la langue Kusunda, je vis un essaim de minuscules insectes se diriger vers un petit trou dans un rondin de bois. Ce n’étaient ni des abeilles ni des mouches, on les appelle « putka » selon Gyani Maiya et elles produisent une substance sucrée comme le miel.

Pour finir, Gyani Maiya nous montra sa grange. Elle y avait planté des ignames dans le moindre recoin. Avec l’aide d’une bêche, elle en déterra quelques-uns et les mit dans le aamji. Pour une femme de plus de 80 ans, elle avait encore une silhouette imposante. Et par-dessus tout, son ton autoritaire illustrait à l’évidence l’aura dont elle devait jouir quand elle était plus jeune – puissante, comme une « reine de la jungle ».

Putkas. Photo de l'auteur.

La tragédie des congolais expulsés d'Angola

mardi 4 décembre 2018 à 22:34


Selon un communiqué du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (OCHA), depuis début octobre, le Gouvernement angolais a expulsé quelque 330 000 personnes en situation irrégulière de leur pays, principalement vers les provinces du Kasaï, du Kasaï central et du Kwango en République démocratique du Congo.

Le communiqué précise que d'après des d'entretiens avec des habitants de la ville frontalière de Kamako dans le Kasaï, le Bureau a recueilli des informations selon lesquelles les forces de sécurité angolaises ont fait un usage excessif de la force lors de ces expulsions faisant des morts et des blessés.

Nadine FULA écrivant sur le site oom-eco.net citant les propos de Michelle Bachelet, Haut- Commissaire des Nations Unies aux droits humains, relève que:

ces expulsés congolais en provenance d’Angola se sont rués vers les provinces du Kasaï, Kasaï central et le Kwango. Et lors des entretiens avec les habitants de Kamako, le bureau des droits de l’homme des Nations Unies a reçu des informations selon lesquelles les forces de sécurité en Angola ont fait usage excessif de la force lors de ces opérations d’expulsion de non- nationaux angolais en situation irrégulière.

Le rapport établi par OCHA en république démocratique du Congo (RDC) en collaboration avec les partenaires humanitaires couvrant la période du 1er au 16 novembre 2018 fait état de 362 097 congolais concernés, mais met en garde:

Les chiffres ci-dessus ont été validés par la DGM [ Direction Générale de Migration] au niveau national et font donc office de chiffres vérifiés. Cependant, comme toutes statistiques officielles sujettes à un processus de vérification, il est probable que ces données ne reflètent pas encore totalement l’ampleur de l’afflux de la période la plus récente.

Ainsi, les données collectées par les antennes locales de la DGM et celles provenant de certaines organisations de la société civile et ONG semblent indiquer un nombre plus important d’arrivants dans certaines provinces. C’est notamment le cas pour les données récoltées par le système de veille humanitaire assuré par l’ONG Caritas et couvrant toutes les provinces affectées, dont le rôle d’alerte précoce doit être vu en complémentarité des chiffres vérifiés de la DGM. Actuellement, ce système de veille rapporte que près de 522 200 personnes seraient retournées de l’Angola vers les provinces du Kasaï, du Kasaï Central, du Kwango, du Kongo Central, de Lualaba et de Lomami entre le 1er octobre et le 10 novembre 2018.

Ayant quitté le territoire angolais dans la précipitation, ces personnes n'ont emporté que le strict minimum, ou bien elles ont fui les mains vides. Citant Anna Praz, la cheffe des opérations du CICR à Kamako, le site fr.kongotimes.info écrit:

« Ce sont des personnes qui sont parties avec très peu de moyens, sans avoir beaucoup de temps pour se préparer, parfois arrivant les mains vides ou avec très peu de biens. Et certains d’entre eux ont fui sous la peur. », a affirmé Anna Praz, cheffe des opérations du CICR à Kamako. « Et maintenant ils se retrouvent dans un endroit pour eux qui est quasiment étranger, parce qu’ils ont été pendant longtemps loin du Congo, et parmi eux des personnes n’ont plus vraiment beaucoup de contacts avec leur famille depuis quelques années. », a-t-elle ajouté.

Dans un billet publié le 15 octobre, le site lepotentielonline.net dénonce les graves violations des droits humains dont ces personnes ont été victimes:

La majorité de ces compatriotes ont été maltraités et dépouillées par les forces de sécurités angolaises avant d’être expulsés comme des bêtes. Tout ceci se passe sans qu’aucune autorité de Kinshasa ne puisse lever le ton. Comble de l’humiliation, depuis qu’ils sont sur le territoire congolais, ces compatriotes refoulés sont logés à la belle étoile, dans le dénuement total. Des milliers de Congolais sont passés de l’humiliation, en Angola, et au calvaire, sur leur propre territoire, dans l’indifférence totale de Kinshasa.

Selon le directeur pays d’Oxfam en RDC, Chals Wontewe, cité par afrique.lalibre.be, certains de ces expulsés sont accueillis par des personnes qui luttent déjà elles-mêmes contre la pauvreté, la faim et la maladie:

« Nous avons rencontré des familles qui hébergent jusqu’à trente personnes rentrées d’Angola, alors qu’au sein du foyer ils ont des enfants qui souffrent de malnutrition sévère », rapporte ce responsable humanitaire…

Mal nourris, ces expulsés souffrent de diverses pathologies. Sur afriquinfos.com, Vignikpo Akpéné signalait à la date du  23 octobre qu'il y avait déjà au moins 15 personnes décédées de tuberculose et ajoutait:

Le responsable de l’hôpital de Kamako, en RDC, le Dr Miko Mikobi a souligné que   »tous ces morts sont dus à la sous-alimentation et à des maladies, principalement la tuberculose ».

Ce médecin dit avoir déjà reçu  » 318 malades, parmi les expulsés, dont la plupart souffre de la tuberculose ».

Même des épouses angolaises de congolais ont été expulsées ou bien ont suivi leurs maris:

Il y a aussi le cas des enfants congolais nés en Angola qui ne connaissent pas le français. Une maman s'est confiée au site slateafrique.com:

“Tous nos enfants sont nés en Angola et ne parlent que le portugais”, raconte la femme d'une quarantaine d'années qui vivait dit-elle depuis dix ans avec son mari à Lucapa, dans la province angolaise du Lunda Norte…

“Soudain, le lundi, nous avons vu des jeunes garçons de la communauté Tchiokwé avec les policiers angolais commencer à incendier les maisons de tous ceux qu'ils prenaient pour étrangers. Arrivés chez nous, ils ont blessé mon mari à la machette et nous avons été obligés de partir avec ce que nous avons pu prendre”, raconte-t-elle, en écho à d'autres témoignages de violences communautaires qui font même état de morts.

Si les expulsions les plus massives ont concerné les citoyens congolais, l'Angola a aussi expulsé d'autres africains. Comme l'a écrit Cheik Sidya sur afrique.le360.ma, au moment où l'Afrique est en quête d'intégration, il est triste de constater que c'est sur ce continent que les rafles et les expulsions d'africains sont les plus massives.

Ces 28 militaires mauritaniens pendus le 28 novembre 1990

mardi 4 décembre 2018 à 22:26

Capture d'écran des 28 soldats exécutés le jour de l’indépendance – Video de Ibrahima Sow

Depuis 1990, chaque 28 novembre une partie des Mauritaniens réclament que justice soit rendue pour 28 militaires pendus dans la nuit du 27 au 28 novembre pour fêter l'anniversaire de l'accession à l'indépendance de leur pays. Ils furent minutieusement sélectionnés parmi ceux qui avaient été arrêtés les jours précédents. Comble de l'horreur, ils furent pendus l'un après l'autre au même endroit.

Mais il ne s'agit là que d'un cas parmi tant de massacres des Noirs mauritaniens, comme le révélait dans une interview concédée à Assanatou Baldé, en 2011 publiée sur le site afrik.com, le président du comité Inal-France, Youba Dianka :

Je tiens à préciser qu’Inal n’est qu’un exemple; il y a eu plusieurs Inal en Mauritanie. Des horreurs ont eu lieu à Azlatt, à Sory Malé, à Wothie, à Walata, à Jreida et dans toute la vallée. A l’intérieur de la caserne militaire d’Inal et environs, il y a eu des militaires écartelés, enterrés vifs, tués à bout portant, et pendus pour célébrer la fête de l’indépendance du pays en 1990.

Dans un billet publié sur cridem.org, Kaaw Elimane Bilbassi Touré dénonce le fait que tandis que tous les Mauritaniens se sont retrouvés pour fêter la qualification de leur équipe nationale de football, composé uniquement de noirs, pour la 1ère fois à la phase finale de la Coupe d'Afrique des nations (CAN), ces victimes gisent toujours dans des fosses anonymes.

Les morts furent nombreux au moins 530 personnes sont mortes dans les camps de détention mais sans compter les assassinats repétés, perpétrés tout au long de la vallée du fleuve Sénégal depuis le début du conflit sénégalo-mauritanien…

Les organisateurs de ces inqualifiables sacrifices de ces boucheries d´un anniversaire à l´autre, sont toujours là et continuent à diriger notre armée raciale à commandement monocolore et restent toujours protégés par l´Etat raciste…

Depuis, ils gisent dans la solitude des fosses anonymes. Depuis, ils attendent des sépultures décentes…

La vidéo ci-dessous résume l’épisode tragique du contexte de ces exécutions :

Le 28 novembre 2018, Kiné-Fatim Diop, chargée de campagnes pour l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International rappelle le contraste entre ce que toute la nation mauritanienne devrait ressentir, en ce jour anniversaire de l'accession du pays à l'indépendance, et ce que vivent les familles des victimes :

Chaque année, pendant que les officiels célèbrent dans la joie l’accession à la souveraineté du pays, les familles des victimes pleurent et manifestent dans la tristesse pour demander justice et réparation. Face à elles, les autorités mauritaniennes s’efforcent d’ensevelir cette face hideuse de l’histoire, comme lorsqu’elles faisaient voter, en catimini en 1993, une loi d’amnistie confirmant l’amnésie de l’État sur les tueries des militaires il y a 30 ans.

C'est la tragédie des deux frères Diallo pendus l'un après l'autre et le comportement inhumain de leurs bourreaux qui a retenu l'attention du site du Forum pour la lutte contre l'impunité et l'injustice en Mauritanie (fliim90.canalblog.com):

Absolument, une malédiction gratuite s’était battue sur les 28 officiers noirs ce soir-là. Telle la pendaison de deux frères Diallo Oumar Demba et son frère Diallo Ibrahima qui portaient des numéros successifs écrits par le moyen d’un feutre. Triste mort que celle d’assister placidement à la mort de son frère aîné. Les bourreaux tuaient avec précision, d’ailleurs, ils ne se limitaient pas seulement-là, ils trainaient les pendus et s’asseyaient sur leur cadavre.

Les témoignages des survivants abondent. Dans son livre L'enfer d'Inal publié en 2000, Mamadou Sy, qui a occupé les fonctions de commandant d'escadron, d'adjoint au commandant de base puis de commandant de base dans l'armée mauritanienne, avant son arrestation, décrit la scène de torture à laquelle il a été soumis avec d'autres camarades :

Le lieutenant Anne Dahirou est attaché derrière une Land Rover, le véhicule de commandement du capitaine SIDINA OULD TALEB BOUYA, il est à l’autre extrémité sur ma gauche, ensuite viennent respectivement Mohamed Mansour, puis le lieutenant Sall Abdoulaye Moussa attachés eux derrière des Sovamags. Quant a moi, on me destine un camion… Le caporal OULD DEMBA nous met les bandeaux. On m’asperge d’eau sale et puante. Le camion, une Mercedes type 11/13 se met à rouler. J’essaie de suivre en courant mais cela ne peut durer longtemps avec des pieds enchaînes’…

Un autre militaire, qui a pu rejoindre la France pour se soigner, après sa sortie de prison, avec l'aide de l'Association catholique d'aide aux victimes de la torture (ACAT) témoignage sur flamnet.info :

Je suis un militaire de carrière, brigadier-chef de la Garde Nationale, ancien commandant de brigade de T., une ville qui se trouve non loin de Nouakchott, la capitale de la Mauritanie. J´ai derrière moi vingt quatre ans de service militaire.

Aussi loin que je remonte dans ma vie, depuis que j´ai commencé à comprendre, j´ai toujours constaté que les noirs n´avaient aucun droit, et que les Maures blancs étaient privilégiés. Chez nous, sur vingt ministres au gouvernement il y a un quart seulement pour les noirs, à l´armée, un seul Noir pour dix officiers. Dans un stage, si un Maure a mal travaillé, il l'emporte portant sur n´importe quel Noir. Et pas question de protester…

Il décrit une forme de torture particulièrement horrible à laquelle les victimes étaient soumises :

Les tortures étaient pratiquées de différentes façons. Par exemple, on creusait des trous dans le sable, on nous enterrait jusqu´au coup, la tête immobilisée, le visage nu tourné vers le soleil. Si on essayait de fermer les yeux, les gardes nous y jetaient du sable. Ensuite on nous remettait nos bandeaux.

Maimouna Alpha Sy, secrétaire générale du Collectif des veuves et du passif humanitaire, est la veuve de Ba Baïdy Alassane, qui fut lieutenant contrôleur des douanes qui, d'après, fut parmi les victimes :

assassiné en 1990 à la brigade de la gendarmerie de Nouadhibou”. « Nous avons fait trois mois et dix jours à la recherche de mon mari sans pouvoir le retrouver, a-t-elle expliqué. La Douane nous a dit qu’il est mort d’un arrêt cardiaque, ce qui n’est pas vrai. Il y a des témoins qui ont été arrêtés, ligotés et torturés avec lui. Il a été tué devant ces gens-là ».

Cette année, à l'occasion du 28 novembre, il y a eu la manifestation des immigrés mauritaniens en face de l'ambassade de leur pays à Paris pour dénoncer l'oubli dans lequel les autorités mauritaniennes veulent reléguer ce triste épisode. Il y a eu aussi ce discours remarquable de la députée Kardiata Malick Diallo au parlement mauritanien pour essayer d'empêcher cette tentative d'oubli:

Même si votre pouvoir ne peut être tenu comme directement responsable de ces actes qui ont définitivement souillé le 28 novembre, il n’en demeure pas moins qu’il avait la charge de trouver une solution adéquate basée sur le droit des victimes à la vérité et à la justice.

Hors, M. le Premier ministre, les actes que vous avez posés ont consisté à protéger les coupables des crimes dont certains occupent encore de très hautes fonctions dans l’état et ne proposant aux ayant droit des victimes que l’oubli.
Les grandes nations et les grands peuples ne cherchent jamais à gommer un épisode sombre de leur histoire mais le matérialisent par des symboles visibles pour les maintenir dans la mémoire afin de dire « PLUS JAMAIS CA ». M. le Premier ministre, votre pouvoir a préféré poursuivre et parachevé un processus de marginalisation et d’exclusion.

Tant qu'une minorité continuera à occuper presque tous les postes de responsabilité, il sera difficile que ces victimes connaissent un jour une réhabilitation. Hors il se retrouve que dans le dernier gouvernement (d'octobre 2018), sur 24 postes ministériels seulement 5 vont aux Noirs qui représentent de 73 à 80 pour cent, de la population selon les sources. On retrouve cette même sous-représentation de la majorité de la population parmi les élus, les membres des forces de sécurité, les fonctionnaires et les administrateurs locaux.