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Au Paraguay, la pauvreté crée une boucle de femmes s'occupant des enfants d'autres femmes

samedi 5 août 2017 à 10:34
Micaela Martínez es otra abuela memby. La abuela que la cuidó hoy tiene 71 años y es ella ahora quién la cuida. Sin embargo, como es universitaria, contrató a Graciela como doméstica. Graciela a su vez tiene una hija de 2 años, que en ausencia de su madre, es criada por su abuela • Juan Carlos Meza / Fotociclo

Micaela Martinez est une «abuela memby,» une «fille de sa grand-mère.» Micaela, maintenant à l'université, a engagé Graciela pour prendre soin de sa grand-mère de 71 ans. Pendant que Graciela travaille comme aide à domicile et employée de maison pour la grand-mère de Micaela, sa propre fille âgée de 2 ans reste à la maison avec la mère de Graciela, fermant le cercle de femmes s'occupant des enfants d'autres femmes. Photographie de Juan Carlos Meza utilisée avec l'autorisation du site web Kultural.

L'article suivant a été écrit par Maximiliano Manzoni et a été initialement publié par Kurtural dans la série «Un pays de femmes.»

Veronica n'avait que neuf ans quand il lui fallut apprendre à se servir d'un logiciel de vidéo-conférence afin de pouvoir parler à sa mère et voir son visage sur l'image à faible résolution. La mère de Veronica, Margarita, comme des milliers d'autres femmes, a émigré en Espagne au début de l'an 2000 pour travailler comme baby-sitter, laissant sa fille avec sa mère à Asunción, la capitale du Paraguay. Depuis lors, internet, accédé sur des ordinateurs publics, a été leur seul moyen de communication.

En 2003,près de la moitié de la population du Paraguay  souffrait d'extrême pauvreté et des milliers de personnes faisaient la queue au bureau des passeports local pour tenter d'émigrer vers l'Europe en quête d'un emploi. C'était la plus importante émigration de Paraguayens de l'histoire; en Espagne seulement, la population paraguayenne a explosé, de 7.000 personnes en 2004 pour atteindre plus de 82.000 en 2009.

En 2007, 70 % des émigrés paraguayens en Espagne étaient des femmes, et 90 % étaient employées comme femmes de ménage ou aides à domicile pour les personnes âgées ou handicapées. Tout comme Margarita, plus de la moitié de ces femmes avaient des enfants à elles et devaient pourtant les laisser aux soins de quelqu'un d'autre, et s'occuper de la famille d'une autre personne afin de subvenir aux besoins de la leur.

Veronica a été élevée en grande partie par sa grand-mère au foyer qu'elle appelle «mère.» Elle appelle Margarita, sa mère biologique, «maman.» Veronica partage son statut d'«abuela memby» avec d'autres, comme Niurka Colman, dans des circonstances très proches des siennes. Niurka a elle aussi été élevée par sa grand mère au Paraguay quand sa mère a dû émigrer dans les Asturies en Espagne pour travailler comme aide à domicile pour une personne handicapée.

«Abuela memby,» «enfant de leur grand-mère», vient d'un mélange d'espagnol et de guarani, et est souvent utilisé au Paraguay pour désigner les enfants qui comme Veronica et Niurka, ont été élevés par leurs grand-mères parce que leurs mères, parties à l'étranger en quête d'un emploi ou pour leurs études, n'ont pas pu le faire elle-mêmes. Ces grand-mères sont des figures éminentes dans la culture du Paraguay, où les femmes prennent mutuellement en charge leurs enfants.

La grand-mère est devenue un symbole culturel présent dans les chansons populaires, un phénomène qui fit son apparition dans la culture paraguayenne lors de la migration de la population des zones rurales vers les zones urbaines d'abord, puis vers l'Argentine et plus tard l'Espagne. Selon une étude réalisée par les Nations-Unies, il ne s'agit pas d'un nouveau mode d'éducation des enfants dans cette société, aucuns nouveaux modèles ou règles n'ont été créés, cela s'est seulement développé à partir de quelque chose qui existait déjà.

Un accord financier fondamental existe entre les mères et les grand-mères. Les grand-mères s'occupent des enfants pendant que leurs mères travaillent loin du foyer et celles-ci envoient de l'argent à leurs propres mères pour subvenir aux besoins de leurs enfants. Comme ce sont des femmes d'un certain âge, le soutien financier de leurs filles est essentiel. Au niveau national, les transferts de fonds internationaux constituent les quatre principales sources de revenus du pays, et le seul allant directement à la population.

La majorité des transferts de fonds internationaux vient des mères qui travaillent et ont émigré en Espagne durant la récession de 2003. Pendant des années, c'était la seule source de revenus pour les familles comme celle de Niurka ou de Veronica. L'afflux d'argent frais dans le pays a finalement aidé l'économie à remonter. «Les virements ont permis à des milliers de personnes d'avoir accès aux nouveaux services financiers offerts dans le pays,» a déclaré Manuel Ferreira Brusquetti, du service des impôts du Paraguay.

Certaines mères arrivent à revenir. D'autres pas.

Selon l'anthropologue Nicolás Granada, les femmes qui ont émigré en Espagne sont considérées «pseudo-résidentes.» Le terme «résidentes» (residentas en espagnol) date de la guerre du Chaco entre la Bolivie et le Paraguay, et fait référence aux femmes forcées d'évacuer la capitale paraguayenne pour travailler dans une quelconque «résidence» assignée. Granada fait référence aux femmes de cette époque pour illustrer le dilemme des femmes paraguayennes modernes : elles doivent partir pour des raisons économiques et beaucoup ne reviennent pas. Granada raconte l'histoire de familles qui ont dû émigrer en Espagne dans son documentaire “Distances de Gua’u.”

Les conditions de vie sont très différentes pour les femmes qui ont émigré en Argentine comparées à celles qui ont émigré en Espagne, selon Patricio Dobree, un chercheur intéressé par la question de l'émigration et du travail, et notamment du marché des services à domicile. L'émigration vers l'Argentine fut massive, mais on la savait «circulaire,» « cela signifie que les femmes sont en mesure de revenir pour s'occuper de leurs enfants à nouveau si des circonstances particulières le demandent, telles que la maladie ou le handicap des enfants ou de leurs grand-mères.

La situation est beaucoup plus compliquée pour les femmes qui ont émigré en Espagne. En cas d'urgence ou de circonstances particulières, «elle ont plus de mal à revenir à cause de la distance et du coût du voyage,» explique Dobree. Cette dynamique présente également une série différente de difficultés pour leurs familles.

Micaela Martinez, comme Niurka et Veronica, est aussi une ‘abuela memby.’ Sa grand-mère l'a élevée quand sa mère est partie en Espagne. Sa grand-mère, maintenant âgée de 71 ans, «a besoin de quelqu'un pour l'aider» déclare Martinez.

Dobree explique comment la «chaîne des soins» souffre quand les femmes ne peuvent pas revenir au Paraguay. «Les enfants grandissent et deviennent des adolescents qui présentent un nouvel ensemble de difficultés pour leurs grand-mère âgées. Ces grand-mères développent aussi avec le temps des problèmes de santé et des limitations dans leurs capacités ; elles méritent de recevoir l'aide dont elles ont besoin à leur tour, ce qui ne va pas sans difficultés.

Micaela, maintenant étudiante à l'université, prend soin de sa grand-mère puisque sa mère est loin. A cause de ses responsabilités d'étudiante, Micaela et sa grand-mère ont décidé d'engager Graciela, une employée de maison et auxiliaire de vie. Graciela, de son côté, a une fille de deux ans qui reste avec sa grand-mère pendant que Graciela travaille, et ainsi la boucle d’ «abuela memby» se referme.

 

Pour les nomades de Mongolie, adieu le bétail et bonjour le smog

jeudi 3 août 2017 à 22:59

Oulan-Bator sous le smog, année 2010. Photo Einar Fredricksen/Flickr. Licence: CC BY-SA 2.0

Cet article a été écrit par Anne Bailey et initialement publié sur PRI.org [en anglais] le 10 juin 2017. Nous le republions ici dans le cadre d'un partenariat entre PRI et Global Voices. 

Un bébé pleure pour qu'on s'occupe de lui, pendant que sa mère prépare le thé, tout en surveillant le poêle de la yourte familiale, ou ger. Entre les épais murs de toile, l'air est rempli d'odeurs de fumée et de fromage. Deux garçons plus grands jouent dehors.

C'est une scène que l'on peut observer depuis des siècles en Mongolie, en toute saison et presque en tout point des immenses plaines du pays, où des familles d'éleveurs nomades suivent leur troupeau, comme l'ont fait un nombre incalculable de générations.

Mais la Mongolie change vite. Et cette famille nomade vient de planter sa maison portative dans un endroit où elle n'aurait jamais imaginé s'installer — un patchwork de chemins de terre, de clôtures de fortune et de yourtes par centaines dans la capitale mongole bondée : Oulan-Bator.

Voici quelques années, cette famille a abandonné l'élevage après avoir perdu une partie de son bétail au cours d'un de ces hivers extrêmement rigoureux qu'ici on appelle le «dzoud».

Et ils ne sont pas les seuls.

«Il y a tellement de nomades qui ont perdu leurs bêtes [à ce moment], dit Jargalsaïkhan Erdene-Baïar, le père de famille. C'est comme ça qu'ils ont commencé à migrer ici. Et ce n'est pas fini.»

Le «dzoud» a toujours fait partie de la vie mongole, mais avec les changements climatiques, il semble qu'il revienne de plus en plus souvent. Ce qui contribue à créer une cascade de problèmes : la perte des traditions, les familles déplacées, la surpopulation. Et le smog.

Levez les yeux par une journée d'hiver, et vous pourrez voir ceci.

«Ça fait un dôme au-dessus de la ville, un dôme gris», nous dit un militant local, Tougouldour Tchoulououn-Bator.

Cet hiver, de nombreux nouveaux arrivants ont fait brûler tout ce qu'ils ont pu pour se tenir chaud.

«Du charbon, dans la plupart des cas, explique M. Tchoulououn-Bator. Mais vous savez, il en y en a qui ont essayé de faire brûler autre chose, des pneus, du plastique.»

Munch-Erene, huit mois, à côté du poêle traditionnel familial dans leur ger, ou yourte, à Oulan-Bator. Les poêles servent à faire brûler du bois ou des bouses fournies par le bétail, mais de nombreuses familles l'utilisent pour faire brûler du charbon, ce qui fait bondir le niveau de pollution atmosphérique en hiver. Photo fournie par Anne Bailey.

Ce sont des carburants très sales, qui polluent encore plus s'ils sont utilisés dans ces poêles traditionnels conçus pour brûler du bois ou des bouses. Ainsi, ce smog venant de tout ce qui brûle, ajouté aux moyens de transport, aux centrales électriques et aux industries, stagne au sol, piégé par la couche d'air froid qui enveloppe les montagnes voisines. Tout cela génère une qualité d'air qui, dans cette ville de 1,4 million d'habitants, arrive à être encore plus mauvaise que dans des métropoles tristement célèbres pour leur pollution, comme Pékin ou Mumbai.

La famille Erene-Baïar brûle à elle seule trois tonnes de charbon en un seul hiver.

Ils savent que se chauffer de cette façon est mauvais pour la santé, mais ne voient pas d'autre solution.

«Le charbon, c'est le seul moyen, explique M. Erdene-Baïar. La Mongolie n'a pas de gaz naturel, et l'électricité est chère.»

Le gouvernement de la Mongolie a dépensé des millions de dollars ces dernières années pour lutter contre la pollution. Et il prévoit d'en dépenser encore plus en construisant des immeubles dotés d'un chauffage central plus efficace, destinés aux familles qui vivent encore en yourte. Mais les progrès sont lents, et de nombreux migrants n'ont pas envie de renoncer à leurs maisons traditionnelles pour des murs de béton. Beaucoup espèrent encore revenir à leur ancien mode de vie. Un vœu qui ne paraît guère réalisable.

«La désertification est une réalité, un vrai problème, explique Batiargal Zamba, météorologue et consultant du ministère de l'Environnement [en mongol]. Sans compter qu'avec le réchauffement, la zone aride de la Mongolie va s'étendre.»

Ce qui signifie qu'il y aura moins d'herbe pour le bétail. Et donc, vraisemblablement, encore moins de familles nomades et encore plus de migrants vers Oulan-Bator, et aussi encore plus de problèmes pour la ville.

Les militants locaux comme Tougouldour Tchoulououn-Bator savent bien qu'ils ne pourront pas résoudre à eux seuls ce vaste problème, mais ils font ce qu'ils peuvent. M. Tchoulououn-Bator participe à un projet collectif [en anglais] qui cartographie la société et l'environnement du camp de toile de la ville, depuis la distance moyenne jusqu'à un point d'eau aux décharges d'ordures illégales, qui polluent. Le but est d'utiliser des données pour aider les gens à unir leurs forces et les pousser à l'action.

«C'est réellement difficile d'obliger le gouvernement à faire quelque chose quand on est tout seul, dit M. Tchoulououn-Bator. Par contre, la voix de la communauté résonne très fort.»

Et les choses bougent petit à petit. Le gouvernement a proposé des avantages fiscaux pour que les petites entreprises produisent des poêles moins polluants, et encourage les gens à se chauffer à l'électricité, un peu plus propre.

Le processus reste tout de même très lent, et M. Erdene-Baïar, l'ancien éleveur, dit qu'il n'a remarqué aucune amélioration.

«La pollution de l'air, c'est un grave problème, dit-il. Vivre ici est très dangereux pour nous.»

Malgré tout, M. Erdene-Baïar et sa famille rêvent toujours d'un retour à la campagne, là où l'air est pur.

«Je veux garder le mode de vie nomade, dit-il. J'aime l'élevage.»

A Oulan-Bator, Jargalsaïkhan Erdene-Baïar garde son fils de huit mois, Munch-Erdene, à l'intérieur du ger familial. M. Erdene-Baïar a élevé son bétail à la campagne jusqu'à un hiver très rigoureux qui a causé la mort de la plupart de ses animaux et l'a obligé à aller chercher du travail en ville. Photo fournie par Anne Bailey.

Au Venezuela, le théâtre est un moyen de résistance

jeudi 3 août 2017 à 20:37

Ana Gabriela Melo (au centre) avec les acteurs de sa pièce “Soupe de tortue”, qui réfléchit sur l'identité vénézuélienne, les mouvements des exilés, les allers-retours de la vie quotidienne qu'on n'arrête ni avec des crises nationales, ni par l'exil. Photographie utilisée avec autorisation.

Le théâtre, comme toute autre activité artistique et créative au Venezuela, se trouve confronté à la crise nationale actuelle et la reflète. Les difficultés vécues dans la rue pénètrent dans tous les domaines de la vie des Vénézuéliens et sont très souvent utilisées  pour créer in climat d'incertitude dans les scénarios qui réunissent les compagnies et les groupes de théâtre du pays.

La production même, la préparation et la mise en scène des pièces, et également, les attentes des acteurs, des metteurs en scène et des institutions en lien avec le théâtre, font que c'est un exploit de donner vie à la représentation. Aussi, beaucoup de compagnies théâtrales qui continuent leur activité dans le pays rassemblent leurs efforts sous le hashtag #TeatroDeLaResistencia [#ThéâtreDeLaRésistance].

Global Voices s'est entretenu avec Ana Melo, une des représentantes les plus actives sur les planches de Caracas, afin de comprendre les motivations dans le contexte de crise au Venezuela. Le théâtre de la résistance, comme le souligne l'auteure et actrice, est un théâtre qui refuse de mourir, malgré toute l'adversité existante et qui se débat avec de grands problèmes éthiques et humains. Pour Melo, le théâtre au Venezuela est un travail qui parait inutile à de nombreuses personnes :

Hay gente que piensa que lo que se hace no tiene sentido. (…) Se piensa que la resistencia que realmente hace eco en la sociedad se hace en la calle y no en el escenario. Por lo tanto, los actores sufren de algo parecido a una baja autoestima en relación a su oficio. Preguntas como para qué hacer esto o es el teatro útil al país en medio de la mayor crisis de su historia invaden la mente de los artistas y el espacio actoral con fuerza”.

Il y a des gens qui pensent que ce que l'on fait n'a pas de sens. (…) Ils pensent que la résistance qui a un réel impact dans la société vient de la rue et non de la scène. Toutefois, les acteurs souffrent de ce qui s'apparente à un manque d'estime de soi en rapport avec leur travail. Des questions comme à quoi cela sert-il de le faire ou le théâtre est-il utile dans un pays qui est dans la crise la plus importante de son histoire envahissent avec force l'esprit et l'environnement des acteurs.

Et pourtant,

Yo siento que en parte hay también un comportamiento obsesivo. Es más fuerte la idea, lo que quieremos comunicar. Es una necesidad de comunicar que es más fuerte que tú, que el desgano e incluso que la crisis. Mi lucha ha sido, a pesar de marchas y crisis, seguir motivando al grupo de actores, alimentar nuestra vocación.

Je ressens que d'un autre côté il y a aussi un comportement obsessionnel. L'idée est la plus forte, c'est ce que nous voulons communiquer. Il existe un besoin de communiquer qui est plus fort que toi, que l'apathie et même que la crise. Mon combat a été, malgré les défilés et les crises, de continuer à motiver les groupes d'acteurs  et à alimenter notre vocation.

Pour Ana Melo, le “théâtre est en rapport avec l'identité vénézuélienne bien plus qu'avec une position politique”, et pour cela il se nourrit de tout ce qui se passe autour, de toutes les histoires qui finissent par être sa propre histoire.

Son como dos fuerzas opuestas que están conviviendo y que son complicadas de llevar: por un lado hay como un desengaño, una sensación de para qué estoy haciendo esto. Por otro lado, hay una especie de terquedad, que es como una cosa casi autómata: yo toda mi vida he hecho esto. Si hay una función, voy a ir y punto.

C'est comme deux forces opposées qui cohabitent et qui sont compliquées à maîtriser : d'un côté il y a comme une forme de désillusion, un sentiment qui se demande pourquoi on fait cela. D'un autre côté, il y a une sorte d'entêtement, qui est comme automatique: moi, j'ai fait ça toute ma vie. S'il y a une représentation, j'irai, point à la ligne.

La récompense

Mais, dans toute cette crise autour de la valeur de l'activité artistique dans le contexte national, quelle est la motivation qui habite ces courageux qui décident de continuer à représenter une œuvre théâtrale au Venezuela?

Ana Melo assure que la récompense est dans ce court moment après la représentation d'une œuvre, où quelqu'un te dit que l'histoire qui a été racontée et jouée l'a fait réfléchir. Ainsi, la récompense est de savoir que le message a atteint son but, qu'il restera en tournant dans une ou plusieurs têtes, et que d'une certaine façon, une inquiétude, gardée pendant un moment par quelqu'un, sort, occupe et se modifie dans ces autres inquiétudes qui ont été montrées. Ils ont vécu cette inquiétude et se la sont appropriée.

[En la creación] hay dolor de por medio. Algo que te duele fuertemente. Cosas que se engendran a partir del dolor. En ese sentido es un proceso un poco tortuoso, pero sabroso también. Y de ahí que alguien diga que ha visto la obra y se quedó pensando, significa que hay eco de algún modo. Eso para mi es todo un pago.

El del teatro puede llegar a ser un trabajo titánico y es doloroso una vez que termina. Una vez que una obra llega a las tablas duele dejarla a ir. Sin embargo, siempre quedan cosas por decir, así que todo vuelve a empezar… Casi como un castigo griego. El teatro es la forma en la que puedes tomar todo lo que está pasando, pasarlo por un filtro, digerirlo desde otro punto de vista. Te conecta con algo emocional, te ayuda a entender desde la emoción, te hace preguntas.

[Dans l'acte de création] il y a une douleur au centre. Quelque chose qui fait fortement souffrir. Des choses qui naissent à partir de la douleur. En ce sens, il s'agit d'un processus un peu tortueux, mais plein de saveurs aussi. A partir de là, quelqu'un qui dit qu'il a vu la pièce et que cela l'a fait réfléchir, cela signifie qu'il y a un impact d'une certaine façon. C'est pour moi tout le prix.
Le théâtre peut devenir un travail titanesque et c'est douloureux une fois que c'est fini. Une fois qu'une pièce arrive sur les planches, cela fait mal de la laisser partir. Cependant, il y a toujours des sujets à aborder, aussi tout recommence… Presque comme un châtiment grec. Le théâtre est la forme dans laquelle tu peux aborder tout ce qui se passe, le mettre dans un filtre, le digérer depuis un autre point de vue. Cela te met en relation avec l'émotionnel, cela te permet de comprendre depuis l'émotion, tu t'interroges.

Pour Melo, la récompense vient aussi dans la résistance même d'un art qui depuis ses origines est en lien avec les réalités politiques et qui existera et qui résistera tant qu'il y aura des compagnies et des dynamiques sociales qui le développeront. En d'autres termes, tant qu'il y aura la vie, il y aura un théâtre qui essaiera de traduire l'expérience humaine en acte esthétique, nécessaire pour le soulagement et pour éveiller les consciences.

Philippines : les fausses informations encore plus difficiles à détecter sur Facebook Free

jeudi 3 août 2017 à 15:10

Le mode Gratuit ne montre ni photographies, ni vidéos, ni sites internet externes. Pour les voir, il faut basculer en mode Données et s'acquitter des charges qui s'appliquent. Capture d'écran de l'auteur.

Facebook est une plate-forme importante pour la diffusion d'informations en ligne. Mais même les internautes les plus avisés peuvent avoir du mal à y distinguer les vraies des fausses.

Une nouvelle étude de Global Voices montre que sur la version mobile “gratuite” de Facebook, accessible sans frais à des utilisateurs de plusieurs pays en voie de développement, il est encore plus difficile d'évaluer la fiabilité des articles d'actualités que sur la version classique.

L'entreprise a construit une version allégée de son site pour permettre au public des pays en voie de développement d'accéder à Internet. Cette version est offerte avec une poignée d'autre sites et services d'information, de météo et de sport, et l'ensemble forme l'application Free Basics.

Dans cette version allégée de Facebook, aussi appelée “Facebook Free” [Facebook gratuit, NDT] dans certains pays, les utilisateurs peuvent se mettre en communication avec leur famille et amis, bavarder avec l'application Messenger, télécharger et diffuser du contenu sur Facebook sans aucun frais de données. Pour les actualités en revanche, la situation est différente : ils ne peuvent lire que les titres des articles et les légendes des photographies et des vidéos. A moins de souscrire à un forfait (payant), l'application ne leur permet pas d'accéder aux articles eux-mêmes.

Dans l'atmosphère hystérique actuelle sur la prévalence de la désinformation et des fausses informations sur Internet, cette limitation désavantage les usagers à faible budget, car ceux-ci ont un accès réduit à des informations utiles et peu de moyens de déterminer si un contenu est fiable ou non.

En 2016, Facebook comptait plus de 47 millions [en] d'abonnés aux Philippines. Un grand nombre utilisent Free Basics, fourni en partenariat avec Globe Telecommunications ou Smart Communications.

Voyez la différence entre les fils d'actualité des interfaces de Facebook gratuit (à gauche) et standard (à droite) :

“Walang mga litrato sa free mode. Gumamit ng Data para Buksan ang link” se traduit par “Il n'y a pas de photos en mode gratuit. Utilisez les données pour ouvrir le lien”.

Pour passer du mode gratuit (à gauche) au mode normal (à droite), l'utilisateur est notifié qu'il ou elle doit payer des frais de transmission de données :

Texte principal : “Utilisez les données de votre abonnement. Vous quittez Facebook. Achetez des données à Globe pour discuter avec vos amis, lire des articles et autres.” Capture d'écran de l'auteur.

C'est une option simple pour ceux qui peuvent s'acquitter de ces frais, mais pas pour les autres. Mais justement, les utilisateurs de Free Basics n'ont pas les moyens de payer le coût intégral d'une connexion à Internet.

Lorsqu'il installe Free Basics, l'utilisateur est informé via les conditions générales de l'application que des frais peuvent s'appliquer si des photos, vidéos ou liens externes sont ouverts sur Facebook. S'il possède un forfait, il peut simplement accepter de l'utiliser. Mais s'il prépaye ses données, il doit les acheter dans un magasin ou sur un marché offrant des cartes de recharge Globe ou Smart. En grande majorité, les abonnés à Internet aux Philippines prépayent leurs données.

Voici la clause pertinente des conditions générales de Globe, l'une des deux principales entreprises de télécommunications des Philippines :

You can now access a version of Facebook on your mobile phone without using your data allowance with Globe. However, if you leave this version of Facebook, or view content outside of Facebook, such as links to articles or external videos, then you might start using your data plan to see that content.

Vous pouvez maintenant accéder à une version de Facebook sur votre téléphone portable sans utiliser vos données avec Globe. Cependant, si vous quittez cette version de Facebook, ou consultez du contenu en dehors de Facebook, tels que des liens vers des articles ou des vidéos externes, alors vous êtes susceptibles de consommer les données de votre abonnement.

Quand les “fausses informations” rencontrent le Facebook “gratuit”

Si Facebook Free est la seule source d'information d'un utilisateur, celui-ci se retrouvera probablement face à des articles contenant des informations ou des sources douteuses, mais il n'aura pas les outils pour les vérifier. Considérez les exemples suivants :

Capture d'écran de l'auteur.

Capture d'écran de l'auteur.

Le risque existe que ces utilisateurs fassent la promotion de contenu erroné ou mensonger sans s'apercevoir de leur nature tout de suite. Voici par exemple un gros titre qui semble mériter sa publication sur un site portant un nom similaire à Al Jazeera :

Capture d'écran de l'auteur.

Bien entendu, le site en question n'est pas Al Jazeera mais une imitation. Sans les images associées, les sites satiriques peuvent également être plus difficiles à détecter.

Capture d'écran de l'auteur.

Parmi ceux qui ont partagé ces articles se trouvent des amis de l'auteur qui ont fait des études universitaires et ont déjà exprimé leur franche désapprobation vis-à-vis des fausses informations. Avec Facebook Free, il est clairement plus difficile de vérifier si un titre qui incite à la lecture est le début d'un article factuel ou de quelque chose de moins fiable.

Même les titres de sites légitimes peuvent induire les usagers de Facebook Free en erreur. Ainsi, le titre ci-dessous, dans lequel Donald Trump qualifie les Philippines de “nation terroriste”, est daté du 31 mars 2017.

Alors qu'un usager de la version classique de Facebook peut lire que ce commentaire date en fait d'août 2016, avant l'élection, ceux de Facebook Free n'ont pas cette possibilité et peuvent facilement croire que la citation est récente.

Capture d'écran de l'auteur.

Facebook Free offre un moyen de communiquer et d'accéder à des informations facilement. Mais ses limitations quant à l'acces à l'ensemble de l'Internet, couplées avec ses omissions d'indicateurs-clés tels que les images, peuvent en fin compte démunir les utilisateurs en ne leur donnant que des informations incomplètes et parfois même complètement incorrectes.

Pour en savoir plus

Global Voices salue la mémoire de Bassel Khartabil, militant du Web ouvert, exécuté par le régime syrien

mercredi 2 août 2017 à 16:57

Bassel Khartabil. Photo : Joi Ito via Wikimedia (CC BY 2.0)

C'est avec une profonde tristesse que nous avons appris la mort de notre ami Bassel Khartabil. Nous pleurons sa perte, et adressons nos profondes condoléances à sa famille, ses amis et tous ceux qui l'ont connu et aimé.

Responsable de Creative Commons en Syrie, actif dans les projets Mozilla Firefox et Wikipédia, Bassel Khartabil (alias Bassel Safadi) a joué un rôle essentiel dans l'élargissement de l'accès à l'internet et au savoir ouvert pour le public en Syrie. Il était un ami proche pour beaucoup à l'intérieur de la communauté Global Voices et a participé à notre conférence des Blogueurs arabes en 2009.

En novembre 2015, la femme de Bassel a rapporté avoir été contactée par des individus se disant proches du pouvoir Assad. Ceux-ci ont dit à Noura Ghazi que son mari avait été condamné à mort, sans donner d'autres détails. La localisation et la situation de Bassel sont restés inconnues jusqu'à hier, quand Noura a appris d'officiels syrien qu'il avait été exécuté en 2015.

Aujourd'hui et désormais, nous saluons toute l’œuvre de Bassel, chef de file du mouvement de l'open web. De même que nous saluons les efforts de tant d'individus et d'organisations qui ont plaidé depuis cinq ans pour qu'il soit remis en liberté.

Depuis le début des manifestations contre le régime de Bachar al-Assad en 2011, plus de 65.000 personnes ont disparu, selon le Réseau syrien pour les droits humains.

On ne saura sans doute jamais combien, parmi ceux et celles que le régime a arrêtés ou fait disparaître, ont subi tortures ou même exécutions. De 2011 à 2016, au moins 17.723 Syriens sont morts en détention, selon l'organisation internationale de défense des droits humains Amnesty International. Le sort de nombreuses autres personnes demeure inconnu.

Lire sur l'oeuvre et la vie de Bassel :