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Anatomie d'un tremblement de terre à Trinité

samedi 25 août 2018 à 16:03

Screenshot from the USGS's interactive map of the August 21 earthquake.

J'ai des souvenirs très nets du tremblement de terre de Haïti en 2010. Je n'y étais pas physiquement, mais le reste de mon être si, certainement, en cœur et esprit. L’équipe Caraïbe de Global Voices publia près de 50 articles sur les actions de secours, de sauvetage et de reconstruction dans les deux mois qui suivirent le 12 janvier, et nous avons eu un contingent sur les lieux pour un court laps de temps pendant les premiers stades de la reconstruction afin d'aider les internautes haïtiens, privés d'électricité et d'internet, à parler de la catastrophe avec leur propre voix.

Le tremblement de terre de Haïti, avec son impressionnante magnitude de 7,0, produisit des effets calamiteux : dans les 30 ou 40 secondes de sa durée, on aurait dit un enfant détruisant sa ville en  Lego dans un accès de rage. Les bilans économique et humain, des fardeaux que ce pays insulaire en difficulté était mal équipé pour supporter, furent sidérants. De loin, ce séisme m'a transformée : il a consolidé le pouvoir des plateformes de médias sociaux de parler pour les personnes dans les zones de catastrophe (et de guerre) quand les médias traditionnels ne sont même pas en mesure de s'y frayer un accès sécurisé. Un phénomène qui allait se répéter, depuis le début du printemps arabe cette même année jusqu'à l'actuelle crise syrienne. Mais l'événement a aussi consolidé dans ma tête le fait que nous sommes les gardiens de nos frères. Une communauté mondiale. Aide-toi, et le ciel t'aidera !

Et c'est ce que j'ai fait le 21 août 2018, avec le reste de Trinité-et-Tobago. Le séisme, d'une magnitude de 7;3 en son épicentre dans le nord du Venezuela, atteignait  6.9 au moment où ses ondes de choc sont arrivées chez nous à Trinité. A 17:31 heure locale, je travaillais sur mon ordinateur, attendant d'un instant à l'autre le retour du travail de mon mari. Il était supposé ramener notre fils, qui se trouvait chez un ami. Lorsque le grondement commença, je ne m'inquiétai pas particulièrement. Notre île est située sur une ligne de faille, nous sommes donc habitués à des secousses de temps en temps, d'ordinaire modérées et brèves. J'ai donc fait ce que je fais d'habitude : rien. “Oh,” me suis-je dit, “c'est un tremblement de terre. On va bien voir.”

En quelques secondes, le grondement se fit plus fort : j'avais souvent devant moi un lion furieux rugissant pour son territoire, avec un écho faisant trembler les murs. Je me suis levée de ma chaise pour regarder par la fenêtre : tout le voisinage était de travers, tellement le roulis était violent. Ceci n'était pas un tremblement de terre ordinaire. J'ai fait ce que je ne fais jamais : je suis sortie de la maison. Le temps d'arriver dans le séjour, je me croyais au milieu d'un orchestre du Mardi-Gras, la musique si bruyante qu'elle éclatait à travers les haut-parleurs et secouait tout à l'entour : boum, boum, boum ! Le sol bougeait en mesure, dansait sur un rythme malicieux, malfaisant—comme l'a dit un ami, un “dutty wine” [une danse jamaïcaine, NdT] qui ne s'arrêterait jamais.

Le séisme a duré 90 terrifiantes secondes, et venait par vagues, chacune plus puissante que la précédente, de sorte qu'en arrivant finalement dans ma cour et en regardant en bas de la pente vers la partie la plus boisée, dense d'arbres fruitiers et de hauts bambous qui se balançaient, le sol aurait aussi bien pu être un couvre-lit que j'aurais secoué : il montait et descendait avec une douloureuse lenteur. J'étais réduite au silence, diminuée et en même temps dans un total effroi. C'était la nature et je compris que j'étais en plein cœur de ses forces.

La raison qui m'a fait courir dehors était existentielle : si tout se mettait à s'écrouler, je ne voulais pas être prise au piège. A l'extérieur, je pouvais au moins voir ce qui pouvait menacer de se renverser, et…oui… me protéger. Mais dans ma cour, entourée par des cacaoyers, des ipés et une majestueuse immortelle, je me sentis étrangement calme au milieu de la tourmente, et plus présente que je ne l'avais été depuis des lustres. Ce qui ne veut pas dire que je n'ai pas prié Dieu de faire arrêter ça (sans doute exactement en ces termes). S'il y avait une seule vérité à ce moment, c'est que nous étions tous reliés. Les dualités s'effaçaient, depuis les oiseaux dans le ciel jusqu'aux voyous dans les rues, nous étions tous égaux. Les choses à qui nous permettons de nous diviser semblaient insignifiantes comparées à l'écartement des plaques tectoniques.

Mon mari a appelé à 17h33, juste au moment ou les secousses se calmaient. J'avais laissé mon téléphone à l'intérieur. Je n'avais pas pensé à l'emporter, et encore moins à filmer l'événement comme l'avaient fait tant d'utilisateurs des réseaux sociaux, mais dans la minute où il m'a dit être encore au bureau, j'étais dehors et dans ma voiture pour aller chercher mon fils. L'électricité était coupée, le signal du téléphone était sporadique, et je n'arrivais pas à joindre la famille du copain de mon fils pour savoir comment ça s'était passé pour eux. Les rues étaient plus vides que d'habitude, et calmes. Les gens paraissaient frappés de stupeur, sauf un client à un stand de doubles en mode spectacle total, en train de montrer au vendeur comment le séisme l'avait secoué. J'ai réussi à sourire. Les Trinbagonais gardent toujours leur humour, même dans les peines du cœur. C'est ce qui nous aide à vivre.

Comme tout le monde, mon fils et mes amis étaient secoués, mais indemnes, et j'ai été formidablement reconnaissante que s'il n'avait pas pu être avec moi, au moins il était avec son plus vieux copain. J'imagine qu'ils en parleront encore dans de nombreuses années: “Tu te rappelles quand nous étions blottis tous les deux sous la poutre pendant le tremblement de terre ?” Et c'est ça l'important : nous y étions ensemble.

De retour en voiture dans ma rue, je me suis arrêtée au moins trois fois pour bavarder avec des voisins. Mon téléphone, qui n'avait presque plus de batterie, n'arrêtait pas de sonner des messages d'amis et de la famille, proches et lointains, pour vérifier comment nous allions, et je faisais de même. Assise dans la lumière déclinante de la fin d'après-midi, en comprenant notre chance que malgré les chutes de débris et les vitres cassées il n'y ait eu aucune perte de vies humaines, j'ai réalisé que ce qu'a dit le poète trinidadien Shivanee Ramlochan était la vérité : “Nous nous tenons les uns les autres ici.”

J'espère m'en souvenir après les répliques.

L'artiste ‘Headache Stencil’ recourt aux graffitis pour critiquer la junte militaire en Thaïlande

vendredi 24 août 2018 à 05:31

Headache Stencil pose devant un portrait du Premier ministre thaïlandais représenté en chat maneki-neko. Source : Headache Stencil, avec sa permission.

A travers l'art de rue et les fresques, l'artiste au visage masqué Headache Stencil [que l'on peut littéralement traduire par « pochoir à migraine »] se fait l'écho de la clameur qui traverse actuellement la Thaïlande en faveur de la démocratie et de réformes.

Lorsque les militaires s’emparèrent du pouvoir en mai 2014 et instaurèrent ensuite une nouvelle Constitution légitimant un gouvernement contrôlé par l'armée, ils promirent d'organiser des élections et de restaurer un régime civil. Depuis, rien n'a changé.

Headache Stencil commence à réaliser des graffitis à la suite du coup d’État de 2014. Dans une interview pour Art Whore, un site spécialisé dans le pop art underground, il explique comment tout a commencé :

[I] really do ‘art’ on the day military made coup in Thailand. Really angry of soldier on that day. Then go out to make graffiti.

J'ai vraiment commencé à faire de l’ « art » le jour du coup d’État en Thaïlande. J'étais vraiment en colère contre les soldats ce jour-là. Donc je suis sorti faire des graffitis.

Dans une autre interview accordée au journal hongkongais South China Morning Post, il explique la raison qui l'a poussé à choisir le pseudonyme « Headache Stencil »

I’ve called myself Headache for a reason, bro…I want to give some [powerful] people a headache.

If people see my work and start noticing that things aren’t fair, I’ve achieved my aim.

Je me suis baptisé Headache pour une raison, mec… Je veux filer la migraine à des gens [puissants].

Si les gens voient mon travail et commencent à remarquer que les choses ne sont pas justes, j'aurai atteint mon objectif.

Selon lui, les artistes thaï ont le devoir de refléter la détérioration des conditions de vie sous le règne de la junte. Dans un entretien avec The Nation, quotidien anglophone majeur en Thaïlande, Headache Stencil confie :

My art reflects dictatorship, corruption and the loss of freedom in our society. It’s the artist’s most important role to mirror society’s illnesses and tell the world what Thailand is now facing under military junta rulers.

Mon art est un reflet de la dictature, de la corruption et de la perte de liberté dans notre société. C'est le rôle le plus important de l'artiste que de se faire le miroir des maladies de la société et de révéler au monde que la Thaïlande est confrontée à un régime autoritaire militaire.

Plus tôt cette année, il affirme avoir été recherché par la police pour son graffiti satirique représentant le vice-Premier ministre. Il avait été révélé que ce dernier possédait plus d'une douzaine de montres Rolex :

Headache Stencil a utilisé ici le style familier du réveil-matin en contraste avec les montres de luxe du vice-Premier ministre. Le graffiti symbolise également la durée toujours plus longue de la présence de l'armée à la tête du gouvernement ainsi que la nécessité de s’ « alarmer » de la situation pour mettre un terme à la dictature. Source : Headache Stencil, utilisée avec sa permission.

Son œuvre « Black Panther » [Panthère noire] a fait le buzz après que les autorités l'ont recouverte de peinture blanche. Le graffiti fait référence à l’arrestation d'un homme d'affaires célèbre pour le braconnage d'animaux sauvages, et notamment d'une panthère noire. Headache Stencil a dessiné une panthère sur un mur accompagnée du symbole de la sourdine afin d'évoquer l'inquiétude de beaucoup de Thaïlandais que l'affaire soit finalement négligée par les autorités :

‘Black Panther’ par Headache Stencil, photo utilisée avec sa permission.

Voici quelques-unes des œuvres de rue réalisées par Headache Stencil pour souligner la prolongation du règne de l'armée et les nombreuses annulations d'élections libres :

« Quatrième année de régime militaire en Thaïlande. Où est la démocratie ? Tu nous manques. » Photo et légende par Headache Stencil, utilisées avec sa permission.

« Combien de temps resteras-tu au gouvernement, hein ? Tu veux encore repousser les élections ???? S'il vous plait… C'est trop long. » Photo et légende par Headache Stencil, utilisées avec sa permission.

Headache Stencil a également créé le poster ci-dessous après que le gouvernement a interdit la diffusion d'une édition du magazine Time consacrée à l'ancien général de l'armée et actuel Premier ministre Prayut Chan-o-Cha :

Photo de Headache Stencil, utilisée avec sa permission.

Dans une récente interview vidéo accordée au site d'informations singapouréen The Online Citizen, Headache Stencil évoque plus en détail les défis et les motivations du travail d'artiste politique et d'activiste :

#FreeBobiWine: Les manifestations se multiplient face à l'arrestation et la torture d'une jeune star politique en Ouganda

vendredi 24 août 2018 à 05:15

MP Robert Kyagulanyi Ssentamu, known as”Bobi Wine”, (R) while campaigning for Arua MP-elect Kassiano Wadri (L). Photo posted on the MP's official Facebook page.

Tous les liens de ce billet renvoient vers des pages web en anglais]

L'Ouganda est en ébullition depuis que le parlementaire Robert Kyagulanyi Ssentamu a été inculpé par un tribunal militaire, après avoir été brutalement arrêté et torturé dans la ville d'Arua au nord du pays.
Représentant de la circonscription de Kyadondo Est, le chanteur-homme politique plus connu sous le nom de “Bobi Wine” est un virulent détracteur du président Yoweri Museveni. Au moment de son arrestation, il militait en faveur du candidat indépendant Kassiano Wadri dans la municipalité d'Arua.

Baptisé “le président du ghetto”, Wine exhorte les jeunes électeurs à s'impliquer dans ces élections législatives partielles déterminantes depuis 2016. Cette année-là, Musevini avait en effet été une nouvelle fois réélu, prolongeant un règne déjà long de 32 ans. 

Le 13 août à Arua, le chauffeur de Bobi Wine, Yasin Kawuma, a été tué par balle dans sa voiture. Les images de son corps ensanglanté et inanimé, toujours attaché dans sa voiture garée, ont bouleversé le pays. A la suite de cet événement, les derniers rassemblements électoraux se sont terminés dans le chaos lorsque, d'après le gouvernement ougandais, des partisans de Wadri ont attaqué le convoi présidentiel à coup de pierres.

Tout indiquait que Wadri l'emporterait sur le candidat du parti dirigeant, ce pourquoi la circonscription était particulièrement électrique.

Malgré l'absence de Bobi Wine au moment de la prétendue attaque du convoi présidentiel, celui-ci a été poursuivi par les militaires jusqu'à son hôtel, où il aurait été torturé.

Quelques heures plus tard, Bobi Wine a été transféré à Gulu, dans le nord de l'Ouganda. Le 6 août 2018, il a été doublement inculpé par un tribunal militaire pour possession d'armes à feu et possession de munitions. Les avocats autorisés à le voir l'ont décrit dans un état effroyable, incapable de marcher ni de parler.

Plus tard, le président Museveni a déclaré que les rumeurs de torture envers Bobi Wine étaient fausses. Pourtant, l'équipe de la Commission des droits de l'homme de l'Ouganda (UHCR) qui lui a rendu visite confirme la véracité de ces accusations.

Le candidat député Wadri a lui aussi été arrêté, ainsi que plusieurs autres députés parmi lesquels Francis Zaake. Ce dernier a finalement échoué dans un hôpital de Kampala, où il est toujours entre la vie et la mort.

Wadri, les députés Paul Mwiru (Jinja Est) et Gerald Karuhanga ainsi que 31 autres personnes, ont été poursuivis pour trahison et placés en détention à la prison centrale de Gulu.

Boby Wine a ensuite été transporté dans un centre de détention militaire de la capitale Kampala, où il sera retenu jusqu'au 23 août, date de sa comparution devant le tribunal.

En attendant, l'avocat Male Mabirizi a saisi la Cour constitutionnelle pour inculpation de civils par des cours militaires.

Les proches et les collègues de Bobi Wine exigent qu'on lui procure des soins médicaux d'urgence. Or, les militaires lui ont refusé la visite de son médecin traitant :

1. Ordre de transfert de Bobi Wine vers le centre médical de son choix pour que son médecin traitant et les médecins de l'UMA  puissent le soigner. Un médecin qui s'occupe de Bobi depuis 17 ans s'est vu refuser l'accès. #FreeBobiWine

“Pouvoir du peuple, notre pouvoir”

Le slogan de Bobi Wine, “Pouvoir du peuple, notre pouvoir”, a bouleversé le jeu politique ougandais. Comme prévu, malgré l'arrestation de Wine et de Wadri, c'est bien Wadri qui a remporté les élections à Arua.

Dans les rues et sur les réseaux, des Ougandais et des sympathisants du monde entier utilisent #FreeBobiWine pour acculer le gouvernement à libérer le jeune homme de 36 ans.

Le 17 août à Kamwokya, la banlieue de Kampala où Wine a grandi, les manifestants se sont affrontés avec les forces de l'ordre, qui les ont attaqués à coup de balles et de gaz lacrymogènes :

Des signes d'une grève imminentente. A Kamwokya, les partisans de la libération de Bobi Wine écrivent ceci sur les murs et les rues

Le dimanche 19 août, la police a tiré sur des manifestants dans la municipalité de Mityana à environ 60 km de Kampala, tuant une personne et en blessant cinq autres.

Le 20 août 2018, des civils se sont affrontés avec des policiers et des militaires au centre-ville de Kampala, Ouganda. Photo de Halima Athumani, utilisée avec permission.

Après l'irruption de manifestations éparses, le centre-ville de Kampala était fermé le mardi 20 août :

A la une :
Point sur la situation à Kampala, en Ouganda. Le peuple exige la libération de Bobi Wine. Les commerces sont fermés. Kampala est bloquée !!
Museveni… Ton heure est révolue !!
Libérez Bobi Wine Libérez Bobi Wine Libérez Bobi Wine

Émeutes du jour à Kampala, personne n'a été à l'abri. Ce jeune homme s'est pris une raclée de compétition. Il a été attrapé dans un magasin, battu et enlevé. Libérez Bobi Wine

Tout ce que nous voulons, c'est la liberté
Tout ce qu'il nous faut, c'est le changement
Mon comté doit être délivré. Libérez Bobi Wine

Les défenseurs des droits humains appellent la police et les militaires à respecter les droits des manifestants :

Nous demandons à la police ougandaise et aux autres forces de sécurité de respecter le droit à manifester pacifiquement. Les actions pour le maintien de l'ordre public devraient respecter les principes de proportionnalité et de légitimité dans l'usage de la force. Il n'est pas acceptable d'utiliser de vraies munitions et une force excessive pour réprimer des manifestations.

Un cri de rassemblement local et global

Le tollé soulevé par l'arrestation de Bobi Wine a été entendu dans toute l'Afrique de l'Est et à travers le monde. L’Union européenne a fermement condamné la violence de ces élections. En Ouganda, l'ambassade des Etats-Unis a demandé à ce que les droits de tous les détenus soient respectés. Oxfam Uganda a souligné :

Human rights are not given to Ugandans as a favour by the state, they are inalienable and accrue naturally to everybody…The Ugandan government, a beacon of peace that has opened its doors to refugees across the region, should quickly start conversations about the political future of the country to avoid future conflict and the dire consequences that come with it.

Les droits humains ne sont pas une faveur accordée par l’État aux Ougandais, ils sont inaliénables et reviennent de droit à tout un chacun… Le gouvernement ougandais, havre de paix qui a ouvert ses portes aux réfugiés de toute la région, devrait rapidement commencer à discuter de l'avenir politique du pays s'il veut éviter de futurs conflits et les conséquences désastreuses qui en découlent.

L'activiste kényan Boniface Mwangi a annoncé l'organisation d'une manifestation devant la Haute Commission d'Ouganda au Kenya le mercredi 22 août. Les internautes d'Afrique de l'Est appellent à une nouvelle vision de l'Afrique, celle de la jeunesse africaine :

La révolution, c'est
Un jeune homme noir ougandais
Un artiste téméraire devenu libérateur
Un leader volontaire à l'esprit libre
Un père qui aime sa famille et se bat pour son avenir. Les Kényans se lèvent et luttent aux côtés des Ougandais Libérez Bobi Wine Libérez Arua

Dans notre nouvelle Afrique,
Il n'y a pas de place pour la brutalité, nous nous aimons les uns les autres.
Débattons de nos désaccords, n'écrasons pas les opposants.
Dans notre nouvelle Afrique,
Notre jeunesse contrôle l'avenir : c'est elle, l'Afrique.
Ignore-la, maltraite-la à tes risques et périls. Libérez Bobi Wine Libérez Peter Biar Non à la violence

Je pense que c'est à nous Africains de l'Est de choisir ce que nous voulons pour notre région – quel genre de futur nous voulons. Il y a des limites à ne plus dépasser. Ça suffit. Libérez Bobi Wine

À l'évidence, Bobi Wine a déclenché un mouvement de ralliement contre le statu quo en Ouganda. La violente répression du gouvernement envers Wine et les autres a éveillé la conscience d'une jeunesse assoiffée de changement.

La nouvelle loi qui menace la création artistique à Cuba

jeudi 23 août 2018 à 10:12

Photo: Daniella Fernández. Source : Cuban Women Photographers, utilisation autorisée.

Les artistes et militants cubains s'inquiètent de plus en plus des restrictions à la liberté d’expression avec la mise en oeuvre du décret 349, un texte visant à réglementer les activités culturelles et artistiques, jusque et y compris les ventes de livres. Le décret a été approuvé en janvier et prendra effet d'ici décembre.

Ce décret controversé exige des artistes qu'ils s'affilient à des institutions publiques officielles pour seuls commanditaires. Il définit aussi quelles autorités sont compétentes pour appliquer le décret, y compris les sanctions potentielles en cas d'infractions.

De même, le décret 349 prévoit des amendes et des confiscations d'instruments, de matériel et d'autres objets utilisés dans l'activité en infraction. Les événements artistiques  encourent un arrêt immédiat s'ils sont considérés en infraction.

Le décret pénalise les actes qui portent atteinte à la “dignité humaine”. Tout contenu vu comme discriminatoire quant à la race ou l'orientation sexuelle sera sanctionné par la loi. Les images violentes seront aussi examinées.

Depuis sa publication en juillet, plusieurs artistes cubains l’ont fermement condamné, notamment ceux associés à des ateliers indépendants et à des projets collectifs, de même que ceux qui sont dans l'opposition au pouvoir actuel. De nombreux projets artistiques indépendants qui fleurissent actuellement grâce au financement participatif en ligne craignent que la nouvelle réglementation ne complique leur économie.

Un des arguments qui reviennent le plus fréquemment est que le décret limitera la créativité des artistes indépendants et ouvrira la porte à la censure et aux directives gouvernementales contre les contenus considérés comme hostiles au pouvoir.

Diverses campagnes contre le décret 349 ont été menées concurremment avec les discussions sur le projet de nouvelle constitution pour Cuba. Mais pour beaucoup, ces discussions ont détourné l'attention de la contestation du décret.

Une campagne particulière dénommée Artistas Cubanxs en Contra del Decreto 349 (Les artistes cubains contre le décret 349) a été à l'initiative d'un groupe d'intellectuels, d'artistes et de militants, avec l'historienne de l'art Yanelys Nuñez, l'artiste visuel Luis Manuel Otero Alcántara, le poète Amaury Pacheco et le rappeur David D'Omni. (Amaury Pacheco et David sont également membres du projet Omni-Zonafranca.)

La campagne cherche à collecter le minimum de 10.000 signatures requises par la constitution actuelle pour qu'une loi soit reconsidérée.

Entre-temps, la plate-forme militante Avaaz a rejoint le débat avec une pétition et une lettre ouverte sur la légitimité du décret. La lettre se dit inquiète pour l'avenir de l'art et de la culture à Cuba si seuls les organismes d'État sont habilités à accorder les autorisations d'événements artistiques et à choisir qui va les financer:

Hoy día, el sistema de crowdfunding ofrece nuevas fuentes de apoyo a proyectos artísticos por parte de amigos. […] El hecho de que un artista cubano logre financiar sus creaciones por medios propios no lo convierte en un opositor — millones de individuos en el mundo se benefician de las nuevas tecnologías para difundir sus obras al margen de las instituciones culturales establecidas.

Aujourd'hui, le système du crowdfunding offre de nouvelles sources de soutien aux projets artistiques de la part d'amis. […] Le fait qu'un artiste cubain cherche ) financer ses créations par ses propres moyens ne fait pas de lui un opposant — des millions d'individus dans le monde bénéficient des nouvelles technologies pour diffuser leurs oeuvres à la marge des institutions culturelles établies.

La lettre ouverte appelle l'attention sur le flou de certains critères juridiques du décret, comme “le contenu injurieux pour les valeurs éthiques et culturelles [qui] sera puni.” Adressé au président cubain Miguel Díaz-Canel et au nouveau ministre de la Culture Alpidio Alonso, la lettre a été signée par des artistes et des intellectuels tels que Tania Bruguera, Laritza Diversent, Coco Fusco, Yanelys Nuñez et Enrique del Risco.

Les inquiétudes affirmées par la lettre ont été aussi partagées par Cubalex, une organisation de défense des droits :

Los artistas independientes o que no tienen vinculación con las instituciones del estado o grupo de la sociedad civil, se verán doblemente discriminados debido a que sus formas y medios de expresión son percibidos por el Estado como contestatarios, por tanto una forma de expresión de la opinión política.

Les artistes indépendants ou ceux qui n'ont pas de liens avec les Institutions de l'État ou avec un groupe de la société civile se verront doublement discriminés parce que leurs formes et moyens d'expression sont perçus par l'État comme contestataires, ou comme une forme d'expression d'une opinion politique.

Le décret a soulevé des questions dans les espaces religieux où ont lieu des activités artistiques. Tel et le cas avec Rule of Osha, une série de rituels de danse et de musique que l'on trouve dans la Santeria, une religion largement pratiquée à Cuba.

Pendant ce temps, un collectif de hip-hop composé des artistes David D'Omni (Omni-Zonafranca), Raudel Collazo de “Escuadrón Patriota” et du rocker Gorki Aguila, du grooupe “Porno para Ricardo” a produit des chansons contestataires contre le décret :

Tu censura está en clausura de conciertos que tumbaste.

Siempre estuvo ahí, solo la legalizaste.

Nos acusas entonces de politizar el arte, dime

¿Qué hiciste tú cuándo lo colocaste

En la Constitución con sanciones al artista?

Basta ya de represión sigue creciendo la lista.

Ta censure est dans l'annulation de concerts que tu as mis par terre.

C'était toujours là, tu n'as fait que le légaliser.

Tu nous accuses ensuite de politiser l'art; dis-moi,

Qu'est-ce que tu as fait quand tu as mis ça dans la constitution avec des sanctions pour les artistes ?

Assez de la répression dont la liste continue à croître.

En faveur du décret, Jorge Angel Hernández explique son point de vue dans La Jiribilla, un magazine pro-gouvernement :

Las reacciones opuestas al Decreto 349 coinciden, casualmente, en centrarse en la presentación de un caos futuro de censura y represión; anuncian el Apocalipsis y protegen, sin mucha sutileza, las fuentes de financiamiento injerencista que les van permitiendo los diferentes niveles de protagonismo en el espectro público internacional.

Les réactions opposées au décret 349 consistent, comme par hasard, à s'attacher à présenter un chaos futur de censure et de répression, ils annoncent l'apocalypse et protègent, sans grande subtilité, les sources de financement interventionnistes qui leur permettront d'accéder aux différents niveaux de renommée dans le spectre public international.

La polémique sur le décret a conduit à des confrontations entre les artistes et les autorités Artistas Cubanxs en Contra del Decreto 349 (Les artistes cubains contre le décret 349) ont programmé deux concerts les 11 et 15 août pour rendre public leur mouvement contre le décret, mais la police nationale révolutionnaire a annulé l'événement et arrêté plusieurs artistes. Diario de Cuba a enregistré les arrestations et mis en ligne les images sur sa chaîne YouTube :

A l'approche des élections législatives, le pouvoir mauritanien arrête le militant antiesclavagiste Biram Dah Abeid

mercredi 22 août 2018 à 20:43

Biram Dah Abeid – Domaine public

A l'approche des élections législatives en Mauritanie, le pouvoir a encore sévi contre l'’Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA) en arrêtant son leader Biram Dah Abeid, le 7 août et un autre membre de cette même organisation, Abdellahi el Housein Mesoud, le 9 à cause d'une plainte qu'un journaliste aurait déposée contre le premier.

Dans la foulée,  deux journalistes Babacar Ndiaye, webmestre du portail d’information Cridem, et Mahmoudi Ould Saibout, journaliste à Taqadoum, ont été arrêtés le 8 août pour avoir repris un article  mettant en cause un avocat proche du régime mauritanien.

Amnesty International fait savoir qu'aucun mandat n’a été présenté au moment de l'arrestation de Biram Dah Abeid, militant anti-esclavagiste, lauréat entre autre du Prix des droits humains de l'Organisation des Nations unies. En outre l'ONG relève d'autres irrégularités concernant la détention de Biram Dah Abeid et ses codétenus: 

Les avocats de Biram Dah Abeid et Abdellahi el Housein Mesoud ont été empêchés à plusieurs reprises de s’entretenir avec leurs clients en détention…

Les procédures engagées contre Biram Dah Abeid et Abdellahi el Housein Mesoud sont déjà entachées d’irrégularités, notamment parce qu’ils ont été maintenus en détention sans inculpation pendant plus de 48 heures et n’ont pas pu s’entretenir avec leurs avocats. Ces derniers n’ont par ailleurs pas pu obtenir certaines pièces du dossier utilisées par l’accusation pour maintenir les deux hommes en détention.

Babacar Ndiaye, webmestre du portail d’information Cridem, et Mahmoudi Ould Saibout, journaliste à Taqadoum, ont été arrêtés après qu’une plainte a été déposée par un avocat mauritanien exerçant en France, à propos d’un article qu’ils avaient publié. Pour l’heure, ils n’ont pas été inculpés.

Le site africanews.com donne plus de détails sur cette affaire:

Biram Dah Abeid, activiste anti-esclavagiste mauritanien et candidat à la députation de septembre en Mauritanie a été arrêté mardi à son domicile dans la capitale, Nouakchott, et emprisonné dans la partie sud de la ville… La police met en avant la plainte d’un journaliste qui accuse Biram Dah Abeid de l’avoir menacé.

Pure diffamation, assurent les membres de son mouvement IRA (Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste) qui crient plutôt à la conspiration politique.

Bakala Kane s'exprimant sur kassataya.com voit dans cette arrestation de Biram une instrumentalisation de la justice:

Cette instrumentalisation constante de la justice à des fins politiques est devenu presque un jeu pour le régime de Ould Aziz. C’est une grave atteinte des libertés et de la constitution pour les observateurs. Les avocats français et belge du leader Hratin interpellent la communauté internationale pour sa libération sans conditions.

Diko Hanoune/ Abolitionniste Mauritanien dénonce sur guidumakha.com  les conditions matérielles dans lesquelles le président d'IRA-Mauritanie est gardé:

Le commandant d’une compagnie de police, venu à Riyadh comme renfort de la police locale, lorsque les militants d’IRA manifestaient pour demander la libération de leur leader, ce commandant a très mal vu les tas d’ordure qui entourent le président d’IRA dans son cachot. Il a décidé de tout nettoyer. Mais le cachot à l’intérieur du commissariat n’a pas de meubles, ni de fenêtre et à chaque instant le sable ensevelit le tapis et le drap de Biram Dah Abeid ainsi que ses habits.

Les toilettes sont invivables et empestent tout le commissariat ; leur odeur nauséabonde empêche de se promener dans le couloir, de respirer et de dormir. Des insectes et de petits reptiles nagent et se meuvent dans les toilettes et un peu partout aux alentours. Aucune hygiène n’est observée dans ce cachot et aucune mesure de nettoyage n’a été prise depuis 06 jours.

Sur son blog aidara.mondoblog.org, Cheikh Aïdara relève les craintes du pouvoir qui l'ont amené à chercher à empêcher une éventuelle election de Birame aux législatives du 1er septembre prochain:

Aujourd’hui, IRA est parvenue à sceller un accord gagnant-gagnant avec le parti Sawab. Une alliance qui a été décriée par l’aile négro-africaine du mouvement qui ne tardera pas à crier trahison. Tête de liste pour la députation au nom de la coalition, l’entrée de Birame au Parlement est ainsi perçue par le système comme une catastrophe. Ce serait lui offrir une tribune libre et une immunité pour cinq longues années, mais aussi une honorabilité qui ne ferait qu’augmenter son assise sur le plan international.

D’où l’hypothèse d’un complot savamment ourdi pour mettre Birame à l’écart de consultations où le pouvoir de Mohamed Abdel Aziz ne compte lui donner la moindre chance pour devenir député.

Dans une lettre du 15 aout depuis sa cellule dans la prison civile de Nouakchott, Biram Dah Abeid explique le conflit entre le pouvoir et lui:

Entre les militaires de mon pays et moi subsiste un mécompte séculaire, que nous peinons, ensemble, à apurer ; de notre laborieuse insolvabilité à deux, découlent des épanchements de bile et des déglutitions de rancœurs, d’une régularité plus ou moins mesurable. Leur vaine rébellion contre le temps me conforte et procure de la pitié : gardiens d’une citadelle promise à la ruine, ils s’obstinent, cependant, à la croire inexpugnable. Or, parmi eux, à découvert, sans jamais agir à leur insu, je m’assume fossoyeur de cette bâtisse hideuse que maintient debout et désaltère le sang de mes ancêtres. Chaque jour, j’arrache une brique de l’édifice et défait ainsi un pan de mur ; mieux, désormais, je ne suis [plus] solitaire à l’ouvrage.

Le site africanews.com rappelle comment 20 pour cent de la population de la Mauritanie vit encore en conditions d'esclavage:

Bien qu’illégal depuis 1981 en Mauritanie, l’esclavage reste présent dans le pays selon les groupes de défense des droits humains. Ces derniers estiment à 20 % de la population les personnes qui vivent toujours en servitudes, contraintes de travailler dans des exploitations agricoles ou dans des foyers sans possibilité de liberté, d‘éducation ou de rémunération.

Biram Dah Abeid, issu de la communauté haratine et lui-même fils d’esclave a fondé l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste en 2008. Arrêté à plusieurs reprises pour son engagement contre l’esclavage, il a été récemment libéré en 2016, après avoir passé 20 mois en prison.

Après une garde qui a duré 6 jours au lieu des 48 heures légales, Biram Ould Dah Ould Abeid, a été inculpé le 13 août, Biram Dah Abeid a été inculpé d’”atteinte à l'intégrité d'autrui”, d’”incitation à la violence” ainsi que de “menace d'usage de la violence”, tandis que Abdellahi el Housein Mesoud est quant à lui a été accusé de “complicité”.