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Comment deux étudiants nord-américains ont converti leur popularité sur internet en moyens financiers pour lutter contre la famine en Somalie

mercredi 14 juin 2017 à 09:15

Au Centre de Conventions de Minneapolis, Liban Adam prononce un discours sur la sécheresse en Somalie lors d'un rassemblement pour le président somalien nouvellement élu. Lui et d'autres membres de la diaspora se mobilisent sur la Toile pour apporter leur aide. Source : Arthur Nazaryan/PRI.

Cet article d’Arthur Nazaryan, initialement publié sur PRI.org le 1 avril 2017, est repris ici dans le cadre d'un partenariat entre PRI et Global Voices.

Il y a seulement deux ans, Liban Adam se trouvait dans la savane du nord de la Somalie, accroupi devant un immense seau rempli de lait de chamelle. L'éleveur qui le lui avait donné regardait amusé, à l'arrière, ce jeune homme de 24 ans qui goûtait timidement ce liquide aigre pour la première fois de sa vie.

Plus de 20 000 personnes ont aussi vu ce moment depuis qu'Adam en a publié une vidéo de quarante secondes sur Facebook, une parmi les nombreuses autres que cet acteur social engagé a publié durant son voyage de six semaines en Somalie. Elles ont capté l'attention de milliers de followers somaliens vivant hors de leur pays, et ont assis sa notoriété sur les réseaux sociaux.

Maintenant, Adam profite de cette audience pour promouvoir les soutiens à la Somalie, pays qui se trouve au bord de la famine et où, selon les Nations Unies, la vie d'environ six millions de personnes est menacée.

De sa ville natale de Minneapolis, au Minnesota, Adam partage toujours des vidéos de ces vastes steppes où la rareté des pluies a contribué à l'extinction des animaux dont dépendent les populations pastorales pour survivre.

“Ce que j'ai présenté sur Facebook est terrifiant”, affirme-t-il à propos des images de mères désespérées portant des enfants émaciés.

C'est pour cette raison qu'Adam a lancé avec un ami de lycée, Kali Mohamed, une campagne en ligne sur GoFundMe, dans le but de lever des fonds pour les victimes de la sécheresse. Il utilise Facebook Live et SnapCash, et il peut aussi compter sur l'aide de « guerriers des réseaux sociaux » : Nadira Mohamed et Hafsa Jibril, toutes deux âgées de 23 ans. L'équipe a réussi à collecter plus de 80 000 dollars en un mois.

Son initiative montre le rôle fondamental que jouent les réseaux sociaux pour les Somaliens de la diaspora, en connectant des personnes dispersées aux quatre coins du monde en raison de vingt années de guerre civile dans leur pays natal.

Liban Adam et Kali Mohamed attendent de faire leur discours avec Nadira Mohamed et Hafsa Jibril (absentes de la photo) sur la sécheressse actuelle en Somalie. L'équipe a réussi à collecter plus de 80 000 dollars, principalement grâce aux réseaux sociaux. En avril, la plateforme de financement participatif GoFundMe a collecté à elle seule 10 000 dollars supplémentaires. Source: Arthur Nazaryan/PRI.

Mais cela va bien au-delà d'un phénomène «social». L'omniprésence des réseaux sociaux parmi les jeunes de la génération Y qui vivent hors de Somalie est propice à l'obtention de soutiens pour les causes humanitaires, d'une manière qui n'était pas possible auparavant, car c'est un trait d'union en temps réel pour apporter de l'aide aux sinistrés.

Déjà par le passé, Adam et Mohamed avaient organisé plusieurs campagnes de collecte de fonds, comportant des projets pour lutter contre la famine, et pour aider les victimes de brûlures et de viols. Pour chaque nouveau projet, les réseaux sociaux jouent un rôle de plus en plus important. C'est pourquoi maintenant l'équipe les utilise de manière « agressive », affirme Adam, « car les gens s'engagent, les commentaires sont instantanés, et en plus nous bénéficions de l'algorithme de Facebook. Dès que tu te connectes, les gens —les 20 000 ou 30 000 followers que tu as— c'est toi qu'ils voient en premier…et hop ! ».

Le 4 mars, Adam et Mohamed ont diffusé une vidéo sur Facebook Live dans laquelle, installés dans le grenier de Mohamed à Minneapolis, avec seulement un drapeau de la Somalie en toile de fond, ils demandaient de l'aide pour collecter des fonds. C'était un décor modeste, mais ce qui devait être une retransmission de 20 minutes a fini par durer une heure, car de plus en plus de gens se connectaient pour voir, faire un commentaire ou bien un don. Adam estime qu'en 24 heures, les dons ont été quasiment multipliés par trois, passant de 3 000 à 8 000 dollars. Dix jours plus tard, il affirme que la campagne de collecte de fonds a permis de réunir une moyenne de 4 000 dollars par jour, une somme énorme qui, selon Adam et Mohamed, aurait été impossible à atteindre sans l'aide des réseaux sociaux.

Durant la célébration en l'honneur du président de Somalie nouvellement élu, Mohamed Abdullahi Mohamed, au centre de Conventions de Minneapolis, au lieu de chanteurs et de concerts on a encouragé les gens à se mobiliser pour aider les victimes de la sécheresse avec des projets de collecte de fonds comme ceux d'Adam et Mohamed. Source: Arthur Nazaryan/PRI.

Et il faut savoir qu'en 2011, Adam avait essayé de collecter de l'argent pour aider à combattre la famine, en faisant du porte à porte, et en appelant au téléphone de potentiels donateurs. A cette époque, Snapchat et Facebook Live n'existaient pas, et les plateformes de financement participatif comme Kickstarter ou  GoFundMe en étaient à leur début. Il avait pu récolter à peine 2 000 dollars pour l'organisation humanitaire somalienne Adeso.

En plus de sa portée limitée, la collecte de fonds présente une autre difficulté : le sentiment de déception envers l'aide internationale. Les Somaliens ne peuvent ignorer le fait que des milliards de dollars pour l'aide humanitaire, gérés par toute une industrie humanitaire ont eu un effet imperceptible sur le pays appauvri. Pendant la famine de 2011, le magazine Foreign Policy s'est aussi fait l'écho de ce problème : « Malgré tout l'argent qui a été envoyé à la Somalie, le pays est toujours loin d'avoir atteint une situation stable ».

Les Somaliens qui vivent à l'étranger sont très peu confiants que leurs dons bénéficient aux personnes auxquelles ils sont destinés. Selon Adam, les Somaliens de l'étranger préfèrent envoyer l'argent directement à leurs familles par la méthode traditionnelle de mandat appelée ‘hawala’ plutôt que de faire des dons à des organisations non gouvernementales.

C'est pour cette raison qu'Adam et son équipe ont choisi de donner l ‘argent recueilli grâce à leur campagne actuelle à trois respectables organisations somaliennes. En mars, ils enverront 20 000 dollars à Amoud Foundation, une organisation d'aide humanitaire somalienne. La fondation a sorti de sa poche 35 000 dollars qui s'ajoutent à cette somme, et elle a dépensé la totalité en nourriture, eau et bâches en plastique pour couvrir les tentes de la région de Baidoa. Les photos montrent des employés déchargeant les camions remplis de riz, de lait en poudre et d'huile de cuisson, alors que la foule se rassemble pour récupérer les denrées. Mohamoud Egal, président de Amoud Foundation affirme que cet argent était suffisant pour fournir de la nourriture à 1 150 familles et de l'eau à 10 378 foyers.

Egal explique qu'Amoud Foundation a généré de la confiance tant parmi les donateurs que parmi les bénéficiaires, car elle n'est pas perçue comme une organisation étrangère faisant l'aumône.

«Nous faisons partie du paysage réel…Nous appartenons à la communauté», ajoute-t il. «C'est pour cela que nous avons du succès».

Kali Mohamed, Hafsa Jibril, Nadira Mohamed et Liban Adam (de gauche à droite) tiennent un chèque géant pour le Croissant Rouge africain USA, l'une des trois organisations pour lesquelles ils lèvent des fonds. Les deux autres sont Amoud Foundation et CaaliWalaa, qui signifie «aide ton frère» en somalien. Source: Arthur Nazaryan/PRI.

Il est important d'être efficace, et c'est là qu'Arnoud bénéfice d'une position privilégiée : ils n'ont pas besoin de sécurité privée dont le coût peut aller jusqu'à plusieurs centaines de dollars par jour pour les volontaires humanitaires étrangers et limiter considérablement les opérations dans les zones où le groupe insurgé Al Chabab est actif.

Malgré tout, Adam et Mohamed affirment que les critiques les accusent d'aider les régions du pays dont fait partie leur propre groupe tribal. C'est une accusation qui les révolte même si cela ne les surprend pas. Ils soutiennent qu'ils sont toujours des étudiants à plein temps, et non des philanthropes milliardaires. Adam affirme qu'avec Mohamed, ils font tout ce qu'ils peuvent pour s'assurer que la priorité soit donnée aux régions les plus à risque.

Ainsi, ils s'efforcent d'être transparents en montrant comment ils ont dépensé l'argent sur une page Facebook appelée Somalia Forward.

« De nos jours, personne ne peut cacher la vérité car internet est très transparent, tout le monde a… un téléphone portable qui peut enregistrer ce qui se passe ou ce qui ne se passe pas », affirme Adam.

Le fait que la Somalie ait pu créer un réseau de télécommunications moderne a permis à l'équipe de donner la possibilité aux donateurs de connaître à tout moment la façon dont l'argent a été utilisé.

« Lorsque tu parles de la manière dont l'argent a été dépensé, tu dois être plus concret, et tu dois fournir tous les détails que les gens te demandent pour pouvoir gagner leur confiance », affirme Mohamed.

Moins de trois jours après que l'équipe a transféré l'argent, Amoud Foundation avait déjà acheté la nourriture et l'eau, et commencé la distribution. En plus, ils avaient envoyé les photos aux donateurs. C'est ainsi que les réseaux sociaux ont restauré la confiance dans les programmes d'aide aux sinistrés, et cela a donné un nouvel élan à la fondation.Cette fois-ci, grâce à l'appui des Somaliens eux-mêmes.

Linda Polman, auteur de The Crisis Caravan, et forte opposante à l'industrie de l'aide humanitaire, estime qu'il est peu probable que de tels programmes basiques apportent un grand changement comparés à des projets soutenus par les NationsUnies et très mal financés.

« Ces projets ne vont pas vraiment éradiquer la faim, par exemple….mais ils contribuent à faire que les gens se sentent mieux », déclare Polman. Cependant, elle admet « qu'il est très important de se sentir maître de son avenir, ou au moins en partie ».

Et comme de nombreux Somaliens qui sont partis de leur pays, Adam et Egal souhaitent avoir ce pouvoir.

« Nous voulons prendre soin de notre peuple »,déclare Egal. « Nous pouvons réellement aider notre peuple, si nous coopérons tous ».

Le service pénitentiaire fédéral de Russie sort un calendrier célébrant la peine de mort

mardi 13 juin 2017 à 23:07

Janvier est consacré à la guillotine.

Le moratoire sur les exécutions capitales en Russie ne semble pas avoir empêché le service pénitentiaire du pays de célébrer la peine de mort : lundi, le site web secretmag.ru a publié des photos d'un calendrier rendant hommage à la peine capitale, un calendrier supposément publié par le service pénitentiaire fédéral de Russie (FSIN) en janvier.

Le calendrier, intitulé « Les grands moyens de la justice sociale », présente un mode différent d'administration de la peine capitale pour chaque mois. Secretmag.ru a indiqué que les photographies publiées avaient été postées sur Facebook par Piotr Yakovlev, un employé du Service fédéral de lutte contre les monopoles, de la branche de Saint-Pétersbourg.

Yakovlev a confié à secretmag.ru que le calendrier avait été distribué comme cadeau de nouvelle année de la part de l'entreprise.

Le mode d'exécution de chaque mois présente une image de l'acte et une longue description de l'histoire du châtiment. Le calendrier est également parsemé de blagues sur la peine de mort :

«Лучшее средство от перхоти — гильотина»

« La guillotine : le meilleur remède contre les pellicules »

«Смертная казнь была бы гораздо более эффективным средством борьбы с преступностью, если б она применялась до преступления»

« La peine de mort serait un moyen bien plus efficace de combattre la criminalité si elle était pratiquée avant le crime. »

Janvier est consacré à la guillotine, février est dédié à la décapitation, juin propose une description de l'empalement, et août met en lumière la lapidation. RuNet Echo n'a pas réussi à trouver les autres huit mois de l'année et les méthodes d'exécution qui les accompagnent.

Couverture du calendrier “Les grands moyens de la justice sociale”

Février est dédié à la décapitation

Juin décrit la mort sur le bûcher

Août présente la lapidation

 

Pas de ‘Mauvais Premier Ministre’ possible dans un sujet du baccalauréat en Grèce

mardi 13 juin 2017 à 12:48

Le Ministère grec de l'Education. Photo via Wikimedia Commons.

Une nouvelle probable bévue du gouvernement SYRIZA en Grèce a choqué l'opinion à l'orée des grandes vacances scolaires.

Juin est le mois des examens de fin d'études secondaires dans toute la Grèce. Cette année, les élèves des lycées professionnels (EPAL) qui passaient le 6 juin l'épreuve de langue grecque moderne se sont vu distribuer une version altérée d'un texte original de Yiorgos Theotokas pour en faire le commentaire.

Theotokas  est une figure éminente de la “Génération 1930” grecque, un groupe d'influents romanciers, poètes et philosophes qui a transformé la littérature grecque.

La phrase d'origine de l'essai de Theotokas, “Réflexions et Τhèses” (1956) était :

«Ένας άξιος μαραγκός που κατέχει καλά τη δουλειά του και πιστεύει σε αυτή είναι πολύ πιο ολοκληρωμένος και αξιοσέβαστος άνθρωπος από έναν κούφο πρύτανη ή έναν κακό πρωθυπουργό».

Un menuisier à la hauteur, qui connaît bien son métier et y croit, est une personne plus entière et respectable qu'un chancelier sourd ou qu'un mauvais premier ministre.

Mais dans le texte du sujet d'examen, le “chancelier sourd ou [le] mauvais premier ministre est devenu “un mauvais scientifique” (από έναν κακό επιστήμονα). Les jeunes candidats doivent réussir à ces examens nationaux pour être admis à l'université.

La Commission nationale des examens a commenté qu'aux termes de la loi, les textes choisis pour l'épreuve de Grec moderne peuvent être altérés, et que ce n'est pas la première fois qu'une telle modification intervient. La Commission ajoute que les textes peuvent être ajustés et adaptés au niveau des candidats. De toute façon, il était mentionné à la fin de l'extrait donné aux candidats qu'il s'agissait d'une “adaptation” du texte original de Theotokas.

Tant la Commission Nationale des Examens que l'Organisation nationale des examens, qui choisit les sujets des épreuves, sont des services du Ministère de l’Éducation, sous contrôle effectif du gouvernement.

Le pourquoi cette modification

Alors que la popularité du Premier Ministre Alexis Tsipras est en chute libre, il ne serait pas étonnant que quelqu'un ait cru opportun de changer une expression potentiellement ravageuse. Autre théorie, des idéologues gauchistes auraient précisément voulu placer le menuisier au-dessus du scientifique au nom de la lutte des classes.

Un utilisateur de Twitter a remarqué avec à-propos :

Quand un ministre de l’Éducation gauchiste censure un texte de Theotokas pour la seule raison qu'il lui déplaît, on peut certainement parler de “Ministère fasciste de l’Éducation”.

La célèbre journaliste et romancière grecque Elena Akrita a écrit sur Facebook :

Je n'aime pas “Argo” de Theotokas, je vais le réécrire.

Tentatives de censure

Ce n'est pas la première fois que le pouvoir flirte avec la censure. En 2016, le gouvernement de coalition de la gauche radicale de SYRIZA et de la droite conservatrice d'ANEL a essayé de faire voter une loi qui aurait autorisé seulement quatre chaînes de télévision à émettre à l'échelle nationale dans un pays de 10 millions d'habitants. Le texte a été finalement descendu en vol par le Conseil d’État.

Après sa tentative avortée de contrôler la télévision, SYRIZA a lancé une croisade contre les propriétaires de journaux. Exploitant les difficultés financières de l'une des plus grosses chaînes de télévision grecques, MEGA, et du colosse de la presse écrite, DOL, le gouvernement a passé des accords avec les propriétaires des deux groupes. Les journaux et magazines de DOL ont déjà adopté une ligne favorable à SYRIZA, et on peut supposer sans risque de se tromper qu'à son redémarrage, MEGA penchera davantage vers le parti de Tsipras.

La rectification d'une expression sortie de l'essai de Theotokas n'est peut-être qu'un incident mineur. A moins que ce soit un élément mineur dans la volonté actuelle de SYRIZA de redorer son image de marque gravement écornée et de consolider son emprise.

La Russie pourrait abroger la loi sur les blogueurs

mardi 13 juin 2017 à 09:03

Photographie : Pixabay

Les députés de la Douma d'Etat ont proposé un projet de loi qui, s'il est adopté, supprimera le fameux « registre des blogueurs ». Celui-ci était entré en service en 2014 pour limiter l'audience de blogueurs populaires au moyen de dispositions légales spéciales.

Une note explicative à ce projet de loi précise que les règles édictées il y a trois ans se sont avérées « insuffisamment efficaces ».

En 2014, le gouvernement de la Fédération de Russie avait approuvé une loi selon laquelle tout blogueur dont plus de 3.000 pages sont vues par jour doit s'enregistrer auprès du Roskomnadzor, l'organe de censure du gouvernement. En trois ans, ses fonctionnaires ont ajouté plus de 2.000 sites à ce registre.

D'après la loi, tout blogueur inscrit dans ce registre est soumis aux mêmes règles encadrant l'information que les médias accrédités. Ceci oblige les blogueurs à vérifier toutes les informations qu'ils publient sur leur site et à s'assurer qu'elles ne contiennent pas d'erreurs factuelles. Ils doivent aussi s'abstenir d'utiliser un langage obscène et fournir leur véritable identité. En mars 2015, le porte-parole du Roskomnadzor a affirmé qu'aucun blogueur n'avait été sanctionné pour non-respect de ces règles.

« N(i)etflix » en Russie : Poutine a signé une loi qui régule les services étrangers de vidéo en ligne

lundi 12 juin 2017 à 22:42

Источник: @Nyet_flix, Twitter.

Vladimir Poutine a entériné le lundi 8 mai un projet de loi destiné à limiter drastiquement l'accès des services étrangers de vidéo en ligne au marché russe. Selon les experts, il s'agit de l'aboutissement de la campagne de lobbying intense qu'ont menée les fournisseurs d'accès russes.

Cette loi adoptée en avril dernier par la Douma d’État et le Conseil fédéral a pour but de soutenir les services de diffusion russes en faisant pression sur les fournisseurs étrangers tels que Netflix, Apple TV ou Google Play. Elle stipule en particulier que seuls les citoyens russes qui n'ont pas de double nationalité peuvent créer des services audiovisuels. Les étrangers, eux, peuvent en détenir une part supérieure à 20% seulement si leur audience réside pour moins de 50% sur le territoire russe, et après autorisation du comité gouvernemental.

Le secteur audiovisuel pris au sens large recouvre les sites web et les programmes recevant plus de 100 000 visiteurs par jour, diffusant des contenus audio et vidéo et financés par le biais de publicité à destination du public russe ou bien d'un système de paiement par abonnement. Les sites web répondant à cette définition seront inscrits dans un registre d’État qui sera contrôlé par le Roskomnadzor.

Depuis le tout début [en anglais] de son activité sur le territoire russe, en janvier 2016, Netflix était dans le collimateur du Kremlin. Avant même que la compagnie fasse son entrée sur le marché russe, les défenseurs du secteur se sont inquiétés de la menace que le provider américain représente pour les services de streaming russes comme ivi ou Okko. En conséquence, les députés ont élaboré un projet de loi qui exige de Netflix que 80% des contenus soient traduits en russe, et aussi que 30% au moins soient produits sur le territoire russe. Netflix est également visé [en anglais] par une autre loi qui limite la part des capitaux étrangers dans un média à 20 % au maximum.

La nouvelle réglementation a reçu l'approbation des concurrents russes de Netflix, qui estiment qu'elle n'aura pas de conséquences négatives pour eux. Selon ce qu'affirme le directeur général adjoint d'ivi Mikhaïl Platonov, ces nouvelles restrictions sont tout à fait «acceptables» et «ne pèsent pas sur l'activité de [notre] compagnie». Comme le fait remarquer un article du magazine Gazeta.ru, le directeur général d'Okko Ivan Grodetski va encore plus loin, se déclarant «satisfait que les acteurs du marché aient été entendus».

Illustration: Kevin Rothrock

Les experts, quant à eux, jugent cette loi superflue dans la mesure où elle doublonne avec les dispositions légales existantes, dont fait partie la loi sur la part de capitaux étrangers dans les médias. Cette loi s'ajoute aussi aux tentatives précédentes du Kremlin pour limiter la diffusion de contenus « extrémistes » sur internet, qui contraint les fournisseurs de services de vidéo en ligne à empêcher l'utilisation de leurs contenus «à des fins criminelles», comme «la diffusion de films contenant des appels à commettre des actes terroristes» ou «la justification publique du terrorisme». Les appels publics à commettre des actes terroristes sont passibles de 50 000 roubles [env. 780 euros] d'amende pour les personnes physiques, de 1 million [env. 16.000 euros] pour les personnes morales.

Selon les experts, au-delà de la protection du marché intérieur du cinéma en streaming, la loi résulte du lobbying d'un autre groupe d'intérêts sur le net : la mesure, obligatoire, de l'audience internet des services de vidéo en ligne est réalisée par une compagnie qui en a le monopole, LiveInternet. Et son propriétaire n'est autre que le conseiller personnel de Poutine sur les questions liées à internet German Klimenko

La loi en question s'est déjà vue critiquée par des spécialistes du secteur, qui considèrent qu'elle aide un « ami » du Kremlin à renforcer son monopole sur l'analyse du trafic web. D'après une interview de l'une de ces sources sur le site rublacklist.net, l'utilisation de compteurs LiveInternet représente « un premier pas vers la prise de monopole du marché des Big Data par des acteurs qui seront désignés par des représentants du pouvoir, ce qui est fondamentalement vicié ».

La nouvelle loi, qui entrera en vigueur au 1er juillet 2017, est saluée par les autorités des médias comme renforçant la sécurité de l’État. La directrice du Département de la politique nationale dans le domaine des médias Ekaterina Larina a souligné que « l'espace informationnel est un domaine important pour la sécurité de l’État. D'autant plus dans un contexte de globalisation de l'espace virtuel et de son influence sur le public ».