PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

En Inde, des jeunes et des entreprises s'attaquent au changement climatique

samedi 23 mars 2019 à 16:14

Améliorer la vie de tous en réparant l'environnement

Des villageoises fabriquent des bijoux en terre cuite dans le village de Nadsur, au Maharashtra. Photographie de Karishma V., reproduite avec autorisation.

Sauf mention contraire, les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais.

Beaucoup d'Indiens, tout particulièrement dans les zones rurales, font face aux effets nocifs du changement climatique malgré les efforts du pays pour réduire ses émissions de carbone et basculer vers des sources d'énergie renouvelables. Ces effets sont exacerbés par des niveaux élevés de pollution anthropique, une industrialisation rapide et des dégâts écologiques. Alors que les étudiants [fr] du monde entier se rassemblent [fr] pour réclamer de meilleures politiques environnementales, l'auteur de cet article a discuté avec des fermiers, des experts, des groupes dirigés par des jeunes gens et des entrepreneurs sociaux indiens qui innovent pour s'attaquer au changement climatique.

En 2018, un rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) prévenait des conséquences désastreuses si la tendance actuelle du réchauffement mondial [fr] n'était pas renversée. Les implications pour les pays de l'Asie du Sud-Est, dont l'Inde et le Pakistan, sont graves : ces deux pays sont déjà confrontés à la perte de la couverture forestière, l'élévation des températures, des canicules qui ont emporté des milliers de vie, et la hausse du niveau de la mer. Avec sa longue cote, l'Inde est particulièrement vulnérable à ces effets, car des millions de personnes dépendent de la mer pour leur survie et vivent dans les régions côtières.

L'Inde est déjà sous pression pour limiter le changement climatique en contrôlant ses émissions toxiques. Mais le pays devra aussi s'adapter à des ressources en eau plus rares, des sécheresses, des inondations, des cyclones et d'autres catastrophes naturelles afin d’empêcher des morts prématurées, selon un autre rapport, celui-ci des Nations Unies. Intitulé “Global Environment Outlook” [Perspectives environnementales mondiales, non traduit en français, NdT], il décrit un gouffre qui s'élargit entre les pays riches et les pays pauvres en ce qui concerne la faim, les maladies et la pollution.

Photographer: Karishma Venkiteswaran . Used with permission

Une fermière indienne contemple sa production agricole dans l’État du Maharashtra, souvent sujet à des sécheresses. Photographie de Karishma V., reproduite avec autorisation.

Impact sur les exploitants agricoles

Pour Sunil Patil, fermier indien de quarante-quatre ans, le changement climatique [fr] est un problème grave qui détruit ses récoltes à coups de précipitations anormales, averses de grêle et pollution. Propriétaire d'environ neuf hectares dans l’État occidental du Maharashtra [fr] et fermier de deuxième génération, il explique que le changement climatique a réduit ses revenus, affecté l'environnement et l'a appauvri. Il a à présent du mal à subvenir à l'éducation de ses enfants :

I've completely stopped producing sugarcane as it is water-dependent and we have droughts in Nashik (region) and agriculture is akin to playing gamble with nature and has led to losses for many farmers. We keep looking for solutions but they are temporary and the government needs to educate us first on how to tackle increasing temperatures or avoid using too many chemicals.

J'ai complètement arrêté de cultiver la canne à sucre, parce qu'elle est tributaire de l'eau et que nous avons des sécheresses dans la région de Nashik [fr]. L'agriculture est semblable à un pari que l'on fait avec la nature et beaucoup de fermiers ont subi des pertes. Nous cherchons toujours des solutions mais elles sont temporaires. Le gouvernement doit d'abord nous éduquer sur les façons de gérer les températures qui augmentent, ou éviter d'utiliser trop de produits chimiques.

Quand l'entrepreneure sociale Akansha Singh s'est rendue dans le hameau de Jhabua, dans l’État du Madhya Pradesh [fr], elle a été exposée aux inégalités sociales et économiques de l’arrière-pays indien. Les fermiers, déjà assaillis de problèmes dus au changement climatique, utilisaient des pesticides et des engrais plus concentrés dans l'espoir d'un meilleur rendement. Leurs actions avaient un impact injustifié sur le sol.

Dans le Maharashtra, une Indienne est à l’œuvre dans son champ de riz. Photographie de Karishma V., reproduite avec autorisation.

Dans un entretien avec l'auteur, Mme Singh explique avoir vu des villageois utiliser des bouses de vaches séchées pour la cuisine, inhalant en même temps des gaz toxiques et polluant l'environnement. Pour briser ce cercle vicieux, elle a lancé Swayambhu, une entreprise à but social qui construit des usines de méthanisation [fr] afin de produire des combustibles, de l'électricité et des engrais moins chers, ainsi que des pesticides qui permettent de renverser les effets dommageables à l'environnement. D’après elle :

India is rich in feedstock but lags in producing biogas but imports natural gas and other polluting fuels. At every stage, we created awareness amongst villagers trying to reduce their carbon footprint, bring down levels of methane gas and offer them cleaner sources of electricity, fuel.

L'Inde est riche en matières premières, mais est à la traîne dans la production de biogaz et importe du gaz naturel et d'autres combustibles polluants. À chaque étape, nous avons sensibilisé les villageois qui veulent réduire leur empreinte carbone et diminuer les niveaux de méthane, et nous leur avons apporté de l'électricité et des combustibles plus propres.

Elle affirme que les biofertilisants [fr] ont aidé ces fermiers à obtenir de meilleures récoltes tout en renversant lentement le pH du sol.

P. Sainath, fondateur des Archives des peuple de l'Inde rurale (PARI), a expliqué à l'auteur :

Indian farmers are seriously affected by climate change across multiple geographies. The situation is pretty serious and there has been an extreme increase in weather episodes in the last fifteen years. We can't blame nature as what humans have done to the soil, groundwater, forests is having a damaging impact.

Les fermiers indiens sont gravement affectés par le changement climatique dans de nombreuses zones géographiques différentes. La situation est vraiment sérieuse et il y a eu une énorme augmentation d'événements météorologiques extrêmes ces quinze dernières années. Nous ne pouvons pas accuser la nature car ce que les humains ont fait au sol, aux nappes phréatiques, aux forets, a un impact néfaste.

Les réseaux de jeunes montent au créneau

Avec une population de 1,3 milliards, l'Inde possède une large proportion de jeunes. Cependant, un taux de chômage élevé, un manque de sensibilisation au changement climatique et des initiatives gouvernementales tardives nuisent à l'environnement. Des réseaux de jeunesse espèrent combler cette lacune.

Ainsi, l'organisation non-gouvernementale basée à Delhi, Indian Youth Climate Network [Le réseau des jeunes Indiens pour le climat, NdT], organise des ateliers et des campagnes. L'ONG est en train d'essayer de mobiliser des équipes régionales car les problèmes associés au changement climatique s'intensifient dans tout l’arrière-pays indien et affecte les fermiers, les populations tribales mais aussi les centres urbains. Pour Manish Gautam, membre de l'IYCN :

In our workshops, we try to include basic climate science jargons, explain COP [Conference of the Parties] negotiations and involve more youngsters. In 2014, we had conducted nine workshops on climate change and youth survey as well.

Dans nos ateliers nous essayons d'introduire le jargon de base des sciences du climat, d'expliquer les négociations des Conférences des parties [fr] et d'impliquer plus de jeunes. En 2014, nous avions mené neuf ateliers et aussi des enquêtes sur la jeunesse.

Manish Gautam poursuit :

We are planning more initiatives, workshops and collaborating with many organizations. But, youth participation in India needs to be more and on a larger scale as our problems are much more complex.

Nous prévoyons encore plus d'initiatives, d'ateliers et de collaborations avec de nombreuses organisations. Mais il faut que les jeunes participent plus en Inde, et à plus grande échelle, car nos problèmes sont bien plus complexes.

Des solutions innovantes à grande échelle

D'après les rapports, l'Inde, avec son économie en voie de développement, peu de ressources et une énorme population, a besoin d'investir quelques neuf cent milliards d'euros pour atteindre ses objectifs sur le changement climatique. Bien que ce chiffre colossal donne une indication de l'échelle du problème, des start-ups se mettent à utiliser de nouvelles technologies pour convertir la pollution atmosphérique cauchemardesque de la capitale New Delhi en une solution innovante.

Chakr Innovation, une jeune entreprise basée à New Delhi, transforme la pollution atmosphérique en encre : elle adapte les moteurs diesel cracheurs de fumée pour récupérer jusqu'à 90 % des polluants.

Selco India, une autre entreprise indienne, contribue à augmenter la capacité en énergie solaire du pays en offrant des lanternes, des torches, des micro-réseaux et des poêles alimentés à l'énergie solaire aux populations rurales, dans le but de réduire la pollution.

Des millions d'Indiens n'ont accès ni à des sources d'énergie propres ni au soutien financier pour leur permettre d'effectuer cette transition, explique Sarah Alexander, conseillère à la Fondation Selco :

We're hoping to increase the resilience of people to tackle climate change and also offering efficient sources of energy. This will impact their overall well-being.

Nous espérons accroître la ténacité des gens à s'attaquer au changement climatique, et aussi offrir des sources d'énergie performantes. Ceci aura un impact sur leur bien-être.

Une autre jeune pousse, Let's Recycle, utilise un programme innovant pour identifier les modes de génération et de collection des déchets dans l'État occidental du Gujarat, amenant ainsi des centaines de chiffonniers au sein de l'économie formelle tout en mettant l'accent sur le recyclage. Le PDG de Nepra et Let's Recycle Sandip Patel affirme :

We use technology to map waste generation pattern across Ahmedabad and are focusing on recycling efficiently. With this, we hope to tackle climate change and expand across India.

Nous utilisons la technologie pour dresser la carte des modes de génération de déchets à travers Ahmedabad et nous nous concentrons sur un recyclage efficient. Avec ceci, nous espérons nous attaquer au changement climatique et nous développer en Inde.

La confrontation au changement climatique et l'éducation de ses citoyens sur les impacts de celui-ci est un énorme défi pour l'Inde, mais ces groupes et ces jeunes entreprises apportent une contribution innovante à ces problèmes cruciaux.

La tuerie de Christchurch révèle le pire et le meilleur de l'humanité

vendredi 22 mars 2019 à 20:54

Réactions sans précédent au massacre dans deux mosquées de Christchurch

NZ Prime Minister Jacinda Ardern

La Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern – Photo aimablement communiquée par Christchurch City Council Newsline/Kirk Hargreaves (CC BY 4.0) Recadrée à partir de l'original.

L'attaque ayant coûté la vie à 50 fidèles dans deux mosquées de Christchurch a provoqué une vague de réactions inédite tant sur les grands médias que les médias sociaux en Nouvelle-Zélande et en Australie. Le choc, l'indignation et la tristesse ont engendré nombre de débats à propos de l'auteur des faits et des motivations derrière ce type de crime haineux.

La Nouvelle-Zélande en deuil

La Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern a été applaudie pour son action suite aux fusillades ayant eu lieu le vendredi 15 mars 2019. Elle est perçue comme une dirigeante visant à raviver l'unité dans son pays en raison de la compassion dont elle a fait preuve et de son action rapide concernant la législation sur le port d'arme. Le journaliste néo-zélandais David Farrier a twitté:

Immensément encouragé par les qualités de leader de Jacinda Ardern en Nouvelle-Zélande. depuis son action de mener la charge pour resserrer nos lois sur les armes jusqu'à son empathie et sa compassion – merci

Ardern s'est également prononcée avec fermeté sur l'homme ayant été inculpé:

He is a terrorist. He is a criminal. He is an extremist. But he will, when I speak, be nameless. And to others, I implore you: speak the names of those who were lost rather than the name of the man who took them. He may have sought notoriety but we, in New Zealand, will give nothing — not even his name.

C'est un terroriste. C'est un criminel. C'est un extrémiste. Mais il restera sans nom quand je parlerai. Àux autres, je vous implore : dites les noms de ceux qui ont perdu la vie,  plutôt que celui de l'homme qui leur a ôté la vie. Il a peut-être cherché la notoriété, mais nous, ici en Nouvelle-Zélande, ne lui donnerons rien – pas même son nom.

Le tireur présumé est un citoyen australien.

Le gouvernement néo-zélandais a fait ouvrir une enquête sur l'attaque. De nombreux Néo-Zélandais ont remis en cause l'incapacité de leurs autorités à repérer ou à freiner la montée des extrémistes de droite tels que les suprémacistes blancs. Le fait que le service de renseignement intérieur néo-zélandais (le Security Intelligence Agency) n'ait pas encore finalisé son projet de lutte contre l'extrémisme de droite les a confortés dans leur opinion.

Des médias examinés à la loupe

Le rôle des grands médias a été vivement critiqué tant avant qu'après les terribles événements. Nombreux sont ceux qui estiment que certains secteurs ont été complices en favorisant un climat de peur à l'égard des immigrés musulmans :

qu'est-ce qu'on peut faire contre le torrent quotidien de racisme dans les grands médias – presse écrite, audiovisuelle ou numérique. Certaines de nos personnalités médiatiques les mieux payées et les plus en vue trempent là- dedans jusqu'au cou depuis des années avec le soutien total de leurs producteurs et de leurs rédacteurs en chef

La diffusion à la télévision de parties de la vidéo que le tueur a postée en direct sur internet, en addition à la publication de citations de son soi-disant manifeste ont également été vivement condamnées de toutes parts.

Facebook a fait l'objet de fortes critiques pour son inaction vis-à-vis de la vidéo diffusée en direct pendant 17 minutes avant d'être retirée. Des appels au boycott publicitaire ont été lancés comme l'a rapporté Newshub NZ :

New Zealand businesses are pulling advertising from Facebook in the wake of the Christchurch terror attack.

They are calling for global support as pressure mounts on the social media giant to make changes to its livestreaming feature.

Les entreprises néo-zélandaises retirent leurs publicités de Facebook à la suite de l'attaque terroriste de Christchurch.
Elles demandent le soutien du monde entier, alors que la pression monte sur le géant des médias sociaux pour qu'il apporte des modifications à sa fonctionnalité de diffusion en direct.

L'émission Mediawatch de l'Australian Broadcasting Corporation (diffuseur national australien) a fait une critique cinglante du rôle joué d'une part par les grands médias et par les géants des médias sociaux d'autre part, dans la couverture médiatique de la tuerie.

Liberté d'expression vs discours haineux

Le débat sur le droit à la liberté d'expression a également été relancé:

“Toutes les libertés d'expressions ne se valent pas” des milliers de personnes à Melbourne apportent leur amour et leur soutien à Christchurch ainsi qu'à nos communautés musulmanes – et mettent néanmoins nos médias en garde contre le fait de d'offrir une plateforme à la haine #IlsSontNous

Le gouvernement australien a bloqué pour la deuxième fois une demande de visa de la personnalité d'extrême droite Milo Yiannopoulos suite à ses commentaires “consternants” à propos de l'attentat. Ceci après un revirement antérieur du gouvernement sous la pression des défenseurs de la liberté d'expression.

Colère en Australie

Le contesté sénateur australien d'extrême droite Fraser Anning a déclenché une tempête lorsqu'il a accusé l'immigration musulmane d'être responsable du massacre. Dans un communiqué de presse portant son en-tête parlementaire, Anning a déclaré :

[…] what it highlights is the growing fear within our community, both in New Zealand and Australia, of the increasing Muslim presence.

[…] the real cause of bloodshed on New Zealand streets is the immigration program […]

[…] ce que cela met en lumière c'est la peur grandissante au sein de notre communauté, tant en Nouvelle-Zélande qu'en Australie, devant la présence toujours en hausse de la communauté musulmane.

[…] la cause réelle du bain de sang dans les rues de Nouvelle-Zélande est le programme d'immigration […]

Une fois de plus, Fraser Anning a invoqué ma religion dans sa rhétorique cruelle, inhumaine et théologiquement insensée sur les musulmans. Il s'agit d'un discours de haine qui doit être dénoncé comme vil et dénué de tout fondement. Il n'est pas apte à diriger.

Les propos du sénateur ont été largement  condamnés mais l’acte d'un adolescent de 17 ans à une manifestation anti-immigration le dimanche suivant ces déclarations a retenu l'attention du monde entier. #EggBoy [alias #eggboi] a cassé un oeuf sur la tête du sénateur. Ce dernier a riposté par un coup de poing, et des individus dans l'assistance ont étranglé puis frappé à coups de pied le jeune homme. Celui-ci a rapidement été qualifié de héros et plusieurs peintures murales sont à son effigie à Melbourne :

peinture murale à l'effigie d'#eggboy. C'est un véritable héros par ici.

Egg Boy a attiré l'attention de la scène internationale :

Vendredi, c'était un lycéen australien comme les autres. À la fin du week-end, Will Connolly, 17 ans, est devenu la coqueluche mondiale sous le hashtag #EggBoy, le plaisantin qui a généré un millier (environ) de mèmes.

Tout le monde n'était cependant pas disposé à excuser son acte :

En quoi le comportement d'Egg Boy diffère-t-il de celui d'auteurs d'actes de violence ou de meurtres commis au hasard ? Il ne faut pas encourager Egg Boy. Ce n'est pas un héros.

Jusqu'ici, plus de 70 000 dollars australiens [environ 44 000 euros] ont été récoltés grâce au financement participatif pour prendre en charge ses éventuels frais de justice. Il fera don de la majeure partie de cette somme aux victimes de Christchurch.

Guerre des mots avec la Turquie

Pendant ce temps, un différend politique a éclaté en raison des commentaires “incendiaires” du président turque Erdogan lors d'un discours électoral. Il aurait déclaré que les islamophobes participant aux commémorations de la Journée de l'ANZAC (commémorant les soldats australien et néo-zélandais tombés au champ d'honneur, NdT) à Gallipoli rentreraient dans des cercueils tout comme leurs prédécesseurs durant la première guerre mondiale.

Le Premier Ministre australien Scott Morrison a vivement réagi en déclarant que toutes les mesures diplomatiques étaient envisageables. Le chef de l'opposition Bill Shorten a lui aussi condamné les propos d'Erdogan. Le gouvernement néo-zélandais a eu une réaction plus modérée. Le Ministre des Affaires étrangères abordera la question lors de sa visite en Turquie dans les jours à venir.

Morrison n'a pas bénéficié d'un soutien inconditionnel dans son pays. Le tweet suivant n'est qu'un exemple parmi les nombreux autres l'accusant d'utiliser l'extrémisme musulman à des fins politiques :

Erdogan a tort, mais c'est ce qui arrive lorsque 1. Vous avez un gouvernement australien raciste et islamophobe de façon subliminale depuis des années et 2. Vous soutenez le populisme religieux (ce que Morrison et Erdogan illustrent tous deux)

Le gouvernement turc a semblé revenir sur les propos de son président, déclarant que ceux-ci ont été sortis de leur contexte.

L'unité Kiwi mise en avant

En opposition totale avec les différends qui se sont manifestés en Australie, le peuple néo-zélandais a montré une belle unité, comme en témoignent les hakas spontanés qu'ont réalisé des étudiants à Christchurch en hommage aux victimes:

Restons en famille : Le président du Kazakhstan Noursoultan Nazarbaïev démissionne, mais laisse peu d'espoir de véritable réforme

vendredi 22 mars 2019 à 13:08

Nazarbaïev détenait le pouvoir depuis la chute de l'Union soviétique.

Le centre d'Astana, Kazakhstan. Photo: Ken and Nyetta via Wikimedia Commons (CC BY 2.0)

Le 19 mars 2019, le président du Kazakhstan Noursoultan Nazarbaïev a démissionné après presque 30 années de règne incontesté sur cet État d'Asie centrale gorgé de pétrole.

Une décision qui n'était pas tout à fait inattendue, puisque M. Nazarbaïev a 78 ans et que sa santé est déclinante. Mais l'annonce elle-même en a pris beaucoup par surprise. Pourtant il y a déjà des signaux évidents que le nouveau régime ressemblera de près à l'ancien.

Une approche précautionneuse de la transition politique

Le départ de Nazarbaïev marque un changement historique. Il était déjà Premier secrétaire de la République kazakhe en 1989, lorsque le pays faisait encore partie de l'Union soviétique, et il devint le premier président du Kazakhstan indépendant né sur les ruines de l'URSS en 1991.

Pendant près de 30 ans il a maintenu jusqu'à ce jour un règne sans partage à travers les réélections et les amendements constitutionnels. En application de la constitution du Kazakhstan, c'est le président du Sénat, Kassim-Jomart Tokaïev, qui a officiellement accédé au pouvoir le 20 mars.

Mais si M. Nazarbaïev a renoncé à son titre présidentiel et introduit un successeur — phénomène rare dans les pays post-soviétiques — sa démission apparaît au mieux comme un changement cosmétique.

En effet, il conserve des fonctions essentielles qui lui assurent un contrôle total sur l'avenir politique du Kazakhstan. Il préside le tout-puissant Conseil de sécurité, ainsi que le parti au pouvoir Nour Otan. Il conserve aussi à vie le titre de “Père de la nation”, ce qui accorde à lui et à sa famille une immunité à vie contre les enquêtes et poursuites judiciaires.

Une société toujours aux prises avec la transition socio-économique

Avec sa population relativement modeste de 18 millions d'habitants et ses considérables ressources énergétiques en pétrole et gaz naturel, le Kazakhstan possède une des économies les plus fortes d'Asie centrale. En même temps, de profonds clivages socio-politiques entre habitants ethniquement Kazakhs et Russes ont généré dans le pays une tenson sociale palpable. Autres problèmes, la distribution déséquilibrée des ressources énergétiques aux investisseurs étrangers et à une élite économique restreinte, la présence grandissante de mouvements extrémistes violents, et un fossé qui s'élargit entre populations rurales et urbaines.

La présence de puissants voisins, précisément la Russie et la Chine, suscite aussi de grandes inquiétudes. Ces deux puissances sont des investisseurs et partenaires commerciaux majeurs de l'économie du Kazakhstan, et toutes deux attendent certaines faveurs en retour. La Chine réclame une allégeance politique sur des questions sensibles, dont le silence du Kazakhstan sur le sort des Ouïgours et Kazakhs chinois actuellement détenus dans des camps au Xinjiang.

S'agissant de changement politique, l'émergence d'une action d'importance de l'opposition est improbable. Si des voix retentissantes d'opposants politiques existaient bien dans le pays au début des années 1990, des mesures brutales de censure et de contrôle politique les ont décimées.

Aujourd'hui, la plupart des médias réellement indépendants informant sur le Kazakhstan fonctionnent depuis l'étranger. Quand Moukhtar Abliazov, un des rares leaders d'opposition, bien que controversé, a voulu faire connaître son opinion via YouTube le 19 mars, l'internet était coupé dans tout le pays, peut-être à cause des vidéos.

La fille de Nazarbaïev au premier rang de la succession au pouvoir ?

Qui va prendre la relève ? La question est dans tous les esprits, à l'intérieur comme à l'extérieur du pays. Les scénarios possibles sur le ou la bénéficiaire du transfert de pouvoir abondent, notamment parce que le Kazakhstan est une société hautement patriarcale où le pouvoir tend à rester “dans la famille”.

Nazarbaïev n'a pas de fils, mais trois filles, Dariga, Dinara et Aliya. Dariga Nazarbaïeva a été largement vantée dans la sphère publique comme une personnalité médiatique et politique influente, et a été vice-premier ministre en 2015-2016.

Un des scénarios d'avenir plausibles est que Tokaïev convoque des élections dans les prochains mois, permettant à Dariga Nazarbaïeva d'être candidate du parti au pouvoir Nur Otan.  Un.e candidat.e de la famille étendue ou au minimum du même parti politique va quasi-certainement émerger comme tête de liste.

Interrogée par Global Voices, Irina Petrouchova, rédactrice en chef du portail d'information à direction indépendante KazakhSTAN 2.0, a commenté ainsi la prévalence des liens familiaux dans la direction kazakhe :

Думаю, Дарига может стать президентом, несмотря на то, что она женщина. И несмотря на то, что у нее безусловно есть оппоненты в существующих в окружении Назарбаева кланах. Гарантию может дать только очень доверенный человек во власти.. эти персоны, конечно, в идеале должны быть из Семьи: дочь, племянник, зять.  Именно поэтому Дарига стала сегодня спикером Сената – если вдруг что не так с Токаевым, она сразу подхватит выпавшее знамя власти.

Je pense que Dariga peut devenir présidente, même si c'est une femme, et malgré le fait qu'elle a sans aucun doute des opposants dans les clans qui entourent Nazarbaïev. Seul quelqu'un de très fiable à l'intérieur du pouvoir peut [leur] donner des garanties… ces personnes, évidemment, doivent dans l'idéal être de la famille : fille, neveu, gendre. C'est précisément pour cela que Dariga est devenue aujourd'hui présidente du Sénat : au cas où soudain ça n'irait pas avec Tokaïev, elle pourra immédiatement ramasser l'étendard du pouvoir tombé à terre.

Réactions mêlées au Kazakhstan

Certains Kazakhs se sont réjouis de la transition, pendant que d'autres restaient apathiques, le dénouement du transfert de pouvoir restant brumeux.

Pour Irina Petrouchova :

Сам по себе факт смены власти (пусть даже формальной) это позитивно, поскольку в стране три десятка лет не было вообще никакой смены власти.

Le fait même du changement de pouvoir (bien qu'encore seulement sur la forme) est positif, puisqu'en trois décennies dans ce pays il n'y pas eu de transfert de pouvoir du tout.

Mais des signes existent aussi de puissant rejet de l'actuel culte de la personnalité entourant Nazarbaïev et sa famille. Le nouveau gouvernement a promptement annoncé dès le 20 mars une de ses premières mesures : la capitale Astana va être renommée Noursoultan, le prénom de Nazarbaïev. Nazarbaïev avait lui-même déplacé la capitale d'Almaty à Astana en 1997.

Le jour même, une pétition en ligne réunissait plus de 13.000 noms pour s'opposer à cette décision, un nombre élevé selon les normes kazakhes.

Le président kirghize Almazbek Atambayev et son homologue kazakh Noursoultan Nazarbaïev en des temps plus heureux. Photo du service de presse présidentiel du Kazakhstan reprise par RFE/RL.

Des voisins attentifs

Les pays voisins suivent tout ceci de près, à l'affût de changements de politique étrangère. Il y a aussi des signes que la “méthode” Nazarbaïev de transition puisse devenir un modèle dans la région.

Les utilisateurs de médias sociaux dans la blogosphère russophone se sont interrogés sur la possibilité que le transfert de pouvoir à la Nazarbaïev puisse inspirer la Russie, où Vladimir Poutine perd en popularité et n'a pas désigné de successeur. Dans la même veine, au Turkménistan et Tadjikistan voisins, les dirigeants indiscutés Berdymoukhammedov et Rakhmon préparent leurs fils à leur succéder.

La nouvelle a également pris par surprise la République kirghize contiguë, pays qui a vécu une transmission pacifique du pouvoir fin 2017. Bektour Iskender, cofondateur de la plateforme de média citoyen Kloop a commenté :

В Кыргызстане новость об отставке Назарбаева была скорее сюрпризом — наверное, потому что мы не так особо понимаем процессы, которые там происходят. Назарбаев увидел, как печально сложилась история семьи Ислама Каримова в Узбекистане после его смерти. Поэтому надо как-то укрепить позиции наследников, передать им власть при жизни, убедиться, что их все слушаются, а потом можно и умирать

Au Kirghizstan, la nouvelle de la démission de Nazarbaïev a davantage surpris : probablement parce que nous ne comprenons pas vraiment les processus à l’œuvre. Nazarbaïev a vu comment l'histoire a tristement mal tourné en Ouzbékistan pour la famille d'Islam Karimov après sa mort. C'est pourquoi il faut consolider d'une façon ou d'une autre la position des successeurs, leur transférer le pouvoir pendant qu'on est en vie, s'assurer que tous obéissent, après quoi on peut mourir.

Aurat March : lorsque les femmes s'élèvent contre le patriarcat au Pakistan

vendredi 22 mars 2019 à 10:53

Certaines pancartes rejetaient le patriarcat, d'autres soulevaient des problèmes sociaux.

Plus de 7000 femmes se sont rassemblées à Karachi, au Pakistan, pour l'Aurat March (la marche des femmes) le 8 mars 2019. Image postée sur la page Facebook de Aurat March, utilisée avec permission.

Le 8 mars 2019 se sont tenues dans les quatre provinces du Pakistan des marches de femmes, ou Aurat March, organisées par le mouvement Hum Aurtein (Nous les femmes) à l'occasion de la Journée internationale des femmes.

Depuis les métropoles jusqu'aux régions les plus reculées du Pakistan, des femmes se sont mobilisées et ont marché pour la justice économique, environnementale et sociale, pour l'accès à la justice des victimes de violences, pour les droits reproductifs, pour la fin de l'impunité des violences policières, pour davantage d'inclusion des personnes transgenres et des femmes atteintes de handicap, pour les droits des femmes issues de minorités, pour l'accès aux espaces publics, pour la paix et contre la guerre, contre la militarisation de la vie quotidienne et les rhétoriques nationalistes. Si les femmes étaient très nombreuses à l'évènement, quelques hommes se sont joints à la marche en solidarité.

Une femme se tient près d'une pancarte sur laquelle est inscrit : “Exiger une dot témoigne d'une manque d'estime de soi” à l'Aurat March, le 8 mars 2019. Image via la page de l'Aurat March. Utilisée avec permission

Le mouvement Hum Aurtein est une initiative conjointe de femmes féministes, de personnes transgenres, non-binaires et de minorités sexuelles de toutes classes et religions, qui considèrent les structures patriarcales comme responsables de l'exploitation sexuelle, économique et structurelle des femmes. Il s'agit d'une entité apolitique, qui n'est financée ni par les ONG, ni par le secteur privé. Le collectif était déjà à l'origine de l'édition 2018 de l'Aurat March. Cette année, l'évènement a pris de l'ampleur, à la fois en nombre d'organisatrices et de participant·e·s.

Les réseaux sociaux ont été essentiels pour donner de l'ampleur au mouvement. Les organisatrices de l'Aurat March à Lahore ont partagé sur Facebook leur manifeste, détaillant l'importance de la marche. Elles indiquent ainsi vouloir encourager l'action collective et le réveil des consciences pour s'opposer aux structures patriarcales du Pakistan qui engendrent une exploitation sexuelle, économique et structurelle des femmes. Voici un exemple de leurs revendications :

a. We demand that the right to autonomy and decision-making over our bodies;
c. We agitate for equal access to quality reproductive and sexual health services for women, all genders and sexual minorities.

a.Nous réclamons le droit à l'autonomie et à faire nos propres choix sur nos corps ;
c.Nous nous mobilisons pour un accès égal des femmes et de toutes les minorités de genre et sexuelles à des services de qualité pour la santé reproductive et sexuelle.

Pendant la marche, les participant·e·s ont brandi des pancartes décrivant les défis auxquels les femmes doivent faire face chaque jour. Certaines s'opposaient directement au patriarcat, tandis que d'autres soulevaient des problèmes sociaux et réclamaient davantage de droits.

Lahore :

La marche des femmes à Lahore. Image de Shaheena Kausar postée sur la page Aurat March Lahore. Utilisée avec permission.

Peshawar :

“Nous forgerons la visibilité positive des femmes #Equilibre pour le meilleur” Des femmes rassemblées pour l'Aurat March à Peshawar. Image de Syed Talib Abbas Raza postée sur la page Aurat March. Utilisée avec permission.

Gilgit Baltistan :

“Pense commune reine Une reine n'a pas peur déchouer. L'échec est un marchepied de plus vers la grandeur” Femmes participant à l'Aurat March lors de la #JournéeInternationaleDesFemmes dans le district de Hunza au Gilgit-Baltistan. Via Hunza 24/7 / Humans of Hunza et Aurat March. Utilisée avec permission.

Baloutchistan :

L'Aurat March à Quetta. La bannière rouge indique : “Nous empruntons la voie socialiste”. Photo de Jalila Haider via la page Aurat March. Utilisée avec permission.

Vous pouvez retrouver davantage d'images de la marche dans une vidéo d'Abdul Rahman sur Youtube :

Bien que la marche ait été largement soutenue à travers le pays, des internautes ont exprimé leur opposition à certains slogans du rassemblement sur les réseaux sociaux, où l'évènement était retransmis en direct par des participant·e·s.

Les slogans “Garde ton pénis pour toi”, “Nous ne sommes pas des punching bags” et “Nous voulons des droits, pas des demandes en mariage” entre autres ont recueilli de vives réactions de la part de certains internautes pakistanais.

Certains acteurs issus du monde du cinéma au Pakistan se sont également prononcés contre la marche. D'autres ont posté des commentaires répugnants menaçant ouvertement les femmes et ont même photoshoppé des images pour détourner le sens premier de l'Aurat March.

Shaan Shahid, un acteur de cinéma renommé, a donné son avis sur Twitter :

Ces slogans ne représentent pas notre culture, nos valeurs ni le respect que nous avons pour nos femmes, c'est ce que je voulais dire… et vous n'avez rien compris..

Veena Malik, une actrice de télévision récemment sous le feu des critiques à cause de son travail, a twitté :

Qui a organisé et financé cette #auratmarch2019 controversée ? Elle n'a été qu'une source d'humiliation pour les femmes au Pakistan, rien de positif n'en est sorti en terme d'émancipation, etc !!!

Certains présentateurs TV ont également critiqué la marche et demandé au gouvernement de prendre des mesures à l'encontre de ses organisatrices. Un parlementaire du parti Muttahida Majlis-i-Amal au Sindh, Abdul Rasheed, a même menacé de porter plainte contre l'Aurat March auprès de la police.

Les organisatrices de l'Aurat March de leur côté prévoient de porter plainte auprès de l'Autorité Fédérale d'Investigation après avoir été la cible sur Internet de menaces de mort et de viol.

La journaliste Nida Kirmani s'est fendue d'un tweet pour démontrer par l'exemple la façon dont une photo pouvait être retouchée et falsifiée :

Des images falsifiées de femmes portant des pancartes circulent sur les réseaux sociaux. Voici l'exemple de mon amie, Shahana Rajani. L'image retouchée est celle de gauche, l'originale est à droite. Le fait que certains se prêtent à de telles bassesses pour discréditer l'#AuratMarch2019 en dit long sur leur mentalité.

L'affiche originale sur la droite dit : “As-tu appris à réchauffer ton repas ?” tandis que l'image retouchée sur la gauche indique “Insérer avec amour” – accompagné d'un dessin de pénis.

Malgré ces retours de bâton, beaucoup de gens ont apprécié l'Aurat March et l'ont soutenue sur Twitter :

Ce fut inspirant de voir les efforts inlassables que les féministes ont concentrés dans l'organisation de l'#AuratMarch2019 & #AuratAzadiMarch dans différentes villes. La montée en puissance du mouvement pour les femmes est aujourd'hui l'une des plus belles causes d'espoir au Pakistan. Rejoignez-nous à Islamabad à 15h, devant le Press Club.

Thread : les pancartes les plus incroyables de l'#AuratMarch2019 que j'ai vues passer sur mon fil d'actualité

[Traduction : Aujourd'hui, mères et sœurs s'unissent pour de bon]

Le tollé provoqué par l'#AuratMarch2019 a suffi à faire de moi une marcheuse. Il est clair que le féminisme est compris totalement de travers, et la colère et la frustration des femmes face à tout ce qu'elles subissent restent inacceptables #JeSuisUneMarcheuse

Au lendemain de l'Aurat March, un groupe d'hommes a riposté en annonçant la tenue d'une Mard March (marche des hommes) à Karachi le 23 mars. Plusieurs hommes ont ainsi rédigé et placardé des affiches sur les réseaux sociaux en réaction à l'Aurat March. Mais leur initiative n'a pas remporté les suffrages :

Chaque action entraîne une réaction forte (Einstein modifié)

L'Aurat March s'est avérée une démonstration de force et d'unité par des femmes que l'on a peu l'habitude de voir dans l'espace public et dont les opinions et demandes sont quasiment toujours ignorées. La marche aura réussi à sensibiliser la population sur certains sujets et est de bon augure pour les organisatrices, pour qui cette édition n'était qu'une première étape sur la longue route visant à faire entendre les voix des femmes.

Avec des centaines de prisonniers politiques toujours derrière les barreaux, le conflit au Nicaragua est loin d'être fini

vendredi 22 mars 2019 à 10:24

Image principale de la campagne pour la libération des prisonniers politiques du collectif “Nicaragua Libre Sin Presxs Políticxs. Utilisation autorisée.

[Article d'origine publié le 7 mars 2019] Le Nicaragua a fait les gros titres en avril 2018 en raison des manifestations qui ont débuté avec la réforme de la sécurité sociale et ont continué avec la forte répression qui a fait de nombreux morts. Du fait de la répression, le mouvement de protestation a quitté la rue et la résistance contre le gouvernement a épousé différentes causes, dont l'une des plus importantes est celle des prisonniers politiques, qui représentent plusieurs centaines de personnes.

Avec la libération de plusieurs détenus au cours des protestations, le Nicaragua voit enfin s'ouvrir une possibilité de dialogue entre gouvernement et opposition. Toutefois, la situation de ces jeunes reste peu claire malgré le fait qu'ils soient sortis de prison. Ni les charges, ni les condamnations n'ont été retirées. Par ailleurs, des efforts continuent d'être mis en œuvre pour libérer les centaines d'individus qui sont toujours incarcérés et pour faire valoir les dénonciations pour violations des droits humains.

2018 : le début de la crise

Suite aux manifestations qui ont enflammé les rues en avril 2018, la répression policière et les arrestations politiques ont renvoyé de nombreuses personnes chez elles. Dans le même temps, des militantes féministes et des défenseurs des droits humains ainsi que des journalistes ont été la cible de différentes attaques ou ont été contraints d'abandonner le pays, et poursuivent leur travail en exil.

Les manifestations ont démarré en réaction à une décision du gouvernement qui cherchait à réformer le système de retraite. La répression de ces premières protestations a abouti aux suivantes, et l'escalade de morts et de blessés a donné lieu à des manifestations qui exigeaient que le président Daniel Ortega et la vice-présidente Rosario Murillo quittent le pouvoir.

En raison des difficultés liées à son calcul et à la collaboration difficile avec les organismes de l’État, le total de morts, de blessés et de prisonniers politiques varie en fonction des périodes et des organisations [fr] qui les comptabilisent. Pour septembre 2018, un rapport d'Amnesty International avait dénombré 322 personnes tuées, principalement par des agents de l’État, plus de 2000 blessés et 300 personnes incarcérées pour leur participation aux manifestations. De son côté, la Commission inter-américaine des droits de l'homme (CIDH) avait comptabilisé 325 morts en décembre 2018 avant d'être expulsée du pays par le président Ortega.

Étudiants devenus prisonniers politiques

Pour novembre 2018, le Centre nicaraguayen pour les droits humains (CENIDH) a confirmé qu'il y aurait plus de 600 prisonniers politiques dans le pays. La situation des personnes en prison en raison des manifestations est complexe, en particulier depuis que ces dernières ont été déclarées illégales en septembre 2018.

Un rapport d'Amnesty International dénonce et documente des cas de détention arbitraire et sans contrôle judiciaire. Autrement dit, de nombreuses personnes ont été arrêtées sans que leur soit expliquée la cause de leur détention, et elles sont maintenues derrière les barreaux sans avoir été jugées par un tribunal compétent. Selon la loi nicaraguayenne, une personne détenue doit “être [remise] en liberté ou déférée devant l'autorité compétente” dans un délai de 48 heures.

Il est difficile de calculer le nombre de prisonniers politiques, mais il est élevé : en janvier 2019, le comité de soutien aux familles des détenus, connu sous le nom de “Nicaragua Libre Sin Presxs Políticxs” a recensé et localisé 767 personnes. Le groupe partage également des profils et des témoignages sur Facebook et Twitter, et fait circuler des dénonciations sur la situation des prisonniers politiques et de leur famille auprès du lectorat international :

The majority of the political prisoners are young, many of them students. Most of them are held in the capital city of Managua, at the police jail ‘El Chipote‘ or the state penitentiary ‘La Modelo‘. Female political prisoners are largely held at ‘La Esperanza’ women’s prison. Conditions at the Chipote jail are horrific and stories of torture and (sexual) abuse rampant. At La Modelo political prisoners are purposely kept separate from the regular prisoner population in the maximum security pavilion known as ‘La 300’. They are thus purposely kept in isolation and, even though not yet convicted, kept under a regime meant for long-sentenced prisoners with disciplinary issues.

La majorité des prisonniers politiques sont jeunes, et pour beaucoup étudiants. Ils sont pour la plupart détenus dans la capitale, Managua, dans la prison policière de El Chipote ou dans la prison d’État de La Modelo. Les femmes sont incarcérées en grande partie dans la prison pour femmes de La Esperanza. Les conditions de vie à El Chipote sont épouvantables et les récits de torture et d'abus sexuels se multiplient. A La Modelo, les prisonniers politiques sont intentionnellement séparés des détenus de droit commun et gardés dans le pavillon de sécurité maximale connu sous le nom de “La 300″. Ils sont ainsi délibérément laissés à l'isolement et, bien qu'ils n'aient pas encore été condamnés, sont maintenus sous un régime prévu pour des prisonniers incarcérés pour de longues peines et ayant des problèmes de discipline.

Accusations de torture et abus sexuels

Le rapport d'Amnesty International expose aussi des témoignages de torture et d'intimidation qui mettent en évidence certaines irrégularités du processus de détention, comme c'est le cas pour C.D., une femme de 19 ans :

C.D. describió que durante el interrogatorio escuchaba gritos desgarradores de una mujer, y la amenazaban diciéndole “vos estas aquí y ella allá, pero si no hablas, vos vas a estar con ella”. Tras devolverla a la celda, en horas de la noche, habría llegado un hombre encapuchado y vestido de civil a interrogarla, y la habría amenazado diciéndole […] vos decidís [o te mato o te violo].

C.D. a expliqué que pendant l'interrogatoire, elle entendait les cris déchirants d'une femme, et qu'on la menaçait en lui disant “tu es ici et elle là-bas, mais si tu ne parles pas, tu vas aller avec elle”. Après l'avoir ramenée dans sa cellule, dans la nuit, un homme encapuchonné et habillé en civil serait venu l'interroger et l'aurait menacée en lui disant […] tu décides [soit je te viole, soit je te tue].

Un groupe de prisonnières de la prison de La Esperanza (à Managua) a décrit ses conditions de détention au cours de la visite de plusieurs eurodéputés. L'eurodéputée socialiste Ana Gomes a ainsi partagé les vidéos des témoignages sur les réseaux sociaux.

Dans la cellule, elles nous expliquent comment elles ont été arrêtées et accusées de détenir des armes chimiques et des bombes nucléaires… Absurde !!!

Les dénonciations ne sont semble-t-il pas passées inaperçues. Les proches des prisonnières de La Esperanza ont fait savoir qu'un grand nombre d'entre elles auraient été durement frappées et que certaines sont portées disparues. On soupçonne que ces agressions auraient pu être perpétrées en représailles contre les dénonciations publiques.

#SOS Nicaragua

“Nicaragua Libre sin Presxs Políticxs” est un comité de soutien aux prisonniers politiques et à leur famille qui cherche à créer des réseaux de solidarité et des coalitions au Nicaragua et en dehors du pays. Le comité entreprend également de dénoncer et d'expliquer les conditions de vie des prisonniers politiques via des témoignages partagés sur les réseaux sociaux, comme celui mentionné quelques lignes plus haut.

Les profils partagés par le groupe et quantité d'autres collectifs solidaires de la cause font connaître l'histoire de nombreux prisonniers ainsi que les circonstances de leur détention.

L'exemple donné ci-dessous raconte sur Facebook l'histoire de María Adilia Peralta, qui a été arrêtée par les autorités avec son conjoint, Cristian Fajardo, avant d'être condamnée pour “terrorisme”:

On peut suivre la plupart des campagnes pour la libération des prisonniers politiques et la dénonciation des abus commis à leur encontre via #SOSNicaragua et :

C'EST ÇA le Nicaragua SOS Nicaragua Liberté pour les prisonniers politiques

D'autres campagnes sur Twitter dénoncent les arrestations et les disparitions ainsi que les conditions précaires dans lesquelles se trouvent nombre de personnes détenues, comme le fait l'organisation Initiative méso-américaine des femmes pour la défense des droits humains:

📣Nous sommes 179 organisations à exiger la liberté pour Ruth Matute !!
👉Elle est prisonnière politique au Nicaragua depuis octobre 2018.
⚠Elle souffre d'une grave maladie cardiaque et sa vie est en danger.