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Samia Yusuf Omar, la célébrité par l'athlétisme, la mort comme réfugiée, les honneurs par une bande dessinée

vendredi 29 juillet 2016 à 13:26
"An Olympic Dream," a new graphic novel about Samia Yusuf Omar, was first released in English in April 2016. Credit: Courtesy of SelfMadeHero

“An Olympic Dream” le roman graphique consacré à Samia Yusuf Omar, est paru en anglais en avril 2016. Crédit : avec l'aimable autorisation de SelfMadeHero

Cet article de Daniel Gross initialement paru sur PRI.org le 9 juillet 2016 dans le cadre du projet Across Women lives est reproduit ici suite à un accord de partage de contenu.

L'effroyable nouvelle est parvenue à Teresa Krug par la voie d'une sinistre vidéo sur YouTube : Samia Yusuf Omar, une sprinteuse somalienne qui avait concouru aux Jeux Olympiques de Pékin en 2008, s'était noyée en avril 2012 en tentant de traverser la Méditerranée. Samia Yusuf Omar s'était fait un nom comme sprinteuse. Quand elle est morte comme une réfugiée, athlètes et journalistes furent frappés de stupeur.

“On n'arrivait pas à croire qu'une athlète olympique serait en situation d'être une réfugiée”, a commenté Krug, une journaliste indépendante qui s'était liée d'amitié avec Samia Yusuf Omar en Somalie. “Si quelqu'un comme elle n'a pas réussi, alors quel espoir reste-t-il aux autres ?”

La vie de Samia Yusuf Omar vient d'être adaptée en une bande dessinée biographique, “An Olympic Dream” (“Un Rêve olympique”), par l'illustrateur allemand Reinhard Kleist. Quatre ans après la mort de la jeune femme, son histoire est plus actuelle que jamais. La crise des réfugiés se poursuit, et les Olympiades d'été sont imminentes. Cette année, il y aura même une équipe d'athlètes réfugiés.

En s'intéressant à la vie remarquable de Samia Yusuf Omar et pas seulement à sa mort, “An Olympic Dream” rend humaine une crise qui trop souvent paraît abstraite. Le portrait plein d'empathie et d'émotion que fait Kleist de la sportive, largement inspiré des reportages de Teresa Krug, plaide pour de nouvelles formes de journalisme attachées aux personnes plutôt qu'à la politique.

Detail, "An Olympic Dream." Credit: Courtesy of SelfMadeHero

Détail de “An Olympic Dream.” Crédit : avec l'aimable autorisation de SelfMadeHero

Quand commence “An Olympic Dream,” on est en 2008 et la famille Samia Yusuf Omar est en quête d'un téléviseur. Ils font le tour de la capitale somalienne Mogadiscio jusqu'à ce qu'ils en trouvent un. Sur l'écran qui clignote, ils regardent Samia s'aligner sur la piste de demi-fond à Pékin, fine silhouette. Quand le départ est donné, elle est à la traîne. Elle gagne les coeurs de l'assistance non pour sa performance dans la course, mais pour la détermination dont elle fait preuve jusqu'au bout.

A son retour en Somalie, elle continue à s'entraîner. Les dessins de Kleist sont énergiques et par moment dramatiques : sur une planche, Samia Yusuf Omar court à travers les rues bondées de Mogadiscio, esquivant les extrémistes religieux d'al-Shabab. Lorsqu'elle court sur la piste détruite par un bombardement du stade Coni Stadium, elle a des flash-backs de Pékin. Deux gamins comptent ses temps en guise de chronomètre.

Mogadiscio n'est pas un endroit pour athlètes olympiques, et Samia Yusuf Omar finit par décider de quitter sa vie actuelle et sa famille pour poursuivre son rêve. Elle se rend en Ethiopie à la recherche d'une équipe. “C'était devenu son unique but dans la vie”, se souvient  Krug. “Trouver un coach et arriver jusqu'aux Jeux Olympiques”.

Detail, "An Olympic Dream." Credit: Courtesy of SelfMadeHero

Détail de “An Olympic Dream.” Crédit : avec l'aimable autorisation de SelfMadeHero

Kleist a fait le choix inhabituel d'une narration en grande partie à travers des statuts Facebook, librement inspirés d'entretiens avec Krug et la soeur d'Omar. “Je veux recommencer à m'entraîner”, dit un de ces posts. “Je pense toujours à Pékin. De la résidence, je pouvais voir la flamme olympique. C'était comme de voir le monde”.

C'est une méthode élégante pour mettre en scène une histoire si souvent filtrée au prisme des médias sociaux. Après que Krug eut aidé Samia Yusuf Omar à se créer un compte Facebook, elles ont utilisé la plate-forme pour rester en contact. Leur dernier échange a été un message écrit par Omar à Krug, expliquant qu'elle avait quitté l'Ethiopie pour la Libye, et espérait passer en Italie.

Le voyage de Samia d'Ethiopie en Libye semble désormais d'une dérangeante banalité. Elle paie des trafiquants d'êtres humains qui l'emmènent dans un dangereux voyage à travers le désert —un itinéraire suivi par des milliers et des milliers de migrants. Les scènes du désert rendues par Kleist sont impitoyables et solitaires. Une douzaine de personnes s'entassent dans une petite voiture, qui fonce à travers le désert interminable en traînant un long nuage de poussière.

Detail, "An Olympic Dream." Credit: Courtesy of SelfMadeHero

Détail de “An Olympic Dream.” Crédit : avec l'aimable autorisation de SelfMadeHero

Des scènes comme celle-ci veulent faire imaginer intimement aux lecteurs une crise qui a commencé à sembler anonyme. “Nous ne remarquons même plus le nombre”, écrit Kleist dans sa préface. Trop souvent, dit-il, nous oublions “les vies humaines derrière l'abstraction des chiffres”.

En 2012, Krug a écrit pour Al Jazeera un article sur ce qu'elle a ressenti à la mort de Samia Yusuf Omar : “déni de ne plus jamais la revoir, colère de ne pas avoir fait plus pour l'aider, ou que les médias — mes confrères — ne se soient intéressés à elle qu'après sa disparition”.

Krug ne croit guère que les choses aient changé depuis. En 2015, des milliers de migrants africains sont morts en essayant de traverser la Méditerranée. Des centaines de milliers de Syriens ont fui leur pays et affrontent des risques similaires.

Detail, "An Olympic Dream." Credit: Courtesy of SelfMadeHero

Détail de “An Olympic Dream.” Crédit : avec l'aimable autorisation de SelfMadeHero

Krug n'en est pas moins enthousiaste pour les approches neuves du récit documentaire telles que “An Olympic Dream.”

“Je ne me rendais pas compte de la puissance potentielle d'un livre comme celui-ci”, dit-elle. “Même les journalistes s'épuisent. Ce qu'il faut, c'est rechercher d'autres façons de présenter les sujets”.

Detail, "An Olympic Dream." Credit: Courtesy of SelfMadeHero

Détail de “An Olympic Dream.” Crédit : avec l'aimable autorisation de SelfMadeHero

Anche Cabral, première femme timoraise au cross-country olympique de Rio de Janeiro

vendredi 29 juillet 2016 à 10:21
anche cabral

Image publiée sur la page officielle d’Anche Cabral sur Facebook. Utilisée avec permission.

Anche Cabral sera la première cycliste féminine timoraise à représenter le Timor oriental dans l’épreuve de cross-country des Jeux Olympiques de Rio de Janeiro.

La cycliste timoraise foulera le parcours de 5 400 mètres du cross-country de VTT les 20 et 21 août prochains. Selon l’organisation des JO de Rio [anglais], 80 participants prendront part à la compétition (50 hommes et 30 femmes).

Une nouvelle accueillie avec un grand étonnement par la cycliste elle-même et ses amis, suscitant une vague de solidarité dans la capitale du Timor oriental, Dili. Sur les réseaux sociaux, une pétition a circulé afin de collecter des fonds pour permettre à l’athlète de se présenter aux Jeux Olympiques.

Qui est Anche Cabral ?

Anche est née dans le district de Souro, à Lospalos, à l’est du Timor. Issue d’une fratrie de onze enfants – sept garçons et quatre filles -, elle avoue que le soutien de la communauté nationale et internationale a permis d’entretenir sa famille ainsi que de concourir à cette compétition de renommée internationale et de demander un congé sans solde tout en laissant sa famille loin des difficultés.

A ce jour, l’athlète a réussi à réunir 10 000 dollars ; la nouvelle fut accueillie avec joie mais aussi avec une grande stupéfaction :

J’étais très surprise et très heureuse. C’est un honneur de représenter mon pays.

Vidéo sur Anche Cabral :

Dans une conversation avec Global Voices, Anche Cabral s’est souvenue de ses premiers coups de pédale :

Hau gosta bisikleta nee uluk kedas bainhira hau sei kiik maske hau laiha bisikleta maibe hau iha hakarak boot. Hakarak ida ne’e sempre mosu iha hau nia hanoin… Husi nee komesa ho kolega sira dada malu impresta ema bisikleta hodi halai

J’ai toujours aimé rouler à vélo, depuis que je suis petite. Personne ne possédait de vélo, mais j’ai toujours voulu en avoir un. Ce désir est encore présent dans mes pensées. J’ai commencé à rouler grâce à mes amis, qui m’ont prêté leurs vélos. J’ai participé à quelques courses sur ces vélos.

Anche ajoute qu’elle commença à prendre le vélo au sérieux lorsqu’elle participa au Tour du Timor en 2009, sur un parcours passant par Dili, Baucau, Loihunu, Betano, Maubissi et se terminant de nouveau à Dili. Pour pouvoir prendre part à cette épreuve, la cycliste dut passer par une épreuve sélective. Anche figura parmi les 25 sélectionnés :

Partisipante ba selesaun ami hamutuk 57 se la sala no feto ami 4 no hau mak feto uniku selesionado hodi tuir tour de timor ba primeira vez.

57 personnes participaient. Nous étions 4 femmes et je fus la seule d’entre elles à être choisie pour participer au Tour du Timor pour la première fois.

L’athlète conclut son entretien avec Global Voices en remerciant du fort soutien reçu ; sans cela, elle n’aurait pas eu cette opportunité unique de représenter le Timor oriental au plus haut niveau du cyclisme international, dans la discipline du VTT. Elle espère ainsi que son histoire olympique encouragera d’autres femmes :

husi hau nia pastisipasaun dengan tidak langsung hau motiva kolega feto seluk mos atu tuir , Ita tenki hatudu ba mundo katak Feto Timor mos bele

Avec ma participation, j’espère inciter les femmes à faire de même, nous devons montrer au monde qu’une femme timoraise peut aussi réussir.

Prof. Fatoumata Harber, psychologue et blogueuse décrit le quotidien d’une militante à Tombouctou

mercredi 27 juillet 2016 à 14:10
Camion en feu dans une région déjà défavorisée par la nature ! Photo de F. Harber avec sa permission

Camion en feu suite à un acte criminel dans une région du Nord Mali. Photo de F. Harber avec sa permission

Les attentats qui ont frappé récemment les pays occidentaux occupent les premières pages des médias traditionnels. D'autres attentats ont aussi frappé les pays moins riches mais bénéficient d'une couverture médiatique moindre, comme si une vie perdue au Sahel ou en Irak semble provoquer moins d'empathie qu'ailleurs. Pourtant,  la peur et le deuil sont ressentis de la même manière dans les pays sous la menace des extrémistes. C'est le cas des populations qui vivent au centre et au nord du Mali.

La professeure Fatoumata Harber fait partie de la communauté de Global Voices depuis 2014. Elle vit au nord du Mali à  Tombouctou, une ville qui a connu l'occupation djihadiste pendant de long mois. Global Voices l'a interviewée pour mieux connaitre les conditions dans lesquelles elles et ses compatriotes vivent les défis à relever pour survivre sous la menace permanente du conflit. L'énergie positive débordante de Fatoumata Harber est communicative et elle nous raconte son Mali:

Global Voices (GV): Fatoumata Harber, parlez-nous un peu de vous: 

Fatoumata Harber (FH): Je m’appelle Fatoumata Harber, je suis psychologue de formation, j’enseigne la psychopédagogie dans un institut de formation des maîtres bilingue à Tombouctou, au nord du Mali. Je suis également activiste, je suis blogueuse et je suis basée à Tombouctou. Mon nom de plume est Faty.

GV: En qui consiste le quotidien d'une femme militante à Tombouctou

FH: Le quotidien d’une militante dans une zone en proie à l’insécurité n’est pas de tout repos. C’est d’ailleurs cette situation qui m’a motivée à militer pour les droits de l’homme.

Le travail que je fais consiste justement à rendre publique et à dénoncer les exactions de ces groupes armés contre la population de la zone. Le nord du Mali n’a pas de route digne de ce nom qui le relie au reste du Mali. Nous sommes comme en vase clos avec ces brigands des groupes armés qui se font passer pour des indépendantistes et des défenseurs de la population. Quand ils ont besoin de quelque chose, ils se contentent de piller les villages reculés. L’information ne passe même pas dans la presse nationale, à force parler de la presse internationale.

Nous autres utilisateurs des réseaux sociaux pouvons faire connaitre ces actes criminels très rapidement, même si les interventions de sauvetage sont rares pour ne pas dire inexistantes.

À cause de mes activités ou pour avoir eu des joutes verbales avec leurs représentants sur les réseaux sociaux, je sais que certains groupes armés me suivent, mais je ne me sens pas plus en danger qu’un autre habitant de Tombouctou. Je suis convaincue que mon travail est important. Il faut faire savoir la réalité: la majorité de la population du nord du Mali n’est pas liée à ces groupes armés, elle n’est pas indépendantiste, mais ce n’est pas une raison pour ne pas dénoncer les limites de l’état dans le cadre de la réalisation des infrastructures de base dans le septentrion malien. Parfois les menaces viennent du côté des autorités.

Fatoumata Harber - Photo du profil twitter.

Fatoumata Harber – Photo du profil twitter.

GV: Parlez-nous de la participation des femmes au développement de la région

FH: Pour la participation des femmes au développement de ma région, j’ai créé le Centre Flag des Femmes, une structure financée par la Compagnie américaine Flag International LLT avec notamment un programme de formation en leadership pour les femmes des groupements féminins que nous avons regroupés en un grand réseau de plus de 200 associations.

Nous apportons également notre aide à ces associations en aidant les femmes qui ont des activités génératrices de revenus de les reprendre en leur fournissant le fonds nécessaire. C’est ainsi que 10 femmes boulangères ont pu bénéficier de fours neufs et de matériel pour reprendre la fabrication du pain qui est traditionnelle à Tombouctou. Nous disposons également d’une salle informatique connectée à Internet – c’est un exploit- pour former les femmes et les jeunes à l’informatique gratuitement. De notre ouverture en janvier 2015 à aujourd’hui, nous avons formé une centaine de femmes et 15 jeunes. Mais malheureusement, nous venons de perdre notre partenaire à cause de l’insécurité récurrente.

GV:  Vous étiez impliquée dans les programmes PAT-Mali et #Mali100Mega, où en est-on? 

FH: PAT-Mali est un programme de L’USAID qui a été d’une aide inqualifiable – selon moi- pour la région de Tombouctou à travers les différents projets qu’ils ont réalisé dans la ville. Le projet est malheureusement fermé début 2016.

L’initiative #Mali100Mega est née d’un constat. Le domaine de l’internet fait l’objet d’une hégémonie de la part des 2 compagnies de téléphonie qui sont presents au Mali. Des activistes travaillant dans le secteur des TIC se sont réunis pour former ce collectif pour réclamer un changement du tarif et une hausse du débit minable qui est pratiqué au Mali. Nous avons ainsi déposé des dossiers au niveau de l’AMRTP – agence malienne de régulation des télécommunications et des postes-, à l’assemblée nationale, au Ministère de tutelle avec une étude comparative des prix pratiqués par ces compagnies. Cela a été aussi suivi d’une campagne médiatique notamment sur Twitter et Facebook, mais aussi à la télévision et dans certaines radios nationales et internationales. Nous continuerons à être mobilisés sur les réseaux sociaux tant que cela ne changera pas. Les TIC ne sont pas un luxe, nous maliens y avons droit, aussi bien pour notre bien que pour notre développement.

GV: Dans une région où les habitants rencontrent tant de difficultés, comment faites vous pour être si présente sur les réseaux sociaux?

FH: Comment je réussis à être présente alors que l’accès aux services tels que l’électricité et l’internet posent toujours problème ? Je contourne tout simplement les difficultés en utilisant les moyens que m’offrent les progrès technologiques : j’ai toujours 2 smartphones performant pour échapper à la menace de la panne subite, par manque d'électricité ou manque de couverture du réseau. J’utilise plus la connexion mobile, qui même si elle est mauvaise, je peux au moins envoyer des mails à d’autres membres de la communauté des blogueurs du Mali qui publient les articles de mon blog à ma place.

Je recharge mes appareils – téléphone, ordinateurs, batteries- avec une plaque solaire spécifique. J'en profite pour dire un grand merci au Réseau des Citoyens Actifs Mali RECAM, qui me soutient financièrement pour que je ne sois jamais à cours de forfait Internet malgré le coût d'abonnement élevé au Mali. Un forfait  2G mobile coûte 13500 FCFA et le service 2G s'épuise rapidement quand on est connecté en permanence.

GV: Votre dernier mot  en particulier à l'endroit des jeunes?

FH: Mon mot pour la jeunesse africaine ? L’Afrique a besoin d’une jeunesse engagée pour gagner le défi du développement !

Apprenez les langues amazoniennes avec ces apps péruviennes

mardi 26 juillet 2016 à 10:58
Captura de pantalla del video promocional de la aplicación.

L'objectif est que ces applications puissent servir “d'instruments de préservation de notre identité culturelle et par-dessus tout, pour enseigner et renforcer les langues amazoniennes.” Capture d'écran de la vidéo promotionnelle des apps et qui peut être vue ci-dessous.

Quand on pense à l'Amazonie, des images de jungle luxuriante et de rivières aussi larges que la mer viennent généralement à l'esprit. Si on est un peu au courant des problèmes de cette région, on pense probablement à la déforestation, la pauvreté et la lutte des populations indigènes pour préserver leurs langues et leurs cultures. Mais on y pense bien rarement comme à une source de haute technologie. Pourtant, c'est exactement ce qui est en train de se produire dans la ville amazonienne d'Iquitos.

Le 20 juin, l'Institut de recherche de l'Amazonie péruvienne (IIAP) a lancé cinq applications pour téléphones portables et tablettes sous Android pour que les “enfants âgés de trois à cinq ans puissent acquérir des connaissances de bases (alphabet, nombres, animaux, parties du corps etc) à travers sons et images, dans les langues amazoniennes tikuna, kandozi, quechua de Lamas, huitoto murui bue et kukama-kukamiria.”

Comme la vidéo l'explique, ces apps sont destinées aux enfants pour qu'ils apprennent leur langue, assurant la préservation de celle-ci pour au moins une autre génération.

Il est important de noter que plusieurs des quarante-trois langues amazoniennes identifiées sont en voie de disparition.

Outre la stimulation des langues amazoniennes, le développement des technologies de l'information et de la communication (TIC) peuvent également améliorer la sécurité alimentaire, l'accès aux services de santé, l'éducation, la prévention des catastrophes et la surveillance de l'environnement dans la région de l'Amazonie péruvienne.

Néanmoins, des progrès dans ces domaines ne seront possibles que grâce à un appui solide des diverses institutions régionales et nationales.

amazonapp2

Cette initiative linguistique salvatrice est dirigée par l’IIAP via le project SITEC du programme Bioinfo, en collaboration avec la Faculté des sciences informatiques de l'Université nationale de l'Amazonie péruvienne (UNAP). Isaac Ocampo Yahuarcani (IOY), ingénieur connu pour ses blogs et son activité sur les réseaux sociaux, ainsi que pour le développement des systèmes d'information de la ville d'Iquitos, est la force créatrice derrière le projet.

Global Voices (GV) est entré en contact avec Ocampo pour en savoir davantage sur les apps d'apprentissage des langues amazoniennes.

GV : Ces apps font-elles partie d'un effort plus large de la part de l'IIAP, ou bien sont-elles une initiative de l'équipe que vous dirigez ?

(IOY) Es impulsada desde el IIAP y tenemos como meta llegar a todas las lenguas amazónicas de Perú (que oficialmente son 43) hasta julio 2021. He indagado y no existe material educativo digital en las lenguas amazónicas. Y existen como 10 facultades de sistemas en toda la selva y otras 70 a nivel de Perú.

Por ahora no tenemos ninguna fuente financiera, lo que queremos demostrar es que cuando hay ganas se pueden hacer muchas cosas.

Esta es una propuesta de modelo de desarrollo, que plantea que la verdadera inclusión social debería llevar decenas de servicios (salud, acceso a mercado, e-gobierno) hacia los peruanos de las comunidades amazónicas. Lo que nuestra civilización sólo les da es contaminación y envenenamiento de sus tierras. Aprovechemos las redes de telecomunicaciones y el crecimiento de la penetración de celulares. Por ejemplo en las comunidades de Manacamiri (Kukama), Padrecocha (Kukama) y Centro Arenal (Huitoto), seis de cada 10 familias tienen celulares (incluso más de uno). Tres de ellos tienen smartphones con conexión a Internet.

IOY : Ce projet est promu par l'IIAP et notre but est d'inclure toutes les langues amazoniennes du Pérou (quarante trois langues officielles en tout) d'ici à Juillet 2021. J'ai fait quelques recherches et j'ai réalisé qu'il n'existe aucun matériel pédagogique numérique dans les langues amazoniennes. Il y a environ dix facultés d'informatique dans la région amazonienne, et soixante-dix autres dans le reste du Pérou.

Pour le moment, nous n'avons pas d'autres apports financiers, mais nous voulons prouver que beaucoup de choses peuvent être réalisées quand il y a de la volonté.

Le modèle de développement proposé souligne que l'inclusion sociale réelle réside dans l'apport de nombreux services différents (santé, accès au marché, e-gouvernement) aux communautés amazoniennes du Pérou. Jusqu'ici, ce que notre civilisation leur a donné s'est limité à la pollution et l'empoisonnement de leurs terres. Utilisons les réseaux de communication et l'accès croissant aux téléphones portables. Par exemple, dans les communautés de Manacamiri (de langue kukama), Padrecocha (kukama) et Centro Arenal (de langue huitoto), six familles sur dix possèdent un téléphone portable (parfois plus qu'un seul). Trois d'entre elles ont des smartphones avec accès à internet.

GV : Combien de temps le développement de ces apps a-t-il pris, et comment l'équipe de développeurs a-t-elle été constituée ?

(IOY) La primera (Huitoto) nos tomó cuatro meses, las otras tres tomaron un mes cada una.

Yo soy el creador del las formas, estructuras y todo eso. O sea, el director. Digamos que [soy] el dueño del concepto y uso. Detrás mío está Rodolfo Cardenas que es ingeniero de sistemas y programador de videojuegos. Luego viene un grupo de estudiantes: Franz Chuje, Lelis Saravia, Lina Vasquez quienes son los que hacen la digitalización y arreglo de sonido, diseño gráfico y cierta codificación. Luego está el grupo de hablantes: Zoila Ochoa (Huitoto), Maria Cuje y Toribio Amasifuen (Quechua). Los datos del resto de hablantes están en el video.

IOY :  La première (huitoto) a pris quatre mois, les trois autres ont pris un mois chacune.

Je suis à l'origine des formulaires, des structures et de tous les autres aspects. En fait, je suis le réalisateur. Disons que je suis le propriétaire de l'idée et de son utilisation. Ensuite, il y a Rodolfo Cardenas, ingénieur système et programmeur de jeux vidéos. Et puis un groupe d'étudiants: Franz Chuje, Lelis Saravia et Lina Vasquez, qui s'occupent de la numérisation, du son et du graphisme. Il y a aussi le groupe de locuteurs : Zoila Ochoa (huitoto), Maria Cuje et Toribio Amasifuen (quechua). La vidéo parle des autres locuteurs.

GV : Esperez-vous que la population locale s'y intéressera elle aussi vraiment, et pas seulement les universitaires ?

(IOY) Esperamos que surja ese interés, pero más que eso, es interés de mi grupo de trabajo: desarrollar métodos que permitan beneficiar a las poblaciones a través de las telecomunicaciones y contenidos. Queremos llevar las técnicas de reproducción de peces del IIAP a los pobladores indígenas, queremos aprovechar que el celular llegará primero a ellos. Las telecomunicaciones en el mundo han demostrado que incrementan la calidad de vida de la población, esa potencialidad queremos aplicarla en nuestros pueblos.

La labor del IIAP es hacer investigación, lo que resulte podrá servir posiblemente para modernizar el sistema educativo bilingue, para articular a estas poblaciones con el mercado, para que ellos incluso accedan en sus idiomas a servicios de justicia, e incluso comunicación con el gobierno. En resumen esta es una propuesta de desarrollo y sustentabilidad de los pueblos a través de las TIC.

IOY : Nous espérons que l'intérêt va se développer, mais ce projet est important pour mon groupe, pour développer des méthodes qui bénéficient aux populations grâce aux télécommunications et au contenu. Nous voulons apporter les techniques d'élevage de poissons de l'IIAP aux populations autochones, nous voulons qu'elles profitent de l'utilisation de téléphones portables. Il est prouvé que le développement des télécommunications améliore la qualité de vie des populations, et nous voulons que la notre bénéficie de ce potentiel.

Le travail de l'IIAP est un travail de recherche, et son résultat peut peut-être servir à moderniser le système éducatif bilingue, à connecter ces populations au marché, de façon qu'elles aient accès aux services de justice et de communication avec le gouvernement dans leurs propres langues. En somme, ce projet est une initiative pour le développement -durable- des peuples à travers les TIC.

Un instituteur kukama enregistre sa voix pour l'utiliser dans les apps. Photo fournie par Isaac Ocampo / IIAP.

La lutte pour la préservation des langues amazoniennes ainsi que le développement des compétences dans les TIC ont ainsi pris un tour pour le moins intéressant à Iquitos, même si le chemin à parcourir est encore long.

Ces apps peuvent être téléchargées sur les liens suivants :

1. Huitoto murui bue
2. Tikuna
3. Kandozi
4. Kukama
5. Quechua

Regards d'enseignants sur la situation du système éducatif au Mexique

lundi 25 juillet 2016 à 20:10
Gabriel Páramo y Laura Martín: Maestros que sí trabajan en México. Imagen del autor.

Gabriel Páramo et Laura Martín: des professeurs qui continuent d'assurer leur travail au Mexique. Image de l'auteur.

La tâche qui consiste à enseigner à d'autres – essentiellement aux jeunes – à se servir des outils qui leur permettront d'accéder à la connaissance est louable. Dans un pays comme le Mexique où, selon l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), les avancées en la matière sont « précaires et médiocres », le dynamisme des instituteurs qui, jour après jour, se donnent sans compter dans les salles de classe passe souvent inaperçu.

Ils ne sont pas aidés par le fait que les informations qui sortent du pays se concentrent sur la Coordination nationale des travailleurs de l'éducation (CNTE) et les manifestations violentes qu'elle organise et qui s'intensifient depuis le mois de juin contre la réforme constitutionnelle dans l'éducation, qui instaure entre autres l'évaluation du corps enseignant.

Ayant cela à l'esprit, nous nous sommes donné comme mission d'aller à la rencontre de professeurs qui n'appartiennent pas à l'organisation citée, afin de connaître leur point de vue et leurs idées qui, en règle générale, ne font pas les gros titres dans les médias traditionnels mexicains. Nous commençons avec le professeur Gabriel Páramo qui enseigne à des étudiants en licence depuis 21 ans, dont 16 à l'école de journalisme Carlos Septién García, dans la ville de Mexico. Nous l'interrogeons en particulier sur la CNTE et les exigences de celle-ci vis-à-vis du gouvernement :

Global Voices (GV) : En tant qu'enseignant, cela vous heurte-t-il que des collègues bloquent les routes ou les carrefours pour faire entendre leurs revendications ?

Gabriel Páramo (GP): Como docente no me siento agraviado. Creo que cuando las opciones legales se cierran, cuando hay manipulación de la información, cuando el poder se escuda en términos como eficiencia y productividad para castigar al trabajador y reducir sus derechos, es necesario tomar medidas extremas.

No todas las exigencias son legítimas, como la herencia de plazas, aunque, ¿alguien ha escuchado que se herede plazas pobres en la montaña o en comunidades indígenas?

Gabriel Páramo (GP) : Je ne me sens pas offensé en tant qu'enseignant. Je pense que lorsque les possibilités offertes par la loi se ferment, lorsqu'il y a manipulation de l'information, lorsque le pouvoir s'abrite derrière des termes tels qu'efficacité et productivité pour punir le travailleur et réduire ses droits, alors il est nécessaire de prendre des mesures radicales.

Toutes les revendications ne sont pas légitimes, comme la transmission de poste, quoique, quelqu'un a-il déjà entendu parler de transmission de postes ingrats dans la montagne ou les communautés indigènes ?

Le professeur Páramo fait référence dans sa réponse à la « transmission » de poste, un privilège que les membres de la CNTE cherchent à conserver, et qui consiste à transmettre leur poste de travail après leur mort à une personne désignée au préalable.

GV : Comment expliqueriez-vous aux gens dans d'autres pays ce qu'il s'est passé avec la CNTE ces derniers mois ?

GP: Tanto la CNTE como el Sindicato Nacional de Trabajadores de la Educación son uniones laborales que durante años han funcionado como parte del modelo corporativista del Estado mexicano.

La caída del Partido Revolucionario Institucional [en el año 2000] con Vicente Fox y Felipe Calderón [presidentes del país entre 2000 y 2012] debilitó los lazos de dichos sindicatos con el gobierno; a su regreso al poder el Partido Revolucionario Institucional descubrió que ya no los controla totalmente y ahí sobrevino el conflicto.

Además, las bases magisteriales [quienes integran éstos sindicatos] se politizaron y emprendieron reivindicaciones que sobrepasaron a los líderes cupulares.

GP : La CNTE comme le Syndicat national des travailleurs de l'éducation sont des syndicats professionnels qui ont fonctionné pendant des années au sein de l'appareil corporatiste de l'Etat mexicain.

L'effondrement du Parti révolutionnaire institutionnel [en 2000] avec Vicente Fox et Felipe Calderón [à la tête du pays entre 2000 et 2012] a fragilisé la relation de ces syndicats avec le gouvernement ; de retour au pouvoir, le Parti révolutionnaire institutionnel s'est aperçu qu'il ne les contrôlait plus totalement ce qui est à l'origine du conflit.

Par ailleurs, les enseignants de la base [ceux qui constituent ces syndicats] se sont politisés et ont formulé des exigences qui ont dépassé les hauts dirigeants [de ces organisations].

[Il faut signaler que, début 2013, l'une de ces prises de pouvoir s'est mal terminée avec l'arrestation [fr] d'Elba Esther La Maestra Gordillo, qui présidait le Syndicat national des travailleurs de l'éducation et qui est aujourd'hui mise en examen pour crime organisé et blanchiment d'argent.]

Pour connaître d'autres positions, nous prenons contact avec la professeure Laura Martín (LM) que l'on peut suivre sur son compte Twitter @laumartinm. Elle dispense des cours dans une université privée à des étudiants issus de différents cursus.

GV : Depuis combien de temps vous consacrez-vous à l'enseignement ?

LM: Desde el año 2003. Lo que me motivó fue la admiración que tenía hacia algunos profesores. Me entusiasmaba la dedicación y el respeto con el que impartían las clases. El ser catedrática me ha llevado también a seguirme preparando continuamente, estudiando una maestría y tomando numerosísimos cursos de formación y actualización docente así como de desarrollo humano.

LM : Depuis 2003. C'est l'admiration que j'éprouvais pour certains de mes professeurs qui m'a motivée. Leur engagement et le respect dont ils faisaient preuve pendant leurs cours m'enthousiasmaient. Le fait d'être professeure d'université m'a également conduite à être en permanence dans une logique de perfectionnement, en réalisant un master et en suivant un nombre incalculable de programmes de formations et de mise à niveau à destination des enseignants mais aussi centrés sur le développement humain.

GV : Considérez-vous que le métier de professeur est respecté au Mexique ? Les enseignants bénéficient-ils d'une bonne image dans la société ?

LM: Lamentablemente en la actualidad el magisterio nos deja en vergüenza, la profesión no es respetada, la imagen que tenemos los maestros es pésima ante la sociedad. La gente considera que toda persona que es profesor es burócrata, flojo, conformista, corrupto e inculto, cuando en realidad existimos personas comprometidas con la labor y aclaro que mi formación académica no es la docencia, pero tengo la responsabilidad en formar futuros profesionistas y contribuir a su crecimiento profesional y personal.

LM : Malheureusement, aujourd'hui, le fait d'enseigner jette l'opprobre sur nous, la profession n'est pas respectée, l'image que nous avons dans la société est déplorable. Les gens pensent que tous les professeurs sont des bureaucrates, des flemmards, des conformistes, des corrompus et des incultes, alors qu'il existe en réalité parmi nous des personnes engagées dans leur travail et je précise que je ne suis pas professeure de formation, mais j'ai la responsabilité de former de futurs enseignants et de contribuer à leur épanouissement professionnel et personnel.

GV : Nous savons que votre mère était professeure des écoles dans le public, que dit-elle de l'exaspération provoquée par les manifestations de la CNTE dans le pays ?

LM: Está muy triste y preocupada por estos movimientos. Durante casi 40 años ella fue una profesora dedicada a sus alumnos, comenzó a dar clases en escuelas con niños en condiciones de extrema pobreza, en los tiraderos de basura de la hoy gentrificada zona de Santa Fe; jamás faltó a dar clases por ir a marchas y siempre estuvo dispuesta a la evaluación realizando exámenes que la hicieran subir peldaños en la carrera magisterial.

Durante todos los años de su servicio, le tocó ver muchas cosas indignantes del comportamiento de sus compañeros, desde la maestra que tejía en clases y utilizaba la frase hacen como que me pagan, entonces hago como que trabajo”, el que bebía alcohol detrás del estante, la sobrina de una inspectora que estaba en nómina pero sólo hacia acto de presencia cada quincena a recoger su cheque y la que con faltas de ortografía ponía a los alumnos a escribir 100 veces alguna frase.

LM : Elle est très triste et préoccupée par ces mouvements. En tant qu'enseignante, elle s'est consacrée pendant presque 40 ans à ses élèves, elle a commencé à faire cours dans des écoles où les enfants se trouvaient en situation d'extrême pauvreté, au milieu des poubelles du quartier de Santa Fe aujourd'hui frappé par la gentrification [fr] ; jamais elle n'a laissé sa classe pour aller manifester et elle s'est toujours montrée favorable à l'évaluation au travers d'examens qui lui permettraient de gravir les échelons dans sa carrière d'enseignante.

Au cours de toutes ses années d'activité, elle a eu l'occasion de voir beaucoup de choses révoltantes en ce qui concerne le comportement de ses collègues, de la maîtresse qui tricotait en classe et déclarait « ils font comme s'ils me payaient, alors je fais comme si je travaillais » à celui qui buvait de l'alcool derrière une étagère, en passant pas la nièce d'une inspectrice qui était en poste mais faisait seulement acte de présence tous les quinze jours pour toucher son chèque et l'institutrice qui faisait recopier cent fois la même phrase à ses élèves avec des fautes d'orthographe.

Concernant les protestations récurrentes, la professeure Martín déclare :

¿Qué hay detrás de los intereses de los líderes sindicales, que van más allá de las inconformidades a la reforma educativa? ¿por qué a este movimiento se están uniendo grupos que no pertenecen al magisterio?

Los más afectados son sin duda los alumnos que llevan meses sin tomar clases, lo que ocasiona una recesión en la educación, ¿qué pasará con estos niños que supuestamente son el futuro de México?

Qu'y-a-t-il derrière les intérêts des représentants syndicaux, qui vont au-delà des désaccords portant sur la réforme éducative ? Pourquoi des groupes qui ne sont pas liés à l'enseignement rejoignent-ils ce mouvement ?

Les plus touchés sont sans aucun doute les élèves qui n'ont pas de cours pendant des mois, ce qui provoque un recul dans l'éducation, que va-t-il se passer avec ces enfants qui sont censés être l'avenir du Mexique ?

Des campagnes sont par ailleurs apparues sur les réseaux sociaux pour soutenir les enseignants qui continuent de travailler et ne refusent pas d'être évalués. En particulier sur Twitter où l'utilisation du hashtag #CreoEnLosMaestros [je crois en les enseignants] s'est distinguée :

Au-delà de la conjoncture actuelle, de nombreux enseignants mexicains mettent tout leur cœur dans le travail qu'ils effectuent au bénéfice de leurs élèves. Espérons que celui-ci portera ses fruits à court terme.