PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

Les adieux de la Caraïbe à Fidel Castro, force motrice de la révolution cubaine

mercredi 30 novembre 2016 à 10:17
A mural of Fidel Castro at Jose Marti Technical High School in Twickenham Park, St. Catherine, Jamaica. The school was built by the Cubans in 1977. Photo by Emma Lewis, used with permission.

Fidel Castro sur une fresque au Lycée technique José Marti de Twickenham Park à St. Catherine, à la Jamaïque. L'établissement a été construit par les Cubains en 1977. Photo: Emma Lewis, reproduite avec autorisation.

Fidel Castro, le révolutionnaire qui a présidé aux destinées politiques, économiques et sociales de Cuba pendant près de soixante ans, est mort le 25 novembre 2016 à l'âge de 90 ans.

Fidel Castro était un colosse dans le paysage politique de la région, respecté et en bons termes depuis des décennies avec les chefs d'Etat de la Caraïbe, peut-être le plus avec celui de la Grenade Maurice Bishop, dont le gouvernement gauchiste a fait un proche de Cuba.

A Trinidad, la militante Tillah Willah a rendu hommage en publiant une photo des deux dirigeants côte à côte :

Image of Maurice Bishop and Fidel Castro shared by Facebook user Tillah Willah.

Photo de Maurice Bishop et Fidel Castro publiée sur Facebook par Tillah Willah.

Pour de nombreux utilisateurs de médias sociaux à travers l'archipel caraïbe, Castro était l'ultime ‘lider maximo’ : une figure irrésistible et romantique, fortement admiré pour sa posture face aux stratégies d'intimidation des Etats-Unis – qui ont placé la région en bonne place pendant la guerre froide – son charisme et son talent oratoire électrisant.

Aux yeux de beaucoup dans la région, Castro était aussi synonyme de résistance au colonialisme : Cuba a soutenu la guerre d'indépendance en Angola, a aidé à la lutte de l'African National Congress contre l'apartheid en Afrique du Sud et envoyé des troupes d'infanterie se battre dans l'invasion de la Grenade menée par les USA en 1983.

L'importance de ce thème pour les territoires de la région n'a pas échappé à ce diplômé jamaïcain de l'University of the West Indies, qui a tweeté :

Une des choses sur lesquelles Castro (et Manley) ont eu raison, à mon avis, est que votre pays doit être auto-suffisant. Il faut repousser le néo-colonialisme pour survivre.

D'autres réactions à sa mort n'ont pas tardé à submerger les médias sociaux. L'éditorialiste et blogueur Gordon Robinson a noté :

Indépendance ; éducation ; direction depuis le front et par l'exemple, telles étaient les qualités simples qui ont fait de Fidel un dirigeant aussi durable et victorieux

Sur Facebook, le militant social et maître de conférences à l'University of the West Indies Gab Souldeya Hosein, a synthétisé les émotions ressenties par beaucoup :

Impossible de mentir. L'histoire pèse lourd sur mon coeur ce matin. Je pleure la fin d'une ère décisive de farouche espoir collectif caraïbe. Je sais que la tâche est entre nos mains. Mais à l'instant nous avons perdu la force de notre allure et on a l'impression que chaque pas en avant dans la région est menacé. Il faut de l'engagement, du courage et de la lutte, mais d'abord il y a la perte. Ma génération de militants reste à l'écart de l'Etat au lieu de s'en saisir pour notre souveraineté nationale. Nous gardons le cap, mais devons risquer plus pour aller plus loin et construire des mouvements qui fassent évoluer notre mandat. Nous devons créer les Bishop et les Fidel de notre futur. Nous devons faire de nous de nouveaux symboles d'autonomie et d'auto-détermination. Mais d'abord, avant de nous dresser en géants, voici le temps de la mémoire et des larmes.

L'acteur trinidadien Michael Cherrie se souvient de Castro comme du “dernier des grands révolutionnaires… survivant envers et contre tout”.

Dans la même note, la voix de la jeunesse jamaïcaine Godiva Golding a reconnu :

Fidel n'est pas sans reproche. Il a pris des positions dures, dont la plupart étaient justes. Mais cela a eu un prix, et c'est son peuple qui a payé.

Si certains Facebookers auraient aimé être à Cuba pour assister à ce moment historique, d'autres se sont demandé si sa mort changerait quelque chose :

Je regarde les infos de Floride…
Un Américain d'origine cubaine de 24 ans dit qu'il a attendu toute sa vie la mort de Castro 😑
Un homme de 90 ans et loin du pouvoir depuis des années.
Quel impact aura sa mort sur la géopolitique mondiale actuelle ?
Le temps continuera à faire apparaître les qualités/défauts de son pouvoir.

La Jamaïcaine Tanya Stephens a fait part de son point de vue :

Il était bon ou mauvais selon à qui on parle. Je suis tombée amoureuse du portrait romantique de la révolution cubaine en cours d'histoire au lycée. Je ne pouvais pas le dire à la maison. Par la suite, j'ai pris plus de détails en considération et j'ai perdu une partie de mon amour pour l'homme tout en ressentant de l'empathie pour les nombreux réfugiés qui fuyaient le pays pour chercher ailleurs des conditions socio-économiques plus favorables. Puis je suis allée à Cuba et mon amour s'est renoué. Aucun humain sur cette planète ne peut recevoir une note parfaite de tous les autres humains. Ce que j'ai vu, c'était un enseignement qui fonctionnait, des soins médicaux qui fonctionnaient, une sécurité nationale qui fonctionnait. Nous séjournions dans une pension dans un ‘ghetto’ à la Havane même si nous aurions pu facilement nous offrir une chambre dans le meilleur hôtel, mais nous voulions être au milieu des gens. J'allais à pied dans ce ‘ghetto’ après minuit, et les seuls contacts que nous attirions de gens du cru étaient les propositions de (littéralement) partager le pain avec nous et des invitations à entrer chez eux et bavarder. Je rêve d'une Jamaïque proche de ça. Je voyais aussi que c'était une sécurité artificielle née de la peur, mais je préfère quelqu'un qui a peur des répercussions de commettre un crime à quelqu'un qui a peur des criminels CHAQUE jour.
A tous ceux dont il a touché négativement les vies, j'espère qu'eux et leurs descendants pourront d'une manière ou d'une autre trouver la paix qu'il est désormais incapable de leur donner. […]

A tous les autres chefs de gouvernement caraïbes, prenez une page du livre de sa vie. Une des bonnes pages. Construisez nos systèmes éducatif et de santé comme si vous aviez VRAIMENT notre intérêt dans un coin de vos coeurs corrompus. […]
A Fidel, j'espère que tu trouveras enfin la véritable paix !

Evoquer Fidel Castro et parler de son héritage est indubitablement une tâche malaisée. Pour une grande partie de la Caraïbe anglophone, il était un héros raté — comme l'a expliqué un internaute sur les réseaux sociaux, le parfait exemple du révolutionnaire transformé en cela-même qu'il hait. Castro a pris le pouvoir à Cuba en défiant la dictature de Fulgencio Batista. Après presque 60 ans de gouvernement — de totalitarisme, diront certains — la diaspora cubaine n'hésite pas à dire de Castro qu'il est lui-même un dictateur.

Ecrivant aux Etats-Unis, Johennys Leiva a publié :

Ne faites pas semblant de ne pas comprendre ce qui s'est passé sur cette île. […]

Castro n'a pas pris d'assaut un côté de l'île puis sur un coup d'Etat foudroyant s'est assis à son couronnement.
Ç'a été graduel.
Il a plu au début aux jeunes, aux pauvres et aux non-éduqués, avec son discours de ‘partage de la richesse’, que ‘les riches n'ont pas besoin d'autant’ de comment il garantirait que ‘chacun serait vraiment égal’. Les gens des campagnes ne sachant ni lire ni écrire ont eu les premiers le coup de foudre pour ce battage.
Il a augmenté ses auditoires sur la lancée.
Ceux qui étaient contre étaient exécutés, au pied levé.
Quand il l'a finalement emporté, les armes ont toutes été retirées. Son endoctrinement ou lavage de cerveau divisait littéralement les familles. Il avait des mouchards pour voir si quelqu'un avait trop d’ ‘invités’ et s'ils prévenaient les autorités, un simple soupçon vous envoyait en prison. […]

Nous n'avons pas eu d'autre insurrection parce qu'il ne s'agissait pas simplement d'aller se battre. On ne savait pas qui au juste était son ennemi. […] Il était lourdement gardé, lourdement protégé, et bien que haï pour ses actes abominables, c'est la ténacité que l'on respectait. Nous savions qu'il ne se souciait pas de qui il tuait pour se maintenir. Nous comprenions qu'il n'y avait pas de bienveillance ou de faiblesse par où attaquer.

Le journaliste carabéien indépendant Wesley Gibbings s'est montré plus mesuré :

Personne n'est mon ‘comandante’, indépendamment de ma position philosophique sur la justice sociale et les droits. La culture du caudillo restera toujours rejetée.
Honorer les droits sociaux et culturels ne veut pas dire diminuer les droits civils et politiques. Ce n'est pas une affaire de l'un ou l'autre. Cela ne se met pas en équations binaires.
Et aimer quelqu'un ne signifie pas nécessairement qu'il faut les haïr.

Conformément à la culture dans la Caraïbe, des utilisateurs de médias sociaux ont injecté une dose d'humour à froid dans leurs commentaires. Sur Facebook, Laura Dowrich-Phillips, broyée par les morts cette année de tant d’icônes, qu'elles soient internationes ou régionales, a eu cette boutade : “Plus qu'un mois en 2016, calme-toi.”

Les plaisanteries ont continué, avec Justin Phelps écrivant “Fidel déclare la victoire et meurt de 'causes naturelles’.” D'autres internautes ont abondamment partagé mèmes et caricatures résumant la rouerie et la longévité de Fidel Castro :

A cartoon by Mike Peters, widely shared on Facebook.

“Ne vous en faites pas, Fidel Castro peut mzintenant tomber à chaque instant !” Dessin de Mike Peters pour le Dayton Daily News, largement diffusé sur Facebook.

Castro meme that uses a photo by Corbis; widely shared on Facebook.

“Quand la CIA essaie 638 fois de vous assassiner mais que vous vivez 90 ans et maîtrisez votre sortie” Mème de Castro utilisant une photo de Corbis; largement diffusé sur Facebook.

Mais essentiellement, ce fut un temps pour la réflexion. La blogueuse de la Jamaïque Annie Paul a ainsi décrit le décès de Castro : comme si “une montagne est morte et que les mots ne suffisent pas à décrire la perte, le trou dans l'univers en forme de Fidel avec lequel nous devons vivre désormais” ; tandis que la chef d'entreprise et éditrice Latoya West-Blackwood tweetait :

2016 ressemble à la fin d'une ère et au début d'un futur neuf et incertain. Quelle époque pour vivre.

En Australie, la suggestion de lever un impôt sur le sucre déclenche un débat enflammé

mardi 29 novembre 2016 à 22:09
Sugar Tax report

Le rapport sur l'impôt sur le sucre. Courtoisie du Grattan Institute (CC BY-NC-SA 3.0)

Les Australiens sont partagés quant à une suggestion du Grattan Institute de prélever un nouvel impôt sur les boissons sucrées pour contribuer à combattre l'obésité. Le groupe de réflexion indépendant a publié un rapport intitulé “Un impôt sur les boissons sucrées, amortir le coût de l'obésité dans la société”, qui recommande que :

Australia should introduce a tax on sugary drinks to recoup some of the costs of obesity to the community.

The best option is an excise tax of 40 cents per 100 grams of sugar, on all non-alcoholic, water-based drinks that contain added sugar.

L'Australie introduise un impôt sur les boissons sucrées pour rembourser la société de certaines dépenses dues à l'obésité.

La meilleure option est de lever un impôt de quarante cents pour cent grammes de sucre sur toutes les boissons non alcoolisées à base d'eau et qui contiennent des sucres ajoutés.

Le Premier ministre adjoint Barnaby Joyce a immédiatement rejeté l'idée, qu'il a qualifiée de “follement débile”. La diététicienne Miranda Blake n'a pas apprécié :

Le gouvernement a essayé l'approche “arrêtez de manger autant” pendant des décennies. Le résultat ? Une obésité qui bat les records mondiaux.

Joyce est député au Parlement et chef de file des Nationals, un parti proche du secteur de l'agriculture.

Selon une métaphore empruntée au football, certains médias pourraient être accusés de “jongler avec l'homme plutôt qu'avec le ballon” (signifiant une attaque de sa personne plutôt que de ses idées) :

“Est-il trop tôt pour prédire que le Programme d'amincissement “Push Back” de Barnaby Joyce deviendra un hit mondial ?” [en référence à la suggestion de B. Joyce de “poser ses deux mains sur la table et de la repousser”, NdT]

Les accusations d'hypocrisie sur les impôts élevés sur l'alcool et le tabac furent inévitables. Christian Peterson réplique au tweet de Joyce qui affirme que le Bureau des impôts australien “ne résoudra pas vos problèmes de poids” :

Mais apparemment ça va régler votre dépendance à l'alcool et à la nicotine. Il y a quand même une raison pour laquelle les hypocrites et les politiciens sont un cliché de notre culture.

La cible d'Adam Cleave, qui travaille dans le secteur commercial pour Imperial Tobacco, est un vieil ennemi :

Le budget pourrait être équilibré si on réduisait le nombre de groupes de pression subventionnés qui n'existent que pour bannir ce qu'ils n'aiment pas.

Aaron Lane a publié un lien vers sa propre recherche pour le groupe de réflexion libéral The Institute of Public Affairs (@TheIPA). Ce dernier est un partisan d'un gouvernement réduit et s'oppose à un “état-nounou”.

L'impôt sur le sucre est déjà dans la liste des idées qui ne marchent pas. Ma recherche pour @TheIPA de 2014.

De nombreux utilisateurs de Twitter ont exprimé leur cynisme quant au motif réel de cette proposition :

L'impôt sur le sucre est comme la taxe carbone. Une arnaque pour se faire encore plus d'argent sur le dos de la population.

D'autres, comme Caitlin Syrett, rejettent la notion de responsabilité individuelle :

. @BarnabyJoyce : “Je crois en la liberté de chaque individu.”
Statistiques : “Regardez où ça nous mène.”

Comme on peut l'imaginer, l'expert de la santé dentaire Matthew Hopcraft avait en tête… les dents :

J'entends beaucoup de bruit contre l'impôt sur le sucre comme un moyen de lutter contre l'obésité, les cavités, le diabète.
Mais je n'entends pas beaucoup d'alternatives crédibles.

Le rédacteur de la rubrique économie du Sydney Morning Herald a, lui, une opinion tranchée sur cet impôt :

Parler “d'état-nounou” est un prétexte pour protéger les bénéfices des entreprises qui vendent des produits dangereux pour la santé.

Pendant ce temps, d'autres sont sortis des sentiers battus :

Une aide pour que les petits salaires et les retraités s'achètent des fruits et légumes frais serait plus utile que de réfléchir à un impôt sur le sucre.

Finalement, quels sont les coûts réels de la crise d'obésité, et quel effet un impôt sur le sucre pourrait-il avoir ?

Stephen Duckett, co-auteur du rapport, aborde la question dans ce podcast, inclus gracieusement  sous licence Creative Commons (CC BY-NC-SA 3.0) :

Chine : Un héros populaire de la résistance aux expropriations exécuté pour meurtre

mardi 29 novembre 2016 à 12:55
Jia Jinglong (1985-2016) via RFI

Jia Jinglong (1985-2016) via RFI

Jia Jinglong a été exécuté le 15 novembre 2016 pour le meurtre du chef de village, He Jianhua, à l'aide d'un pistolet à clou en février 2015.

Le meurtre était un acte de vengeance suite à la démolition forcée de la maison nouvellement rénovée de Jia, qu’il avait préparée pour son mariage en 2013. La démolition a détruit son projet de mariage et sa fiancée l’a quitté peu de temps après.

L’homme de 30 ans a été déclaré coupable et condamné à mort par le tribunal intermédiaire de Shijiazhuang en novembre et la sentence d'exécution fut approuvée par la haute cour du peuple de la province de Hebei en mai 2016.

Bien que l’affaire concerne un meurtre prémédité, Jia a gagné la sympathie du public en étant perçu comme une victime de la confiscation de terres au nom des opérations immobilières. Par ailleurs, il a avoué son crime aux policiers peu de temps après son arrestation. Il n’est pas rare que que le tribunal suspende la peine de mort d’un condamné coopératif. Même le quotidien d'Etat China Daily a reconnu la situation désespérée de Jia dans son analyse lorsque le journal a rapporté l’appel de la famille de Jia devant la Cour suprême du peuple pour que sa sentence soit suspendue :

Comme dans de nombreux cas similaires, Jia était un citoyen ordinaire essayant de vivre une vie normale […] Comme d’autres qui ont sombré dans le désespoir, le ressentiment et qui ont fait du mal à eux-même et aux autres pour que leurs injustices soient reconnues, Jia n’aurait probablement pas agi de la sorte si son préjudice avait été pris en charge comme il le faut.

Mais l’appel de la famille fut rejeté. La veille de l’exécution de Jia, le 14 novembre, une  douzaine de juristes et d’avocats ont mis en place une instance d’appel ouvert devant la Cour suprême du peuple comme dernier ressort pour sauver la vie de cet homme. La lettre ouverte plaide que la Cour devrait considérer Jia comme une victime.

Le dernier appel a toutefois été vain. La vie de Jia fut ôtée le matin suivant. Ses derniers mots pour le monde furent sous la forme d’un poème intitulé « Farewell » (NdT, Adieu) :

Jia's farewell poem written in jail. Via Twitter

Jia's farewell poem written in jail. Via Twitter

 

今当刑离,半梦消断,一往无前。
纵万般洒脱,玉石莹莹,清白颠覆,自有堪堪。
绛河澄澈,皓月婵娟,思凝眸。
哀空残月,待憔悴,或余日无多,肝胆涅槃。
世间何其涟滟,常愁余放风倚阑看,念香花幽草,犹忆偏爱,蛐鸣蝶舞,览尽风姿。
一任孤掷,贾在高营,惟是泯仇愧泽酬。但已矣,恨有幸人来,泪与君别。

Séparés par la peine de mort aujourd’hui. Le rêve doit s’interrompre à mi-chemin. Tout s’achève sans futur.
Mais insouciant et pur. La subversion est claire comme du cristal. L’histoire derrière est pipée.
Une lune lumineuse sur la rivière claire. Ton regard me manque.
Une lune vide et solitaire. Désir pâle et hagard. Aucun jour restant. La passion et la rage se reposent dans le Nirvana.
La vie, des vagues colorées. Penché sur la barrière, regarder avec tristesse le vent passer. La fragrance des fleurs et de l’herbe me manquent. Le chant des criquets et la danse du papillon sont mes souvenirs préférés. Les belles manières d'abord.
Tout capricieusement jeté. Jia à Gaoyin [la ville natale de Jia]. Mais la vengeance n’est pas récompensée. Tout est fini. Je voudrais que mon amour vienne. Mes larmes vous disent adieu.

Beaucoup d’internautes se sont demandé pourquoi la Cour avait refusé de suspendre la peine de mort. Les histoires de gens ordinaires tenant tête aux propriétaires et aux malfrats à la campagne sont valorisées dans l’éducation communiste chinoise, et l’histoire de Jia rentre dans ce cadre. Comme un internaute l’a fait remarquer :

贾敬龙跟陈胜吴广没什么区别,当一个传统中国人,连自己的家园都无法照顾作为一个中国男人,他不是罪犯,更加不该被核罪为死刑,他只是在执行自己作为男人守护家园的使命,为什么推土机一直扰乱中国人的家园

Jia Jinglong n’est pas si différent de la révolte paysanne de Chen Shen Wu Kuang sous l’Empire Qin. Tout homme chinois traditionnel doit se battre pour protéger son foyer. Il n’est pas un criminel et ne devrait pas être condamné à mort. Il remplissait juste son rôle d’homme et défendait sa famille. Les pelleteuses ont détruit bien des maisons en Chine…

Beaucoup ont rappelé la peine de mort suspendue pour Gu Kailai, qui avait assassiné l’homme d’affaire britannique Neil Heywood. La plupart des discussions sur le réseau social Weibo ont été effacées, mais des billets similaires ont pu être retrouvés sur Twitter, comme :

Gu Kailai a assassiné l’homme d’affaire britannique Neil Heywood et elle a eu sa peine de mort suspendue. Jia Jinglong défendait ses droits, il a tué un scélérat et a été condamné à mort. La première est membre de la famille Zhao [surnom de l’élite], le dernier n’est pas un Zhao et il a tué l’un des chiens des Zhao. La loi des Zhao défend évidemment les intérêts de la famille Zhao. Il n’y a aucune justice dans la loi de la famille Zhao, n’est-ce pas évident ?

D’autres ont indiqué que les gens ordinaires ont été dépossédés par ce violent modèle de développement qui pratique la saisie des terres et les démolitions forcées. Le commentaire de l’écrivain chinois Xin Ke sur la décision de la Cour de ne pas suspendre la sentence de Ji a beaucoup été reprise :

为什么贾敬龙会死,道理很简单,我告诉你,其实跟法律(死刑存废)没多大关系,也没有太深刻的政治含义。原因只有一个,以后还搞不搞强拆?如果不搞了,那实在没必要杀掉他,让人骂,何苦呢 […] 如果继续搞,那他大概非死不可,否则谁以后还敢强拆呢?如果你找到了以后他们要不要继续强拆的答案,自然会得出他会不会死的答案。

Pourquoi Jia Jinglong est-il mort ? La raison est très simple. Je vais vous le dire. Ça a très peu de rapport avec la loi et très peu d’implication politique. Il n’y a qu’un seul motif : la démolition forcée restera-t-elle permise ou non à l’avenir ? Si elle n’est pas permise, il n’y a aucune raison de le tuer. Ils n’ont pas besoin de se faire reprocher sa mort. Si la démolition forcée continue, il doit mourir, ou personne n’osera plus poursuivre la tâche. Si vous connaissez la réponse concernant les politiques de démolition forcée, vous avez la réponse sur la vie de Jia.

Un autre auteur chinois continental, Shishusi, s’est penché sur le problème avec un ton un peu plus positif sur Weibo :

用射钉枪打死村支书的贾敬龙终于被执行死刑。之所以引起强烈社会反响,背后承载了多少人对拆迁的意见和对基层组织的不满情绪,却足以引起更深的关切[…] 枪毙贾敬龙甚易,但平复这样常年累积的情绪却非朝夕可就。加油,中国的改革,法治和平等。打捞沉默的声音永不迟到。

Jia Jinglong, qui a utilisé un pistolet à clous pour tuer le chef du village, a été exécuté. Le fait que cet incident ait tant attiré l’attention du public vient du mécontentement généralisé concernant les destructions forcées et les organisations locales du parti. En fait, c’est un problème plus important qui doit être traité. […] Il est facile de fusiller Jia Jinglong. Mais il est difficile de traiter le sentiment public [concernant les destructions forcées]. Ajoutez de l'huile, la réforme chinoise, état de droit et égalité. Il n’est jamais trop tard pour écouter la voix de la majorité silencieuse.

Bien que positif, le commentaire de Shishusi a été retiré de Weibo. Peu après la publication de l’appel des juristes, le 14 novembre, la propagande de l’Etat chinois a considéré toute opinion publique autour du dossier de Jia Jinglong comme un affront à l’autorité des juges et les censeurs du web ont commencé à effacer toutes les discussions en ligne s'y rapportant.

En Afghanistan, les droits des femmes ont encore du chemin à faire

mardi 29 novembre 2016 à 00:05
Girls in Afghanistan. DFID UK Flickr.

Jeunes filles en Afghanistan. DFID UK Flickr.

En cette fin de novembre, femmes et hommes d'Afghanistan ont participé au mouvement mondial de publication de profils sur Facebook dans le cadre de l'initiative de deux semaines de l'ONU d’Union pour mettre fin à la violence à l'égard des femmes.

Un récent débat télévisé illustre l'ampleur de la tâche dans un pays détruit par les invasions étrangères et déchiré par les dissensions internes.

Plus tôt ce mois, deux personnalités publiques féminines débattaient d'une loi anti-harcèlement récemment adoptée par le parlement afghan avec un représentant du conseil des religieux de Kaboul à une table-ronde de la télévision Aryanna.

Le clerc a scandalisé de nombreux internautes en traitant les femmes de “paralysées de la raison au “cerveau défectueux” appuyant son argument d'un échantillon sélectif de textes religieux islamiques. Les deux femmes ont été réduites à recourir à une défense stéréotypée des femmes et jeunes filles en tant que mères et filles, apparemment dans l'incapacité de simplement relever qu'hommes et femmes ont la même valeur.

Les propos sur les femmes de ce religieux actif sur les médias sociaux ont enflammé les médias sociaux d'Afghanistan.

Nilofer Tahiri a exprimé sa fureur sur Facebook :

‏معاون شورای علمای کابل: زنان ناقص العقل اند.
#نكته: پس تو بد بخت كه از يك #ناقص العقل به دنيا آمدي هيچ #عقل نداري.

Posted by Nilofer Tahiri on Saturday, November 12, 2016

Mis au monde par une personne au cerveau défectueux, le représentant au conseil religieux de Kaboul ne peut être que dépourvu de cerveau lui-même.

Une étude de 2011 de la fondation Thomas Reuters identifiait l'Afghanistan comme l’endroit le plus dangereux du monde pour la vie des femmes, du fait de leur mortalité élevée, de l'accès limité aux médecins et de l'absence de droits économiques.

Les femmes en Afghanistan sont à la traîne des hommes, à cause en partie du manque de soutien intellectuel et institutionnel à un mouvement de droit des femmes, même si plus du quart des députés et les gouverneurs de deux provinces (Dykundi and Bamiyan) sont des femmes.

Quelques femmes politiques ont la réputation de s'élever contre l'injustice sociale :

سیلی غفاری زن شجاع و دلیر افغان که همیش در جنایت کاران را در برنامه های سیاسی تلویزیون های با حرف هایش مانند مشت اهنین پولادی کوبیده است.

Posted by Sayed Paise Kunari on Saturday, April 25, 2015

(La députée )Selay Ghaffari est une Afghane courageuse qui s'en prend toujours aux criminels lorsqu'elle parle dans les débats télévisés.

Si de telles positions politiques ne sont pas négligeables après les cinq années de gouvernement taliban ultra-conservateur, pendant lesquelles les femmes étaient exclues de la vie publique, elles gardent quelque chose de symbolique dans un pays où la supériorité masculine reste largement considérée comme allant de soi.

Les interdictions imposées aux femmes sont les plus prononcées dans les zones semi-urbaines. A la campagne, les femmes sont autant actives que les hommes dans le travail hors de la maison, et triment souvent non voilées dans les champs, contrastant avec leurs homologues des villes provinciales où l'ordre établi religieux et patriarcal est plus pesant.

Dans les parties urbanisées du pays, grâce à un meilleur niveau d'éducation et plus de protection sociale, les femmes bénéficient de plus larges opportunités, même si le harcèlement sexuel reste un problème persistant.

Comment changer le contexte des droits des femmes dans le pays ?

Alors que l'enseignement est de plus en plus mis en valeur dans les institutions afghanes, il est crucial que les universités et organismes de réflexion, tout comme les éléments progressistes dans l'administration endossent et soutiennent explicitement le féminisme.

Il y a actuellement peu d'institutions publiques visibles qui se battent pour les droits des femmes, avec des exceptions notables comme la Commission indépendante afghane des droits humains, qui remplit en partie une fonction judiciaire en traitant des violences domestiques et autres mauvais traitements contre les femmes, mais reste une exception dans l'ensemble du cadre institutionnel.

Une des voies par lesquelles les femmes ont pu obtenir dignité et respect en Afghanistan est la citation de textes religieux : passages du Coran ou écrits d'érudits musulmans afin de prouver qu'abuser des femmes est contraire à l'Islam.

Un dialogue sur les droits des femmes basé sur la seule religion ne peut qu'appuyer jusqu'à présent les droits des femmes. Mais il se trouvera toujours des individus prêts, comme le représentant du conseil clérical de Kaboul, à vouloir retourner encore les saintes écritures contre les femmes.

L'élection présidentielle au Nicaragua, une ‘démocratie sans consensus’ ?

dimanche 27 novembre 2016 à 16:57
Daniel Ortega, presidente electo de Nicaragua por tercera vez consecutiva. Fotografía tomada de Wikimedia Commons.

Daniel Ortega, président-éllu du Nicaragua pour un troisième mandat consécutif. Source photo Wikimedia Commons.

La victoire du président Daniel Ortega à l'élection nicaraguayenne début novembre 2016 n'a surpris ni les observateurs ni la population. Le scrutin, qui s'est déroulé dans une large indifférence des citoyens, ouvre à M. Ortega un troisième mandat consécutif dans ce pays d'Amérique Centrale.

La longue carrière politique de Daniel Ortega a commencé à la tête du Front Sandiniste de Libération Nationale (FSLN), le parti gauchiste qui joue depuis plusieurs décennies un rôle de premier plan au Nicaragua. Les bases du FSLN ont été jetées lors de la révolution sandiniste au Nicaragua et la chute de la dictature d’Anastasio Somoza. S'en est suivie une longue lutte pour le pouvoir avec les Contras nicaraguayens– la contre-révolution — qui avaient l'appui du gouvernement étatsunien.

Le régime Ortega et ses années au pouvoir n'ont cessé de susciter la critique, notamment en ce qui concerne le processus démocratique dans le pays. Un des aspects les plus controversés de cette réélection a été la nomination de la femme d'Ortega, à présent président-élu, comme colisitère.

Sur le blog latino-américain d'information Con Distintos Acentos, la chercheuse Renée Salmerón analyse en profondeur les résultats du scrutin, de même que les arcanes du pouvoir nicaraguayen et les perspectives du pays pour les années à venir. L'article interprète les chiffres et insiste sur ceux qui sont les plus intéressants, mais, plus important, s'attache à la façon dont la démocratie nicaraguayenne, à tous égards, ne paraît pas unir ses citoyens autour d'un but commun:

[En] el país continúa vigente lo que refería [el profesor e investigador Andrés] Pérez Baltodano, para quien en el país lo que se vive es una «democracia electoral sin consenso social». El martes pasado, La Prensa recordaba que hace diez años se celebró el último debate entre candidatos a la presidencia. A aquel debate no acudió el recién reelecto presidente, quien además desde el año 2008 no comparece ante la asamblea nacional.

Dans le pays, existe toujours ce dont parlait [le professeur et chercheur] Andrés Pérez Baltodano, pour qui ce que l'on vit est une “démocratie électorale sans consensus social”. Mardi dernier, La Prensa a rappelé que cela fait dix ans qu'a eu lieu le dernier débat entre candidats à la présidence. Le président récemment réélu n'est pas venu à ce débat, et d'ailleurs il n'a pas paru devant l'assemblée nationale depuis 2008.

Salmerón souligne aussi comment le discours politique, qui tire ses références de l'histoire récente du Nicaragua, ne parvient pas à établir de lien avec la population, et n'a pas pour effet une participation plus large :

La oposición y el gobierno yerran. En el entorno político se ha manifestado cierta tendencia en el discurso de la oposición y algunos analistas sobre la valoración al gobierno. Dicha tendencia tiene que ver con los siguientes factores: El primero, es el que relaciona el contexto político electoral de los 90's con el actual. El segundo, compara al presidente Ortega con el dictador Anastasio Somoza […] El tercero, afirma que existen civiles armados en el norte del país (rebeldes). Y finalmente, un cuarto, es el que asocia la Nica Act (Nicaraguan Investment Conditionality Act) con la política de Estados Unidos en el contexto de la guerra fría. Todo es una reminiscencia del pasado.

Ese discurso no abona el diálogo, y no ha surtido efectos movilizadores en el comportamiento de los ciudadanos.

L'opposition et le gouvernement se trompent. On a vu dans le milieu politique une certaine tendance dans le discours de l'opposition et quelques analystes pour l'évaluation du gouvernement. Cette tendance est liée aux facteurs suivants. Premièrement, elle met en relation le contexte politique électoral des années 90 avec celui d'aujourd'hui. Deuxièmement, elle compare le Président Ortega au dictateur Anastasio Somoza […]. Troisièmement, elle affirme qu'il existe des civils armés (des rebelles) dans le nord du pays. Et enfin, elle associe le Nica Act (la loi sur les conditions d'investissement au Nicaragua) à la politique des Etats-Unis dans le contexte de la guerre froide. Toutes des réminiscences du passé.

Ce discours n'ouvre pas la voie au dialogue, et ne fait pas fructifier la mobilisation dans le comportement des citoyens.

Et de continuer :

Por su parte, el gobierno no ha sabido gobernar para todos, simpatizantes y no simpatizantes. Los ciudadanos incluidos en sus programas sociales, y que integran los gabinetes de poder ciudadano son simpatizantes del FSLN […] en su mayoría. Ello ignora el clivaje histórico sandinismo-antisandinismo […] que existe en el seno de la sociedad y que en la elección se ha manifestado a través de progobierno vs abstención.

Pour sa part, le gouvernement n'a pas su gouverner pour tous, sympathisants et non-sympathisants. Les citoyens inclus dans ses programmes sociaux et qui intègrent les conseils de pouvoir citoyen sont des sympathisants du FSLN. Il ignore le clivage historique entre sandinisme et anti-sandinisme qui existe au sein de la société, et qui s'est manifesté dans l'élection sous forme de pro-gouvernement contre abstentionnistes.

Des élections qui ne construisent pas des démocraties

Un des domaines d'analyse se rapporte à une étude critique des élections. Pour Salmerón et ses collègues, construire une démocratie ne se borne pas à tenir des élections. Il y a de nombreux éléments, et la représentation n'en est qu'un ; qui plus est, si des groupes de déliberation et de discussion ne sont pas impliqués dans les débats, le risque est réel que les élections se réduisent à un événement symbolique sans grande signification :

Empero, no solo los candidatos son responsables por no debatir. Ni los medios, ni las universidades reunieron a los candidatos para discutir sobre sus programas de gobierno. No basta con las elecciones. Como sugirió McConnell (2009: 310) se debe reflexionar hasta qué punto la simple celebración «exitosa y regular» de elecciones es suficiente para consolidar una democracia liberal representativa. Todo parece indicar que no es suficiente. Por qué si desde hace meses se habla de una alta aprobación, y ahora el gobierno gana con una mayoría absoluta, continúa la crítica a un maquillaje de las encuestas o una farsa electoral.

Cependant, les candidats ne sont pas les seuls responsables de l'absence de débat. Ni les médias, ni les universités n'ont réuni les candidats pour discuter de leurs programmes. Les élections ne sufisent pas. Comme l'a évoqué McConnell (2009:310), il faut réfléchir jusqu'à quel point le seul fait de tenir des élections “réussies et régulières” suffit à consolider une démocratie libérale représentative. Tout semble indiquer que cela ne suffit pas. Car si on parle depuis des mois d'une forte approbation, et qu'à présent le gouvernement a gagné avec une majorité absolue, la critique se poursuit de sondages maquillés et de farce électorale.

Un gouvernement de temps de paix, un chamboulement des amis et ennemis

Intervention étrangère et conflit armé n'ont pas disparu de l'actualité. Les temps n'en ont pas moins changé, et les plus grands défis d'aujourd'hui ont plus à voir avec les querelles internes que les influences externes. Pour Salmarón, les défis sont d'unir le Nicaragua autour d'un objectif commun, et de surmonter les obstacles résultant du manque de soutien de certains alliés stratégiques :

El voto duro del FSLN ya ha tenido lo que ha querido: Este partido gobierna en tiempo de paz. No puede alegar más las ideas del “imperialismo” o “el capitalismo salvaje”. No puede evocarse más a los enemigos. Pero además, esta vez no puede citar a los amigos. Hay que decirlo. Dejémonos de tonterías, se acabaron los beneficios producto de la relación con el expresidente Hugo Chávez. El país no es productivo como potencialmente debiera.

La polarización no ha desaparecido. Hay un sector que tiene su espacio en la sociedad. Ello es innegable. Es un reto para el gobierno reivindicarse, corregir los vicios, decir sí a la transparencia, a la inclusión y al verdadero cambio económico social.

Le vote dur du FSLN a déjà eu ce qu'il voulait : le parti gouverne en temps de paix. Il ne peut plus prétexter les idées d’ “impérialisme” ou de “capitalisme sauvage”. Il ne peut plus invoquer ses ennemis. Mais en plus, cette fois il ne peut plus citer d'amis. Il faut le dire. Arrêtons les balivernes, les bénéfices produits par la relation avec l'ex-président Hugo Chávez sont finis. Le pays n'est plus productif comme il devrait potentiellement l'être.

La polarisation n'a pas disparu. Il y a un secteur qui a sa place dans la société. Il est indéniable. C'est un réseau dont le gouvernement peut se revendiquer, corriger les défauts, dire oui à la transparence, à l'inclusion et au véritable changement économique et social.