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Equateur : Les Sarayakus cherchent à préserver leur identité par des videos

lundi 3 août 2015 à 12:40
Sarayaku. Foto:  gracias a El Churo

Photo d'un des ateliers de formation pour le peuple Sarayaku. Photo: canal “El Churo” sur YouTube

La localité de Sarayaku, dans la province de Pastaza située dans l’ Amazonie équatorienne, à l'est du pays, est une région de grande biodiversité où ses habitants, le peuple appelé à l'origine kichwa, est en lutte permanente contre les compagnies qui cherchent à exploiter les gisements de  pétrole sous son territoire.

En 2003, l'association Peuple Kichwa de Sarayaku avec l'appui de plusieurs organisations nationales et internationales a déposé une plainte devant la cour interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) pour violations de la part de l'État Equatorien des droits d'un peuple à la propriété, la liberté de circulation, l'intégrité, la religion, la santé et la culture.

La CIDH a donné l'ordre à l'Equateur de faire une enquête sur les faits de violences et de prendre les mesures de protection provisoires nécessaires. Il a été précisé que l'état devra consulter le peuple Sarayaku avant d'envisager des projets d'extraction des ressources naturelles sur son territoire.

Sur Global Voices, nous avons publié différents articles à propos de cette lutte et des moyens employés pour la faire connaître, par exemple le blog Sarayaku, dont l'équipe de communication, en collaboration avec le Collectif El Churo et avec le soutien de Rising Voices au travers de l'initiative Rising Voices Amazonía, a mis en place récemment une série d'ateliers destinés à former les jeunes à la création de vidéos numérisées , dans le but de raconter leur propre histoire, leur identité culturelle et leurs légendes ancestrales.

Ces videos sont  publiées ensuite par le canal El Churo sur YouTube.

Une de ces productions a été: “Amazonie Sud: Antonia, le manioc, sa plantation, la famille”, qui documente les traditions des anciens kichwa, leur expérience ancestrale si importante pour la récolte et que les nouvelles générations ne devraient pas perdre.

Cette vidéo  transmet les connaissances ancestrales d'Antonia, une femme kichwa qui raconte sa vie. Petite fille, alors qu'elle se levait aux premières lueurs de l'aube pour aller travailler avec sa pirogue, la subsistance quotidienne était liée à la pêche, la chasse et l'agriculture.

Les habitants de cette communauté ne semaient que les samedis et certaines familles chantaient toujours avant de semer. Les vendredis en revanche étaient considérés comme des jours de mauvaises énergies pour l'agriculture, prémices de récolte mauvaise. Le manioc est un élément essentiel de la vie de ce peuple. C'est avec cet aliment qu'ils  pratiquent les rituels permettant une récolte fructueuse.

Antonia ne croit pas à la nécessité d'exploiter le pétrole parce que les seules choses qu'elle et les membres du peuple Sarayaku (qui veut dire “rivière de maïs”) souhaitent préserver sont leurs traditions, leurs coutumes et leurs légendes qui sont en train de se perdre avec les avancées technologiques et n'intéressent plus les jeunes.

C'est pour cette raison qu'ils misent justement sur la technologie et sur les jeunes de leur communauté pour les aider à préserver le leg culturel de leurs ancêtres.

Taïwan : Une femme sera présidente en 2016

dimanche 2 août 2015 à 21:04
The presidential election in January 2016 is most likely to be a competition between two female candidates - Tsai Ing-wen (left) and Hung Hsiu-chu (right). Image remixed from Tsai and Hung's Facebook pages.

Les élections présidentielle de janvier 2016 seront très probablement une compétition entre deux femmes candidates :  Tsai Ing-wen (à gauche) et Hung Hsiu-chu (à droite). Photo-montage de la page Facebook de Tsai et Hung.

L'attention des médias s'est tournée récemment vers l'élection présidentielle de janvier prochain à Taïwan où les deux concurrente finalistes sont des femmes, mettant ce pays sur le chemin d'une première Présidente femme.

Au contraire de beaucoup de présidentes qui ont assuré leur position au travers de liens familiaux en Asie, ici, la plupart des commentaires insistent sur le fait que Taïwan se prépare à élire une femme Présidente qui aura su gravir les échelons du parti et du gouvernement en comptant sur ses propres forces.

Cette forte attention internationale sur le genre des candidats à la Présidence est à situer dans le contexte de l'accueil favorable d'un développement démocratique à Taïwan. Les observateurs internationaux souhaitent que Taïwan puisse avoir une influence positive sur la future politique intérieure de la Chine. La Chine doit encore évoluer vers une élection démocratique de son président et l'engagement politique des femmes y est encore limité par le modèle strict du Parti Communiste.

Les deux femmes favorites pour cette élection sont issues des deux principaux partis politiques de Taiwan.Tsai Ing-wen, 58 ans, est la candidate du Parti Démocratique Progressiste (DPP) et Hung Hsiu-chu, 67 ans, est la candidate du Parti Nationaliste Chinois, le Kuomintang (KMT).

Tsai Ing-wen est une ancienne professeure d'université avec une expérience dans le domaine législatif et l'exécutif. Elle n'est pas novice dans la course à la présidence. Elle a   participé aux élections de 2012 comme candidate du DPP. Elle avait alors perdu face au président Ma Ying-jeou du KMT.

Hung Hsiu-chu a été autrefois professeure de lycée et a une expérience de parlementaire (huit mandats consécutifs). Elle a occupé plusieurs postes de direction à l'intérieur de son parti. Elle est actuellement porte-parole de son parti pour la législature en cours.

Il y a eu bien peu de débat à Taïwan sur le sexe de ces candidates car l'opinion publique sur la participation des femmes à la vie politique a beaucoup évolué vers une ouverture plus large. C'est le résultat d'une plus grande maturité sociale, après des décennies de  luttes pour l'égalité des femmes à Taïwan. En 2012, Taiwan a été classée deuxième pays pour l'égalité des sexes dans le monde (uniquement dans la perspective masculin/féminin et sans inclure d'autres identités sexuelles). La  femme ayant accédé à Taïwan au niveau le plus élevé politique a été l'ancienne vice-présidente Annette Lu, qui a été élue en 2000 sous l'étiquette du DPP. La composition de la dernière assemblée parlementaire comprend 33.6% de femmes,  le taux le plus élevé en Asie.

Voici ce que déclare un commentateur politique à propos du changement d'attitude de la société taiwanaise sur la candidature des femmes en politique :

前幾天我們 RA 跟我聊台灣的總統選舉,說他看鳳凰電視在討論「台灣名嘴分析總統候選人」,然後說,「調查顯示有 76% 台灣人可以接受女總統欸~」是說現在應該很少有人會覺得女性不能當總統吧

J'ai discuté des élections à Taïwan il y a quelques jours avec notre conseiller politique, il m'a dit qu'en regardant des analyses des médias taiwanais sur Phoenix TV, il a été frappé par le résultat d'une enquête montrant que 76 % des taïwanais étaient prêts à accepter une femme présidente. Cela veut-il dire qu'il y a peu de personnes qui estiment qu'une femme soit incapable d'être présidente ?

Il n'en demeure pas moins que les Taiwanais ne semblent pas se passionner pour les élections à venir. Le niveau d'attente est assez bas comparé aux précédentes élections. Les réalisations du parti au pouvoir depuis huit ans ont été assez médiocres et sa popularité est  basse.

L'année dernière, le taux de popularité du président actuel a chuté de façon brutale suite au mouvement Tournesol. Des étudiants ont occupés le parlement pendant 18 jours pour exiger du gouvernement des réformes. Aux élections locales de la fin 2014, les résultats médiocres du KMT qui n'a obtenu que 6 sièges sur les 22  possibles, ont été analysés comme un vote de défiance contre le président et son parti.

Le président Ma Ying-jeou ne peut plus se représenter, ayant atteint la limite du nombre de mandats. Aucun candidat potentiel masculin n'a voulu concourir et courir le risque d'un échec humiliant. La seule personnalité du KMT assez courageuse pour endosser cette responsabilité a été une femme, Mme Hung. Elle a du pourtant se battre pour accéder à cette candidature qui a été rendue officielle le 19 juillet lors du congrès du parti.

Dans un de ses posts, un blogueur commente cet évènement:

反觀國內,國民黨“夾層”處處刁難洪秀柱的參選之路,其背後的阻力會不會是國民黨存在著女性不得當家的大男人主義呢?

Le Kuomintang, d'un extrême à l'autre de son échiquier politique, a rendu difficile la candidature de Hung Hsiu-chu. On peut se demander si ces résistances ne viennent pas de la persistance d'attitudes sexistes à l'intérieur du parti. En dépit de cet obstacle, la candidature de Mme Hung a fait avancer à grands pas un parti politique que beaucoup de gens n'auraient jamais imaginé sous l'égide d'une femme.

Pendant ce temps, les réactions en ligne face a l'éventualité d'une femme présidente de Taiwan sont positives. Un commentateur accueille avec joie la nouvelle de ce changement d'orientation :

真的是破天荒了,主要政黨派出的候選人都是女性。2012的總統大選時,身旁無藍綠色彩的長輩其實還是有點性別歧視,有些人覺得女性不如男性,而且蔡英文又是單身未婚,所以直覺的就把票投給馬。這屆未婚的女性候選人一次就出來兩個,也是對這些長輩的考驗與教育XD,在政治上,女人並不一定比男人弱

Le fait que les deux principaux partis politiques se  choisissent une candidate femme est une avancée certaine. Pendant la campagne présidentielle de 2012 ,les plus âgés des deux côtés de l'éventail politique ont été assez sexistes. Il y avait des gens qui pensaient que les femmes n'étaient pas meilleures que les hommes. Tsai Ing-wen n'étant pas mariée, il y a eu une majorité pour Ma (son rival masculin). Aujourd'hui on a deux femmes candidates dont aucune n'est mariée, c'est un défi et une leçon pour les seniors qui devront comprendre qu'en politique les femmes ne sont pas plus faibles que les hommes.

Autre commentaire en ligne d'un homme qui résume ainsi l'évolution louable de la scène politique dans ce pays:

2016年中華民國總統大選意外促成兩位女性共逐大位,這場原以為會非常沉悶的選戰頓時熱鬧了起來。其實台灣女性早已多次獻身總統選戰,但多居副手地位,擔任性別互補角色。這次不同了,不管你怎麼投,最後必定出現一位女性總統。
蔡英文在洪秀柱出線代表國民黨參選後說:「這不是兩個女人的戰爭,期待共塑新的選舉文化。」洪秀柱則說:「期盼兩個女人的選戰,能給社會大眾全新觀感,塑造真正的民主典範。」

Les élections de 2016 à Taiwan font s'affronter deux femmes candidates au même siège. J'avais considéré au début ces élections comme très ennuyeuses mais elles sont devenues soudainement très intéressantes. En fait, il y a déjà longtemps qu'à Taiwan des femmes se sont lancées dans la compétition politique mais seul un siège de vice-présidence avait été remporté, leur offrant un rôle complémentaire des hommes. Cette fois, c'est différent, quel que soit votre vote, le résultat final sera une femme Présidente.

Lorsque Hung Hsiu-chu a été désignée pour représenter le KMT, Tsai Ing-wen a déclaré:

Il ne s'agit pas pour moi d'un affrontement entre deux femmes, je me réjouis bien plus de participer à une nouvelle culture électorale.

Dans une déclaration du même type, Mme Hung avait dit : “Je suis impatiente de participer à cette élection qui met deux femmes en compétition, offrant ainsi à la population une nouvelle image politique et créant un modèle réellement démocratique.”

Les victimes de Pinochet finiront-elles par obtenir justice ?

dimanche 2 août 2015 à 20:33
Este era el nicho en el cual fue sepultado Victor Jara, posteriormente a los estudios forenses en 2009, fue trasladado a la tumba definitiva. Photo taken from the Flickr account of Claudio Quezada under Creative Commons licence.

Niche contenant la dépouille de l'auteur-compositeur et de l'activiste Chilien Victor Jara avant l'analyse médico-légale en 2009, et d'où elle fut transférée à une tombe. Photo tirée du compte Flickr de Claudio Quezada sous licence Creative Commons.

La semaine dernière, 17 anciens officiers de l'armée chilienne ont été arrêtés pour deux des plus retentissants crimes commis à l'époque d'Augusto Pinochet : l'assassinat de Víctor Jara, un musicien et sympathisant communiste chilien, et l'immolation par le feu de deux activistes.

Dix suspects ont été accusés du meurtre de Victor Jara suite au témoignage d'un  militaire. Sept autres ont été accusés d'avoir immolé par le feu deux activistes. L'un est décédé, et l'autre a été gravement blessée.

En 1973, Pinochet renversait le président socialiste chilien Salvador Allende, marquant ainsi le début de 17 longues années de dictature militaire pendant lesquelles plus de 3 000 personnes furent tuées et des dizaines de milliers emprisonnées et torturées.

Victor Jara était l'une des nombreuses victimes faites prisonnières dans le Stade National de Santiago. Il fut torturé, eut les doigts arrachés ainsi que le corps criblé de 44 balles. Le poète et chanteur était également un activiste politique qui s'était rangé du côté de la classe ouvrière de gauche. Victor Jara avait été pris peu de temps après le coup d'état . Il fut tué le 16 septembre.

En 1986, Carmen Gloria Quintana et Rodrigo Rojas âgés respectivement de 18 et 19 ans ont été battus, aspergés d'essence et brûlés par des militaires. Rodrigo Rojas a succombé à ses blessures quatre jours plus tard, Gloria Quintana a été défigurée et a du subir une intervention chirurgicale. Les victimes étaient toutes deux des activistes politiques qui récoltaient des données sur les grèves et les manifestations contre  Pinochet. L'armée avait maquillé l'attaque et Pinochet avait accusé les deux victimes de s'être immolées par le feu en fabriquant des cocktails Molotov.

Pendant près de trente ans, un pacte du silence parmi les soldats de l'armée de Pinochet garantissait une impunité de fait aux auteurs. Cependant, Fernando Guzmán, un soldat âgé de 18 ans à l'époque, a finalement rompu le pacte afin de rendre justice aux victimes et aux familles.

Gloria Quintana a déclaré aux journalistes:

Je pense que ce pacte de silence qui se brise après tant d'années représente un évènement marquant pour notre pays. C'est un avant et un après dans la lutte pour les droits de l'homme. A partir de maintenant, beaucoup plus de soldats ayant un poids sur la conscience parleront car ils savent ce qu'ils ont fait. Ils ont assassiné et ont fait disparaître de force des gens.

Joan Turner Jara, la veuve du chanteur, a décrit les faits nouveaux dans l'affaire de son mari comme étant “un message d'espoir”:

Le cas de Víctor peut servir d'exemple, nous poursuivons donc notre action en demandant justice pour Víctor dans l'espoir que chacun obtienne justice.

Des personnes à travers le monde ont commenté sur les médias sociaux les accusations.

Jonathan Franklin, reporter du “Guardian”, écrit:

10 militaires chiliens accusés du meurtre du chanteur Victor Jara….la justice chilienne est peut-être lente, mais elle demeure sensée. pic.twitter.com/cgCuREr3Sc

— Jonathan Franklin (@FranklinBlog) 23 juillet 2015

La politicienne chilienne María Antonieta Saa a exprimé son horreur face aux évènements passés :

Revoir Pinochet à la télévision douter de l'assassinat de Rodrigo Rojas De Regri nous rappelle avec horreur ce que nous avons vécu. Vérité et Justice.

Comme Joan Turner Jara l'a indiqué, cela pourrait vraiment être un nouveau chapitre dans le combat pour que les victimes de Pinochet obtiennent justice. La divulgation d'une affaire étouffée au sein de l'armée pourrait aider à découvrir la vérité sur plusieurs autres atteintes aux droits de l'homme commises sous le régime Pinochet.

Selon les chiffres officiels, 40 018 personnes ont été victimes d'atteintes aux droits de l'homme pendant la dictature tandis que 3 065 personnes étaient assassinées ou portées disparues.

Le plébiscite de 1988 a mis fin aux 17 ans de règne de Pinochet :  56% des électeurs ont voté contre le fait qu'il reste président. Cela a provoqué des élections démocratiques à la Présidence et au Congrès. Le 10 octobre 1998, lors d'une visite à Londres, l'ancien dictateur fut arrêté en vertu d'un mandat d'arrêt international. Il retourna au Chili en mars 2000. En 2004, un juge chilien statua que Pinochet était médicalement apte à subir son procès et l'assigna à résidence.

Pinochet est décédé le 10 décembre 2006 – ironiquement, lors de la Journée internationale des droits de l'homme – après avoir été hospitalisé pour une crise cardiaque. Il n'a été condamné pour aucun des 300 chefs d'inculpation qui lui ont été imputés, parmi lesquels nous pouvons citer la fraude fiscale et le détournement de fonds ainsi que les violations des droits de l'homme.

L'étrange procès de la journaliste Khadija Ismayilova en Azerbaïdjan

dimanche 2 août 2015 à 19:54
Khadija Ismayilova, an investigative journalist of world renown. Photo by Abas Atillay, RFER/L. Creative commons.

Khadija Ismayilova, journaliste d'investigation de renommée mondiale. Photo de Abas Atillay, RFER/L. Creative commons.

Est-ce là l'idée que se font les partisans du gouvernement azerbaïdjanais des Illuminati?En Azerbaîdjian, au cours de procès importants, les salles d'audience se remplissent  soudainement d'inconnus, apparemment pour empêcher l'accès à d'autres spectateurs ; ce phénomène signe une nouvelle phase du système judiciaire azerbaïdjanais.

Ces individus sont un élément clé du procès en cours contre la célèbre journaliste d'investigation Khadija Ismayilova. Celle-ci est détenue depuis le 5 décembre pour “incitation au suicide, évasion fiscale, activités illégales, abus de pouvoir et détournement de fonds”.

Les mystérieux spectateurs occupent également de nombreux sièges au procès des militants des droits humains Leila et Arif Yunus, accusés l'an passé d'avoir espionné l'Azerbaïdjan pour le compte de son voisin et rival arménien.

Dans le monde entier, les accusations qui pèsent sur Mme Ismayilova et les Yunus ont été qualifiées d'infondées, de tentative de faire taire les détracteurs dans l'un des Etats les plus répressifs de l'ancienne Union soviétique.

Les spectateurs anonymes qui assistent à ces procès sont généralement accueillis à bras ouverts par le personnel sur place. Ils évitent par miracle – ou peut-être grâce à un accord secret – l'examen approfondi que les membres de la famille des accusés, leurs amis et collègues doivent subir lorsqu'ils tentent d'assister aux procès.

Ils sont en possession de téléphones portables, qui ne sont normalement pas autorisés dans les tribunaux, et occupent la majorité des sièges disponibles dans les salles d'audience exiguës. Interrogés par des journalistes, ils se présentent comme des proches et des amis des prévenus et ne savent pourtant strictement rien sur eux.

Mais leurs compétences ne s'arrêteraient pas à une observation passive des audiences.

Lors du procès de Mme Ismayilova, qui a commencé le 24 juillet, des journalistes locaux de la presse azerbaïdjanaise ont tenté de filmer depuis l'arrière du tribunal, où étaient réunis les soutiens de Mme Ismayilova. Des assaillant les ont bombardés de pierres en raison de la gêne qu'ils occasionnaient.

L'attaque n'a été revendiquée par personne.

Etant donné que ces participants mystérieux occupaient toutes les places, les amis et collègues de Mme Ismayilova ont dû rester debout à attendre à l'extérieur de la salle d'audience, scandant le nom de Khadija pour la soutenir et tapant dans leurs mains aussi fort que possible.

L'Azerbaïdjan est un expert en farce politique. Après les urnes bourrées lors des élections, les journaux truffés de mensonges, il semble maintenant qu'il remplisse les salles d'audience de faux participants.

République Dominicaine : le futur incertain des descendants d'haïtiens

samedi 1 août 2015 à 13:51
Map of Haiti and the Dominican Republic; image by Jay Clark, used under a CC BY 2.0 license.

l'Ile d'Hispaniola:'Haïti + la République Dominicaine. Image de Jay Clark,  Utilisée sous licence CC BY 2.0.

‘Imagine que tu naisses dans un pays et qu'on te dise que tu n'as aucun droit de citoyen, qu'on ne veut pas de toi ici, c'est exactement ce qui est en train d'arriver depuis quelques temps aux dominicains descendants d'haïtiens depuis 1929. (article GV du 21 mai 2015)

La date limite du 17 juin pour qu'environ un demi-million de personnes d'origine haïtienne nées en République Dominicaine se fassent enregistrer auprès des autorités ou risquent la déportation  est maintenant dépassée. Pour beaucoup d'observateurs, il ne s'agit plus simplement d'un problème de dénationalisation mais de déshumanisation. On peut utiliser le terme de “purification ethnique” pour décrire le tri qui est en train de se faire, car le gouvernement a comme objectif d'expulser les dominicains d'ascendance haïtienne, c'est-à-dire ceux qui ont la peau la plus foncée.

 Il y a deux ans une décision judiciaire a refusé la citoyenneté dominicaine aux descendants de migrants haïtiens rétroactivement, jusqu'à 1929, ce qui transformait de fait ceux-ci en apatrides. En ce moment, bien que le pays tente de prendre ses distances par rapport à ce qui est considéré comme un problème migratoire, des écrivains connus comme le dominicain Junot Díaz et l'haitienne Edwidge Danticat ont envoyé une lettre ouverte publié dans le New York Times insistant sur le fait que ces décisions créaient instantanément une classe sociale marginalisée soumise à tous les excès.

 L'indignation des médias sociaux dans la région a été rapide quoique limitée. Allan Tam, un Trinidadien qui vit hors de son pays, a décrit cette situation comme “une tragédie en cours”.

Sur Facebook, Rhoda Bharath fait la déclaration suivante:

Pour abonder sur la déclaration d'un ami…
Nous avons vu se mettre en place cette semaine en République Dominicaine un nettoyage technique. Dans les Caraïbes. A l'époque actuelle . La Caricom reste muette.

Bien que le sentiment que la Communauté des Caraibes ne s'est pas exprimée sur ce problème soit globalement partagé, le journaliste indépendant Wesley Gibbings a souligné qu'au contraire, la CARICOM avait donnée son avis sur cette situation: Elle a publié sa première déclaration en novembre 2013, suivie d'une autre communication en mars 2015. La plus récente a été ferme, faisant part de sa grande préoccupation pour cette série de réformes qui affectent sérieusement tous les Dominicains descendants de migrants haïtiens vivant en République Dominicaine.

Le procédé de régularisation des Dominicains descendants de Haïtiens, qui mène à une privation arbitraire de nationalité par le décret de la Cour Constitutionnelle de la République Dominicaine de Septembre 2013, a expiré le premier février 2015. Les fonctionnaires du gouvernement ont déclaré que ce délai ne sera pas prolongé malgré le fait qu'une faible proportion (6937) des personnes concernées ait pu faire cette demande. Une grande masse de personnes, estimée à plus de 100 000, seraient exclues de la procédure et exposées à une expulsion.

Il faut replacer cette information préoccupante dans le contexte de la décision du 22 octobre 2014 prise par la Cour interaméricaine des droits de l'homme qui demandait l'annulation de toutes les dispositions résultant de cette juridiction nouvelle portant sur la nationalité. Cette même communauté a réitéré une nouvelle fois sa condamnation du gouvernement de la République Dominicaine pour atteinte au droit international.

La communauté des Caraïbes condamne également la réapparition d'un esprit anti-haïtien en République Dominicaine. Celui-ci a entraîné la mort d'un migrant le 11 février 2015, des actes d'irrévérence vis à vis du drapeau haïtien et l'expulsion d'un nombre croissant de personnes sans vérification de leur situation. Compte tenu de ces  nouvelles fort inquiétantes, la Communauté des Caraïbes réitère ses remarques déjà adressées à la République Dominicaine concernant  l'absence de toute négociation.

Ceci montre une différence de ton sensible avec la déclaration initiale, dans laquelle la CARICOM se montrait disposée à un face-à-face avec la République Dominicaine dans la mesure où son gouvernement prouvait sa bonne foi et proposait des dispositions intermédiaires crédibles dans le cadre d'un plan général visant à résoudre les problèmes de nationalité le plus rapidement possible.

Dans toute la zone et au delà, les internautes se sont fait l'écho de ce sentiment en essayant de sensibiliser la communauté internationale confrontée à ce qu'ils estiment une criante injustice faite à leurs frères du monde caraïbe. Ils ont été nombreux à signer et diffuser une pétition sur Avaaz.org demandant aux gouvernements des pays de la Caraïbe de faire cesser “l'apartheid de la République Dominicaine contre les Dominicains descendants d'haïtiens”, qu'il considèrent un affront.

Sur la page Facebook de la communauté des blogueurs haïtiens, les internautes ont publié des réactions contre les déportations forcées, venant de personnalités haïtiennes et d'autres, jusqu'au maire de la ville de New York.

Dans le cadre des déportations prévues, le blog Kiskeácity a republié le podcast d'un débat qui a eu lieu fin 2014 sur l'attribution de la citoyenneté en République Dominicaine. Plus au sud, dans l'archipel des Caraïbes, Groundation Grenada a montré son indignation par l'entremise d'écrivains comme Angelique V. Nixon et Alissa Trotz, qui parlent d'un problème de droit à exister pour ces descendants d'Haïtiens et de la réalité qu'ils affrontent aujourd'hui jusque dans les Bahamas:

Il semble bien que nous soyons arrivés aujourd'hui, en République Dominicaine et aux Bahamas à un point crucial en ce qui concerne le traitement des migrants haïtiens et des personnes descendantes d'haïtiens. Outre le problème d'une population rendue apatride, des rapports inquiétants témoignent d'atteintes aux droits de homme dans les centres de rétention des Bahamas, de déportations en masse en République Dominicaine et de séparation de membres d'une même famille dans ces deux pays. Les migrants haïtiens et leurs enfants sont une des population des plus vulnérables, cette constatation est bien évidente au vue du renforcement des politiques concernant l'immigration au Bahamas et en République Dominicaine. Ce comportement humiliant vis à vis des migrants haïtiens ou d'ascendance haïtienne met en évidence de manière criante la portée fort limitée de la notion de droit de l'homme et du choix de ceux qui accèdent à une protection. En outre la persistance d'une attitude xénophobe envers certains migrants, en particulier les haïtiens, demeure une préoccupation persistante et un problème sérieux pour notre région caraïbe.

Cet article signale ensuite plusieurs cas spécifiques de violences contre des Haïtiens dans les deux territoires et critique le plan de régularisation mis en place par la République Dominicaine,  dont un délai irréaliste pour que les migrants sans papiers puissent demander la citoyenneté.

Reprenant les termes de l'écrivaine haïtien-canadien Myriam Chancy, cet article ajoute que ce qui doit préoccuper les citoyens du monde caraïbe est la “mort civile” imposée à leurs frères haïtien. Winston Dookeran, ministre des Affaires étrangères de Trinidad et Tobago, a déclaré qu'une initiative diplomatique devait être prise à l'occasion de la réunion des dirigeants régionaux le 2 et 3 juillet dernier lors de la conférence des chefs de gouvernement. L'opinion de Groundation Grenada est pourtant que ” la région est loin d'avoir trouvé un chemin vers une meilleure éthique pour gérer le problème des migrations et du droit à une citoyenneté.

Alors que se poursuivent des efforts considérables de reconstruction après le tremblement de terre en Haïti,  cette offensive contre les migrants et la descendance des haïtiens en République Dominicaine  illustre bien ce qui reste à faire en ce domaine dans notre monde Caraïbe. Le moment est venu d'aller de l'avant et de créer des réponses régionales faisant la promotion de la solidarité et de solutions basées sur la justice sociale. Le moment est venu de trouver les solutions les meilleures pour gérer les migrations, les problèmes de citoyenneté, la mobilité régionale et le travail. Le moment est venu de développer des modes d'approche plus efficaces et transversaux prenant en compte la classe sociale, le sexe, et d'autres marqueurs de différence et d'inégalités.

De récentes informations laissent à penser que Andrés Navarro García, ministre de l ‘intérieur de la République Dominicaine, aurait prolongé le délai prévu pour les déportations dans le but de rendre ce processus plus crédible. Le futur des Dominicains d'ascendance haïtienne, dont la plupart n'ont jamais vécu en Haïti et ne parlent pas la langue locale, demeure néanmoins très incertain.