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Rapport Netizen : La communauté tech pleure le défenseur de l'internet ouvert exécuté en Syrie

lundi 14 août 2017 à 22:34

Affiches de la campagne FreeBassel par #FreeBassel Campaign et Kallie Taylor.

Le rapport Netizen de Global Voices Advocacy présente un aperçu international des défis, victoires, et tendances émergentes des droits de l'Internet à travers le monde.

Cette semaine, les défenseurs dans le monde entier de l'accès libre à la technologie et à la connaissance ont déploré l’exécution de Bassel Khartabil, un défenseur de l'internet ouvert et ami proche de plusieurs membres de la communauté Global Voices. Bassel avait été déclaré condamné à mort en novembre 2015, date à partir de laquelle on ne savait plus où il se trouvait ni dans quelles conditions. Son épouse Noura Ghazi a appris cette semaine qu'il a été exécuté en 2015.

Khartabil a piloté le mouvement pour l'accès libre à la technologie en Syrie, en tant qu'acteur passionné de projets à dimension mondiale comme Creative Commons et Wikipedia, et co-fondateur du premier laboratoire à Damas pour l'accès libre à la technologie. Pour honorer le passé historique de son pays, il a travaillé avec les techniciens et les architectes sur la reconstruction virtuelle de la ville antique de Palmyre, dans l'espoir de faire revivre sa notoriété historique.

Comme plusieurs autres développeurs et activistes pacifiques de Syrie et d'ailleurs, Khartabil était accusé “d'atteinte à la sécurité de l’État. ”En décembre 2012, il a été interrogé par un juge, selon la procédure judiciaire d'un tribunal militaire, mais à la connaissance de sa famille, il ne reçut par ailleurs aucune information sur l'évolution de son dossier.

Dans Le Prix de la Liberté: Une enquête collective, un livre d'essais et de poèmes écrit par des artistes, des intellectuels et des technologues qui avaient connu Bassel, son épouse Noura Ghazi a évoqué son esprit :

J'ai passé toute ma vie à rêver de liberté, et Bassel m'a appris à en profiter…. IL a toujours partagé ses connaissances avec toute personne qui en avait besoin, et il a aussi appris à beaucoup de prisonniers à lire, à écrire et à s'exprimer en anglais. Bassel m'a ouvert les portes de la technologie, en m'apprenant à utiliser les ordinateurs et les téléphones cellulaires. Il m'a appris internet. Il aussi appris aux autres prisonniers à utiliser les ordinateurs en théorie, sans qu'ils en aient un entre les mains.

Une blogueuse vietnamienne condamnée à neuf ans de prison

Le 25 juillet 2015, lors d'un procès d'une journée, la Cour du Peuple du Vietnam de la province de Hà Nam a condamné Trần Thị Nga à neuf ans de prison et cinq années de résidence surveillée pour “avoir mené une propagande contre l’État.” Nga , âgée de 40 ans, aussi connue sous son pseudonyme Thúy Nga, est une ardente défenseure des immigrés et des droits fonciers. Elle documente et fait campagne contre la brutalité policière sur sa page facebook et sa chaine YouTube. Nga a été souvent intimidée et attaquée physiquement par la police pour son travail.

Les utilisateurs de Facebook au Cachemire et à Brunei paient le prix fort pour leurs ‘leurs discours anti-nationalistes’

Un homme a été interpellé par la police au Cachemire pour des allégations d'écrits “anti-nationalistes” sur Facebook. Des habitants locaux se sont plaints à la police de ses articles sur Facebook, et des policiers se sont présentés chez lui après la défaite de l'Inde face au Pakistan dans la compétition internationale de cricket. Un agent a dit au Kashmir Observer “Nous vérifions si cette personne a des liens ou non avec un groupe terroriste. Nous scrutons aussi ses activités sur les sites des réseaux sociaux.”

Un fonctionnaire du gouvernement du Brunei a été accusé d'avoir enfreint la loi sur la sédition après s'être insurgé sur Facebook contre la nouvelle réglementation sur la certification halal émise par le Ministère des Affaires Religieuses. Mong Palatino de Global Voices a expliqué que du strict point de vue de la réglementation sur les médias du Brunei, les enjeux relatifs aux libertés civiles ne font pas souvent l'objet de discussions en ligne. “C'est pour cela que la conversation [en ligne] sur le cas de Shahiran laisse entrevoir un aspect de la perception de quelques internautes sur la situation du pays aujourd'hui,” écrit-il.

Les entreprises de haute technologie répondent aux préoccupations des États sur le terrorisme via les réseaux sociaux

Dans un souci d'examiner de plus près cette connexion , un Forum mondial de l'Internet pour contrer le terrorisme a été convoqué cette semaine à San Francisco. Organisé par Facebook, Microsoft, Twitter et YouTube, le Forum inclut des représentants de l'industrie technologique, des États et des ONG pour discuter et répondre aux critiques de la Commission européenne et des autres gouvernements sur la nécessité pour les entreprises de technologie de faire plus pour combattre le terrorisme et les discours de haine sur leurs plateformes.

Cependant, les activistes critiquent l'échec des entreprises à faire la distinction entre les discours haineux et les vraies critiques. Les groupes minoritaires aux États-Unis rapportent qu'ils font l'objet d'une censure disproportionnée lorsqu'ils utilisent les réseaux sociaux pour dénoncer le racisme des autres utilisateurs, même lorsque leurs articles répètent, mot à mot, les publications haineuses non censurées que leur ont envoyées les autres utilisateurs. Stacey Patton, professeur de journalisme à Morgan State University, a déclaré au Washington Post :

A l'ère de l'incarcération massive, vous arrivez dans cet espace numérique — cet espace qui semble le seul sécurisé— et alors vous vous retrouvez attaqués par des trolls et jetés dans la prison de Facebook. C'est totalement en contradiction avec l'ambition de création d'une place publique de Mr. Zuckerberg.

Les fausses nouvelles fleurissent sur Free Basics

Une nouvelle recherche de Global Voices montre que Free Basics, la version mobile “gratuite” de Facebook, rend difficile le jugement des utilisateurs sur la fiabilité des articles de presse. Le logiciel ne permet aux utilisateurs que de lire les titres et les captures d'images, mettant de côté le contexte adéquat qui aide les utilisateurs à se faire une opinion sur la véracité des informations d'un article de presse. La prolifération des sites imitateurs répandant de faux articles facilite la diffusion sans s'en rendre compte de fausses informations par les utilisateurs de Free Basics.

Au lieu de le censurer, le Tadjikistan va contrôler I'internet

Le parlement du Tajikistan a apporté une série d'amendements à la loi pénale du pays pour donner aux services de sécurité du pays le droit de suivre et de contrôler les activités des citoyens sur Internet. Cela inclut l'enregistrement détaillé des messages mobiles et SMS, des commentaires sur les réseaux sociaux, et le suivi de quiconque visitant des sites internet considérés comme “indésirables”, bien que les critères de détermination de ces sites ne soient pas précis. La loi criminalise aussi la rédaction de commentaires susceptibles de porter atteinte à l'honneur d'une personne où à la sécurité de l’État, avec une peine minimale de deux années d'emprisonnement. La législation illustre un changement d'approche du gouvernement tadjik , abandonnant la censure interdisant les sites et services internet controversés, pour le suivi des activités des citoyens sur Internet.

L'Autorité Palestinienne adapte à la hâte une loi sur la cyber-criminalité

Le 24 juin, la Palestine a voté une nouvelle loi réglementant les transactions via internet, ainsi que les sites des médias et des réseaux sociaux. La loi met l'accent sur un nombre de “délits cybernétiques” pouvant être sanctionnés à hauteur de 15 années de prison ou de travaux forcés à perpétuité. Tandis qu'elle liste quelques cybercrimes qui doivent être combattus à tout prix comme le chantage sexuel, la fraude fiscale, et l'usurpation d'identité, elle donne au Procureur le pouvoir sans limite de surveiller les citoyens palestiniens, d'intercepter leurs communications en ligne, et de les arrêter pour avoir exprimé leurs opinions et points de vue politiques sur Internet. La loi a été approuvée par le Président Mahmoud Abbas il y a juste deux semaines, sans avoir donné à la société civile la possibilité d'y apporter ses observations.

Apple coupe les VPN en Chine

Apple a informé ses clients qu'il va supprimer les services VPN de ses boutiques de logiciels en Chine pour les mettre en conformité avec la réglementation gouvernementale sur les entreprises offrant des services VPN au grand public. Cependant, les utilisateurs de Chine peuvent encore télécharger et continuer à utiliser des logiciels tels que ExpressVPN si leurs comptes Apple sont enregistrés dans des boutiques à l'étranger avec une adresse de facturation située en-dehors de la Chine.

Nouvelle Reserche

 

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Au Paraguay, les étudiantes se rebellent contre l'institutionnalisation du harcèlement sexuel à l'université

lundi 14 août 2017 à 16:42

Manifestation à l'Université Nationale d'Asunción. Photographie de Kurtural publiée avec autorisation.

Cet article est une réédition du travail de María Dominguez, publié initialement par Kurtural dans la série “El país de las mujeres” (Le pays des femmes – série d'histoires autour des femmes latino-américaines). La version originale présente une étude approfondie des obstacles juridiques rencontrés dans les affaires de plaintes pour harcèlement sexuel.

“Ca ne te coûte rien un baiser ! Personne ne le saura.”

C'était le 30 avril 2014. Il pleuvait. Carolina Wolf était assise dans la voiture de Gustavo Rodríguez Andersen, professeur à la Faculté de médecine de l'Université nationale d'Asunción (UNA), la plus grande du Paraguay. Elle était étudiante en médecine et déléguée de classe dans le campus de l'UNA à Santa Rosa del Aguaray, à 250 kilomètres d'Asunción.

Andersen l'avait invitée à un congrès universitaire dans la capitale pour qu'elle puisse par la suite renseigner ses camarades. En sortant, il lui avait proposé de la raccompagner, mais juste avant il était passé par le campus de l'université et avait garé sa voiture à côté d'une plantation de canne à sucre, “dans une zone sombre” se souvient Carolina Wolf.

“J'ai très mal au cou”, lui dit-il.

Carolina le regarda et vit qu'il se tripotait les parties génitales. “La seule chose qui m'est venue à l'esprit, c'est ma famille. Pour esquiver cette situation, j'ai pris mon téléphone et j'ai commencé à lui montrer des photos de mon papa, ma maman et de mes frères”, raconte-t-elle. Puis elle a demandé qu'il la dépose devant un supermarché à proximité où on viendrait la chercher. Mais en arrivant là, Andersen a insisté de nouveau. Il s'est approché d'elle, lui a attrapé le cou et a tenté de l'embrasser. Elle s'est débattue.

Carolina s'est dégagée comme elle l'a pu, est descendue de la voiture et a marché jusqu'au supermarché. Elle avait peur. Elle a appelé son fiancé en lui demandant de venir la chercher. “Je lui ai dit qu'un professeur avait essayé d'abuser de moi. Je lui ai demandé de ne plus jamais me laisser aller seule à l'université”, raconte-t-elle.

Après cet épisode, Andersen n'a plus jamais essayé d'embrasser Carolina, ni de se toucher devant elle, mais les abus ont continué. “Il me rabrouait en classe devant mes camarades. Lorsqu'il m'adressait la parole, je restais muette. Il me traitait de tête de mule, d'imbécile et d'idiote et disait que c'était normal parce que je suis une femme”, explique-t-elle.

Elle ne savait pas comment expliquer à sa famille ce qui se passait et n'en n'a parlé ni à sa famille ni à ses camarades : “Personne ne serait allé dire à Andersen de se calmer vis-à-vis de moi. Si quelqu'un avait fait cela, il aurait pu faire une croix sur la poursuite de ses études”.

En 2015, les étudiants de l'UNA ont brisé le silence et ont occupé le rectorat en signe de protestation contre les nombreuses irrégularités de l'institution. En septembre, il y a eu des plaintes et des accusations de corruption de doyens et de hauts responsables universitaires. Le mot-clic #UNANoTeCalles [UNANeTeTaisPas, Ndt] était présent partout sur les réseaux sociaux. Dans cette ambiance où le silence était rompu, Carolina Wolf a appris qu'une de ses camarades avait été harcelée sexuellement par Andersen.

“J'ai pris une grande claque. Aujourd'hui encore, je culpabilise de ne pas avoir porté plainte quand ça m'est arrivé. Je ne cessais de penser à ce qui était arrivé à ma camarade. Alors, j'ai décidé que tout cela devait cesser. Je savais qu'Andersen était tout-puissant, mais je ne pouvais plus rester sans rien faire, et j'ai porté plainte”, raconte-t-elle.

Une pyramide de privilèges

“La Faculté de médecine s'est transformée en un instrument de domination politique”, affirme l'avocat Guillermo Ferreiro, conseiller des étudiants de l'UNA durant les manifestations de 2015. La faculté reçoit un budget public élevé par le biais de l'hôpital de Clínicas, qui est un hôpital public directement lié à la faculté. Ferreiro pense en outre que la filiale de Santa Rosa a été créée spécialement pour faciliter “la répartition des postes et des fonctions” en favorisant les personnes proches des hauts responsables de l'UNA”.

Etudiante spécialisée en instrumentation chirurgicale et unité opératoire à l'UNA, Minami Akita pense que les professeurs de la Faculté de Médecine “s'accordent des privilèges”. Leur grande obsession est de grimper pour conserver des postes fixes à la faculté ou à l'hôpital. Minami Akita révèle qu'il y a des “enseignants-express”, qui sont nommés de façon rapide sans réunir tous les prérequis, uniquement dans le but de garantir au “Clan”, le groupe de pouvoir qui contrôle l'UNA, un certain nombre de votes favorables pour maintenir son autorité.

Minami Akita pense qu'il existe une double discrimination envers les femmes à la Faculté de médecine de l'UNA. “La majorité des postes de direction sont occupés par des hommes. Que ce soit le directeur ou le chef des urgences de l'hôpital de Clínicas, ou bien le doyen ou le vice-doyen de la Faculté, ce sont tous des hommes. Lors de la première grève des étudiants de #UNANoTeCalles, on a appris que certains de ces hommes de pouvoir vendaient des postes à la Faculté ou à l'Hôpital. C'est-à-dire qu'ils demandaient de l'argent aux hommes embauchés en échange de leur titularisation. Et aux femmes, ce n'est pas de l'argent, mais des faveurs sexuelles qu'ils demandaient”, raconte-t-elle.

Durant ces manifestations, Minami Akita et ses camarades ont reçu des plaintes concernant des irrégularités dans la gestion de la faculté. Nombre d'entre elles, environ cinq ou six sur dix, concernaient des affaires de harcèlement sexuel. Parmi les histoires les plus frappantes, on trouvait celle d'une représentante des étudiants de la filière Instrumentation qui se comportait comme une sorte d'entremetteuse. Dans le bloc opératoire, elle proposait aux étudiantes de participer à des fêtes privées organisées par les professeurs. Au cours de ces fêtes, elles coucheraient avec eux en échange d'un travail à l'hôpital. Parfois, c'était les chirurgiens eux-mêmes qui lançaient ces invitations en pleine intervention chirurgicale.

Un protocole pour mettre fin au harcèlement sexuel à l'université

Graciela Escobar, médecin anesthésiste diplômée de l'UNA, est aussi la mère d'une représentante étudiante à la Faculté de médecine. Elle raconte que durant la mobilisation #UNANoTeCalles, les parents des étudiants se sont regroupés pour soutenir la réforme du statut universitaire. C'est à cette époque que l'on a commencé à entendre quelques histoires vécues de violence, mauvais traitements et harcèlement dont souffraient les étudiants.

Face à la gravité des témoignages, les parents des étudiants ont entamé une “croisade contre le harcèlement”, comme l'appelle Dr Escobar. Pendant les derniers mois, suite à l'affaire Carolina Wolf, ils ont demandé à des sénateurs et des députés d'intervenir en tant que médiateurs dans un débat sur la mise en place d'un protocole contre le harcèlement et la discrimination de genre dans les universités.

“Nous voulons qu'il y ait un protocole pour prendre en charge les affaires de harcèlement dans toutes les facultés de l'UNA, et que soit mis en place un système qui évite la double peine infligée aux victimes, en empêchant que ces dernières soient obligées de répéter cent fois leur histoire, et de la revivre encore et encore. Nous voulons que des psychologues, psychiatres et travailleurs sociaux soient présents dans les bureaux d'aide aux étudiants, et qu'ils puissent recevoir les plaintes et les suivre concrètement”, explique Graciela Escobar.

Parmi ces luttes contre l'impunité, il est possible que l'affaire de Carolina Wolf soit ré-ouverte. Le 30 mai dernier, les juges de la Cour d'appel ont annulé le non-lieu définitif dont bénéficiait Andersen. Selon les avocats de l'étudiante, cette mesure pourrait permettre l'ouverture d'une nouvelle audience avec un nouveau juge et une nouvelle procureure.

Au coeur de l'Amazonie équatorienne, la communication numérique assiste le processus d'autodétermination

lundi 14 août 2017 à 13:24

La communication est un élément important de la stratégie de défense des droits de la terre de Sarayaku. Photographie mise à disposition par l'équipe de communication de Sarayaku, utilisée avec autorisation.

Sauf mention contraire, les liens de cet article renvoient vers des pages en espagnol.

Quelques 1.200 membres du peuple kichwa [quechua] de Sarayaku, dans la région amazonienne de l'Equateur, ont attiré l'attention internationale sur leur lutte pour la terre et les droits des indigènes, lutte qui a nécessité un appui mondial.

Depuis 1996, quand le gouvernement équatorien a accordé des concessions pour l'exploration et l'extraction du sol à des entreprises, sans consulter ni recevoir l'accord de la population de Sarayaku, ses membres ont lutté contre l'extraction du pétrole [en] sur leur territoire. L'extraction représente une menace pour la terre et pour le sumak kawsay, ou bien vivre, philosophie de vie de la communauté qui, entre autres [en], développe la coexistence harmonieuse entre les humains et la nature.

Le peuple kichwa de Sarayaku a amené sa lutte devant la Cour interaméricaine des droits de l'homme en 2003 et a gagné son procès contre l'état équatorien en 2012.

Bien que le groupe lutte pour la défense des coutumes et des connaissances traditionnelles héritées de son peuple, il n'hésite pas à utiliser des méthodes modernes. Des membres de la communauté et quelques dirigeants indigènes ont expliqué récemment à Global Voices le rôle fondamental des technologies de l'information et de la communication dans la mise en place d'une solidarité internationale.

Le rejet du silence

Pour la population de Sarayaku, l'utilisation des technologies mobiles et virtuelles est un moyen de briser le silence, d'établir un véritable contact avec les autres et au sein de leur propre communauté, et de créer des passerelles vers le futur. Comme l'a expliqué Mirian Cisneros, actuelle présidente de Sarayaku, réussir à être entendu a été une lutte difficile :

Alguna gente en el poder ha tratado de silenciarnos y nos han privado de la posibilidad de expresarnos con libertad, pero nosotros mantenemos un activismo continuo porque queremos ser respetados y hacer escuchar nuestras voces a través de nuestras luchas. Somos un pueblo que quiere defender su territorio para poder sobrevivir y dejar un legado de resistencia, respeto y fuerza para futuras generaciones.

Des personnes au pouvoir ont essayé de nous faire taire et nous ont privés de la possibilité de nous exprimer librement, mais nous maintenons un militantisme continu parce que nous voulons être respectés et faire entendre notre voix à travers nos luttes. Nous sommes un peuple qui veut défendre son territoire pour pouvoir survivre et laisser un héritage de résistance, de respect et de force aux générations futures.

La communauté possède un blog, Sarayaku : le peuple du Midi. José Santi, un de ses auteurs, nous a raconté que petit à petit, les résidents se sont rendus compte que le gouvernement et d'autres personnes avaient des opinions différentes sur l'extraction. La communauté a ainsi rapidement réalisé le besoin d'établir ses propres canaux de communication.

Cette nécessité est aussi également motivée par le sentiment que leur culture n'est ni comprise ni respectée. Selon Hilda Santi, ancienne présidente du peuple Sarayaku et actuelle responsable de l'éducation :

El gobierno habla de interculturalidad pero es solo una expresión sin fundamento. No hay un respeto real por nuestra cultura, solo quieren imponer formas de vida externas que no están alineadas con la nuestra. Tenemos mucho que decir y ofrecer y estamos encontrando nuevas vías de comunicación para que jóvenes, mujeres y hombres podamos ser protagonistas de informaciones.

Le gouvernement parle d'interculturalité mais c'est juste une expression sans aucune signification. Il n'y a pas de respect réel pour notre culture, ils veulent juste imposer des façons de vivre qui n'ont aucun lien avec la nôtre. Nous avons beaucoup à dire et à offrir, et nous sommes en train de trouver de nouvelles voies de communication pour que nous, jeunes, femmes et hommes, puissions être les acteurs de l'information.

Connexions avec les autres et entre eux

La portée d'Internet et des autres méthodes de communication numérique a été importante pour situer Sarayaku qui est éloignée de tout : la zone n'est accessible que par avions légers ou canoës, après deux heures de route depuis la ville de Puyo [fr]. Internet et la couverture mobile sont encore limités dans la région, mais les membres de la communauté ont utilisé de nombreuses stratégies afin de développer l'usage des outils numériques. Santi a expliqué à Global Voices qu'en plus du blog, il contribue à maintenir une page Facebook  et un compte Twitter pour appuyer leurs initiatives tant au niveau national qu'au niveau international.

Source :  Blog officiel du village kichwa de Sarayaku, publié ici avec autorisation

Andrés Tapia, en charge de la communication de la Confédération des Nationalités Indigènes de l'Amazonie Equatorienne (CONFENIAE), a travaillé avec les habitants de Sarayaku pendant de nombreuses années. Pour lui, la communication numérique offre une opportunité importante pour partager des informations, en particulier sur la culture et les droits à la terre, non seulement avec les populations non indigènes mais aussi avec les autres communautés indigènes.

Dans le même temps, alors que l'effort principal porte sur la transmission des connaissances de la communauté au-delà des frontières de Sarayaku, la communication numérique est aussi importante en interne. Apawki Castro, responsable de la communication de la Confédération des Nationalités Indigènes de l'Equateur (CONAIE), souligne que l'information interne a été la partie la plus importante des stratégies utilisées par Sarayaku et les autres communautés équatoriennes:

Hay que aprovechar las redes sociales porque tienen la fortaleza de crear nuevas vías de comunicación y complementar las formas de comunicación tradicional como las asambleas.

Il faut tirer profit des réseaux sociaux parce qu'ils ont la possibilité de créer de nouvelles formes de communication et de compléter les modes de communication traditionnels, comme les assemblées.

Katy Betancourt Machoa, directrice des femmes de la CONAIE. Image reproduite avec autorisation du site de la CONAIE, https://conaie.org.

Un héritage pour le futur

Selon Katy Betancourt Machoa, dirigeante des femmes de la CONAIE, la communication numérique a également permis au peuple Sarayaku d'articuler une diversité de perspectives et d'opinions :

Hay puntos de vista diversos y los diferentes canales de comunicación nos ayudan a articular estas posiciones y a encontrar maneras de organizarnos para resistir a los proyectos extractivos y a los otros temas que afectan directamente a la población indígena, pero que también afectan a los intereses del país en general.

Il y a des points de vue différents et les différents canaux de communication nous aident à articuler ces opinions et à trouver les façons de nous organiser pour résister aux projets d'extraction et les autres sujets qui touchent directement la population indigène, mais aussi dans l'intérêt général du pays.

Même si les membres de Sarayaku utilisent Internet pour communiquer leurs interprétations sur les traditions en relation avec la terre et l'environnement, les nouvelles formes de communication sont aussi tournées vers le futur, où, selon Cisneros, les femmes, les enfants et les petits-enfants peuvent jouer un rôle crucial :

Queremos que las mujeres tomen un rol activo en la comunicación de Sarayaku porque las mujeres somos fuertes, somos valientes, y podemos liderar. Nuestra lucha no ha sido fácil, pero es el legado que estamos dejando a los jóvenes. No queremos que nuestros hijos y nietos vean solo en un libro nuestra historia, queremos que ellos vivan lo que nosotros estamos promoviendo, y sientan lo que nosotros estamos sintiendo ahora para que ellos también se unan a nuestra lucha.

Nous voulons que les femmes jouent un rôle actif dans la communication de Sarayaku parce que nous, les femmes, sommes fortes, courageuses et nous pouvons nous mettre au premier plan. Notre lutte n'a pas été facile, mais c'est l'héritage que nous laissons aux jeunes. Nous ne voulons pas que nos enfants et nos petits-enfants lisent notre histoire juste dans les livres, nous voulons qu'ils vivent ce que nous développons, et qu'ils sentent ce que nous ressentons maintenant pour qu'eux aussi s'unissent à notre lutte.

Le peuple kichwa de Sarayaku continue donc à travailler sur son passé, son présent et son futur dans un contexte national et international, et il semble que la communication numérique fera partie intégrale du processus. Finalement, la vision de Castro sur la représentativité dans les médias grand public semble essentielle :

El enfoque siempre es la autodeterminación desde los propios pueblos. No queremos que nadie nos dé hablando sino aliados que nos ayuden a visibilizar lo que nosotros estamos diciendo para así seguir rompiendo fronteras.

Nous sommes toujours centrés sur l'autodétermination de notre peuple. Nous ne voulons pas que d'autres parlent pour nous, mais des alliés qui nous aident à rendre visible ce que nous exprimons pour ainsi briser des barrières.

La présidente de Sarayaku, Mirian Cisneros. Photographie reproduite avec l'autorisation du blog de Sarayaku, peuple Sarayaku, http://sarayaku.org/.

Au travers de différents projets, les organisations locales continuent à unir leurs forces avec Sarayaku et avec d'autres communautés confrontées aux mêmes luttes, afin de trouver différentes voies et différents outils pour renforcer et partager leurs voix, leurs actes de résistance et élargir leur audience.

Global Voices continuera de publier des articles sur le peuple kichwa de Sarayaku dans des publications futures.

Quel héritage nous laisse Tata Genaro, l'agriculteur qui a ressuscité la langue náhuatl ?

lundi 14 août 2017 à 12:14

Genaro Ramírez à Santo Domingo de Guzmán, au Salvador. Photo publiée avec l'autorisation du collectif Tzunhejekat.

La communauté de locuteurs náhuatl du Salvador est endeuillée par la mort de Genaro Ramírez, le Salvadorien qui rêvait de ressusciter le nahuatl. Il a été le premier et non des moindres à enseigner cette langue, et grâce à son travail acharné, il laisse aujourd'hui un héritage important pour la redynamisation de cette langue ancestrale.

Selon l’UNESCO, seulement 200 Salvadoriens parlent le náhuatl pipil. La majorité d'entre eux vivent dans un petit village appelé Santo Domingo de Guzmán, ou Witzapan, en náhuatl. C'est le village natal de Genaro et c'est là où il a travaillé à réveiller la langue durant plus de 40 ans. Il donnait des cours gratuits tous les jours de la semaine, de 8h00 à 17h00. Il était investi d'une mission. Dans ses propres termes, il explique :

(…) j'ai compris quel était ce pincement que je sentais depuis si longtemps dans mon cœur. J'ai senti que je ne pouvais pas continuer à vivre ainsi, et j'ai donc abandonné mes machettes dans le champ de maïs, et […] je me suis dit :  ‘quoi qu'il arrive, même si je dois mourir de faim, je dois enseigner le náhuatl.

Avant Genaro, il n'y avait pas de professeurs de náhuatl. La communauté indigène du Salvador est entrée dans un profond silence en 1932, lorsque 30.000 personnes, en majorité d'origine náhuatl pipil ont été exécutées par l'armée après s'être rebellées en raison de la famine qui sévissait pendant la révolte populaire qui a marqué le pays cette année. Le soulèvement se caractérisait aussi par une révolte paysanne dirigée en partie par le Parti Communiste du Salvador qui, à la suite de sa défaite, a dénoncé des élections frauduleuses. Les événements, évoqués communément par ceux qui les ont vécus comme La Matanza (Le massacre), sont encore aujourd'hui au cœur de nombreux débats.

Global Voices a rencontré Werner Hernández, membre du Collectif Tzunhejekat, dont le projet cherche à diffuser la langue náhuatl  par différents moyens, et à rendre visibles ses locuteurs natifs. Hernández, qui a été lui aussi un élève et ami proche de Genaro Ramírez, parle de la situation de la communauté indigène salvadorienne :

“[la communauté indigène] a été très affectée, et elle s'est cachée. Ils ont changé leurs noms, leurs habitudes vestimentaires…leur langue. Ils parlaient encore tous [le nahuatl] à voix basse, lorsque Genaro, le premier professeur de nahuatl est apparu. Il savait qu'il était né pour cela”.

Hernández nous explique aussi que le premier professeur de nahuatl n'a pas uniquement réussi à rehausser la fierté du peuple indigène pipil pour son identité, sa culture et sa langue, mais il a aussi brisé les murs qui étaient dressés entre la communauté pipil et le reste du pays. Il a bâti des ponts avec l'extérieur. C'est grâce à lui que d'autres Salvadoriens, comme Werner, ont pu découvrir la face cachée de leur identité :

“Cela m'a donné la possibilité de vivre la merveilleuse expérience de me connecter avec moi-même en tant que Salvadorien.Dans notre collectif [Tzunhejekat], nous avons l'habitude de dire que le Salvadorien qui parle le náhuatl regarde le pays en trois dimensions, car nous pouvons saisir notre réalité, bien au-delà des mots.”

Werner rappelle aussi que la langue nahuatl est une ouverture vers un vaste univers culturel : “Il y a certaines nuances et couleurs que seule la langue nahuatl permet de comprendre. Ce n'est pas la même chose d'assister à un ballet et de lire un article sur le spectacle, ou bien de lire la traduction d'un poème.” Cette réflexion trouve sa place dans le débat actuel au sein du pays à propos de la nécessité d'investir des fonds dans la langue ancestrale. “Il ne faut pas confondre valeur et prix [économique], ajoute Werner.

Genaro a inspiré une nouvelle génération d'enseignants de la langue nahuatl, il a donné de l'élan à la recherche sur la langue, il a brisé des tabous, et en plus il a fait connaître la langue à tous les niveaux politiques dans le pays :

Paula López et “Tata” Genaro Monsieur Genaro Ramírez ont chanté en Náhuatl pour le Président

Aujourd'hui, grâce à l'enthousiasme qu'il a insufflé, plusieurs projets numériques aident à diffuser la langue et à protéger la culture indigène pipil. On trouve des collectifs, comme Tzunhejekat  et Iniciativa Portadores del Náhuat, des sites web linguistiques comme Tushik et son groupe Facebook, des blogs en langue Náhuat comme Chachalaka, et aussi des initiatives individuelles sur YouTube :

Werner Hernández conclut ainsi : Genaro Ramírez nous a laissé un terrain propice à la perpétuation du nahuatl. Sa mort scelle notre engagement à redonner une dynamique à la langue.

Piratage: la contre-attaque de Bollywood entraîne l'interdiction de plus de 2.600 sites internet de partage de fichiers

lundi 14 août 2017 à 11:51

Serveurs des Archives d'Internet. Photographie de John Blyberg sur Flickr. CC BY 2.0

Tous les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais.

Il semble que Bollywood soit à l'origine du blocage des Archives d'Internet en Inde. Les Archives d'Internet sont une bibliothèque numérique qui permet aux visiteurs de retrouver des versions archivées de pages internet, via un service gratuit appelé Wayback Machine [Machine à remonter dans le temps, NdT].

De nombreux Indiens ont rapporté être incapables d'accéder aux Archives d'Internet depuis le 8 août 2017. À la place, les utilisateurs ont vu apparaître le message suivant :

Your requested URL has been blocked as per the directions received from the Department of Telecommunications, Government of India. Please contact administrator for more information.

L'URL que vous avez requise a été bloquée suivant les directives reçues du Département des télécommunications du Gouvernement indien. Veuillez contacter votre administrateur pour plus d'information.

Ni les fournisseurs d'accès à internet ni les autorités n'ont donné de raison pour cette interdiction.

Le 10 août, cependant, le site Buzzfeed a publié qu'elle fut issue à la suite de deux jugements rendus par la Cour suprême de Madras, dans l'état indien du Tamil Nadu (que l'on peut consulter ici et ici). Le jugement, daté du 2 août, est basé sur les requêtes de deux compagnies de productions célèbres, Red Chillies Entertainement et Prakash Jha Productions, pour stopper la distribution de copies piratées de deux films récents (“Quand Harry rencontra Sejal” et “Du rouge à lèvres sous ma burqa”) sur des sites de partage de fichiers.

Les Archives d'Internet sont une organisation à but non lucratif basée à San Francisco et qui milite pour un Internet libre. Elle archive le web depuis plus de vingt ans et a ainsi préservé “des milliards de pages depuis des millions de sites” à l'aide de ses bots [fr] qui tournent régulièrement sur la toile.

Bloquer @internetarchive est comme fermer une bibliothèque à clé. Nous devons nous battre.

L'interdiction fut rapportée en premier par le site d'informations technologiques indien MediaNama. D'après eux, les Archives d'Internet ont contacté le gouvernement indien mais n'ont pas reçu de réponse. L'article mentionne également que bien que http://web.archive.org soit bloqué, ce n'est pas le cas de https://web.archive.org.

En plus des Archives d'Internet, plus de 2.600 sites de partage de fichiers ont été affectés par le jugement. L'industrie du film de Bollywood est donc montée en puissance dans son combat contre le piratage, et surtout contre la diffusion illégale de films en continu (streaming).

Les vrais coupables sont [le film] Lipstick, Red Chillies Entertainment et la Cour suprême de Madras pour avoir ordonné le blocage de 2.650 sites.

Vraiment ? C'est *ça*, la raison derrière l'interdiction idiote des Archives d'Internet ??

Selon le site Internet Live Stats, l'Inde compte 462,1 millions d'internautes sur une population totale de 1,3 milliards (à mi-2016) : une interdiction totale de sites tels que les Archives d'Internet a donc une portée considérable.