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Conceição Evaristo, la première femme afro-brésilienne qui pourrait entrer à l’Académie Brésilienne des Lettres

vendredi 19 octobre 2018 à 19:43

L’écrivaine Conceição Evaristo | Photo : Fernanda Canofre – Avec autorisation

Jeudi 30 août, les résultats du vote ont été annoncés. Malgré la campagne la plus populaire jamais menée à l’Académie, Conceição n’a reçu qu’une voix. C’est le cinéaste Cacá Diegues qui a été élu avec 22 voix. Le second finaliste, Pedro Corrêa do Lago, a reçu 11 voix.

L’Académie brésilienne des Lettres (ABL), dont le siège est à Rio de Janeiro, a été fondée le 20 juillet 1897 avec pour objectif de cultiver la langue et la littérature nationales. Son précurseur fut la plus grande figure de la littérature brésilienne : Machado de Assis. Malgré un fondateur afro-brésilien, l’ABL traîne encore une dette historique : depuis sa création, en 121 années d’existence, jamais aucune femme afro-brésilienne n’a été élue en tant qu’immortelle pour occuper l’un de ses 40 sièges.

Mais ce scénario pourrait changer en 2018, grâce à la candidature de l’écrivaine Conceição Evaristo, 71 ans, présentée à l’ABL en mai dernier.

Dans la lettre envoyée à l’Académie, citée par Literafro – Portail de l’Université fédérale de Minas Gerais (UFMG) sur la Littérature afro-brésilienne, Conceição Evaristo « fait part de son désir et de sa volonté de dialoguer » et dit qu’elle « est dans l’attente de cette opportunité ».

Toujours au mois de mai, dans une interview accordée au site Sul21, elle expliquait pourquoi elle s’est décidée à présenter sa candidature :

Para mim, foi uma surpresa, apesar de que algumas pessoas sempre falaram que meu próximo passo seria entrar na Academia Brasileira de Letras. Mas, como foi uma coisa muito dita entre nós, eu tomava como brincadeira e nunca tinha pensado nessa possibilidade. Há uns 10 dias, uma repórter me liga perguntando sobre isso e dizendo que, nas redes sociais, estavam citando que eu poderia ser uma das prováveis acadêmicas e eu comecei a me entusiasmar com a história. Comecei a pensar mesmo que é um direito nosso. Se a academia brasileira é um lugar, uma instituição de representação de uma nacionalidade literária, então, estou com vontade de me candidatar mesmo e vamos ver.

Pour moi, ce fut une surprise, même si quelques personnes m’ont toujours dit que ma prochaine étape serait d’entrer à l’Académie Brésilienne des Lettres. Mais, comme c’était quelque chose qu’on se répétait beaucoup entre nous, je le prenais comme une blague et je n’ai jamais considéré cette possibilité. Il y a 10 jours environ, une journaliste m’appelle et m’interroge à ce sujet en me disant que, sur les réseaux sociaux, on me cite comme l’une des probables futures académiciennes. Alors, j’ai commencé à m’enthousiasmer pour cette idée. J’ai même commencé à penser que c’était l’un de nos droits. Si l’académie brésilienne est un lieu, une institution de représentation d’une nationalité littéraire, alors, j’ai envie de postuler et on verra bien.

Avant même la présentation officielle à l’Académie, une pétition en ligne, créée pour soutenir la candidature de l’auteure, comptait déjà des milliers de signatures. Si elle est élue, Conceição occupera le siège numéro 7 qui est resté vacant après la mort du cinéaste Nelson Pereira dos Santos (1928-2018). Il y a actuellement quatre pétitions qui circulent en sa faveur : deux sur le site Change.org, une de Diálogos Insubmissos et une autre de Movimento Nós. Au 6 août, elles réunissaient à elles quatre près de 40 000 signatures.

Outre les signatures, le hashtag #ConceiçãoEvaristoNaABL a été créé sur les réseaux sociaux, encouragé par des organisations de la société civile comme l’Observatoire des Favelas, ou les Blogueuses Afro-Brésiliennes entre autres.

Quand bien même le vote n’est réservé qu’aux membres de l’Académie, les campagnes en faveur de Conceição ont mis en lumière le manque de visibilité de la production des femmes, et de la population afro-brésilienne en général, au sein de la littérature brésilienne.

Pourquoi Conceição Evaristo ?

Maria da Conceição de Brito est née à Belo Horizonte, État du Minas Gerais, en 1946. Elle a vécu son enfance et une partie de sa jeunesse au sein de la favela (aujourd’hui disparue) Pindura Saia dans la capitale minière, sixième ville la plus peuplée du Brésil. Pendant plusieurs années, elle a dû concilier ses études avec un travail d’employée domestique. Dans les années 1970, elle déménage pour Rio de Janeiro où elle commence à étudier la littérature et est reçue à un concours pour devenir professeur. Et depuis, elle est aussi titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat dans ce domaine.

Dans les années 1990, Conceição fait ses débuts en littérature en publiant des textes dans l’anthologie Cadernos Negros du Groupe Quilombhoje. Quelques années plus tard, elle publie le roman à succès L’histoire de Poncia et, ensuite, un recueil de nouvelles, considéré comme son œuvre majeure, Olhos D'Água. Toutes ces histoires suivent le concept qui est devenu sa marque de fabrique « l’écrit-vie », l’union de l’écriture et de ses expériences de vie.

La revue de critiques littéraires O Rascunho a défini son œuvre ainsi :

as personagens que figuram em cada narrativa pertencem ao universo dos excluídos de nossa sociedade, isto é, são crianças de rua, prostitutas, mulheres pobres e humilhadas, homens que roubam, matam e são capazes de amar. Se a condição social por si só comprova que são pessoas discriminadas, mais ainda o são por serem afrodescendentes.

les personnages qui figurent dans chacune des histoires appartiennent à la sphère des exclus de notre société, c’est-à-dire des enfants de la rue, des prostituées, des femmes pauvres et humiliées, des hommes qui volent, tuent et sont aussi capables d’aimer. Si leur condition sociale à elle seule prouve qu’ils sont discriminés, ils le sont davantage encore parce qu’ils sont d’ascendance africaine.

Née dans un univers éloigné des livres, sa rencontre avec les mots s’est faite à travers la littérature orale mais aussi sa propre vie, comme l’écrit la revue Carta Capital :

Unindo simplicidade e refinamento literário, sua literatura aborda temas como a discriminação racial, de gênero e de classe, e suas obras dão voz às mulheres negras da periferia e as suas lutas, suas dores, suas afetividades, suas cores, suas inteligências.

Unissant simplicité et raffinement littéraire, sa littérature aborde des thèmes comme la discrimination raciale, de genre et de classe sociale, et son œuvre donne une voix aux femmes noires de la périphérie, à leurs luttes, leurs douleurs, leurs sentiments, leurs cœurs et leurs intelligences.

Représentativité

Conceição, candidate à une Académie qui n’a jamais compté en son sein de femmes comme elle, représente les 54,9% de la population brésilienne qui s’identifient à la communauté noire et « parda » (brune), selon un relevé de l’Institut brésilien de géographie et de statistiques (IBGE). Et même ainsi, cette communauté a toujours été sous-représentée dans la littérature et l’histoire nationales.

Une recension effectuée par la journaliste Giovana Romano Sanchez, sur le site Gênero e Número, à propos de la représentation des personnages dans les livres de l’Histoire du Brésil montre que :

De todos os personagens com raça definida, 83,7% são brancos e 13% são negros – indígenas e asiáticos são pouco mais de 1% cada. Dentre os homens, 84,7% são brancos, 12,3% são negros e asiáticos e indígenas são pouco mais de 1% cada. Entre as mulheres com raça ou etnia definida, 72,3% são brancas, 21,3% são negras e 4,3% são asiáticas. Apenas uma mulher indígena é nomeada em quase 900 páginas – 2,1%.

De tous les personnages dont la race est définie, 83,7% sont blancs et 13% sont noirs – les Indigènes et les Asiatiques représentent un peu plus de 1% chacun. Au sein de cette proportion, la part des hommes blancs est de 84,7% et celle des hommes noirs de 12,3%, Asiatiques et Indigènes représentent un peu plus de 1% chacun. Parmi les femmes dont la race ou l’ethnie est définie, 72,3% sont blanches, 21,3% sont noires et 4,3% sont Asiatiques. A peine une femme Indigène est mentionnée dans presque 900 pages, soit 2,1%.

Dans un texte publié dans le journal Brasil de Fato, la poétesse et gestionnaire culturelle Débora Garcia défend l’idée que la mobilisation spontanée en faveur de la candidature de Conceição reflète une aspiration à « une représentativité sociale, ethnique et de genre » dans l’espace de l’Académie qu’elle met en perspective :

Em 121 anos de existência a ABL, que em sua primeira formação trazia indivíduos fortemente ligados à luta abolicionista, ao longo do tempo foi se distanciando das demandas sociais, tornando-se um reduto fechado de escribas da “literatura universal”.

O resultado desse distanciamento se reflete na pouca identificação da população brasileira com a instituição, bem como, na pouca diversidade na composição de suas cadeiras, configurando-se em uma instituição branca e masculina. Ao longo da história, somente oito mulheres ocuparam as cadeiras, nenhuma negra.

(…)

O apoio à candidatura de Conceição Evaristo vai muito além dos quesitos gênero e cor. Se o fosse, enquanto escritora e leitora, não poderia apoiar. Fala alto a qualidade técnica, uma carreira sólida, premiada e reconhecida internacionalmente, mas que não perdeu o compromisso, a simplicidade e a capacidade de dialogar com aqueles para quem escreve. Assim, a simplicidade e o refinamento literário são, a meu ver, as principais características de sua obra.

En 121 années d’existence, l’ABL, qui comptait au départ des individus fortement liés à la lutte abolitionniste, a pris ses distances progressivement avec les revendications sociales, devenant ainsi un repaire fermé de scribes de la « littérature universelle ».

Le résultat de cet éloignement s’illustre par le manque d’identification que la population brésilienne a avec l’institution, tout comme le manque de diversité dans la composition de ses membres. Elle forme ainsi une institution blanche et masculine. Tout au long de son histoire, seulement huit femmes ont occupé ses sièges et aucune d’elles n’était noire.

(…)

Le soutien à la candidature de Conceição Evaristo va bien au-delà des questions de genre et de couleur. Si ça n’était pas le cas, en tant qu’écrivaine et lectrice, je ne pourrai pas l’appuyer. Dotée d’une qualité technique certaine, d’une carrière solide, primée et reconnue internationalement, elle n’a pourtant pas perdu son engagement, la simplicité et la capacité à dialoguer avec ceux pour qui elle écrit. La simplicité et le raffinement littéraire sont donc, à mon sens, les principales caractéristiques de son œuvre.

De combien de sang les Afghans vont-ils payer leur droit de vote ?

vendredi 19 octobre 2018 à 12:40

Un jeune garçon afghan aide à décharger du matériel électoral d'un hélicoptère Mi-17 à Jaghuri, Afghanistan,le 16 septembre 2010. Domaine public. Photo prise par Staff Sgt. Joseph Swafford.

Lorsque les citoyens afghans ont voté par millions aux élections présidentielle et des assemblées provinciales en 2014, certains d'entre eux se sont pris en selfie avec le majeur trempé dans l'encre pour adresser un message aux talibans.

Quatre ans plus tard, ils vont retourner aux urnes pour élire un parlement, dans un environnement sécuritaire encore plus traître qu'à l'époque.

Quelque 2.500 candidats se présentent aux élections législatives du 20 octobre, qui auraient dû juridiquement se tenir en 2015.

Plus de 2.500 Afghans bravent de sérieux risques de sécurité pour siéger au parlement. Sept candidats ont déjà été tués.

Parmi ceux qui n'atteindront pas le scrutin, il y a Saleh Mohammad Asikzai, un candidat à la députation de la province méridionale de Helmand, un bastion taliban. Il a été tué le 9 octobre en même temps que huit concitoyens dans un attentat-suicide revendiqué par une franchise afghane du groupe État islamique (EI).

Abdul Jabar Qahraman, de la même province, a quant à lui été tué quand un “canapé piégé” a explosé dans son bureau le 17 octobre. Un attentat revendiqué par les talibans.

Nazefa Yousufi Beg, une candidate dans la province de Takhar dans le nord-est, a été plus chanceuse. Une moto chargée d'explosifs a détoné à son rassemblement de campagne du 13 octobre tuant au moins 22 personnes, mais elle n'était pas encore montée sur le podium.

Abdel Naser Momand, un candidat dans la province de Nangarhar, a survécu à une explosion qui a tué 13 personnes et en a blessé plus de 30 le 2 octobre.

Les talibans et l'EI ont juré les uns et les autres de paralyser les élections parlementaires en Afghanistan. Ce qui signifie que 5.000 bureaux de vote protégés par 50.000 personnels de sécurité seront des cibles potentielles ce week-end.

L'intention d'empêcher le vote de se dérouler ne date pas d'aujourd'hui. Des dizaines de citoyens en train de s'inscrire sur les listes électorales ont été tués le 22 avril lorsqu'un kamikaze a fait sauter un centre d'enregistrement à Kaboul, un attentat revendiqué par l'EI.

Photo choquante de la scène de l'attentat-suicide de Kaboul, ils étaient venus pour avoir des cartes d'identité puis s'inscrire pour voter aux prochaines élections parlementaires en Afghanistan.

Sept millions d'inscrits ?

La Commission électorale indépendante indique que pas moins de sept millions de personnes se sont fait inscrire pour voter, mais d'aucuns contestent ce nombre et sèment le doute sur la légitimité des résultats du scrutin avant même qu'il ait commencé.

Rock the vote : en dépit des récents attentats talibans, les électeurs s'apprêtent aux élections en Afghanistan

Elections en Afghanistan. Excellent.

La Grande coalition nationale d'Afghanistan (GCNA), une coalition politique d'opposition nouvellement formée, accuse le gouvernement et la Commission électorale de fraude, et affirme que les nombres réels sont très inférieurs. La coalition présume que le gouvernement va s'assurer du triomphe de ses candidats dans la compétition où 250 sièges seront disputés. Peut-être pas de quoi séduire des électeurs las d'un parlement fortement entaché de népotisme.

Le parlement sortant était une catastrophe. Les députés non seulement ont dépassé leur mandat mais se sont rendus coupables de créer un climat de méfiance, de saper les intérêts nationaux et d'attiser les haines ethniques. Changeons cela en élisant ceux qui répondront devant le peuple.

Les partis politiques d'opposition actifs dans la GCNA ont cité des centaines d'identités de pseudo-électeurs comme preuve des intentions du gouvernement de truquer les élections. Leurs représentants ont transmis les fausses cartes d'identités aux médias.

Le mois dernier, des protestataires en lien avec la GCNA ont organisé des manifestations et fermé des bureaux provinciaux de la Commission électorale dans de nombreuses provinces pour exiger la transparence.

Un élément nouveau dans ce scrutin qui dans l'idéal devrait garantir contre la fraude sera l'utilisation de systèmes biométriques dans une grande partie des bureaux de vote.

Mais des sceptiques disent qu'il est possible d'utiliser les machines à voter en continuant à tricher, tandis qu'une personnalité au sommet d'une commission gouvernementale de réforme électorale convient que leur utilisation n'est pas sans risque.

“Sans doute, l'utilisation des appareils peut apporter de la transparence aux élections mais il n'y a pas de doute non plus que l'utilisation des appareils peut créer une nouvelle crise”, a déclaré à TOLO News Sediqullah Tawhidi, vice-président de la Commission spéciale de réforme électorale.

Les candidats au parlement utilisent différents supports pour faire passer leur message à Hérat. Les élections en Afghanistan sont dans dix jours.

Au Japon, défilés d'extrême-droite et vigoureuses contre-manifestations anti-racistes

jeudi 18 octobre 2018 à 11:49
go home racist

Des policiers encadrent le cortège anti-immigrants et les contre-manifestants près de la gare de Tokyo le 14 octobre 2018. Arrêt sur image d'une vidéo Youtube de Hootoo Hiroshi (ほうとうひろし).

Les mouvements contre le racisme ont organisé des manifestations de masse dans les villes du Japon le dimanche 14 octobre pour contrer une série de cortèges d'un groupe d'extrême-droite ouvertement raciste opposé à l'immigration, alors même que le gouvernement s'est engagé à recruter 500.000 travailleurs étrangers pour faire face à une pénurie perçue de main d’œuvre.

Le relativement récent parti marginal Japan First (‘Japon d'abord’) a organisé le 14 octobre ces manifestations dans tout le pays le 14 octobre : à Tokyo, Yokohama et Kawasaki, et dans des chefs-lieux régionaux comme Fukushima et Fukuoka.

Les mouvements anti-racisme ont décidé de descendre eux aussi dans les rues pour leur faire contre-poids, et dans de nombreux cas ils ont paru dépasser en nombre les cortèges d'extrême-droite.

A Ginza et alentour à Tokyo, Japan First a tenu une manifestation en faveur de la discrimination. Pendant qu'ils scandaient “Étrangers hors du Japon !” etc, il y avait un tas de gens tenant des affiches et des pancartes avec les mots “Ginza ne tolérera pas la discrimination” et des messages similaires. (Hashtag) “Tolérance zéro pour la marche de la haine du 14 octobre à Ginza.”

Le parti Japan First (日本第一党, Nippon Daiichi To) est un parti politique basé à Tokyo et dirigé par Makoto Sakurai, connu depuis longtemps comme un dirigeant du netto-ukyo (ネット右翼), le mouvement japonais de l'extrême-droite haineuse sur l'internet.

Depuis plus de dix ans, Sakurai est également aux manettes du Zaitokukai, un groupe haineux qui se consacre au harcèlement des minorités, notamment coréenne. Le harcèlement en ligne et dans la vie réelle est tellement répandu dans certaines municipalités japonaises que diverses autorités locales ont tenté de prendre et d'appliquer des arrêtés anti-discours de haine.

Après avoir obtenu deux pour cent des suffrages dans l'élection au poste de gouverneur de Tokyo en 2016, assortis d'une couverture considérable des médias traditionnels, Sakurai a créé officiellement le parti Japon d'abord, le principal moteur des défilés racistes de dimanche dernier.

L'utilisateur de Twitter Hiroshi Hotoo, qui a documenté les événements de dimanche à Tokyo dans une série de vidéos YouTube, a noté que les policiers étaient de loin plus nombreux que les manifestants anti-immigrants :

Les manifestants anti-immigrants défilent à travers Ginza.
Une centaine de participants à la manifestation.
Mais les policiers étaient un millier, ils les gardent.

Avant les défilés racistes du dimanche 14 octobre, les contre-manifestants ont partagé des mots-clics communs, différenciés par nom de ville, pour fixer des points de rendez-vous et coordonner les activités. Un des mots-clics les plus actifs de la série a été “#1014横浜ヘイト街宣を許すな“, ou “Tolérance zéro pour la marche de la haine du 14 octobre à Yokohama”.

Les contre-manifestants ont convergé à Tsurumi, un quartier de Yokohama, pour montrer leur soutien aux immigrants, et couvrir la voix des marcheurs d'extrême-droite,qui, comme à Tokyo et dans les autres villes, étaient inférieurs en nombre.

Les manifestations ont reçu une couverture médiatique nationale, avec des articles indiquant que les marcheurs anti-immigration avaient reçu une riposte vigoureuse et bruyante des militants anti-racisme des villes de tout le Japon..

Un rassemblement anti-immigration à Kumamoto n'a réussi à rameuter que sept types. Ravi de voir une contre-manifestation plus large. (hashtags)Vie au Japon Antiraciste Japon Droits humains

Si le nombre des manifestants anti-immigrants a pu sembler modeste, ils n'en ont pas moins été en étroite coordination à travers le pays, et des commentateurs ont mis en garde que l'extrême-droite japonaise n'est pas particulièrement faible.

Michael Penn de de Shingetsu News Agency a souligné :

…The Tokyo gubernatorial election results show that Sakurai isn't as marginal as you think. These counterprotest movement have succeeded in motivating authorities in many cities to pass hate speech ordinances and the police to monitor the hate groups.

Les résultats de l'élection au poste de gouverneur de Tokyo montrent que Sakurai n'est pas aussi marginal qu'on croit. Ces mouvements de contre-manifestations ont réussi à motiver beaucoup de villes à adopter des arrêtés contre le discours de haine, et la police à surveiller les groupes haineux.

Le Népal, fier d'être le premier pays à doubler le nombre de ses tigres sauvages d'ici 2022

mercredi 17 octobre 2018 à 18:21

Un tigre du Bengale regarde la caméra dans le Parc national de Bardia au Népal. Photo de Sagar Giri, utilisation autorisée.

Les défenseurs de l'environnement sont confiants : le Népal est en passe de devenir le premier pays à doubler le nombre de ses tigres dans la nature d'ici 2022. Lors de la Journée nationale de la protection de l'environnement du 23 septembre 2018, le Népal a annoncé avoir 235 tigres vivant à l'état sauvage. En 2009, il n'y avait que 121 tigres au Népal.

Le dernier recensement des tigres au Népal est publié, et – roulements de tambour – le nombre des tigres du Bengale au Népal a augmenté à 235, une remarquable hausse de 94 % depuis 2009 ! Nous sommes fiers d'avoir contribué à protéger ces félins menacés d'extinction. C'est bon pour la préservation et pour le tourisme.

En 2010, au Sommet pour le Tigre de Saint-Pétersbourg, en Russie, le Népal aux côtés de l'Inde et du Bhoutan ont pris l'engagement de doubler le nombre de tigres d'ici 2022.

Les tigres, révérés dans la mythologie hindoue comme la monture de Dourga, la déesse du pouvoir, ont toujours été une espèce bien gardée. Symbolisant force et courage, les tigres sont menacés par le déclin des populations de proies, le braconnage et la dégradation et destruction de leurs habitats.

Jadis, onze espèces de tigres (du Bengale, de Sibérie, d'Indochine, de Chine méridionale, de Sumatra, de Malaisie, de la Caspienne, de Java et de Bali) parcouraient 13 pays, depuis la Turquie jusqu'à plusieurs contrées d'Asie du Sud-Est. Parmi ceux-ci, les tigres de la Caspienne, de Java et de Bali sont déjà éteints. Le Népal est connu pour ses tigres du Bengale.

Au début du 20ème siècle, une centaine de milliers de tigre vaguaient en liberté. Aujourd'hui la population mondiale de tigres est estimée à environ 3.900. L'Inde se targue de compter 2.226 tigres sauvages — le plus grand nombre au monde.

Au Népal, les tigres se trouvent dans les parcs nationaux de Chitwan, de Bardia, de Banke, de Shuklaphanta et de Parsa. En 2015, le parc national népalais de Chitwan a été le premier parc au monde à être homologué par [l'organisation normative] Conservation Assured Tiger Standards (CA|TS).

Un comptage laborieux

Les tigres sont compliqués à tracer à cause de leur caractère furtif. Le Dr. K. Ullas Karanth, un spécialiste renommé des tigres, explique que dans les années 1960, les responsables en Inde, au Népal, au Bangladesh et en Russie supposaient que, de même que les empreintes digitales des humains sont uniques, les pattes des tigres différaient individuellement. Ils ont cru pouvoir compter les tigres en comptant leurs traces, mais la méthode était défectueuse.

Grâce aux progrès technologiques, les tigres sont désormais comptés au moyen du motif unique des rayures sur leurs flancs, capté automatiquement par des caméras-pièges placées le long des pistes de passage des tigres. La vidéo ci-après montre le processus de recensement des tigres au Népal, où plus de 300 travailleurs de terrain ont passé 16.811 jours avec 1.643 caméras-pièges avant d'analyser les rayures des tigres à partir des images :

Toutefois, en 2016, Le Dr. Karanth disait son scepticisme sur la méthode de comptage dans son article “Mieux recenser les tigres pour les sauver” :

These groups (the WWF and the Global Tiger Forum) aim to increase the number of tigers to 6,000 by 2022. But their tally, based on official estimates, relied on flawed methodologies, including the use of statistically weak extrapolations from tiger photographs and field counts of spoor.

Ces organisations (le WWF et Global Tiger Forum) visent à augmenter le nombre de tigres à 6.000 d'ici 2022. Mais leur décompte, basé sur des estimations officielles, reposait sur des méthodologies défectueuses, avec l'utilisation d'extrapolations statistiquement faibles à partir de photographies de tigres et de comptages sur le terrain d'empreintes.

Les initiatives de conservation du tigre au Népal

Le Népal est en tête du mouvement mondial de préservation des tigres avec ses récents résultats de recensement qui montrent une augmentation du nombre d'individus

Le gouvernement népalais, avec des partenaires de protection de l'environnement, a initié plusieurs dispositifs pour sauver cette espèce magnifique. Comme décrit dans la revue “Initiatives de préservation du tigre au Népal”, le pays a institué la Commission nationale de conservation du tigre et le Réseau de protection de la faune en Asie du Sud.

Le Népal a aussi signé avec la Chine un protocole d'accord pour la protection de la biodiversité, centré sur la réduction du trafic illégal d'animaux sauvages, y compris des parties de tigres. Le classement par le Népal du parc national de Banke en zone protégée a aussi donné un territoire plus vaste aux tigres. L'estimation de l'abondance des tigres et de leur base de proies (la disponibilité en nourriture d'un habitat pour subvenir aux besoins d'un prédateur) permettra d'évaluer l'efficacité des interventions de conservation et de formuler les plans de gestion future.

Des mesures complémentaires ont été cruciales pour augmenter le nombre de tigres : la formation des personnels des parcs et de la protection à l'utilisation des technologies en temps réel SMART (acronyme anglais pour Outil de surveillance et de signalement spatial) et la mise sur pied d'opérations anti-braconnage au niveau des villages pour renforcer les patrouilles.

La gestion des pâturages a aussi été essentielle pour la conservation. Avec l'aménagement de zones humides, les tigres sauvages ont accès à leurs propres points d'eau, même pendant la saison sèche, au lieu de faire trempette dans les approvisionnements en eau utilisées par les humains dans les périmètres de protection. Avec la construction de lignes de feu, les tranchées creusées empêchent la propagation des feux de forêt, ce qui protège la faune sauvage y compris les tigres.

Aujourd'hui, les spécialistes népalais du tigre sont optimistes : le Népal aura doublé le nombre de ses tigres d'ici à 2022. Il ne lui manque plus que 15 tigres de plus dans les quatre années à venir pour atteindre l'objectif !

Les spécialistes du tigre ont dit que le Népal est en voie d'atteindre son but d'augmenter le nombre de tigres à 250 en quatre ans.

La consultation européenne de Surfrider “Voice for the Ocean” : informer les citoyen-ne-s et leur permettre de peser sur les débats

mercredi 17 octobre 2018 à 00:26
"Passing Through", Flickr Licence Creative Commons, credit Melody Ayres-Griffiths

“Passing Through”, credit Melody Ayres-Griffiths (Flickr, licence Creative Commons), ou comment concilier la préservation de l'océan et ses usagers humains

Le dernier rapport du GIEC, commandé lors de la COP21 à Paris (France), sorti le 6 octobre de cette année à Incheon (Corée du Sud), donne des perspectives alarmantes sur les effets du changement climatique en général, mais aussi sur le milieu océanique : une augmentation de la température de 2°C conduirait à l’anéantissement quasi-total – 99% environ – des récifs coralliens. L'urgence est énorme, la pression mondiale. L'association Surfrider a été initiée en 1986 à Malibu (USA) par des surfeurs en colère contre la pollution bactériologique et les déchets en zone aquatique, puis en Europe par le triple champion du monde de surf Tom Curren en 1990. Elle s'engage aujourd'hui pour faire en sorte de donner une voix audible aux citoyens pour la préservation des océans dans une perspective européenne. A quelques mois des élections européennes, Surfrider Foundation Europe porte une consultation citoyenne multilingue en ligne à l'échelle de l'Europe pour peser sur les débats et les décisions cruciales à venir en matière de conservation et d'exploitation marine. Entretien avec Agathe Clerc, European Lobby Officer pour la campagne de consultation Voice for the Ocean.

Global Voices GV : Comment est constituée la branche européenne de Surfrider?

Agathe Clerc AC : Créée à l'origine par des surfeurs désireux de protéger leur environnement, Surfrider Foundation Europe regroupe désormais parmi ses membres des personnes venant de tous horizons, partageant la passion de l’océan et le souci de le protéger. Elle rassemble un réseau de 1700 bénévoles, 10 500 adhérents et 120 000 sympathisants réunis autour d’antennes locales actives dans 11 pays d’Europe.

GV : Quelles sont les principales menaces qui pèsent sur l'environnement aquatique au niveau européen?

AC : Que ce soit au niveau européen ou international, les dangers que subit l’océan sont malheureusement les mêmes. La ligne politique de Surfrider Foundation Europe relève 3 axes prioritaires constituant des menaces pour l’environnement aquatique et l’humanité : les déchets aquatiques, la qualité de l’eau et la santé des usagers, l’adaptation au changement climatique et l’aménagement du littoral.

GV : Pourquoi avoir lancé la consultation européenne Voice for the Ocean

AC : L'idée de Voice for the Ocean (VFTO) part d'un constat : la déconnexion entre les institutions européennes et les citoyen.e.s. Alors que 44% des français sont allés voter aux Européennes en 2014, Surfrider veut mobiliser tous les citoyens européens pour ce rendez-vous démocratique trop souvent oublié, et remettre l’océan et sa protection au cœur des débats.

L'océan n’a pas de frontière, tout comme l’impact des décisions le concernant. L’Union européenne adopte des mesures contraignantes pour les États membres, qui auront par la suite un effet direct en local. Avec la consultation VFTO, Surfrider s’adresse à l’ensemble de la communauté européenne, les citoyens doivent s’exprimer pour que des mesures ambitieuses soient prises pour la protection de l’océan.

L’avenir de l’océan se décide aussi au Parlement européen: nous croyons en la nécessité de connecter les citoyens européens, les amoureux de la mer et la sphère politique, de pouvoir dialoguer, progresser et protéger ensemble l’océan.

Surfrider, document remis par l'association Surfrider Foundation Europe

Le surf, usage et protection des océans – image remise par Surfrider Foundation Europe

GV : Comment avez-vous pensé cette consultation?

AC : Nous avons retenu 8 priorités, qui concerne chacun d’entre nous : la qualité de l'eau, la pollution plastique, le transport maritime, le tourisme durable, les plateformes offshore, les énergies marines renouvelables, le changement climatique et le partage de connaissances sur l’océan – ocean literacy. En répondant à la consultation, le citoyen exprime l'action concrète qu'il attend de la part de l'Union européenne sur chacune de ces thématiques : est-ce davantage d'interdictions ? D’informations ? De sensibilisation ? De recherche ?

Pour chaque thématique, nous proposons un état de lieux de la situation à l’aide d’un texte, d’une vidéo ou d’une infographie. Le niveau d’information varie en fonction de son profil (expert, citoyen, pratiquant d’activité nautique ou enseignant). Le visiteur dispose alors d’information suffisante pour répondre à la question.

Nous avons élaboré un questionnaire à réponses fermées – des cases à cocher ou des propositions à ordonner – afin de faciliter l’étude des réponses par la suite et de limiter le temps de réponse de la consultation : 10 minutes en moyenne. La dernière question sera décisive : choisir la plus urgente, selon le ou la répondant-e, parmi les 8 priorités évoquées.

GV : Quels sont les retours de participation pour l'instant?

AC : Aujourd’hui, le compteur affiche 3500 réponses. La majorité vient de France, mais l’Allemagne et l’Espagne sont également sur le podium ! La consultation est disponible en 6 langues (français, anglais, portugais, allemand, espagnol, bulgare).

GV : Que ferez-vous avec les résultats de cette consultation?

AC : Dès le début de 2019, Surfrider Foundation Europe s’engage à porter la voix des citoyens et mettra au défi chaque parti politique se présentant aux élections européennes d’inscrire dans leur programme des mesures concrètes de protection de l’océan.

GV : Y-a-t-il des différences majeures de points de vue sur les océans d'un pays européen à l'autre?

AC : Pour l’instant nous n’avons pas encore accès aux réponses, mais on sait d’ores et déjà que certains pays n’auront pas les mêmes priorités. Nous avons par exemple eu l’occasion de faire une étape VFTO à Malaga en Espagne. En discutant avec les habitants de la ville, on s’aperçoit vite que la grande inquiétude des citoyens vient des navires de croisière qui débarquent dans leur port, avec chaque année un peu plus de touristes à accueillir, pour des infrastructures publiques ne le permettant pas toujours. La consultation aborde les questions de tourisme durable et de transition du transport maritime. Je ne pense pas me tromper en supposant qu’en Espagne ces 2 priorités devraient ressortir fortement. Ce ne sera pas nécessairement les mêmes priorités pour les citoyens allemands ou hollandais.

GV : Où se situe Surfrider entre les usages des océans et les considérations environnementales? Sont-ils toujours compatibles (par exemple, les requins et les surfeurs)?

AC : C’est une question des plus intéressantes qui se retrouve au cœur de nos missions. L’objet premier de notre association reste la préservation de l’océan, car sans un océan en bonne santé, la pratique du surf ou de toute autre activité nautique ne serait pas possible. Surfrider veillera toujours à la préservation de l’environnement et de ces usagers, dans une démarche de concertation avec l’ensemble des acteurs de la société.

Concernant la crise des requins, nous participons au processus de concertation en cours et souhaitons avant tout connaître les causes du dérèglement de cet écosystème pour que les décisions afférentes soient prises avec l’ensemble des parties prenantes.

GV : Vous développez aussi un blog sur l’ocean literacy. Le numérique et les réseaux sociaux sont-ils des outils essentiels pour la préservation de l'environnement aujourd'hui?

AC : Surfrider Foundation Europe développe une grande plateforme sur laquelle de nombreux supports pédagogiques sont disponibles : Ocean Campus. La communication digitale est en effet au cœur de notre stratégie d’information et de sensibilisation. Au vue de l’ampleur du numérique dans nos sociétés, elle est un medium essentiel pour toucher un maximum de personnes. Parce qu'elle est accessible à tous, la communication digitale nous permet de créer et de promouvoir un mode de vie engagé et écoresponsable via de multiples supports créatifs et interactifs.

GV : Pourquoi participer à cette consultation aujourd'hui en tant que citoyen-ne européen-ne? 

AC : En participant à VFTO, on dispose d’une information de qualité sur les menaces qui pèsent sur l’océan. On s'exprime et se mobilise sur la protection de l'océan, on exerce son droit à influencer les futures politiques européennes – qui auront des répercussions directes dans nos États membres. Les élections européennes seront décisives et détermineront l’orientation des engagements de l’UE en matière de protection de l’océan : il est temps de faire entendre sa voix !