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Silence des médias chinois sur une tragédie scolaire locale

mercredi 19 décembre 2012 à 14:49

Sauf indication contraire, les liens renvoeint à des sites en anglais.

Le 14 décembre 2012, 20 enfants sont morts lors d'une fusillade dans le Connecticut, aux Etats Unis. La sinistre nouvelle a immédiatement été relayée sur les chaînes de télévisions officielles chinoises (CCTV) et a fait la une des principaux journaux en Chine.

Le même jour, un autre événement tragique a eu lieu dans une école du centre de la Chine: un homme a poignardé et blessé 22 enfants.

La nouvelle a cependant été rapidement censurée. Les médias traditionnels chinois n'ont pas une seule fois parlé de cette tragédie nationale. Le seul moyen d'information sur cet événement vient de Weibo [chinois], le Twitter chinois.

A screen shot of the report on the school stabbing on Anhui TV from youku

Capture d'écran d'une information sur le massacre scolaire sur Anhui TV de youku

Le changement d'attitude de CCTV et des autres principaux médias traditionnels pour couvrir deux événements similaires a immédiatement attiré l'attention des internautes et la nouvelle est très rapidement devenue le sujet le plus discuté sur Weibo [chinois]]. Tout en exprimant leur sympathie pour les enfants, les internautes ont comparé les différentes approches pour traiter un événement similaire aux Etats Unis et en Chine. Ils s'interrogent sur la censure injuste et l'ignorance dans laquelle sont tenus les défenseurs des droits humains en Chine. Quelques internautes ont essayé de relayer la nouvelle eux-mêmes en postant des photos des enfants blessés sur Weibo.

Ci-dessous quelques commentaires de blogueurs et chroniqueurs bien connus sur Weibo [chinois] :

大鹏看天下: 【你们不报道,我们自己来!】美国孩子出事,奥巴马垂泪,全美降半旗,中国中央电视台《新闻联播》发头条。中国孩子出事,当地教育局的干部在办公室开着暖气玩游戏,各大媒体全部噤声,无耻地沉默,仅在微博能看到一些零碎消息…这是目前可见的照片集合。

大鹏看天下: Si vous n'en parlez pas nous allons le faire ! A la suite de l'incident aux Etats Unis, on a vu Obama pleurer et tout le pays a mis ses drapeaux en berne. L'incident a également fait la une sur CCTV. Quand les enfants chinois ont été blessés ce fut tout le contraire, les responsables locaux de l'enseignement jouaient dans leurs bureaux. Les médias traditionnels sont restés silencieux, un silence honteux. Les quelques bribes d'informations sont sur Weibo… voici une série de photos des enfants blessés.

小蝴蝶碎碎念:愚民政策,能愚到哪一天,以人为本,可笑!

小蝴蝶碎碎念:Pendant combien de temps encore les politiques qui trompent le peuple vont-elles durer ? On dit souvent que “le peuple est fondamental”. C'est ridicule!

韩志国:美国发生校园枪击案,这一消息一瞬间覆盖了中国媒体,大部分是头条新闻;同一天,河南光山县发生校园伤害案,主流媒体似乎都在装聋作哑,只在微博上才能看见。主流媒体如此迥异的态度,是因为中国儿童的生命不值钱吗?

韩志国: Sur tous les médias chinois on a parlé du massacre aux Etats Unis qui a fait la une ; le même jour, les médias traditionnels ont fermé les yeux sur un incident qui s'est passé dans une école chinoise, dont on ne parle que sur Weibo. Si les médias traditionnels ont deux attitudes différentes, est-ce parce que la vie des enfants chinois ne vaut rien ?

 假装在纽约: 不要怪央视一整天都在报美国校园枪击案却对河南的校园砍人事件漠不关心了。领导的孩子都在美国啊。

假装在纽约:Il ne faut pas blâmer CCTV de parler toute la journée de la fusillade dans une école américaine, et de ne pas parler des enfants poignardés dans une école du Henan. Tous les enfants des cadres sont aux Etats Unis !

慕容雪村: 中国和美国同时发生校园惨案,有关部门下达禁令,禁止报道自己家的丑事,于是各报纸,各电视开始大张旗鼓地报道美国惨案,他们做回顾,做总结,做分析,然后异口同声地大叫:看这万恶的资本主义!

慕容雪村: Une tragédie en milieu scolaire s'est passée au même moment dans les deux pays. Les services autorisés ont interdit de parler de l'événement dans notre propre pays, et tous les journaux et les stations de télévision ont couvert en détail la tragédie américaine. Ils ont passé en revue, résumé, analysé et crié en choeur: Regardez ces méchants capitalistes !

李宪法-:…..记者说封锁消息是各地各级政府应对天灾人祸的标准模式。

李宪法-: Des journalistes disent que la censure est une approche gouvernementale classique pour traiter les catastrophes, et elle se retrouve à tous les niveaux du gouvernement.

浪子布回头:《新闻联播》头条播出美国校园枪击案,就在同一天,河南光山县发生校园伤害案,22名学生被砍伤,他们却不置一辞!央视这种无视国民生死的恶劣行径,必须批判!必须向国民道歉!

浪子布回头: Le massacre américain a fait la une des journaux d'information de CCTV ; cependant, le même jour, aucune information n'a été donnée sur les 22 élèves chinois blessés. Un tel mépris pour des vies ordinaires devrait être critiqué ! Il faut qu'ils s'excusent auprès de nous, citoyens!

Dans la colère exprimée en ligne à l'égard du gouvernement et des médias chinois, une voix se différencie. Hu Xijin, rédacteur en chef du Global Times, organe de presse du gouvernement, essaie de détourner l'attention des internautes sur les Etats Unis en critiquant le gouvernement américain [chinois] :

胡锡进:美国小学枪击案致28死,不仅这种枪击案的反复发生骇人听闻,美国政府的不作为同样令人吃惊。难道这不是人权灾难吗?美国校园发生枪击案比中国校车出事造成孩子死亡多多了,但美国政府在袖手旁观。我不明白美国的家长们为何能够忍受。可怜那些孩子。

胡锡进: Le massacre dans une école primaire américaine a fait 28 morts. Un tel massacre est choquant, mais l'attitude du gouvernement américain n'en est pas moins surprenante. N'est-ce pas un désastre pour les droits humains ? Les fusillades dans des écoles américaines ont causé [encore] plus de morts que les accidents de bus scolaires chinois, et le gouvernement américain ne fait rien. Je ne comprends pas comment les parents américains peuvent accepter cela. Pauvres enfants.

Le commentaire de Hu n'a pas eu d'écho, et bien au contraire il a provoqué la critique. Un internaute répond [chinois] :

段郎说事: 美国政府是否作为,由美国人民去判断和处置,胡操什么心?还是多操心家门内的孩子安全吧!

段郎说事:La manière dont le gouvernement américain traite le problème, c'est le peuple américain qui en jugera. Pourquoi vous en inquiétez-vous autant ? Vous feriez mieux de vous inquiéter de la sécurité de nos enfants chez nous!

Espagne : #nevousfaitespasavoirsurlasanté, le hashtag «boomerang» du pouvoir

mercredi 19 décembre 2012 à 10:46

[liens en espagnol] Le gouvernement espagnol fait face à des “marées” de toutes les couleurs : la “marée verte“, des professeurs, étudiants et parents contre les restrictions budgétaires dans l'enseignement et les réformes de l'enseignement,  la “marée noire” de juges, procureurs et avocats contre les réformes du système judiciaire et l'imposition de taxes d'accès à la justice, et la “marée blanche“, du personnel sanitaire contre les réformes de la sécurité sociale et la privatisation des hôpitaux dans quelques régions.

La gestion de la santé en Espagne dépend des communautés autonomes. Certains de ces gouvernements autonomes, en raison de la crise et des restrictions appliquées à leurs budgets, ont décidé de privatiser la gestion de leurs hôpitaux, avançant bien entendu que les entreprises privées qui prendront en charge cette gestion seront capables de fournir le même service avec un budget moindre, et obtenir de plus des bénéfices pour leurs actionnaires.

Una marea blanca de sanitarios se manifiesta en contra de las políticas sanitarias del gobierno. Foto del blog Kinkalla

Une «marée blanche» du personnel de santé manifeste contre les politiques sanitaires du gouvernement. Photo du blog Kinkalla

Madrid constitue une des régions où la gestion de plusieurs hôpitaux est sur le point d'être privatisée. Capitale du pays, Madrid comprend les plus grands et les plus importants hôpitaux d'Espagne.  A Madrid, comme dans d'autres régions, le personnel sanitaire et non sanitaire des hôpitaux s'est mobilisé et a convoqué des grèves, marches, manifestations et autres événements visant non seulement à protester contre ces mesures, mais aussi à informer les patients des hôpitaux du danger qu'encourent, à leur avis, la gratuité et l'excellence d'une sécurité sociale à propos de laquelle l‘Observatoire Européen des Systèmes et Politiques de Santé/OMS [en anglais], affirme dans son rapport de 2010 :

(…)  le SNS [Système National de Santé] a montré une capacité considérable à générer de bons résultats viables conformément à différents paramètres de rendement.

(…) Ces résultats ont été atteints avec un niveau relativement bas de dépenses (…) inférieur à la moyenne européenne. La conclusion qui pourrait être tirée de ces données est que, globalement, les citoyens espagnols bénéficient d'un système de santé d'un bon rapport qualité-coût.

Pour contrebalancer ces mobilisations, et les informations qui se diffusent dans l'opinion publique, le Parti Populaire de Madrid a décidé le 12 décembre de lancer sa propre campagne d'information, qui consiste à lancer sur Twitter le #quenotelienconlasanidad [ne vous faites pas avoir sur la santé] avec lequel entre 11h et 12h ont été publiés des twitts dans lesquels le PP de Madrid explique sa vision des réformes de la santé, comme par exemple :

@ppmadrid : On ne dit pas la vérité. Certains défendent seulement quelques privilèges, revendications salariales et de rémunération. #quenotelienconlasanidad

@ppmadrid : Avec un budget moindre, si on ne se confrontait pas à des réformes le système public de santé serait en danger. #quenotelienconlasanidad

Les responsables de cette initiative ne s'attendaient probablement pas à ce que des milliers d'internautes profitent de la campagne pour inonder de twitts le mot-clic du PP, qui fut en tête de tendance pour des raisons bien différentes de celles prévues par ses défenseurs.

Les utilisateurs de Twitter oscar g (@oscarvk), Gema C R (@amegcr), Be-Ta-U (@medicblasto) et Nell McKinnon a (@Gadylen) sont parmi ceux qui ont utilisé le mot-clic pour faire connaître leurs opinions au PP :

@oscarvk : tout est désormais plus clair….ha ha ha !!! merci au pp de tout nous expliquer ici !!! #quenotelienconlasanidad

Cartel en una manifestación: «¿Diagnóstico? Eso era antes. Le estoy haciendo un presupuesto». Foto de la página de Facebook «A disfrutar de lo votado»

Affiche dans une manifestation: «Diagnostic ? Ca c'était avant. Je vous fais un devis». Photo de la page Facebook «A disfrutar de lo votado»

@amegcr : Hier je ne payais pas les médicaments, aujourd'hui si. Aujourd'hui je ne paie pas l'ambulance, demain si. Demain je ne paie pas la santé, et après-demain? #quenotelienconlasanidad

@medicblasto : Tout revient au même… ON L'A DÉJÀ ESSAYÉ à Alzira et CA NE MARCHE PAS. #quenotelienconlasanidad [Vidéo sur l'hôpital semi-privé d'Alzira]

@Gadylen : La prochaine étape sera de faire payer l'entrée dans les centres de santé et les hôpitaux et sans droit à une consommation / traitement #quenotelienconlasanidad

Certains internautes, comme Ángel (@angelfmarin) et Yefri Bomon (@yefribomon), mentionnent Capio, une entreprise qui gère déjà plusieurs hôpitaux dans d'autres régions, et dans laquelle plusieurs hauts dirigeants du PP, et des personnes proches du pouvoir sont actionnaires, comme Rodrigo Rato, l'ancien président Aznar ou María Dolores de Cospedal et son mari.

@angelfmarin : #quenotelienconlasanidad Vous croyez que les grosses voitures des conseillers de Capio s'achètent toutes seules ?

@yefribomon : #quenotelienconlasanidad Capio est une entreprise sans but lucratif, comme l'Institut Noos [L'affaire Noos et le gendre du roi]

El personal sanitario del Hospital La Paz pregunta: ¿Se ha puesto algún límite a los beneficios de las empresas concesionarias? ¿Y al sueldo de sus gerentes? Foto del blog «La voz del HULP»

Le personnel sanitaire de l'hôpital de La Paz pose la question :  Une limite a-t-elle été posée aux bénéfices des entreprises concessionnaires ? Et aux salaires de ses gestionnaires ? Photo du blog «La voz del HULP»

Il se trouve que Capio commencera en janvier 2012 à «gérer» l'hôpital de Collado Villalba, qui n'ouvrira que dans un an. Pendant cette année, la région de Madrid paiera à Capio plus de 900 000 euros par mois.

Dantes et Santiago Herrera rappellent que le gouvernement vient d'annoncer que les ambulances seront payantes pour les personnes atteintes de maladies chroniques :

@KimeraDantes : En montant dans une ambulance RAPPELEZ-VOUS : Ne pas parler au conducteur Ne pas se lever du brancard AVOIR SUR VOUS le montant exact

@Santihehe : Voyez le bon côté des choses, maintenant c'est moins cher de demander une ambulance qu'un taxi pour aller à l'aéroport. #quenotelíenconlasanidad

Simone Santini dit ce que pensent beaucoup d'Espagnols :

@simone_santini : #quenotelienconlasanidad ont menti sur les retraites, sur le plan de sauvetage, et maintenant nous allons les croire sur la santé ? Allons donc…

Et même si l'inondation de twitts contre la politique de privatisation était accablante, il semble que certains ne s'en soient pas rendus compte :

@PPHortaleza : Succès de la campagne @ppmadrid  #quenotelienconlasanidad devient TT dans la @ComunidadMadrid et en Espagne : http://www.europapress.es/madrid/noticia-pp-lanza-campanana-redes-sociales-defender-reforma-sanitaria-nombre-hora-desmentido-20121212114239.html …

PP de Madrid@ppmadrid : #quenotelienconlaSanidad est TT nationale. Les citoyens ne croient pas aux mensonges lancés sur la Santé Publique

Ce à quoi Serguei Sanz répondait :

@Remensa_S : Si le PP en sait autant sur la gestion des hôpitaux que celle des réseaux sociaux nous avons de quoi nous inquiéter pour notre santé

Football: Qui détient le record, l'Argentin Messi ou le Zambien Chitalu ?

mercredi 19 décembre 2012 à 00:55

Le footballeur argentin Lionel Messi a pulvérisé la plupart des records dans le monde du football, y compris celui du plus grand nombre de buts en une saison, mais en est-on bien sûr ?

Messi, qui offre un spectacle incroyable à chaque match de son équipe espagnole de la Liga, le FC Barcelone, trouve un challengeur pour le moins inattendu en Zambie – dans la personne d’un footballeur mort depuis près de vingt ans.

Godfrey Chitalu voyageait à bord de l’avion transportant l’équipe nationale zambienne en compagnie de 30 autres membres de l’équipe et du personnel qui s’écrasa au Gabon le 28 avril 1993 alors qu’ils se rendaient à des éliminatoires pour la Coupe du Monde au Sénégal.

Godfrey Chitalu, plus connu sous son surnom « Ucar », était au moment de sa mort entraîneur de l’équipe nationale. Ce surnom d’Ucar, qui était presque devenu son deuxième prénom, lui venait de son incroyable énergie sur le terrain, rappelant les piles UCAR (d’Union Carbide) qui alimentaient les radios bi-bandes que les gens utilisaient pour écouter les matchs de football.

Le site du Bleacher Report [en anglais] commente à propos de Chitalu, dont on raconte qu’il aurait marqué 107 buts au cours de la saison 1972 :

Attendez avant de modifier le livre des records… À moins que ce ne soit pour y inclure le nom de Godfrey Chitalu.

Sur Twitter, le nom de Godfrey Chitalu est devenu viral après l’annonce dans les médias occidentaux du nouveau record supposé de Messi concernant le nombre de buts marqués.

@oluwashina Cher Messi, oui tu as fait mieux que Gerd Muller mais tu restes en-dessous des 107 buts de Chitalu sur l’année 1972. *Pour citer MJ : Beat it [Dégage

Un utilisateur, contestant l’attribution du record à Messi tout en accusant les médias occidentaux de partialité, a écrit :

@bishopskid14 @world_dream ce record de buts est détenu par godfrey chitalu. Encore un clair exemple de partialité

UKZambians, un site web de média citoyen basé au Royaume-Uni cite l’Association Zambienne de Football (FAZ) officielle :

 Alors même que le monde avait l’attention braquée sur le record de Lionel Messi, dépassant celui de Gerd Muller, ici, le débat et la discussion portaient sur les raisons pour lesquelles les buts de Godfrey n’ont pas été reconnus. Nous avons donc commissionné localement une équipe indépendante pour se plonger dans les archives et retrouver la trace compte-rendu après compte-rendu de chacun de ces buts. Cette équipe que nous avons mise en place va calculer le total de ces buts, rappelant à l’occasion de quel match ou tournoi ils ont été marqués.

Nous enverrons ensuite ce résultat à la Confédération africaine de football (CAF) et à la FIFA pour montrer que, même si le record de Messi existe bien, celui de Muller également, le véritable détenteur du record en termes de nombre de buts marqués en une année civile est Africain. C’est en réalité Godfrey Chitalu.

On pourra objecter que le football zambien de cette époque n’était pas aussi professionnel qu’aujourd’hui, mais les passionnés de football zambiens peuvent au moins espérer de cette histoire une amélioration dans la tenue des statistiques des matchs.

Manque d’éthique et pressions des lobbies dans l’Union Européenne

mercredi 19 décembre 2012 à 00:48

[Les liens de ce billet renvoient vers des pages web en espagnol, sauf mention contraire.]

Depuis le début de la crise, les citoyens sont toujours plus attentifs aux scandales liés à la corruption et aux relations entre politiciens et entreprises privées dans lesquelles ceux-ci occupent parfois des postes importants, tout en dénonçant une « dictature mondiale des marchés » . En d’autres termes, le lien étroit entre les pouvoirs politique et financier est dans la ligne de mire de la population.

En Espagne, la tentative de privatisation du système de santé a souligné les relations entre certains politiciens et l’entreprise privée CAPIO. Il est également de notoriété publique que d’anciens politiciens sont engagés pour travailler dans de grandes multinationales, tels qu’Elena Salgado, ancienne ministre de l’Économie, employée par Endesa. Ces pratiques mettent en péril la souveraineté populaire, la démocratie et la participation citoyenne dans les procédures de prise de décision. Le manque de séparation entre les pouvoirs financier et politique fait prévaloir l’intérêt privé sur le public.

“Le lobbying nuit gravement à vous-même et à votre entourage” Image de la campagne “Nettoyer la fumée de Bruxelles” (ALTER-EU)

Parmi les éléments entrant en jeu dans les liens entre ces pouvoir et affectant directement les citoyens, nous pouvons citer le manque de transparence des lobbies. Un lobby est un groupe, une organisation ou une association qui tente de défendre des intérêts spécifiques en exerçant des pressions sur les milieux parlementaires, entre autres. Les grands lobbies opèrent pour défendre des intérêts privés via des procédures dont les citoyens ne sont pas informés, auxquelles ils ne sont pas invités à participer et qui vont souvent contre les intérêts de la population. Il y a quelques semaines, les médias s’emparaient du scandale Dalli, commissaire européen en charge de la Santé et de la Consommation, qui a accepté qu’un entrepreneur maltais réclame de l’argent à une marque de cigarettes suédoise en son nom, en échange de pressions relative à une proposition de loi européenne concernant la consommation de tabac.

L’Union européenne possède une influence toujours plus importante sur les lois et les politiques qui affectent les 500 millions de citoyens européens. Pourtant, nous connaissons mal les parlementaires européens et les lobbys qui pèsent sur leurs décisions. Voilà pourquoi à travers l’Europe, diverses organisations, telles que ALTER-EU [en anglais], Friends of the Earth Europe [en anglais] et Unlock Democracy [en anglais], souhaitent que les activités des lobbies soient plus transparentes et essayent d’implanter dans plusieurs pays un registre où ceux-ci devraient obligatoirement être inscrits permettant au public de les contrôler. Le registre en question permettrait de savoir qui les hommes politiques rencontrent, à quelles fins, contre quelle rémunération, outre disposer des informations essentielles sur la société que les lobbyistes représentent.

Groupe de citoyens devant le Parlement européen barricadé. Photo d’Elena Arrontes

Des ONG, telles que Access Info Europe, HAI [en anglais], Environmental Service Law [en anglais] et Spinwatch [en anglais] ont décidé de sensibiliser le public à la nécessité de contrôler les lobbies via le projet EU Citizens [en anglais]. Ce dernier a permis à plus de 40 citoyens européens, engagés dans le combat pour la transparence de se rendre en Belgique pour découvrir le fonctionnement des institutions européennes, rencontrer des fonctionnaires et étudier les problèmes liés au activités de lobbying. L’événement central du voyage, à savoir la conférence Participation, éthique et transparence : ce que les citoyens souhaitent de Bruxelles [en anglais], s’est tenue le 16 novembre. Sont intervenus Rainer Wieland (vice-président du Parlement européen, responsable des questions de transparence), des représentants du défenseur du citoyen et d’autres fonctionnaires européens.

Lors de l’événement, se sont dessinées deux positions contraires sur le thème de la transparence : d’un côté celle d’Isabelle Durant, vice-présidente du Parlement et responsable du Code de conduite, qui considère qu’un député doit déclarer ses dépenses et que son agenda doit être public ; de l’autre celle de Rainer Wieland qui estime que cela gênerait le travail administratif. Des membres des ONG ayant participé à l’organisation de la conférence lui ont rappelé que les députés européens travaillent avec de l’argent public et qu’ils doivent par conséquent rendre des comptes aux personnes qu’ils représentent. Rainer Wieland a ajouté que le fait qu’un parlementaire européen ait un deuxième emploi et conjugue son travail avec des fonctions en entreprise ne constitue pas une faute éthique. Les ONG sont opposées à ce point de vue car elles considèrent que le travail au Parlement européen requiert un engagement à temps complet, que le salaire est suffisant et que mener de front une carrière publique et privée a de grandes probabilités de créer des conflits d’intérêts.

Durant le deuxième débat, centré sur le contrôle des lobbies, les collaborateurs des commissaires européens ont affirmé à l’unanimité être « satisfaits » de l’enregistrement des lobbies mise en place l’année dernière dans l’Union européenne. Une fois encore, les ONG du projet EU Citizens dénoncent que l’enregistrement ne soit pas obligatoire limitant son efficacité.

Résumé d’une partie de la conférence avec les conclusions des intervenants [en anglais] :

Plusieurs participants au voyage ont ensuite partagé leurs impressions sur leur blog. Alex Soler explique sur Ominids :

Cent-cinquante euros. Il s’agit de la valeur maximale légale pour les cadeaux que toute personne peut offrir à un parlementaire européen, que ce soit de la part d’une personne préoccupée par son bien-être, d’un admirateur ou d’un lobbyiste représentant les intérêts d’un groupe de multinationales. Toutefois, il n’y a pas de limite concernant le nombre de cadeaux de 150 euros qui peuvent être offerts ou la valeur des cadeaux destinés à ses assistants.

Jonás Candalija, qui écrit pour El desactivador de minas, trouve que le problème de la transparence ne touche pas uniquement l’Espagne, mais toute l’Union européenne et dans une mesure plus large qu’il l’avait imaginé :

Je ne me considère pas comme un expert en matière de lobby. Il m’est déjà difficile de me convaincre moi-même de quoi que ce soit. Pourtant, il est presque réconfortant de se rendre à quel point le manque de transparence assombrit l’activité politique en Espagne et en Europe, alors que je croyais que l’obscurantisme et l’habitude de rendre de comptes biaisés étaient des caractéristiques propres à l’Espagne. L’Europe en devient presque un élément paradigmatique.

Dans l’Union européenne, il existe une considérable résistance politique à la culture de la transparence, un fait inquiétant si nous considérons que près de la moitié des lois nationales proviennent de Bruxelles. Il est difficile de comprendre cette résistance et ce conformisme, sachant que les institutions européennes traversent une crise de crédibilité, crise qui pourrait se résoudre via la transparence, l’éthique et une plus importante participation citoyenne aux questions européennes, répondant aux demandes des citoyens qui réclament de vraies démocraties participatives.

*Photo du billet tirée de cette vidéo.

Les Indiens Xavantes de Marãiwatsédé au Brésil luttent pour le droit à leurs terres

mercredi 19 décembre 2012 à 00:29

Habitant depuis des siècles le territoire de Marãiwatsédé, dans le nord de l'Etat du Mato Grosso au Brésil, les indiens de l'ethnie Xavante ont dû faire face à l'occupation et aux menaces de la part des “fazendeiros”, propriétaires terriens qui tentent de les expulser. Homologuée il y a 14 ans, la zone se trouve aujourd'hui envahie en quasi-totalité par de très grands propriétaires, les “latifundiários”, et des occupants illégaux, les “posseiros”. Le 6 décembre dernier, à la suite de la décision de la Cour Suprême Fédérale rendue le 17 octobre, la Justice du Mato Grosso a enjoint les occupants illégaux de se retirer des terres ancestrales.

Le journaliste Felipe Milanez, spécialiste des questions indiennes  a écrit [en portugais comme tous les liens, sauf mention contraire] :

Le territoire xavante, appelé Marãiwatséde, est au coeur d'un axe de flux de soja et de bétail, où le gouvernement fédéral souhaite viabiliser la  BR-158. Le tracé resterait hors de la réserve et de la ligne ferroviaire Centre-Ouest, qui relie les villes de Campinorte (GO) et Lucas do Rio Verde (MT).

La dispute pour ce territoire révèle la difficulté du gouvernement à contrôler les conflits fonciers en Amazonie. Les “posseiros”, ennemis traditionnels des Indiens dans la région ont laissé place à de gros exploitants- qui se refusent à abandonner la zone. La pression extérieure a provoqué des divisions internes des Xavantes, mettant en jeu la vie des principaux leaders.

Aldeia Xavante. Foto de Felipe Milanez, usada com permissão.

Village Xavante. Photo de Adriano Gambarini/OPAN, avec son aimable autorisation.

Toujours selon Milanez, les problèmes ont commencé en 1966 avec l'expulsion des Indiens de la région qui, transportés par les avions de la FAB (Force Aérienne Brésilienne) dans un autre territoire xavante à 400 km de là, ont été victimes d'une épidémie de rougeole. Celle-ci a fait au moins 150 victimes, provoquant la dispersion de la communauté vers d'autres territoires indigènes, comme un “exil à l'intérieur du pays”. Avec l'arrivée ensuite d'Ariosto da Riva, un entrepreneur sa São Paulo qui a acheté les terres de Marãiwatsédé, la région a été plus connue sous le nom de Suiá-Missu, une énorme propriété agricole de 1,8 millions d'hectares. La terre est alors passée entre les mains de différentes entreprises, jusqu'à la Conférence de Rio en 1992 [fr], où une entreprise italienne qui possédait la terre- la compagnie Agip Petrolli- a décidé de la rendre aux Indiens.

Comme on le voit, la terre a été rendue pour être de nouveau envahie par les “fazendeiros” et les “posseiros”, qui aujourd'hui sont expulsés sur décision judiciaire favorable aux premiers habitants. Sur le processus d'expulsion, qui a commencé le 10 décembre, Greenpeace informe :

C'est un moment crucial pour la libération de la terre des Xavantes, processus mené par la Funai (Fondation nationale de l'Indien) et qui bénéficie du soutien de la police.

Indígenas Xavantes. Foto de Felipe Milanez, usada com permissão.

Indigènes xavantes. Photo de Felipe Milanez, avec son aimable autorisation

Pourtant, l'expulsion des envahisseurs illégaux ne se fait pas de façon pacifique. Ceux-ci ont organisé des barrages routiers, et expriment des menaces de violence, comme l'a twitté la journaliste (@Andreiafanzeres) :

Les journaux de MT ont rapporté que les envahisseurs de #maraiwatsede ont bloqué la BR 158 et n'en sortiront que lorsque “la justice aura suspendu sa décision d'expulsion”.

L'ONG Repórter Brasil a écrit un long article qui résume la situation actuelle, indiquant que “quelques groupes ont décidé de ne pas appliquer la décision de justice, et cherchent à déstabiliser les expulsions en provoquant des conflits entre les troupes”. L'article rapporte les événements qui se sont déroulés dans les premiers jours de l'expulsion: “les Forces Nationales ont battu en retraite, tirant des balles en caoutchouc et lançant des bombes de gaz”.

Les manifestants sont apparus dans la Fazenda Jordão, où l'opération a commencé, au moment où les forces de sécurité entreprenaient les premières approches. Selon le recensement des propriétés du gouvernement, la propriété où la confusion a eu lieu appartient à Antonio Mamed Jordão, ex-vice-maire de Alto Boa Vista, qui détient une des plus grandes zones envahies à l'intérieur de la Terre Indigène, une propriété agricole de plus de 6 000 hectares. En 2008, Jordão a déclaré un patrimoine de 4,5 millions de reais. A part lui, d'autres personnalités politiques propriétaires de vastes terrains en zone indigène apparaissent sur les listes officielles du gouvernement: Mohmad Khalil Zaher, conseiller municipal de Rondonópolis (MT),  Sebastião Ferreira Prado, Sebastião Ferreira Mendes, entre autres. Les grands propriétaires ruraux, représentés par la Confédération Nationale de l'Agriculture et de la Pêche (CNA) se sont plaints de l'expulsion et sont parvenus à remettre en question l'appartenance indigène des terres (voir la note diffusée le mardi 11 décembre).

Lors de la première tentative d'expulsion le 10 décembre, les Forces Nationales se sont confrontées aux agriculteurs, faisant quelques blessés.

L'évêque émérite de São Félix do Araguaia, le catalan Dom Pere Casaldàliga (connu comme Pedro Casaldáliga), âgé de 84 ans et souffrant de la maladie de Parkinson, a été menacé de mort en raison de son soutien aux indigènes. La Police Fédérale l'a contraint à évacuer sa maison. Les médias espagnols et catalans ont largement fait écho aux menaces adressées à l'évêque, alors que la presse brésilienne est globalement restée silencieuse sur l'événement.

Le journaliste Altamiro Borges explique :

Selon le Cimi (Conseil indigène missionaire), un groupe de “jagunços” [bandits au service des fazendeiros] a annoncé ouvertement que Dom Casaldáliga “était le problème”  de cette région tendue, et qu'il “lui ferait une visite”. La Police Fédérale elle-même a recommandé immédiatement à l’ecclésiastique de fuir la ville, à cause de la vulnérabilité de la demeure dans laquelle il vit depuis de nombreuses années. La Police Fédérale a reconnu avoir peur pour sa sécurité, puisque sa maison n'a pas de murs et l'évêque est d'une santé fragile en raison de sa maladie de Parkinson.

Et le journaliste continue, expliquant que Casaldàliga a un long passé de résistance à la dictature brésilienne (1964-1985) et de soutien aux groupes indigènes menacés et aux mouvements des sans terre. Il affronte une fois encore la haine des hommes de pouvoir contre sa lutte et son courage:

Il a toujours été lié aux luttes des couches les plus démunies de la société. Avec le virage conservateur du Vatican à partir des années 1990, l'évêque émérite a souffert de fortes pressions de la hiérarchie de l'Eglise Catholique. En 2005, il a pris sa retraite mais est resté vivre à São Félix do Araguaia, participant aux combats justes de la région. Il s'est dévoué plus particulièrement à la défense des communautés indigènes, persécutées par les grands propriétaires terriens.

Différentes organisations ont adressé un message de solidarité à Casaldàliga.

La Terre Indigène de Marãiwatsédé a été homologuée en 1998 par décret presidentiel et, depuis lors, diverses instances judiciaires ont donné gain de cause aux indigènes, qui, malgré tout, ne sont pas respectés. Environ 800 Xavantes occupent [en anglais] 10% du territoire. Les 90% restants sont occupés par les “latifundiários” et les “posseiros”.

Cacique Xavante Damião Paridzane. Foto de Felipe Milanez, usada com permissão.

Cacique Xavante Damião Paridzane. Photo de Felipe Milanez, avec son aimable autorisation

Sur un ton de révolte, le journaliste Felipe Milanez (@Felipedjeguaka) a twitté:

Ils envahissent la terre indigène, détruisent l'Amazonie, menacent de mort un évêque de 84 ans, ils ont des fermes de milliers d'hectares et ils ne respectent pas l'ordre judiciaire!

Les Xavantes de Marãiwatsédé ont publié une Lettre Ouverte signée par le cacique Damião Paridzane, dans laquelle ils expliquent leur situation et demandent du respect. En voici un extrait :

Dans ce territoire, les ancêtres, nos arrières-grands-parents vivaient sur cette terre. Ce territoire est l'origine du peuple Marãiwatsédé. Dans cette terre aimée a été créé le peuple de Marãiwatsédé.

Maintenant l'expulsion a déjà commencé. Les anciens attendaient depuis longtemps le retrait des non-indiens de notre terre. Ils ont beaucoup souffert. Souffrant leur vie entière, espérant chasser les grands fazendeiros.

Ceux qui occupaient cette terre, c'était nos parents, nos grands-parents, nos arrières-grands-parents, qui sont nés ici, qui ont grandi ici, qui ont fait les fêtes des adolescents. Ils ont beaucoup lutté, ils ont fait les rituels à l'intérieur du territoire de Marãiwatsédé. Aucune “fazendeiro” et aucun “posseiro” ne vivait ici avant 1960. Qui a détruit, c'était l'Indien ou c'était le Blanc? On le sait bien, c'est le Blanc qui a détruit la forêt, ça ce n'est pas notre vie. Notre vie c'est préserver la terre, la nature, les rivières, les lacs. C'est comme ça qu'on vit, notre peuple respecte notre mère nature. Nous attendons tranquilles notre victoire. Nous dormons tranquilles, nous rêvons bien à la victoire de notre terre.

Avant le retrait de notre terre, ils ont tué de nombreux Xavantes. Les “fazendeiros” de notre époque sont de vrais bandits. Ils ont tué à coups de feu. Tseretemé, Tserenhitomo, Tsitomowê, Pa’rada, Tseredzaró sont morts, ils sont tous morts sous les balles. Nous n'allons pas trahir leur esprit.

Cette terre est notre origine. Les Xingus aussi protègent notre terre, les ancêtres des Kalapapos étaient amis des ancêtres des Xavantes de Marãiwatsédé. Les animaux ne peuvent plus supporter tant de destructions de la nature. Quand la terre sera rendue à notre peuple, la forêt va revivre et les animaux et les plantes reviendront. Notre mère restera très forte et très belle, comme elle l'a toujours été. C'est comme ça que ça doit être.