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La Malaisie interdit des livres et dessins considérés comme “portant atteinte à l'ordre public”

mercredi 25 octobre 2017 à 09:28

Le dernier recueil du caricaturiste politique Zunar a une nouvelle fois été ciblé par un moratoire du gouvernement malaisien. Image tirée du site web de Zunar.

Sauf mention contraire, les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais.

Le ministère de l’Intérieur malaisien a interdit la vente et la distribution des ouvrages de l’auteur turc Mustafa Akyol ainsi que ceux de deux auteurs malaisiens, Ahmad Farouk Musa et Faisal Tehrani, sous prétexte qu’ils “portent atteinte à l’ordre public”. La directive, datée du 6 septembre 2017, n’a été rendue public que le 28 septembre. Akyol, Farouk et Faisal promeuvent tous un islam modéré et progressiste dans leurs ouvrages.

Le caricaturiste politique Zulkiflee Anwar Ulhaque, plus connu sous le nom de Zunar, a également annoncé que son dernier recueil de dessins en date, intitulé “Sapuman: Man of Steal”, avait à nouveau été interdit par le gouvernement.

En Malaisie, dont la population est majoritairement musulmane, le gouvernement prétend promouvoir une relation harmonieuse entre les différentes ethnies et religions coexistant dans la société. Mais ces dernières années, certains leaders et groupes politiques islamiques tenants d'une ligne dure ont accédé à des positions de pouvoir au sein de plusieurs institutions d’État et utilisent désormais cette plate-forme pour promouvoir et imposer une interprétation plus stricte de la religion.

L'un des derniers exemples en date de cette tendance est la brève détention d’Akyol en Malaisie le 25 septembre après que les autorités religieuses l’ont accusé d’enseigner l’islam sans disposer d’autorisation officielle du gouvernement. Akyol, un éminent journaliste et universitaire, était invité par le Front de la renaissance islamique malaisien (Islamic Renaissance Front – IRF) afin de dispenser une série de conférences sur l’islam, les droits de l'homme et la démocratie.

Et maintenant… les autorités malaisiennes interdisent mon livre “L’islam sans les extrêmes : un plaidoyer musulman pour la liberté”, qui avait été publié en malais il y a un an.

Farouk Mousa, un membre de l’IRF, accuse le gouvernement de sectarisme et d’anti-intellectualisme :

By banning books that provoke the mind to think critically, this government of ours showed its true colour of being an authority of bigotry and anti-intellectualism.

En interdisant des livres qui développent l’esprit critique, notre gouvernement montre son véritable visage : celui d'une autorité sectaire et anti-intellectuelle.

Tehrani a déclaré que ce récent moratoire sur des livres prouve que le parti au pouvoir depuis les années 1950 a déjà “atteint un état de crise et de folie visant à contrôler la société et les esprits.”

“Lorsque le gouvernement faillit, dessiner est un devoir”

Zunar, qui a par le passé été arrêté pour sédition à cause de ses caricatures, a acquis une reconnaissance mondiale pour son travail, raflant entre autres les récompenses du Committee to Protect Journalists et de Cartoonist Rights Network International. Dix autres ouvrages [fr] de Zunar sont toujours interdits par le gouvernement.

Zunar réclamant que la police lui rende les 1.187 livres et 103 t-shirts ayant été saisis lors de son arrestation en décembre 2016. Photo publiée sur la page Facebook Zunar Cartoonist Fan Club.

Sur Twitter, il appelle les autorités à respecter la liberté des artistes :

Le gouvernement malaisien annonce l’interdiction du recueil de caricatures de Zunar, “SAPUMAN, MAN OF STEAL.” A ce jour, 11 ouvrages de Zunar ont été interdits.

Faisant référence à l’implication du Premier ministre dans une affaire de corruption à hauteur de plusieurs centaines de millions de dollars, Zunar poursuit :

I don’t make fantasy cartoons. My cartoons are results from my reaction on current issues, especially on corruption. Do not blame the cartoonist if politicians steal billions.

Je ne fais pas de dessins fantaisistes. Mes dessins sont le fruit de ma réaction aux problèmatiques actuelles, en particulier la corruption. N’accusez pas le caricaturiste si les politiciens dérobent des milliards.

Zunar a annoncé qu’il ferait appel de l’interdiction devant les tribunaux et a promis de continuer à dessiner même si ses recueils sont interdits :

I would like to reiterate that this ban will not stop me from drawing cartoons to expose corruption and injustice. You can ban my books, you can ban my cartoons, but you cannot ban my mind. When the government is faulty, drawing cartoon is a duty.

Je voudrais rappeler que cette interdiction ne m’empêchera pas de continuer à dessiner afin d’exposer la corruption et l’injustice. Vous pouvez interdire mes livres, vous pouvez interdire mes dessins, mais vous ne pouvez pas interdire mon esprit. Lorsque le gouvernment faillit, dessiner est un devoir.

“Pourquoi restreindre le savoir ?”

Karima Bennoune, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies dans le domaine des droits culturels, avertit qu’interdire des livres “pourrait empêcher qu'un débat grandement nécessaire ne s'engage.”

Inquiète d'apprendre l’interdiction de livres, dont certains sur un islam modéré et progressiste alors même que le gouvernement vante ces concepts à l’étranger.

Le prédicateur musulman Wan Ji Wan Hussin questionne la légitimité de ce moratoire sur les livres d’Akyol et d’autres universitaires :

Likely to alarm public opinion? Only those with weak intellect will feel alarmed.

Such moves (book banning) are done by people who are against civilisation (Malay: tamadun). Those who are pro-civilisation would celebrate and take pride in intellectuals and their work.

Susceptibles d’alarmer l’opinion publique ? Seuls ceux qui disposent d’un intellect limité s’alarmeront.

Ce genre de décision (interdire des livres) est pris par des réfractaires à la civilisation. Les pro-civilisation célèbreraient et seraient fiers de ces intellectuels et de leur travail.

Dans une interview recueillie par Free Malaysia Today, Eric Paulsen du groupe Lawyers for Liberty (Avocats pour la Liberté) affirme qu’il est dangereux pour le gouvernement d’empêcher le public d’accéder à l’information :

Why restrict knowledge? Why allow the government to decide what can or cannot be read, and what is the right or wrong interpretation of a particular issue, no matter how sensitive?

Pourquoi restreindre le savoir ? Pourquoi permettre au gouvernement de décider ce qui peut ou ne peut être lu, quelle est la bonne ou la mauvaise interprétation d’une problématique, même sensible ?

Le ministère de l’Intérieur a invoqué la loi relative à la presse et aux publications afin de justifier l’interdiction de ces livres, jugés néfastes à l’intérêt général. En juillet 2017, il avait également ordonné l’interdiction d’un livre sur l’islam et la démocratie constitutionnelle. Peut-être est-il temps pour la Malaisie de questionner l’usage arbitraire des lois par les autorités en vue de restreindre la liberté d’expression dans le pays.

Au Sri Lanka, le premier “élébus” au monde aide à réduire les conflits avec les éléphants

mardi 24 octobre 2017 à 19:40

Des écoliers sri-lankais utilisent “l'élébus”, conçu pour éviter les conflits entre les humains et les éléphants. Photographie avec l'aimable autorisation de Groundviews.

Sauf mention contraire, les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais.

Cet article d'Anya De Saram-Larssen, écolière à l'école britannique de Colombo, est d'abord paru sur Groundviews, un site internet primé de journalisme citoyen au Sri Lanka. Mlle De Saram-Larssen a assisté à l'anniversaire de l’élébus et a parlé avec plusieurs acteurs du projet. Une version éditée de cet article est republiée ici dans le cadre d'un accord de partage de contenus.

L'élébus a fêté son premier anniversaire le 9 septembre dans la région de Wasgamuwa, au Sri Lanka. Cet autobus est un projet innovant créé par la Société sri-lankaise de protection de la nature (SLWCS) pour limiter les conflits entre humains et éléphants (CHE).

Ce conflit a pris de l'ampleur au Sri Lanka, car les habitats des éléphants se contractent quand les humains empiètent lentement sur les espaces que les éléphants parcourent. Ceux-ci, n'ayant nulle part où aller, finissent par descendre sur les cultures et les habitations à la recherche de nourriture et les représailles des hommes les rendent agressifs. Ce cycle de résistance, de peur et de lutte pour l'espace mène à la violence.

Chaque année au Sri Lanka, environ cinquante personnes sont tuées par des éléphants. Ceux-ci en payent ensuite les conséquences quand les villageois les abattent, les empoisonnent ou les électrocutent, par peur ou pour se défendre. Ainsi, entre cent et cent cinquante éléphants sont tués chaque année et les statistiques montrent que la probabilité qu'un conflit survienne est plus élevée lorsque les hommes traversent les espaces où les éléphants ont l'habitude de circuler.

Le gouvernement sri-lankais s'est concentré sur des mesures à grande échelle pour réduire les CHE, comme la mise en place de clôtures ou la relocalisation des éléphants pour les éloigner des activités humaines. Cependant, ces stratégies ne reconnaissent pas les CHE au niveau local, et l'élébus a été créé pour résoudre ce problème.

Depuis 2016, l'élébus offre un service quotidien pour que les enfants puissent se rendre à l'école gratuitement et en toute sécurité, hors des circuits utilisés par les éléphants. Moyennant une somme symbolique, les adultes utilisent eux aussi l'autobus pour se rendre à leur travail. En moyenne, 191 personnes montent à bord de l'autobus chaque jour, dont 72 enfants.

L'itinéraire du bus traverse un couloir migratoire des éléphants dans des villages de la Province du centre [fr], dont Himbiliyakada, Iriyagasulpotha et Weheragalagama, où les éléphants circulent fréquemment et où les risques de conflits restent élevés. Situé le long du périmètre sud de Parc national de Wasgamuwa, dans une zone forestière protégée, ce couloir est cependant occasionnellement fréquenté par les hommes. Ils peuvent y rencontrer des éléphants à la recherche de nourriture ou d'eau en dehors du Parc.

Anya De Saram-Larssen, écolière de douze ans à l'école britannique de Colombo, a produit un documentaire vidéo expliquant les levées de fonds organisées l'an passé pour financer cet autobus. Grâce à une vente de gâteaux à l'école britannique, elle et ses amis ont ainsi pu lever 127.484 roupies (environ 700 euros), sur les quelques 30.000 euros que coûte l'autobus, licence d'exploitation et autorisation de faire payer les utilisateurs sur les routes publiques incluses :

De récentes statistiques de SLWCS montrent que les CHE ont diminué de 80% depuis que l'autobus a commencé à rouler. Rien que les sept premiers mois, le nombre de conflits est passé de 83 à 21.

D’après Harshini, une écolière de treize ans qui vit à Pussellayaya, l'autobus a énormément amélioré son trajet pour aller à l'école car elle n'a plus à marcher cinq kilomètres par jour. Harshini n'allait pas tous les jours à l'école à cause des fortes pluies et des éléphants. Maintenant, elle se sent en sécurité dans le bus et ne manque l'école que rarement.

Les enfants ont déclaré que l'autobus aide non seulement à les protéger des éléphants mais aussi à les éduquer sur les CHE. D'une capacité de vingt-quatre places, il est rempli d'images colorées et de messages éducatifs sur la protection des éléphants et de la vie sauvage. Menaka et Chathurika, des écolières de huit et onze ans de Himbiliykada, affirment qu'elles adorent prendre l'élébus parce qu'elles s'amusent à apprendre ensemble sur le chemin de l'école.

Quelques-unes des images en lice pour le concours artistique de l'élébus. Avec l'aimable autorisation de Groundviews.

Le SLWCS a organisé une compétition artistique et littéraire dans le cadre du lancement de l'élébus. La plupart des soumissions portaient sur le thème de l'harmonie entre éléphants et villageois ainsi que sur la gravité des CHE, dont la peur que ressentent beaucoup d'enfants vis-à-vis des éléphants.

Un dessin montre ainsi un homme se faire écraser par un éléphant, et un autre, un fermier poursuivi.

Le président du SLWCS M. Ravi Corea explique que l'organisation espère transformer ces idées négatives en éduquant les enfants sur l'importance de l'environnement et le besoin d'en protéger tous les habitants.

L'intérieur de l'élébus est tapissé de posters éducatifs colorés sur le thème des éléphants. Avec l'aimable autorisation de Groundviews.

L'autobus appartient à la communauté, explique M. Corea :

We own the bus but it is operated by a driver and conductor from the village. Also, the money collected from tickets is used by the community to take care of the bus.

L'autobus nous appartient, mais le chauffeur et le contrôleur viennent du village. De plus, les recettes des ventes de tickets sont utilisées par la communauté pour l'entretenir.

Le SLWCS prévoit d'ajouter un autre autobus à Wasgamuwa et d'introduire des élébus dans d'autres régions du Sri Lanka en proie aux CHE.

Plusieurs donateurs privés, comme Sharmila Cassim du Colombo Jewellery Stores, ont sponsorisé l'élébus car :

the bus allows children to attend school more regularly, while at the same time keeping the elephants safe.

Il permet aux enfants d'aller à l'école plus régulièrement tout en prenant soin des éléphants.

A en juger par la condition immaculée de l'élébus vert vif, les villageois sont fiers de cette initiative et travaillent activement à transformer les attitudes négatives envers les éléphants.

En échange, les éléphants peuvent maintenant circuler plus librement, se nourrir et se sociabiliser en harmonie avec la nature, comme ils le font depuis des siècles.

“Quand vous écrivez une chanson sur le racisme, c'est toute une histoire”

mardi 24 octobre 2017 à 19:32

Aliou Touré du groupe Songhoy Blues. Photographie : Leo Hornak.

Sauf mention contraire, les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais.

Cet article d’April Peavey est à l'origine paru sur PRI.org le 21 septembre 2017. Il est republié sur Global Voices dans le cadre d'un partenariat avec PRI.

Aliou Touré m'a dit, il n'y a pas si longtemps : “Quand vous écrivez une chanson sur le racisme, c'est toute une histoire.” Touré est le chanteur de Songhoy Blues, un groupe malien.

Il m'a dit ça à propos de la nouvelle chanson du groupe “One colour” [“Une couleur”, NdT], tirée de leur album “Résistance”.

Cette chanson a été enregistrée avec un chœur d'écoliers londoniens. Touré explique qu'enregistrer avec des enfants l'a rendu optimiste quant à l'avenir, surtout si les adultes prennent la peine d'apprendre d'eux.

“Les enfants ne sont pas racistes. Quand nous sommes allés dans une école pour enregistrer les voix des enfants, ils étaient si beaux, des enfants différents de pays différents. D'Asie, d'Inde, des États-Unis, de France, d'Afrique. Ils étaient tous ensemble à jouer, heureux”, décrit-il. “C'est tellement beau de voir des enfants comme ça. On s'est dit que peut-être que les enfants pourraient éduquer les parents.”

“One Colour” n'est qu'un des nombreuses leçons que l'auditeur peut recevoir de l'album “Résistance”.

Selon Touré, une autre leçon a été de changer les idées préconçues sur l'Afrique, le Mali et Bamako, des stéréotypes comme celui qui veut que l'anarchie et le crime soient omniprésents à chaque coin de rue de Bamako. Une façon de les briser, affirme Touré, est de s'y attaquer en musique.

“Quand vous mettez cent personnes dans un endroit plutôt petit et que vous mettez la musique, tout le monde est content”, dit-il. “Quand vous éteignez la musique, tout le monde part. Ce n'est pas intéressant sans musique. Alors pour nous, il s'agit de rassembler toutes ces petites choses qui se passent dans le monde et d'essayer de trouver une façon positive d'amener les gens à être ensemble.”

Vous serez peut-être en mesure de recevoir un peu de l'énergie positive de Songhoy Blues et de leurs leçons : le groupe commence une tournée en octobre qui les emmènera en Amérique du Nord et en Europe.

Qui était Boukary Konaté? Retour sur les projets d'un pionier du web malien

mardi 24 octobre 2017 à 19:08

Le Sommet de Global Voices 2017 démarre dans un mois (ou presque). Une célébration de la vie et des projets de collaborateurs de Global Voices comme Boukary Konaté aura lieu. Voici un retour sur les accomplissements de ce pionnier du web Malien:   

Les initiatives concrètes de solidarité du monde entier pour lui venir pour ses soins lors de sa maladie ainsi que les nombreux témoignages d'appréciation et de sympathie qui fusent de toutes parts démontrent suffisamment le vide laissé par la disparition de Boukary Konaté le 17 septembre 2017. Mais que faisait-il de si exceptionnel? Voici quelques éléments de réponse.

Lors de la cérémonie de remise des prix du concours lauréats des BOBs, organisé par la Voix de l'Allemagne, à laquelle avait participé le chef de la diplomatie allemande M.Guido Westerwelle, que Boukary avait remporté, le site dw.com le présentait ainsi:

Mardi après-midi (26 juin), la Deutsche Welle remet officiellement les prix de son concours de blogs, les BOBs. Le Malien Boukary Konaté se voit récompenser pour son blog baptisé “Fasokan”. Il gagne le prix du jury dans la catégorie “Éducation et Culture”. Cet enseignant de formation est attaché aux villages de son pays…

Une grappe d'enfants se masse autour d'un ordinateur équipé d'une batterie solaire et découvre le vaste monde à travers internet. C'est l'une des images que l'on peut voir sur le blog Fasokan de Boukary Konaté, un enseignant malien qui, depuis de nombreuses années, s'efforce de jeter des ponts entre les villages du Mali, avec leurs cultures et leurs traditions, et les nouvelles technologies. Son blog bilingue, en français et en bambara, a été récompensé par le jury des BOBs, le concours international de blogs de la Deutsche Welle, dans la catégorie spéciale Éducation et Culture.

Parlant du blog Fasokan de Boukary, Claire Ulrich, membre francophone du jury expliquait ainsi son jugement:

Boukary Konaté n'a jamais oublié le monde rural dont il est originaire, ni son métier de professeur, Il consacre beaucoup de son temps libre à des sessions de formation à l'internet mobile dans les villages, les cyber-cafés et les écoles rurales. » Dans son blog, Boukary Konaté explique sa démarche ainsi : « Le peu que je peux faire pour le développement et la promotion des langues africaines, je le fais pour que nos langues traversent les rivières et les fleuves et prennent place parmi les autres langues dans le vestibule de partage d'information et de savoir, qu'est Internet.

Le site rfi.fr, a révélé que Boukary a été un des premiers blogueurs africains à être sélectionnés en 2010 pour la première édition du réseau Mondoblog qui regroupe actuellement 600 blogueurs de 70 pays:

Boukary Konaté était un blogueur faisant partie de la première sélection de Mondoblog en 2010. Il avait été l’un des premiers Africains à donner du corps à l’expression « blogueur engagé ». Infatigable baroudeur, Boukary portait un amour infini pour la culture de son pays, le Mali. Il allait donc dans les villages les plus reculés recueillir la sagesse de ces contrées et se servait de son blog sur Mondoblog, mais aussi de ses différentes collaborations avec des médias internationaux (Global Voices, France 24) pour la faire connaître dans le monde. Ce professeur de bambara, de français et d’anglais, assurait aussi une mission d’éducation des populations des régions reculées du Mali, en leur permettant par exemple de découvrir l’Internet et ses multiples usages.,,

Des blogueurs faisant partie de ce réseau ont eux aussi voulu rendre hommage à Boukary. C'est le cas de Faty, qui se définit comme de “formation psychologue, enseignante d'abord ensuite beaucoup d'autres métiers. ..engagée jusqu'au bout et eternelle amoureuse de sa ville natale, Tombouctou”. L'ayant connu personnellement, elle nous révèle que Boukary avait une phobie de l'avion:

Oui. Boukary était le seul blogueur qui avait peur de l’avion, à ma connaissance, ignorant sciemment le personal branding pour prêter la vedette à ceux qu’il rencontrait…
La culture malienne. Les traditions sont l’essence de ce héros qui su utiliser l’éducation et l’innovation pour connecter nos zones rurales au monde, mais aussi connecter le monde à cette richesse de notre patrimoine.
Boukary, repose en paix.
Tu resteras dans nos cœurs.

Georges Attino, journaliste… passionné de culture, de musique et aussi de langues africaines, regrette de n'avoir pas connu Boukary et lui dédie “Janjo” l’hymne aux guerriers dans la société société traditionnelle bambara:

Boukary, j’aurais voulu te rencontrer autour d’un verre de thé. Pour autant même sans t’avoir vu je te connaissais. J’avais entendu parler de l’homme qui parcourait les villages à vélo et à moto. Tu voulais réveiller ces villages, les révéler à tous pour préserver le patrimoine culturel du Mali. Ce réveil passait par la valorisation des langues nationales. On avait parlé d’un projet de journal écrit en bambara (mandingue). On avait prévu de se voir pour en parler en profondeur. Comme tu l’avais dit « tout ce qui est debout se couchera un jour » et ton jour est malheureusement arrivé.

Boukary tu faisais partie des doyens du blogging au Mali. T’es le précurseur du blogging en bambara. Fasokan (« la langue de la patrie », en bambara) était même ton surnom sur les réseaux sociaux.  Quand le village se réveillera tu ne seras plus là. Ton parcours est semblable à ton nom de famille: Konaté (konatɛ) « kona tɛ » qui veut dire « qui n’est pas stérile » tu n’as pas été stérile Boukary. Tu as enfanté en moi cet amour du partage, de la culture des langues nationales.

Tu mérites le « janjo ». C’est la chanson la plus populaire de la culture mandingue. Cette culture que tu défendais tant. « Janjo » c’est l’hymne des guerriers, dédié à ceux qui se sont fait remarquer par des actions nobles. Ce chant c’est la victoire sur l’ennemi. Ton ennemi c’était l’oubli, l’oubli dans lequel les traditions maliennes pourraient tomber. Le jour s’est levé sur eux grâce à toi.

I ni ce, i ni baara (Merci pour ce travail).

Pour le blogueur et journaliste Boubacar Sangaré qui l'a connu depuis leur formation dans le cadre du projet Mondoblog:

Passif ? Il refusait de parler de politique. Sur son blog Fasokan, Boukary écrivait en langue bambara, qu’il voulait valoriser, la sortir des emprunts et des amalgames. Ensuite est venu son projet culturel Quand le village se réveille. « Fasokan », comme on l’appelait, parcourait les villages pour collecter les traditions, la culture et les diffuser. Son surnom lui-même vient du bambara, de fasopatrie») et de kanlangue»).

Les traditions, il aimait en parler comme le Christ aime l’Église. C’est grâce à lui que l’on pouvait découvrir pourquoi une grenouille n’a pas de queue. C’est grâce à lui que l’on pouvait découvrir ce qui se cachait derrière le masque dogon.

Boukary est un baobab qui est tombé. Un puits plein qui souffrait de voir à côté d’autres puits secs. Une outre pleine dont on a pu tirer beaucoup de choses. Une bibliothèque qui n’a pas brûlé, car ce qu’il savait, il l’a partagé avec nous dans les conditions que nous connaissions tous.

Boukary Konaté faisait partie aussi du réseau des Observateurs de la chaine TV France24 depuis 2010. Il y était considéré comme “adepte des sujets étonnants”. Le site observers.france24.com, lui rend hommage en ces termes:

Boukary Konaté était quelqu’un qui donnait son temps aux autres. Le numérique le fascinait et il en avait fait une arme au service de la culture : en 2014, il a lancé le projet “Quand le village se réveille”, un blog puis une page Facebook et une application smartphone où il recensait chaque semaine, avec des articles, des photos et des vidéos tous les aspects du patrimoine culturel malien. On peut notamment y apprendre à quoi servait un curieux bonnet dogon ou encore à quoi jouent les habitants dans les coins reculés de son pays. Le projet a séduit le ministère de la Culture et de l’Education du Mali, ainsi que les internautes, qui l’avaient soutenu lors d’une opération de levées de fonds sur Internet.

La marque de fabrique de Boukary Konaté, c’était surtout son temps donné aux autres…

Ses projets servaient surtout à diffuser ses connaissances lors d’ateliers de formation. À plusieurs reprises, Boukary Konaté s’était rendu dans les régions maliennes éloignées de la capitale pour former les jeunes générations aux bases du blogging et les sensibiliser sur l’importance de sauvegarder leur culture.

Il révèle aussi:

En 2016, il avait lancé “Malebooks“, projet auquel il croyait dur comme fer et qui visait à apporter la connaissance et les livres dans des régions du Mali où les bibliothèques manquent cruellement. Le projet a déjà permis de distribuer 48 liseuses contenant en moyenne 4 000 livres libres de droit, dans des écoles des régions de Ségou, Gao et Bamako, et à des élèves de 13 à 19 ans. Boukary expliquait.

Le réseau des Observateurs de la chaine TV France24 rendra hommage à Boukary Konaté dans une émission programmée du 23 au 30 septembre. D'autre part, un premier article a été mis en ligne sur ce réseau avec plusieurs témoignages de personnes qui l'ont connu.

Dans cette video de la RTM Boukary explique ce que c'était son projet “Quand le village se réveille”.

Rapport Netizen : les militants égyptiens incarcérés auront-ils droit, un jour, à la justice?

lundi 23 octobre 2017 à 21:47

Alaa et son épouse, Manal Hassan. Photographie de Lilian Wagdy via Wikimedia Commons (CC BY 2.0)

Le Netizen Report de Global Voices offre un aperçu des défis à relever, des victoires obtenues et des tendances émergentes en matière de libertés numériques dans le monde.

Le 19 octobre, la plus haute Cour d'appel égyptienne a reporté au 8 novembre le procès de l'éminent blogueur et activiste Alaa Abd El Fattah [fr]. Le père et mari de 36 ans a été une voix prépondérante dans les manifestations de 2011 qui ont conduit au renversement de l'ancien président Hosni Mubarak.

Abd El Fattah purge actuellement une peine d'emprisonnement de cinq ans pour avoir enfreint la loi égyptienne sur les manifestations, qui interdit les manifestations publiques sans autorisation préalable de la police. Il a déjà purgé trois ans et demi de sa peine. A l'audience de jeudi, le juge s'est dessaisi du dossier et l'a renvoyé à un autre service. Il a invoqué “une gêne” sans fournir d'autres éclaircissements.

Abd El Fattah est poursuivi pour avoir avoir participé à une manifestation dénonçant les procès militaires de civils en novembre 2013. Bien que plusieurs personnes ayant participé à la manifestation aient été arrêtées, elles ont ensuite toutes été libérées ou graciées, à l'exception d'Abd El Fattah.

Dans une autre affaire, Abd El Fattah est passible d'une peine de prison supplémentaire pour avoir insulté le système judiciaire égyptien pour son manque d'indépendance dans un tweet. Cette accusation découle de commentaires qu'il a fait lors d'un procès controversé en 2013 au cours duquel 43 travailleurs d'une ONG furent condamnés à une peine de prison après avoir été reconnus coupables de diffamation envers le système judiciaire égyptien.

En 2016, le Groupe de travail des Nations Unis sur la détention arbitraire a conclu que la détention d'Alaa Abd El Fattah était “arbitraire” et a identifié plusieurs irrégularités dans son procès. Selon le groupe, “M. Abd El Fattah n'a pas bénéficié de son droit à un procès équitable respectant les règles des procédures internationales,”.

Depuis le coup d'état militaire de 2013 en Égypte, qui mit fin au régime du président élu Mohamed Morsi, et porta au pouvoir le général Abdel Fattah al-Sisi, des milliers de militant, de journalistes et de manifestants ont été emprisonnés. Des groupes de défense des droits de l'homme affirment que 60.000 prisonniers politiques du système judiciaire égyptien croupissent en prison. Les violations du système comprennent les mauvais traitements, les arrestations sans mandat, les longues détentions en attente de jugement, les procès en masse, les procès militaires et une augmentation inquiétante des condamnations à mort.

Dans un autre cas bien connu en Égypte, le procès du photographe Mahmoud Abu Zeid (connu sous le nom de Shawkan) a une fois de plus été reporté. Shawkan, qui est en détention provisoire depuis cinq ans, comparaîtra de nouveau devant le tribunal le 24 octobre. Il fut arrêté en août 2013, lorsqu'il photographiait des agents de sécurité égyptiens abusant de la force contre des manifestants s'opposant à l'éviction de Mohamed Morsi.

Pendant que le gouvernement égyptien adopte une attitude sévère à l'égard des manifestations publiques, ses tactiques de surveillance des mouvements des militants des droits de l'homme et de la démocratie s'approfondissent dans la sphère numérique. Depuis les manifestations de 2011, des preuves réelles de l'utilisation de techniques de surveillance par les agents de l’état égyptien pour cibler des militants ont fait surface.

Le gouvernement allemand aurait annulé une formation en sécurité de la police égyptienne à la surveillance des cybercrimes et du contenu extrémiste. Selon Associated Press, le gouvernement allemand aurait pris cette décision de peur que la police n'utilise les compétences acquises pour surveiller les citoyens n'ayant aucun lien avec le crime organisé.  

De nouvelles preuves de censure du web dressent un tableau sombre en Malaisie, en Inde et au Pakistan

Selon le Software Freedom Law Centre basé à New Delhi, plus de 23.000 URLs sont actuellement censurées en Inde. Le groupe indépendant de plaidoyer et de recherche a obtenu cette information par le biais d'une demande de droit à l'information, satisfaite par le Cyber Laws and E-Security Group sous le Ministère de l'électronique et de l'Information Technology Group.

Entre-temps, la Commission des communications et du multimédia de la Malaisie (MCMC) a rapporté lors d'une réunion publique la semaine dernière que les opérateurs de télécommunications avaient bloqué, à sa demande, 5.044 URL depuis 2015. Selon la Commission, la majorité de ces sites étaient pornographiques, obscènes ou “séditieux.”

Enfin, au Pakistan, un groupe de chercheurs indépendants de l'ONG Islamabad Bytes for All et de l'Open Observatory for Network Interference ont documenté la censure de plus de 200 URLs en utilisant leur propre logiciel de test technique. Commentant les résultats, Nighat Dad, Directrice exécutive de LADigital Rights Foundation et membre de Global Voices a déclar :

The filtration technology has been there for a while in Pakistan and I think back in 2011 or 2012 there was a report on Pakistan’s internet exchange gateway and they learnt about the filtration method and how to block websites — it has always been there. It doesn’t come as a surprise that 210 URLs were blocked….I’m sure if you test all of those available in the country there must be several hundred URLs blocked.

La technologie de filtration est présente depuis un bon moment au Pakistan et je pense qu'en 2011 ou 2012 il y a eu un rapport sur la passerelle d'échanges de l'internet au Pakistan et ils ont appris la méthode de filtration et de blocage des sites web — elle a toujours été là. Il n'est pas surprenant que 210 URLs aient été bloquées…. Je suis sûr que si vous testez toutes celles qui sont disponibles dans le pays il doit y avoir plusieurs centaines d'URLs bloquées.

Skype bloqué au Qatar

L'application d'appels vocaux et vidéo Skype basée aux États Unis a confirmé son blocage au Qatar. Le service de Microsoft, a déclaré que “Skype ne pouvait pas faire grand chose face à cette situation”. Doha News a rapporté que les utilisateurs au Qatar ont commencé à signaler des dysfonctionnements lorsqu'ils essayaient les services de voix sur IP (VoIP) comprenant WhatsApp, Skype, Viber et Facetime, dès le mois d'août. Ni les régulateurs ni les deux opérateurs de télécommunications du pays, Ooredoo et Vodafone, n'ont fourni d'explications sur la raison de la suspension.

Dans d'autres pays, les régulateurs ont bloqué les services VoIP dans une tentative de forcer les clients à payer les frais d'appels internationaux aux opérateurs locaux de téléphonie, au lieu d'utiliser les services comme Skype ou WhatsApp, qui fonctionnent sur l'infrastructure d'internet et n'occasionnent pratiquement aucun coût additionnel au consommateur.

Une base de données japonaise sur les discours de haine électorale

Un groupe japonais connu sous le nom du Centre d'informations anti-racisme a lancé récemment un site web intitulé “La base de données des discours politiques haineux durant les élections législatives en 2017 “. Le site vise à contenir des informations sur des douzaines de déclarations haineuses et discriminatoires faites par divers politiciens actifs se présentant aux élections à nouveau.

L'importance d'être vérifié

Les défenseurs des droits de l'homme et journalistes iraniens ont rapporté avoir des difficultés à se faire assister par les entreprises de réseaux sociaux lorsqu'ils sont victimes de harcèlement ou de piratage sur des plate-formes comme Facebook et Twitter. L'obtention d'un statut vérifié peut fournir aux utilisateurs des protections additionnelles contre les faux rapports et le signalement politique du contenu, mais les utilisateurs iraniens ont déclaré à Simin Kargar, chercheur de Global Voices, qu'ils peinaient à obtenir ce statut même après avoir envoyé la documentation requise. En outre, il n'existe pas d'information en farsi sur la procédure ou de guide aux utilisateurs sur la manière de signaler et de documenter le harcèlement sur Twitter, Facebook ou Instagram.

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