PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

Après 35 ans, Mgr Óscar Romero est reconnu comme martyr

vendredi 20 février 2015 à 16:03
Mural en homenaje a Monseñor Romero hecho por Jamie Morgan, San Francisco. Imagen de Flickr del usuario  Franco Folini (CC BY-SA 2.0).

Mural rendant hommage à Monsignor Romero fait par Jamie Morgan, San Francisco. Image sur Flickr de  l'utilisateur Franco Folin

Lundi, 24 mars 1980, a probablement commencé comme une journée ordinaire pour les paroissiens de San Salvador fréquentant les services à la chapelle de l'hôpital de la Divine Providence. Cependant la violence a entaché ce jour-là et 35 ans plus tard, il est toujours dans les mémoires comme un jour d'infamie. L'officiant de la messe, Mgr Óscar Arnulfo Romero [fr], a été abattu pendant le service. La balle est allé directement dans son cœur. Il avait 62 ans.

En février 2015, après une longue campagne des salvadoriens, l'Eglise catholique a canonisé Mgr Romero.

En plus d'être un prêtre, Mgr Romero était un défenseur bien connu des droits humains. La veille de son assassinat, il s'adressait à des officiers militaires d'El Salvador, en disant:

Yo quisiera hacer un llamamiento muy especial a los hombres del Ejército, y en concreto a las bases de la Guardia Nacional, de la policía, de los cuarteles: Hermanos, son de nuestro mismo pueblo, matan a sus mismos hermanos campesinos y, ante una orden de matar que dé un hombre, debe de prevalecer la ley de Dios que dice: ‘No matar’. Ningún soldado está obligado a obedecer una orden contra la ley de Dios. Una ley inmoral, nadie tiene que cumplirla.

Je veux lancer un appel très spécial aux hommes dans l'armée, et en particulier à la garde nationale, la police et les casernes : Frères, vous venez de ce même peuple, vous tuez vos frères paysans, et quand des hommes vous ordonnent de tuer d'autres hommes, la loi de Dieu doit prévaloir, celle qui déclare: “Tu ne tueras point”. Aucun soldat ne doit obéir à un ordre contre la loi de Dieu. À une loi immorale, personne n'est tenu de se conformer.

En 1993, treize ans après son assassinat, la Commission de la Vérité, une entité créée pour enquêter sur les crimes les plus graves commis pendant la guerre civile salvadorienne [fr], a conclu que c'est un sniper qui avait assassiné Msgr Romero. Le nom du tireur était Marin Samayor Acosta, un caporal de la garde nationale, aujourd'hui disparu, et membre du détachement de sécurité de l'ancien président. Marin Samayor Acosta aurait reçu 114 dollars pour l'assassiner. Le 6 novembre 2009, l'alors Président Mauricio Funes [fr] avait décidé d'enquêter sur l'assassinat de Romero, en conformité avec un ordre de la Cour interaméricaine des droits de l'homme en 2000.

Le 24 mars 1990, dix ans après l'assassinat, le processus de canonisation de Msgr Romero a débuté. Près de vingt-cinq ans plus tard, le 3 février, 2015, le Pape François [fr] a officiellement proclamé Msgr Oscar Romero martyr de l'Eglise, assassiné par la “haine contre la foi.”

Bien que plus de 30 années se soient écoulées depuis son assassinat, des hommages sont toujours rendus à Mgr Romero dans différents médias, comme le site LupaProtestante, qui écrivait récemment:

Esa voz comprometida lo llevó [a Romero] a denunciar a los ricos y poderosos. A exigir la defensa de la vida, las corrupciones a todo nivel, la mentira sistemática y estructurada que encubría desde la tortura hasta las desapariciones y los asesinatos. No rehuía presentar casos concretos en sus homilías y reclamarles a los gobernantes y a las fuerzas armadas respeto por la dignidad humana, la promoción de la paz con justicia y preservar para las futuras generaciones una patria en la que cupieran todos y todas en fraternidad y libertad plena.

Avec cette voix engagée, il [Romero] dénonçait les riches et les puissants. Il défendait la vie et condamnait la corruption à tous les niveaux, le mensonge systématique et structuré qui cachait aussi bien la torture que les disparitions et les meurtres. Il n'hésitait pas à présenter des cas spécifiques lors de ses services et disait aux dirigeants et aux forces armées de respecter la dignité humaine. Il a promu la paix avec la justice et a essayé de préserver pour les générations futures une patrie où tout le monde pourrait vivre dans la fraternité et la liberté complète.

Le blog SuperMartyrio, quant à lui, reconnaît la contribution de l'ancien-président Funes à la canonisation de Msgr Romero.

Hay que empezar reconociendo el bien que ha hecho el Pdte. Funes: el primer presidente en reconocer el valor de Mons. Romero para la sociedad y cultura de El Salvador—ya no se diga ser el primer presidente en reconocer la responsabilidad estatal por su asesinato, y pedir perdón por ella. Sus esfuerzos a favor de la canonización también han sido apreciables.

Nous devons commencer par reconnaître l'action du président Funes: [il a été] le premier président à reconnaître la valeur que représentait Mgr Romero pour la société et la culture d'El Salvador et encore plus, il a été le premier président à reconnaître la responsabilité de l'état dans cet assassinat, et demander pardon. Ses efforts dans le processus de canonisation ont également été considérables.

Le site Web Opiniones impertinentes, quant à lui, a relevé certaines des erreurs de Mgr Romero:

Romero no lo hizo todo bien. Romero tuvo errores, se comprometió a veces en exceso con la izquierda [...]. Durante todo el tiempo contó con el apoyo expreso de Pablo VI, al que visitó dos veces en sus tres años de gobierno, y de Juan Pablo II, que le conoció en Roma en 1979.

Mgr Romero n'a pas tout bien fait. Il a commis des erreurs, il a parfois été trop proche des gauchistes [...]. Tout au long de son parcours, il avait le soutien clair du Pape Paul VI, à qui il a rendu visite à deux reprises au cours de ses trois années de service et l'appui de son successeur Jean-Paul II, qu'il a rencontré à Rome en 1979.

Msgr Romero a aussi été évoqué sur Twitter:

Santiago de María évêque, Rodrigo Orlando Cabrera, a lancé un appel aujourd'hui à Ciudad Barrios [environ à 160 kilomètres de San Salvador] aux catholiques à reconnaître le martyre de Mgr Romero.

Monseigneur Romero s'est battu contre l'injustice et la violence. Il est ironique que [le parti politique du Président Funes] le Front de libération nationale Farabundo Martí [fr] ait pris pied à El Salvador seulement en allant contre ce que prêchait Mgr Romero.

C'est tellement triste de voir comment il y a des gens qui s'expriment de façon péjorative à propos de Mgr Romero … Je prie Dieu qu'ils changent leurs mentalités un jour.

C'est là que Mgr Romero dormait. Pour en savoir plus sur sa vie.[Lien]

Monseigneur Romero n'a pas été entendu. La haine de l'oligarchie était plus forte, et parce qu'il était prêtre catholique, il a été assassiné. C'était son martyre.

Les restes de Mgr Romero sont enterrés dans la crypte de la cathédrale métropolitaine de San Salvador.

Laura Vidal a collaboré dans la rédaction de ce billet.

Tweetez dans votre #Languematernelle le 21 février

jeudi 19 février 2015 à 21:01
Tweet bird Image by Id-iom and used under a CC BY-NC 2.0 Creative Commons license.

Image Id-iom, utilisée sous licence CC BY-NC 2.0 

Sur les quelques 7 000 langues parlées dans le monde, seule une petite fraction se trouve sur Internet. Sur la plate-forme Twitter, 85% des tweets sont écrits seulement dans huit langues, selon une étude - ce n'est pas exactement une fidèle représentation de la diversité culturelle et linguistique de la planète.

Même si de plus en plus de communautés commencent à découvrir les possibilités de partage en ligne dans leur langue, on peut encore faire beaucoup plus pour sensibiliser et mettre en évidence ces efforts. Pour la Journée internationale de la langue maternelle, le 21 février, Rising Voices s'associe à nos partenaires Living Tongues Institute (Insitut des langues vivantes), au projet Langues en danger [fr] et à Indigenous Tweets (Tweets indigènes)”.

Par cette campagne en ligne, nous voulons encourager les internautes qui partagent leur langue sur Twitter, avec un accent particulier sur les langues autochtones, minoritaires et menacées, qui peuvent ne pas être bien représentées en ligne.

Il est facile de s'impliquer:

Étape 1 – Tweetez dans votre langue maternelle

Étape 2 – Ajoutez des hashtags

Étape 3 – Participez à la conversation!

Pour plus d'informations sur la façon de participer, vous pouvez consulter le site de la campagne.

Pourquoi tweeter dans votre #languematernelle ?

Malgré l'augmentation du nombre de langues utilisées en ligne, de nombreuses communautés se heurtent encore à des problèmes constants quand elles essaient de communiquer à travers les médias sociaux. Certaines langues n'ont pas de clavier qui permette aux utilisateurs d'écrire dans leur langue, et de nombreuses régions du monde n'ont toujours pas la connectivité nécessaire, ce qui les exclue de la conversation en ligne.

Toutefois, la communication Internet un outil important pour la préservation de la langue et de sa revitalisation. Les outils numériques faciles à utiliser permettent à plus de personnes de créer du contenu dans leur langue, et Internet permet de se connecter, indépendamment des distances géographiques.

Cette campagne exposera le travail de nombreuses personnes et des groupes engagés qui utilisent leurs langues sur Internet, dont beaucoup peuvent être considérés comme des “activistes numériques de la langue” par leur rôle dans la réduction de cette fracture, et parce qu'ils encouragent une nouvelle génération de locuteurs. Nous avons la chance de pouvoir compter sur la participation “d'ambassadeurs” tels que Rodrigo Pérez (ISF_MX ) du Mexique, qui tweete régulièrement en langue zapotèque et de Ignacio Tomichá Chuve (MonkoxBesiro) de Bolivie, en langue bésiro (chiquitano). Il  a créé ces vidéos lançant une invitation à participer à la campagne.  D'autres vidéos d'ambassadeurs sont en préparation et seront ajoutées à la liste de lecture:

Merci d'aider ces nombreuses personnes à travers le monde. Le site de la campagne a déjà été traduit dans plus de 25 langues, y compris  l'odia, le sena et le lezgian. Beaucoup de ces traductions provenaient de membres de Global Voices, une communauté de traducteurs bénévoles.

Avec votre aide, nous pouvons ouvrir la voie à un Internet plus multilingue où les différentes langues sont célébrées, et non exclues. Tout ce qu'il faut, c'est un tweet ou retweet !

La mort d'un procureur argentin soulève de nouvelles questions sur l'attentat contre AMIA

jeudi 19 février 2015 à 13:04
Marcha por la muerte del fiscal Alberto Nisman.

La marche organisée à l'annonce de la mort du juge  Alberto Nisman. Quinta de Olivos. Buenos Aires. Image du compte de JMalievi sur Flickr sous licence Creative Commons.

La mort de Alberto Nisman, le procureur argentin qui était en charge ces 10 dernières années de l'enquête sur l'attentat contre le siège de l'association mutuelle Israël Argentine (AMIA) en 1994, à Buenos Aires, laisse une fois de plus cette tragédie sans réponse et ajoute en même temps plus de questions.

 Le premier à annoncer cette nouvelle a été le journaliste Damián Patcher  sur son compte Twitter:

On vient de m'annoncer un accident dans la maison du procureur Alberto Nisman.

 

On a trouvé le procureur Alberto Nisman dans la salle de bain de sa maison de  Puerto Madero  dans une mare de sang, il ne respirait plus, les médecins étaient là

Patcher a quitté l'Argentine quelques jours après “par crainte pour sa sécurité” et  se trouve actuellement en Israël. La mort inattendue  du juge ne laisse personne indifférent comme le montre ci-dessous la carte Twitter:

El impacto del hashtag #MuertedeNisman en todo el mundo quedó plasmado en esta visualización desarrollada mediante la herramienta CartoDB.

 L'impact du hashtag #MortdeNisman  dans  le monde est visualisé grâce à l'outil CartoDB.

 Les spéculations sur les hypothèses, suicide ou homicide, ne se sont pas fait attendre, pas plus que les échanges entre le gouvernement et l'opposition :

la mort du juge qui avait mis en accusation la Présidente est une opération menée contre le gouvernement

Oui ,cela crée un préjudice pour le gouvernement, mais d'une certaine façon, ceux qui l'ont tué ont également porté atteinte à la réputation de Nisman.

Qui a averti CFK? A quelle heure le juge est-il arrivé?

 Si l'on en croit les autorités argentines, Nisman, 51 ans, se serait suicidé seulement quelques heures avant de comparaître devant le Congrès pour présenter son accusation contre la présidente Cristina Fernández de Kirchner, qu'il accuse de s'être prêtée à un accord secret avec l'Iran pour protéger les présumés responsables de l'attentat dans lequel 85 personnes sont mortes et 300 autres ont été blessées.

 Le 18 juillet 1994, dans la matinée,  environ 300 kg d'explosifs ont explosé devant l'immeuble de la AMIA. Les recherches de la justice argentine et d'organismes internationaux ont permis de déterminer que des fonctionnaires iraniens liés au groupe libanais Hezbolá seraient à l'origine de cet attentat.

Néanmoins, le gouvernement iranien a rejeté ces accusations et refusé à plusieurs reprises de collaborer à l'enquête malgré une plainte  déposée devant les Nations unies.

En 2013, l'Argentine et l'Iran ont signé un accord, le ” Protocole d'entente“, par lequel était créée une “commission de la vérité” pour éclaircir les faits qui se sont produits en 1994. Ce protocole n'a pas été bien reçu par la communauté juive d'Argentine, la plus grande d’ Amérique latine,  mais il fut un échec par manque d'intérêt du gouvernement iranien qui ne le fit pas  approuver par son parlement, car il  n'avait jamais été soutenu par le président d'alors Mahmoud Ahmadinejad.

Le juge Nisman soutenait que cet accord avait été signé pour “fabriquer l'innocence” des Iraniens et faciliter des échanges commerciaux de céréales et de viande contre du pétrole…

 L'unique personne poursuivie dans cette affaire a été Carlos Telleldín, le vendeur de la camionnette bourrée d'explosifs que son conducteur, en se suicidant, a fait exploser contre l'immeuble de l'AMIA.  Mais les véritables coupables sont toujours libres.

 Plus d'informations et de détails sur cette affaire ici

L'application Grindr au Kremlin, ou les gays et l'Internet dans la Russie de Poutine

jeudi 19 février 2015 à 11:28
Images mixed by Tetyana Lokot.

Collage réalisé par Tatiana Lokot

En décembre dernier, Vladimir Poutine défendait maladroitement face à un parterre de militants des droits de l'homme son décret tristement célèbre interdisant la “propagande” homosexuelle en Russie. Reconnaissant une atteinte aux droits de l'homme, il arguait que cette loi s'inscrivait dans le “choix stratégique” de la Russie de défendre les couples traditionnels, et qu'une “approche équilibrée” – quand les gens ne “se gênent” pas et ne “s'excluent” pas les uns les autres – était ce qui convenait le mieux au pays.

Si “équilibrée” que se veuille la politique de Poutine et du Kremlin, elle a initié une vague de mesures anti-LGBT en Russie. Les discriminations et les comportements haineux envers la communauté LGBT ont augmenté suite à l'adoption de la loi de 2013, que les militants des droits de l'homme accusent de formulations délibérément “vagues et imprécises” et d'”atteintes à la liberté d'expression”. Une recherche Internet montrera que la communauté LGBT est représentée en ligne, et en forte augmentation, mais pas forcément à visage découvert, car la Toile est vite devenue le terrain favori du Kremlin et des lobbies conservateurs pour agresser la communauté homosexuelle.

Les débuts et les acquis

La légalisation de l'homosexualité et l'apparition d'Internet ont favorisé la reconnaissance des gays et le boom des réseaux sociaux en Russie. Les sites web de dialogue entre gays ont représenté pour eux un moyen de s'intégrer, car ils y étaient relativement libérés de l'obligation de s'identifier, comme de la menace des insultes homophobes.

Il existe aujourd'hui une grande variété de sites de rencontre LGBT : russes ou étrangers, ils sont largement utilisés par les membres de la communauté. Si des groupes de Moscou ou Saint-Pétersbourg bénéficient d'espaces sécurisés, dans des villes plus petites ou plus conservatrices l'Internet reste le seul lien avec la vaste communauté LGBT. Même si certains Russes trouvent que ces sites de rencontre ne valent pas d'y consacrer du temps et des efforts, ils restent populaires en Russie. Certains, tel qguys.ru, comptent environ 300 000 profils actifs.

Populaires aussi, les applications de rencontre comme Grindr, malgré quelques failles en matière de confidentialité. Ainsi, en 2014, la fonction de localisation de l'application Grindr a révélé sa vulnérabilité, quand un blogueur a communiqué [en anglais] la localisation de plusieurs utilisateurs, parmi lesquels plusieurs profils Grindr actifs [en anglais] dans l'enceinte même du Kremlin.

Grindr in the Kremlin, where several active profiles were spotted by a concerned activist. Image from http://americablog.com/.

Grindr au Kremlin, où plusieurs profils actifs ont été localisés par un militant. Photo du site http://americablog.com/ [en anglais].

Encore plus positive, la tentative de créer des réseaux sociaux pour le soutien en ligne des LGBT mineurs. La plus célèbre est Diety-404 [Enfants-404] : 404 étant le code d'erreur d'une  URL inactive ou inexistante, c'est un jeu de mots sur la position du gouvernement envers les adolescents LGBT, qu'il traite comme des “invisibles”. Le groupe publie des témoignages poignants et magnifiques de ces adolescents à l'orientation sexuelle non traditionnelle, qui se battent pour trouver leur identité au sein d'un entourage hostile. C'est en dehors des groupes officiels que certains de ces jeunes trouvent un soutien, dans la culture de leur âge. On sait que le milieu de la musique alternative en Russie est tolérant envers les mineurs LGBT, et d'autres jeunes ont trouvé un soutien dans le monde de l'anime [culture de l'animation et du manga japonais] [en anglais].

Les défis et les dangers

Si le net en langue russe a permis de “booster” les soutiens sociétaux, il est aussi devenu l'instrument de toutes sortes de crimes violents et de plus en plus nombreux à l'encontre des homosexuels. Comme le montre la BBC, Human Rights Watch [liens en anglais] et “Enfants-404″, des sortes de milices populaires se servent de pages web de personnes de leur connaissance pour, sous prétexte de rencontre, placer des homosexuels – presque toujours des hommes – dans une situation qui va mettre leur vie en danger. Une fois en tête à tête, les membres de ces milices s'en prennent en paroles et physiquement à leurs victimes (et dans les cas extrêmes les tuent) [en anglais] puis mettent en ligne les vidéos de leurs agissements sur les sites et réseaux sociaux anti-LGBT. Bien que quelques-uns de ces groupes aient été supprimés ou bannis [des réseaux sociaux], certains comptent jusqu'à 170 000 membres, et leurs vidéos récoltent des dizaines de milliers de vues.

Si la violence et le harcèlement à l'égard des homosexuels ne sont pas des nouveautés en Russie, leur stigmatisation par ces milices populaires est le produit direct de la récente interdiction russe de la propagande homosexuelle. Cette loi qui interdit “la propagande des liens non traditionnels entre mineurs” amalgame tellement homosexualité et pédophilie que la plupart des Russes détestent les groupes qui la défendent. Le plus important de ces groupes est “Occupy Pedophily”, dont les membres utilisent indifféremment les mots “pédophilie” et “homosexualité” et se vantent de défendre la jeunesse russe contre les pédophiles par des agressions homophobes. Enfin, le fait que le texte de la loi ne différencie pas clairement manifestations privées et publiques de la sexualité a permis à ces milices populaires d'utiliser à leurs fins des données personnelles de membres de la communauté LGBT russe.

La pression causée par la loi russe n'a fait que compliquer le problème, en fermant les yeux sur les cas de passages à tabac et de violences qui ont été rapportés. Comme le rapporte Human Rights Watch, la police russe estime que ces passages à tabac sont justifiés dès lors que les victimes ont exprimé publiquement leur orientation homosexuelle. Quant aux agresseurs, ils peuvent arguer à leur tour que la victime s'est présentée comme homosexuelle ou les a dragués, ce qui justifie pour eux la légitime défense. Résultat, l'immense majorité des crimes de haine contre les mineurs LGBT restent impunis. Il est pratiquement impossible de dresser des statistiques fiables des violences subies par les groupes et les personnes LGBT.

Malgré les centaines de vidéos montrant ces violences à l'encontre des homosexuels, certains législateurs russes continuent à les nier. Vitali Milonov, auteur du projet de loi de Saint-Pétersbourg sur la question LGBT, qui a servi de précédent pour la législation russe, considère [en anglais], que ces vidéos véhiculent une “information mensongère”, et que tous les gays sont des violeurs-”pédophiles” qui se rendent coupables en Russie de “beaucoup plus de violence” que les hétérosexuels.

Outre la violence explicite de ces milices populaires, Internet est devenu un instrument qui cible de plus en plus les sources de revenus des homosexuels ou des sympathisants qui les éduquent ou travaillent à leurs côtés. Les militants anti-LGBT commencent souvent par identifier les internautes homosexuels et leurs amis à l'aide de leurs photos publiées en ligne et de leurs profils sur les réseaux sociaux. Ces photos et leurs informations personnelles sont utilisées dans des campagnes de diffamation en ligne pour pousser les parents à menacer leur employeur de porter plainte. Cette tactique est pratiquée par des groupes en ligne dont le plus remarquable s'appelle “Parents de Russie”. Sous couvert de défendre leurs enfants, ils se donnent ouvertement pour but d'écarter tous les enseignants appartenant à la communauté LGBT ainsi que leurs sympathisants. A l'heure actuelle, leur tactique a prouvé son efficacité. Timour Issaïev, le leader de ces “Parents de Russie”, reconnaissait il y a peu que 29 enseignants avaient été renvoyés suite à сes campagnes de diffamation. Pour les enseignants russes, cela signifie que toute relation avec les droits des gays (peu importe qu'ils soient ou non gays eux-mêmes, ou qu'ils aient pris position de manière privée) est un motif possible de licenciement

Non seulement le gouvernement russe ferme les yeux sur ces pratiques, mais en plus il cible lui-même des associations LGBT sur Internet. L'association mentionnée plus haut, “Enfants-404″ a fait l'objet d'un acte d'accusation officiel [en anglais] et d'un jugement pour violation de la loi interdisant la propagande homosexuelle à l'usage des adolescents LGBT. Bien que que les représentants légaux de l'association n'aient pu, pour raisons médicales, se rendre aux délibérations, le tribunal a refusé de reporter l'audience, et l'association va sans doute devoir cesser son activité. Autre cas, celui de 75 000 utilisateurs d'une application de rencontre pendant les JO de Sotchi , qui ont été bloqués par des hackers et avertis [en anglais], qu'ils contrevenaient à la loi russe et risquaient d'être arrêtés.

De sombres perspectives

Même si Poutine et le Kremlin semblent satisfaits de leur approche “équilibrée” de l'homosexualité, l'entrée en vigueur de ces normes juridiques coercitives et leur application inflexible ouvrent la voie à la discrimination et à la haine. L'Internet aurait pu constituer un espace protégé pour la communauté LGBT russe, mais le Kremlin a libéré une vague de haine qui a atteint le coeur même de son existence en ligne. Même s'il restera sans doute des zones sécures dans les grandes villes russes, l'homophobie qui perdure et le contrôle de l'internet par le gouvernement représentent une menace croissante pour la Toile mondiale, l'un des moyens de communication principaux de la communauté LGBT et l'un des rares espaces de liberté d'expression qui restent.

Zambie : Une absence présidentielle qui provoque des spéculations

jeudi 19 février 2015 à 11:23
Président Edgar Lungu lors d'une visite en hélicoptère du Parc national du sud de la région du Luangwa pendant les vacances, deux semaines après sa prise de fonctions. Photo utilisée avec la permission de Salim Henry / shenpa.

Le  Président Edgar Lungu lors d'une visite en hélicoptère du Parc national du sud de la région du Luangwa pendant les vacances, deux semaines après sa prise de fonctions. Photo utilisée avec la permission de Salim Henry / shenpa.

À peine deux semaines après sa prise de fonction, le Président zambien nouvellement élu M. Edgar Lungu a surpris la nation quand il a pris des vacances, ce qui alimente les spéculations sur son état ​​de santé – un sujet qui a été soulevé dans la campagne électorale du 20 janvier pour remplacer le Président Michael Sata [fr] décédé en fonction le 28 octobre 2014.

Juste après avoir remporté l'élection pour succéder à M. Sata, le Président Lungu a subi des examens médicaux au Trust Hospital de Lusaka et à l'hôpital militaire Maina Soko, tous deux à une courte distance du palais présidentiel dans le quartier Woodlands de la capitale. Se démarquant de la pratique de son prédécesseur de ne pas parler de sa santé, son porte-parole M. Amos Chanda a déclaré dans un communiqué :  

Son Excellence M. Edgar Chagwa Lungu, Président de la République de Zambie a subi deux examens médicaux aujourd'hui à l'hôpital militaire Maina Soko et à l'Hospital Trust Lusaka respectivement.

Le Président Lungu a entrepris un contrôle de routine de ses paramètres médicaux au Maina Soko, et dentaire au Trust Hospital de Lusaka. Les médecins lui ont fait un bilan de santé.

Néanmoins, on a sourcillé pour ses vacances, qui ont commencé après sa première mission internationale lors d'un voyage pour une conférence au sommet de l'Union africaine (UA) dans la capitale éthiopienne, Addis-Abeba. Avocat devenu politicien, Me Lungu, qui s'est rendu au parc South Luangwa National Park, l'une des destinations touristiques de la Zambie, n'avait pas encore terminé de surprendre son Cabinet.

Le Président Lungu, cité dans le quotidien The Post, a défendu sa décision de faire ce qu'il appelle une retraite:

Je vous ai dit que je n'aurais eu aucune lune de miel. Il y a une différence entre un jour férié et une retraite; en regardant le dictionnaire ce matin et je me suis demandé, ‘ces gens le savent-ils?

Je pars pour une retraite, je ne suis pas en vacances. Vous n'allez pas en vacances avec votre personnel de bureau au complet. Le chef de Cabinet ainsi que certains de mes ministres et les fonctionnaires du gouvernement ne me suivront pas pour me soigner, mais pour m'aider  dans mes rendez-vous.

Il a ajouté:

Je connais mes priorités ; certains observateurs effrontés disent ‘Lungu ne connaît pas ses priorités”. Ma priorité est le peuple de la Zambie. Comment j'organise mon travail n'est la prérogative de qui que ce soit ; elle ne relève que de moi.

Avant les élections du 20 janvier,  Dr. Canicius Banda, un médecin, vice-président du Parti unifié pour le développement national, avait déclaré que c'était au gouvernement de fournir la preuve que le Président du Front patriotique, M. Lungu, était en bonne santé, car un certificat médical que son parti avait vu indiquait que le désormais chef de l'Etat aurait été victime d'un problème de rein.

Le Dr. Banda a rétracté plus tard sa requête de voir le rapport médical de M. Lungu.

Le blogueur Elias Munshya Munshya, en réponse à la requête du Dr. Banda de voir le dossier médical du Président Lungu, a écrit :

Je comprends que certains zambiens se préoccupent de la santé des candidats à la présidentielle. Cependant, exiger des examens médicaux pour les candidats est aussi ridicule que demander que les candidats soient d'un certain niveau d'éducation. En effet, si nous devions nous soucier des rapports médicaux des candidats,  où allons-nous nous arrêter? Est-ce que la preuve d'une maladie du poumon affecte la capacité d'une personne à gouverner? C'est pourquoi notre constitution stipule seulement que ce n'est qu'en cas d'incapacité qu'un élu ne pourra pas continuer à gouverner.

Elle ne stipule pas qu'un Président ne doit pas gouverner s'il est malade, une telle exigence serait impossible à satisfaire par de simples mortels.

C'est compréhensible que les zambiens soient préoccupés par la santé de leurs présidents ou ceux qui aspirent à l'être. Le pays a connu la mort de deux chefs d'état en exercice – Levy Mwanawasa, décédé en 2008 en France, des suites d'une attaque cérébrale au cours d'une mission de l'Union africaine en Egypte, et Michael Sata, qui était malade et a été  évacué vers la Grande-Bretagne pour des soins, mais qui y est décédé. L'ancien président Frederick Chiluba, qui a servi comme deuxième président du pays, est mort en Zambie suite à une série de voyages en Afrique du Sud pour des traitements et check-ups pour des complications cardiaques.

M. Lungu a battu 10 autres candidats, par simplement 1,66 pour cent des votesLe  sur son concurrent le plus proche, le candidat de l'opposition de l'UPND, Hakainde Hichilema, pour devenir le sixième président de la Zambie depuis l'indépendance de la Grande-Bretagne en 1964.