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Au Nigeria, des femmes musulmanes et chrétiennes liguées pour combattre la violence des extrémistes

mardi 20 janvier 2015 à 23:30
Nigerian pastor Esther Ibanga joined with Muslim leaders in the city of Jos to call for the return of Chibok girls who were kidnapped by the extremist group Boko Haram. Credit: Women Without Walls Initiative (Willie Abok). Published with PRI's permission

Esther Ibangaa, pasteure nigériane, se joint aux responsables musulmanes de la ville de Jos pour demander le retour des jeunes filles de Chibok kidnappées par les extrémistes du groupe Boko Haram. Crédit photo: Women Without Walls Initiative (Willie Abok). Publié avec l'autorisation de PRI

Cet article ainsi que l'interview radio faite par Joyce Hackel pour The World ont été publiés sur PRI.org le 14 janvier 2015, Conformément à un accord de partage de contenu nous les republions.

Les yeux étaient tous tournés vers la France la semaine dernière, et on a peu parlé dans le monde d'un massacre perpétré par des extrémistes religieux à Baga au nord-est du Nigeria.

Cette disparité dans la couverture de l'information est criante, particulièrement pour les Nigérians.

Esther Ibanga, pasteure dans la ville de Jos, a fondé un groupe dénommé Women Without Walls (Femmes Sans Murs). Elle regrette que le monde n'ait pas prêté plus d'attention aux attentats de Boko Haram qui ont coûté la vie à des centaines, voire des milliers de Nigérians.

“J'ai de la colère au fond de moi. Mais cette colère va à mon gouvernement”, dit Ibanga, la pasteure des Missions Chrétiennes de la ville de Jos. “Parce que mon gouvernement et mes dirigeants doivent considérer leur population. S'ils ne sont pas les premiers à respecter leur propre peuple, qui d'autre le fera ?”

Jos est la capitale de l'Etat de Plateau au centre du pays. Elle se situe à des centaines de km au sud de l'Etat de Borno, le fief de Boko Haram, au nord-est du Nigeria. Dans cette région les tensions religieuses ont précédé Boko Haram et ont débuté au milieu des années 1990.

“C'est malheureux, mais avec les années on s'est en quelque sorte habitués à ce que les chrétiens et les musulmans ne s'entendent pas.” dit Ibanga.

Même après que les tensions sont devenues une habitude, la violence des massacres de 2010 à Dogo-Nahawa a fait de Ibanga et d'autres femmes de la région des activistes virulentes et actives.

“La guerre arrivait dans les chambres à coucher,” dit-elle. “Dans le village qui a été attaqué, ils sont allés jusqu'aux chambres à coucher la nuit pour les tuer dans leur sommeil”.

Ibgana a réagi en organisant une marche dans Jos qui a réuni 100.000 femmes, principalement des chrétiennes. L'idée, se rappelle-t-elle, était de “faire prendre conscience au gouvernement que les femmes du Plateau n'allait pas se taire.”

Mais dans les semaines qui ont suivi, Ibanga et d'autres se sont aperçu que la violence des extrémistes à Dogo-Nahawa était en fait une opération de représailles à une précédente attaque dans la région de la part de militants chrétiens.

“Les femmes musulmanes ont alors réagi en disant que les leurs aussi avaient été tués”, rappelle-t-elle. Et les femmes musulmanes ont elles aussi manifesté de leur côté.

Malgré tout, après les manifestations des chrétiens et des musulmans, les affrontements violents se sont poursuivis. C'est alors que Ibanga a pris contact avec une responsable religieuse musulmane locale, Khadija Hawaja.

“C'est là que j'ai compris que le fond du problème n'était pas religieux mais politique. Mais la religion était utilisée comme un outil très puissant,” dit-elle. “J'ai pris contact avec elle et je lui ai dit, ‘Ecoute, tu sais que nous ne sommes pas le problème l'une de l'autre. Le problème n'est pas que tu sois musulmane et moi chrétienne. Ces politiciens provoquent nos confrontations. Et cela les arrange pour rester au pouvoir'”.

La ville de Jos étant si marquée politiquement, les deux femmes se sont rencontrées en “terrain neutre” – dans un restaurant.

“Elle aurait pu se faire tuer,” dit Ibanga. “Et moi aussi j'aurais pu me faire tuer en allant dans une communauté musulmane.”

Après plusieurs mois de collaboration, Ibanga et Hawaja ont créé l'Initiative Women Without Walls (Femmes sans murs).

“On veut faire tomber les murs qui nous divisent et nous séparent, que ce soient les murs des classes sociales, les murs des ethnies, les murs de la religion,” dit-elle. “Nous ne voulons pas combattre aux côtés des politiciens. Nous sommes des mères. Nous donnons la vie et nous sommes porteuses de solutions. Nous pensons que nous sommes en mesure de proposer des solutions, plutôt que de nous appesantir sur le problème.”

L'islamiste britannique Anjem Choudary ne représente pas tous les musulmans (Expliquez ça au journal USA Today)

mardi 20 janvier 2015 à 20:30
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Image publiée sur Twitter par @MlleMaaandy, étudiante en communication à l'Université d'Avignon.

[Billet d'origine publié le 11 janvier 2015] L'ensemble des médias de la planète – et une grande partie de la population mondiale – est  en deuil suite à la mort de douze personnes aux mains d'assasins cagoulés. L'attaque des locaux du magazine satirique Charlie Hebdo à Paris a engendré différentes discussions à propos de la liberté d'expression, du discours incitant à la haine et du “choc des civilisations.” 

Jeudi, USA Today— deuxième diffusion de la presse américaine— a publié un article d'opinion écrit par Anjem Choudary, un islamiste britannique qui défend la loi islamique au Royaume Uni, et qui a souvent été appelé extrémiste par ses compatriotes. Dans l'article, Chouday a choisi de parler pour le compte de ses 1,6 milliard de coreligionnaires, en affirmant : “Les musulmans ne croient pas au concept de liberté d'expression, car leurs discours et actions sont déterminés par la révélation divine et ne sont pas basés sur les désirs des personnes.”

Son auto-proclamation de porte-parole de tous les musulmans est ridicule, mais le journal parait néanmoins l'avoir cru , en présentant son opinion comme le seul point de vue contraire à l'éditorial soutenant la liberté de la presse en solidarité avec Charlie Hebdo. Comme le journaliste du Daily Dot, Patrick Howell O’Neill l'écrit, “Choudary prend trop fréquemment le micro comme s'il représentait réellement tous les musulmans [et] beaucoup d'entre eux en sont furieux”.

Lorsque j'ai signalé cela sur Twitter, l'éditeur du forum de USA Today a évoqué, comme en différentes occasions, des sondages dans les pays musulmans, comme s'il insinuait que l'opinion de Choudary n'était en fait pas si éloignée de celle de la majorité. 

@jilliancyork Nous l'avons qualifié d'”extrémiste” (voir biographie). De nombreuses personnes partagent son opinion. Consultez les sondages dans les pays musulmans sur la lapidation des femmes adultères. 

Ce que l'on ne devrait pas être obligé de dire est la chose suivante : les musulmans constituent approximativement 23% de la poulation mondiale et vivent partout dans le monde, des Etats-Unis à l'Indonésie. Comme les chrétiens ou les juifs, leur piété varie amplement, comme leurs systèmes de croyance et leurs pratiques religieuses. Certains musulmans soutiennent l'idée de la liberté d'expression et certains non. Comme dans n'importe quelle population.

En France, selon Juan Cole, un tiers seulement de la population musulmane se dit interéssée par la religion. Cole soutient que le but des terroristes en attaquant Charlie Hebdo n'était pas en soi de faire taire les journalistes mais d'”augmenter les contradictions” en poussant les “Français non musulmans à être inhumains avec les Français musulmans pour le seul fait de leur religion.”

Cela a l'air de fonctionner. Depuis l'attentat de Paris, il y a eu une série de représailles contre les musulmans. En présentant les détestables opinions de Choudary comme représentatives de la population musulmane, USA Today alimente la théorie de plus en plus populaire de “nous contre eux” . Nous, les occidentaux civilisés qui n'attaquent rien qu'avec des crayons, eux, les sauvages qui ne peuvent encaisser un simple discours. 

Evidemment ce n'est pas si simple. Il n'y a rien qui puisse justifier le cruel massacre de journalistes… mais il n'y a rien qui justifie non plus l'agression de l'Occident au monde musulman. Paraphrasant une excellente phrase d'un post avec lequel je ne suis d'accord qu'en partie, il faut se rappeler que les “puissantes plumes de la civilisation occidentale” ne sont pas les seuls missiles visant les musulmans. Ce discours n'est pas dépourvu de sens.

J'ai passé la majeure partie de la dernière décennie à travailler dans le monde arabe avec quelques-uns des plus grands défenseurs de la liberté d'expression, dont de nombreux musulmans. Bien qu'ils aient des opinions différentes sur ce qui constitue “un discours incitant à la haine”, la plupart d'entre eux soutiennent l'éthique du “il se peut que je ne sois pas d'accord avec ce que tu dis, mais je me battrais jusqu'à la mort pour ton droit à le dire”. Des amis, comme Alaa Abd El Fattah, ont été emprisonnés pour leurs propos, alors qu'ils étaient  calomniés par les médias occidentaux. La majorité d'entre eux vit dans des pays où la censure s'est historiquement montré implacable et ils comprennent par expérience propre ce que veut dire de devoir choisir un discours consideré acceptable.

Choudary, pour sa part, a vécu toute sa vie au Royaume Uni, un pays qui, bien que perfectible dans le domaine du droit, offre beaucoup plus de liberté d'expression que le pays de ses parents, le Pakistan. De sa position là-bas, il est facile pour lui de prétendre parler au nom des milliards de musulmans dont il comprend à peine les combats.

Voici cinq articles et auteurs à qui USA Today aurait pu faire place au lieu de Choudary: 

Jillian est écrivain, activiste, chercheuse et blogeuse. Elle travaille comme directrice de la liberté d'exression internationale à Electronic Frontier Foundation. Jillian est représentante des volontaires au conseil d'administration de Global Voices.

Le Parlement du Mozambique approuve une loi qui fait polémique

mardi 20 janvier 2015 à 20:14
Parlamento de Moçambique

Le parlement du Mozambique

La loi sur le statut du député a été approuvée par le Parlement du Mozambique. Cette loi avait suscité en mai d'innombrables manifestations organisées par des organisations la société civile du Mozambique qui se sont rassemblées à cette occasion pour effectuer une “marche contre le vol légalisé“. La manifestation a été organisée au travers de de la page Facebook Députés de luxe, à un moment où beaucoup de Mozambicains pâtissent d'un bas niveau de vie en rapport avec de grandes inégalités sociales.

Marcha contra o “roubo legalizado”

La marche contre le vol légalisé: Luxe pour les dirigeants, ordures ( lixo) pour le peuple. Images d'archives: Dércio Tsandzana

Après l'approbation par les trois groupes parlementaires de deux lois révisant les avantages accordés aux ex-députés et présidents de l'assemblée de la république, plusieurs organisations de la société civile ont organisé des campagnes de rejet contre cette décision.
Par la suite, le Président de la République, Armando Guebuza renvoya devant le parlement les deux lois pour qu'elles soient réexaminées. Apparemment ce geste n'a pas été suffisant puisque, le 4 décembre, la loi sur le statut des députés a été finalement approuvée sans le moindre amendement.
Tomás Timbane,  bâtonnier de l'ordre des avocats du Mozambique s'exprime ainsi sur sa page Facebook:

Avantage régaliens des députés et anciens présidents de la république : j'avais déjà manifesté mon indignation contre cette loi avant qu'elle soit votée. Je maintiens aujourd'hui cette indignation, je crois que nous sommes un pays qui inverse les priorités, est-il judicieux de s'exprimer sur des privilèges dans un Parlement en fin de mandat. Au plus fort des débats, j'ai critiqué le MDM ( mouvement démocratique du Mozambique) qui avait pris position en faveur de cette loi, et le président du MDM qui avait en public ajouté à la confusion. J'ai parlé de désorganisation et d'incohérence.  On m'a renvoyé et on a fait circuler une lettre ouverte dans laquelle on exigeait que je me taise et on m'insultait pour mes opinions comme si je n'avais aucun droit à m'exprimer !  Maintenant le MDM a voté contre cette loi. Il a pris une position raisonnable et cohérente, c'est tant mieux. Il n'aurait même pas dû y avoir une discussion la-dessus  dans cette chambre haute. Je continue à m'indigner contre cette loi,  mais c'est mon opinion personnelle.

Armando Marcolino Chihale  commente la déclaration de l'avocat en disant :

Si tout le monde se tait,  nous devrons recourir à des moyens moins sympathique mais qui fonctionnent parfois dans certains pays : les manifestations.  Dans cette situation les députés ont travaillé dans leur propres intérêt de façon exagérée. Je ne veux pas dire qu'il n'ont besoin d'aucun statut particulier mais ceci est une aberration. On ne s'explique pas pourquoi après le veto  du PR, ils ont  utilisé le vote à la majorité qualifiée pour faire passer la loi. Mes chers amis, prenons un peu conscience de la situation, quelles sont les priorités de ce pays ? Comme dit la chanson : ” c'est quoi ce pays” ?

Carlos Serra, titulaire d'un doctorat, militant et écologiste fait le commentaire suivant :

Notre pays est étrange. J'en suis à me demander si nous n'attendons pas trop des prétendues richesses potentiellement exploitables à partir de 2018, alors que la conjoncture actuelle montre que l'offre augmentant, les prix vont baisser et des pays comme l'Angola où je me trouve, se retrouveront avec des projets énergétiques en faillite financière. Ne faisons pas de comptes erronés.  

A son tour, Francisco De Maria Sineque a publié sur sa page Facebook une photo illustrant bien la souffrance du peuple mozambicain : 

Messieurs les Députés, combien de temps cela va-il durer ? Vous avez approuvé hier la Loi sur les avantages spéciaux….et la Loi sur le statut particulier du leader de l'opposition qui se concrétiseront par le gaspillage de fleuves d'argent. Contemplez une bonne fois la réalité quotidienne de ce peuple qui vous a mandaté dans cette maudite “maison du peuple”. Que deviennent également ces grands et dignes centres de santé que vous avez souhaité voir se développer dans le pays ? Avez vous sincèrement le moindre respect pour les impôts que nous payons ? Vous avez perdu une occasion précieuse de gagner la confiance de votre peuple, vous êtes une bande de voleurs en cravate !

Dans un autre article, dans le quotidien ” Canal du Mozambique”, voici la réaction d'un lecteur, Nerbern Nebern :

J'ai toujours su que, finalement, la loi allait été approuvée… Cette possibilité de quitter le pouvoir en continuant à toucher des avantages absurdes plaisait aux députés et au président de la république. Les députés de l'opposition ont voté contre uniquement sous la pression sociale, dans le fond, ils savaient  bien que les  lois allaient  être approuvées. Maintenant le peuple doit se libérer lui-même des tyrans. S'il y a de l'argent pour payer ces avantages à des retraités de la politique, alors il doit y en avoir pour rétribuer dignement les fonctionnaires de l'Etat comme le personnel de l'éducation nationale, de la santé, de la protection civile, entre autres. Il faut que le peuple prenne le pouvoir !

Lura's Fernando Mazwualdulas s'est montré dégouté de la politique dans le commentaire suivant :

La politique ici est une merde, on peut dire pire qu'un virus, un virus peut parfois être combattu, la guérison est possible….en politique on ne peut que gérer des procédés mafieux et fermer les yeux du peuple ! Moi je dois comparer les prix des produits alimentaites pour festoyer avec le peu d'argent que je possède ! Tou le reste n'est qu'illusion personne n'emporte avec lui de l'argent quand il meurt …. il vaux mieux une journée de vie qu'une vie de mort!

Sur twitter, la réaction de @Macua insiste sur la “Honte”

Honte sur la honte… La  #misère du peuple est honteuse ! Waty s'explique sur la critique des avantages extraordinaires…

En Chine, un documentaire sur les déchets plastiques révèle la désastreuse réalité environnementale du pays

mardi 20 janvier 2015 à 19:41

A shot from the documentary Plastic Kingdom. Screen capture from Youku.

Une photo du documentaire “Plastic Kingdom” [le royaume du plastique]. Capture d'écran tirée de Youku.

La poursuite d'une croissance élevée à tout prix entamée par la Chine au cours de ces dix dernières années a abouti à de sérieux problèmes environnementaux que le gouvernement ne peut cacher et que le public ne peut ignorer. Au problème du brouillard polluant s'ajoute celui des ordures ménagères et des déchets plastiques.

Plastic Kingdom” [le royaume du plastique], un documentaire décrivant comment le plastique importé pollue de nombreux endroits dans le pays, en a choqué beaucoup et a alimenté les discussions après sa diffusion à la télévision et sur divers médias.

Le réalisateur indépendant Wang Jiuliang a passé trois ans sur le film, à visiter des centres de recyclage de plastique à travers la Chine pour révéler la face sombre de l'industrie, qui n'est pas très connue du public.

Le film montre à quel point le processus de tri des déchets plastiques est nocif pour les travailleurs qui y sont impliqués. Hormis la mauvaise odeur, beaucoup de déchets contiennent des matériaux dangereux avec des éléments toxiques et corrosifs, auxquels les ouvriers peuvent facilement être exposés.L'utilisation de l'eau dans le processus de recyclage cause également une grave pollution locale. La plupart du temps, les eaux usées sont évacuées sans traitement dans les rivières, rendant les eaux de surface et souterraines inutilisables et nocives. Brûler du plastique produit d'abondantes émissions et pollue lourdement l'air, d'autre part dans beaucoup d'endroits où se trouvent des centres de recyclage de plastique, le cancer est monnaie courante.

La Chine est le plus grand pays recycleur au monde et importe près de 70% du plastique recyclable et des déchets électroniques sur le marché mondial.

Outre les déchets plastiques importés, la Chine produit également une énorme quantité de déchets. En fait, Wang a acquis sa notoriété il y a trois ans pour “Pékin assiégé par les déchets“, un autre documentaire sur l'élimination des déchets et la pollution autour de la capitale.

Avec une population de près de 20 millions d'habitants, la ville en expansion de Pékin produit 30.000 tonnes de déchets chaque jour. Wang a voyagé à la périphérie de la ville et visité de 2008 à 2010 460 décharges légales et illégales pour documenter la collecte d'ordures et d'excréments, la calamité environnementale et les gens qui survivent au-dessus de ces ordures, y compris les recycleurs aux moyens d'existence précaires, les espaces verts se formant au-dessus des déchets et le bétail se nourrissant de déchets. Le documentaire a fourni un portrait informatif et alarmant de l'écologie urbaine.

Le projet a débuté suite aux interrogations de Wang sur les endroits où les quantités massives d'ordures de Pékin. Il a utilisé Google Earth pour localiser des centaines de sites de décharges pendant trois ans, créant une carte de points qui ont formé un gigantesque cercle autour de la capitale.

Wang Jiuliang's map on rubbish sites around Beijing city.

La carte de Wang Jiuliang sur les sites de déchets autour de la ville de Beijing.

Le film a éveillé les larges inquiétudes du public et aurait poussé la municipalité de Pékin à allouer 10 milliards de yuans (1.65 milliard de dollars) pour nettoyer les décharges.

Alors que les autorités chinoises ont longtemps été indifférentes à l'environnement pendant que le pays poursuivait son développement économique, combattre la pollution est devenu une préoccupation plus grande au sein du public dès lors que les autorités en ont appris davantage sur l'air vicié, les produits contaminés et l'eau polluée. Selon des données des Nations Unies de 2013, environ 70% des 20 à 50 millions de tonnes de déchets électroniques produits mondialement chaque année sont déversés en Chine, une grande part du reste l'étant en Inde et dans les pays africains. Il s'avère que la Chine est le plus grand site de déversement de déchets électroniques au monde.

Ces dix dernières années, la ville de Guiyu, située au sud-est du pays, nichée dans la principale zone industrielle de Chine, a été un nœud majeur pour le dépôt de déchets électroniques. Des centaines de milliers de gens ici ont travaillé d'arrache-pied en désassemblant la camelote électronique du monde.

“Les nombreuses réussites économiques que la Chine a obtenues ces dix dernières années sont inutiles et sans valeur comparées au coût pour l'environnement et les niveaux de vie des gens, ” a indiqué Wang lorsqu'il a été interviewé par AP en décembre dernier.

Les gens ont exprimé leur choc et leur colère sur l'équivalent chinois de Twitter, Weibo, après avoir vu des reportages sur “Le royaume des plastiques” à la télévision nationale.

Un professeur de journalisme, Yang Boxu de l'université Peking a fustigé l'industrie de recyclage des déchets comme “étant celle qui laisse les Chinois mourir sans descendance”. L'utilisateur de Weibo “Vivant dans un temple de montagne” (@兰若山居) s'est exclamé :

怪不得权贵们都忙着移民,大好河山成垃圾场了。可怜了悲催如我等草民。

Il n'y a rien d'étonnant à ce que les riches et les puissants se soient employés à émigrer. La Chine est devenu un grand site de déchets. Et nous, le petit peuple, devons pitoyablement rester ici [à vivre avec le site de déchets]

L'avocat Xu Zhibiao a sarcastiquement commenté :

因为他们已投奔美帝或者已准备好投奔美帝,这里已不是他们的家。

Parce qu'ils ont émigré ou sont prêts à émigrer en Amérique. La Chine n'est déjà plus du tout leur patrie.

L'utilisateur “Sysiphe poussant une pierre en haut de la montagne” a décrit une scène tirée de “Plastic Kingdom” [le royaume du plastique] :

节目里,《塑料王国》的导演王久良问工人——“王久良:那你这么辛苦赚钱是为了什么?分拣工人:为了孩子,为爸爸妈妈。”接着的镜头是他垃圾堆里目光呆滞脏兮兮的孩子,人是多么矛盾,或者说无知,或者无奈,人为什么可以活得卑微到这种程度。

Interrogé par le réalisateur sur pourquoi il s'est acharné à gagner de l'argent en travaillant dans les déchets, l'ouvrier du tri a répondu qu'il l'a fait pour son enfant et ses parents. Ensuite, l'objectif se tourne vers son enfant qui apparaît dans une pile de déchets, sale et d'apparence terne. Comment quelqu'un peut-il être aussi ignorant et impuissant ! Comment quelqu'un peut-il vivre aussi bas !

Le portail d'actualité Tecent a présenté “Le royaume du plastique” dans sa section spéciale domaine public et a attiré un millier de commentaires. L'internaute “Cappuccino” se lamente :

看完后很心疼,如此恶劣的环境下工作自己的家庭孩子生活在这样的环境下成长,有关部门的监管去哪里了?那昧著良心的广场老板难道就不知道这个违法以及在破坏自己的家乡吗?畜生

Je suis tellement affligé après avoir vu ça. Dans un environnement si terrible, les travailleurs traitent les déchets et leurs enfants grandissent dans les déchets. Où sont les lois ? Le patron ne sait-il pas que ça viole les lois et ruine sa ville ? Le salaud.

L'internaute “Tolérance” pense que l'industrie survivait grâce à la philosophie contemporaine de l'argent :

中国人赚钱哲学是:钱财不问来路,笑贫不笑娼。

La philosophie chinoise pour gagner de l'argent : les gens ne sont pas préoccupés de savoir comment gagner de l'argent; contrairement à la prostitution, on se moque de la pauvreté.

L'internaute “Summer” s'est exclamé :

我恶心我越看新闻越火大我怀疑中国在这么下去不用美国和日本来我们国家在过几年十几年基本因为环境问题都死绝了

Je suis dégoûté et enragé de voir ça. Je me demande si les Chinois vont mourir dans des décennies du fait d'un environnement qui se dégrade, sans que les Américains et les Japonais nous dépassent.

Les internautes chinois ont également fait des commentaires sur l'industrie du recyclage et la détérioration de l'environnement sur un autre portail d'actualité, NetEase.

L'internaute “Shuangziyijia” y voit un problème de corruption :

为了钱什么都能出卖……反正他们的子女都去国外了……
没有监督的绝对权力是人类史上的最大毒瘤……

Les autorités vendraient tout pour de l'argent…leurs enfants ont émigré à l'étranger…le pouvoir absolu sans contrôle constitue le plus grand des cancers dans l'histoire de l'humanité.

Le moteur de recherche du Kremlin filtre les résultats des requêtes sur “Charlie Hebdo”

mardi 20 janvier 2015 à 19:25
Image edited by Kevin Rothrock.

Illustration : Kevin Rothrock.

La dernière édition de Charlie Hebdo, l’hebdomadaire satirique français victime d'une attaque terroriste la semaine dernière, est désormais en vente sur eBay, et son prix atteint plusieurs centaines de dollars. Mais si vous souhaitez jeter un coup d’œil à la couverture du nouveau numéro via Spoutnik, le moteur de recherche  que le gouvernement russe a lancé en version bêta l'année dernière, vous ne trouverez pas grand-chose.

Ce dimanche 19 janvier, les internautes russes ont découvert que, en réponse aux requêtes portant sur des illustrations de Charlie Hebdo (rédigées en caractères latins comme en cyrilliques), Spoutnik ne fournit qu'une très maigre quantité de résultats, et ce indépendamment des paramètres choisis. Alors qu'une recherche via Google et Yandex à l'aide des mêmes mots clés produira des dizaines des couvertures de Charlie Hebdo publiées depuis des années.

Résultats “non filtrés” d'une requête Charlie Hebdo sur Spoutnik.ru.

Cette décision du moteur de recherche (contrôlé par le Kremlin) a été prise au lendemain des menaces de poursuites pénales émises par la branche régionale du Roskomnadzor — l'organisme russe de surveillance des médias — à l'encontre des titres de presse qui publieraient des caricatures religieuses. Dans une lettre spéciale aux médias locaux, le département du Roskomnazdor du Kamtchatka a prévenu qu'il poursuivrait quiconque publierait de tels contenus — lequel se verrait considéré par les autorités comme un “extrémiste”.

Résultats d'une recherche Charlie Hebdo via Google.

Pendant ce temps, le rédacteur en chef de la radio “l'Echo de Moscou” Alekseï Vénédiktov et l'oligarque en exil Mikhaïl Khodorkovski se voyaient traités par le chef de la République — majoritairement musulmane — de Tchétchénie Ramzan Kadyrov d’“ennemis de tous les musulmans”; les deux hommes avaient encouragé les journalistes à faire vivre l'esprit satirique de Charlie Hebdo. Le gouvernement tchétchène a appelé le 18 janvier à une manifestation de masse réunissant ”des centaines de milliers d'individus” à Grozny pour protester contre la diffusion dans les médias occidentaux de contenus offensant le prophète Mahomet.

D'après les informations du site russe TJournal.ru, la maison mère de Spoutnik, Rostelekom, se refuse pour l'instant à commenter l'évidente censure des unes de Charlie Hebdo.

En septembre 2014, l'agence de presse Interfax publiait  une enquête intitulée “Les 100 premiers jours de Spoutnik” sur Internet, montrant que l'audience initiale du moteur de recherche avait chuté de 90% pendant ce laps de temps. “En l'espace de 100 jours, l'intérêt pour Spoutnik est pratiquement tombé à zéro”, concluait le reportage.