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En dépit du soutien au mouvement #MeToo au Pakistan, la culture du silence prévaut toujours

mercredi 16 mai 2018 à 10:19

Photographie de Lum3n.com, issue de Pexels. CC0

Après le viol et meurtre tout particulièrement choquants de Zainab, 7 ans, à Kasur, une ville située au sud de Lahore, la capitale du Pendjab, des célébrités ont commencé à utiliser le hashtag #MeToo pour parler des agressions sexuelles subies par les femmes au Pakistan.

L'actrice de théâtre et de télévision Nadia Jamil, l’ancienne mannequin et chorégraphe Frieha Altaf, la créatrice de mode Maheen Khan se sont tous rendues sur Twitter afin de dévoiler leur propre histoire d'abus sexuel subi durant leur enfance, encourageant d'autres à en faire autant. Malheureusement, il n'y a guère que lorsque des affaires telles que celle de Zainab sont dévoilées que les gens peuvent confier leur propre histoire et aider à lever le voile sur ces problèmes profondément ancrés.

Cependant, une récente affaire d'agression sexuelle mettant en cause une célébrité masculine bien-aimée a provoqué une réaction hostile à l'encontre de son accusatrice, ce qui a amené de nombreuses personnes à remettre en question les doubles standards imposés aux femmes qui dénoncent la violence sexuelle.

Le Pakistan, en tant que pays, n'est pas étranger au harcèlement sexuel — une situation qui touche tous les genres. Selon les chiffres de Sahil, une organisation non-gouvernementale qui recense les cas de viols reportés dans les journaux quotidiens, en 2017, un total de 3445 cas d'abus sexuels d'enfants ont été rapportés dans les journaux au Pakistan et beaucoup n'ont pas encore été enregistrés par la police.

[Texte de l'image : En tant que femme, personnage public et mère, j'ai toujours pensé qu'il était important que j'utilise mon influence pour encourager et soutenir nos jeunes, et tout particulièrement les jeunes filles, qui rêvent de se construire un avenir au Pakistan.
Tout au long de ma carrière, ma famille et mes fans m'ont témoigné un amour et un soutien inconditionnels, ce qui a été une véritable bénédiction. Cela m'a donné la force de me montrer courageuse et de régulièrement m'exprimer ouvertement sur ces problèmes. Cependant en dépit de l'influence que je peux avoir, il y a certains sujets qui restent particulièrement difficiles à aborder en tant que femme, et tout particulièrement le harcèlement sexuel.
Aujourd'hui je parle ouvertement car ma conscience ne me permet plus de rester silencieuse. Si cela peut arriver à une femme comme moi, artiste reconnue, alors cela peut arriver à n'importe quelle jeune fille et cela m'inquiète profondément.
J'ai été l'objet, à de nombreuses reprises,  de harcèlement sexuel et de gestes physiques déplacés de la part d'un de mes collègues du milieu : Ali Zafar. Ces incidents ne sont pas survenus lorsque j'étais jeune ou à peine débutante dans l'industrie du divertissement. Cela est arrivé en dépit du fait que je sois une femme reconnue et accomplie qui a la réputation d'exprimer librement ses opinions ! Cela m'est arrivé en tant que mère de deux enfants.
Aucune femme n'est à l'abri du harcèlement sexuel. Dans notre société, nous hésitons à parler ouvertement et choisissons de rester silencieuses, ce qui permet au harcèlement sexuel de perdurer.
Nous devons collectivement nous exprimer et partager notre vécu afin que les femmes d'aujourd'hui soient plus en sécurité.
Cela a été une expérience extrêmement traumatisante pour moi comme pour ma famille. Ali est quelqu'un que je connais depuis des années et avec qui j'avais partagé le devant de la scène. Je me sens trahie par son comportement et je sais que je ne suis pas la seule.
Aujourd'hui je brise cette culture du silence et j’espère qu'en faisant cela, je serai un exemple pour que d'autres jeunes femmes en fassent autant. Nous n'avons que nos voix pour nous défendre et le temps est venu de nous en servir.]

Je partage cela car je crois qu'en témoignant de ma propre expérience de harcèlement sexuel, je vais briser la culture du silence qui imprègne notre société. Ce n'est pas facile de se livrer en public…mais il est encore plus difficile de rester silencieuse. Ma conscience ne me le permet plus désormais.

Alors que les gens ont commencé à s'exprimer sur le sujet, beaucoup ont constaté des effets positifs, tels que le mouvement #JusticeForZainab qui a été suivi par des vidéos éducatives et des talk-shows sur les comportements appropriés ou déplacés et la nécessité de fournir une éducation sexuelle dans le pays — ce qui a été très rapidement évoqué par le gouvernement provincial du Sindh. Beaucoup ont estimé que le pays amorçait un changement positif et cela jusqu'en avril, c'est-à-dire jusqu'à ce que Meesha Shafi, chanteuse et éminente figure du divertissement, ait tweeté des allégations de harcèlement sexuel à l'encontre d’Ali Zafar. Zafar est un chanteur et ancien acteur de Bollywood. Meesha Shafi l'a accusé d'avoir abusé d'elle à plusieurs reprises. Cette fois-ci, au lieu de soutenir l'accusation, les réactions sur l'Internet et parmi l'industrie audiovisuelle semblaient partagées, l'opinion ne sachant pas à qui se rallier.

Existe-t-il un double standard pour les artistes pakistanaises ?

L'industrie pakistanaise du divertissement, qui est aussi ancienne que le pays lui-même (le Pakistan a obtenu son indépendance en 1947), est condamnée ou encensée selon l'état d'esprit très changeant des habitants du pays — ce qui est en partie inspiré par une massive politisation par les partis politiques et leurs manifestes. Le Pakistan, qui s'est fortement islamisé et qui est passé de libéral à conservateur pour ensuite revenir à un libéralisme modéré au fil des années, n'a pas encore décidé s'il aime ses artistes ou bien s'il les déteste.

[texte sous le tweet : Vous croyez vraiment que les femmes viennent équipées de caméras et microphones intégrés pour enregistrer chaque tripotage, empoignade, pincement, et remarque sexuelle
que nous subissons afin de pouvoir produire des preuves à chaque violation de notre consentement ? Vous auriez tous des ennuis si c'était le cas, hein. Allons donc.]

Une femme brise le silence au sujet des abus qu'elle subit, doit supporter un véritable lynchage et de nombreuses insultes sur les réseaux sociaux, son histoire se transforme en mèmes, en blagues lourdingues qui ne font que banaliser le problème. Elle craint l'ostracisme – mais bien sûûûr, elle a fait ça en guise de publicité à bon compte.

Tout au long de ces changements politiques et sociaux, l'opinion qui reste largement répandue est celle que les artistes, ou plus précisément les femmes artistes, ont une mauvaise influence. Les femmes qui travaillent dans l'industrie du divertissement doivent lutter quotidiennement afin de préserver leur image dans le pays et sont constamment sous pression afin de se comporter et maintenir une image sophistiquée véhiculant des valeurs religieuses et familiales. Beaucoup estiment qu'il est contraire à l'éthique que des femmes sortent tard le soir, côtoient plus d'hommes que nécessaire, voyagent à travers le monde et séjournent dans des hôtels, soient constamment vues à la télévision, portent des vêtements ‘inappropriés‘ ou bien encore fument — tout ce qui se pratique couramment dans l'industrie du divertissement.

Ceci étant dit, le fardeau du discours social repose aussi sur ces influenceuses. Même si leurs personnages sont régulièrement remis en question, leurs modes de vie et leurs idéologies comptent beaucoup pour ces personnes– détracteurs ou non. Ce contexte est important pour comprendre la position des femmes au Pakistan, tout particulièrement lorsque celles-ci présentent des allégations de harcèlement.

Dans le cas de Meesha Shafi, ce qui importait pour la plupart des gens était le fait qu'une star masculine adulée soit accusée. Les gens ont accueilli les allégations de Shafi de façon critique, décortiquant son passé, son comportement et son caractère. Cette situation a pris une ampleur telle, que cette dernière a décidé de désactiver ses comptes Facebook et Instagram.

Lors d'un entretien accordé à un journal local, Shafi a décaré :

They (my accounts) have been deactivated for very obvious reasons, one would think. The abuse, threats, bullying and slander that I have faced is the reason I felt the strong need to protect not just myself but my family, especially my two young children who were also being subjected to personal attacks online.

Ils (mes comptes) ont été désactivés pour des raisons très évidentes. Les insultes, menaces, harcèlements et diffamations que j'ai pu subir sont les raisons pour lesquelles j'ai ressenti un besoin fort de me protéger, non seulement moi, mais aussi mes deux jeunes enfants qui faisaient également l'objet d'attaques personnelles en ligne.

En réponse, certains internautes ont mis en doute la véracité des déclarations de Shafi :

C'est curieux comme ce genre de choses peuvent passer d'un extrême à l'autre au Pakistan, tout d'abord, nous ne savons même pas ce que Zafar a fait. Cela a très bien pu être inapproprié, mais est-ce suffisamment important pour que cela soit étalé partout sur Twitter ?”

Ali, qui a perdu son poste de juge pour le prestigieux spectacle musical Pepsi Battle of the Bands, a immédiatement déposé une plainte en diffamation contre Shafi et leurs avocats sont, à présent, en pleine bataille judiciaire.

Au cours des dernières semaines, de nombreuses autres femmes se sont fait connaître en partageant leurs histoires d'abus subis du fait d'Ali Zafar, cependant, les membres de son groupe et ses collègues ont pris position pour le défendre expliquant qu'il était un ‘mari dévoué, un père attaché à sa famille’. Le secteur, de manière plus générale, prend garde à ne pas prendre parti tant que l'affaire est toujours en cours.

Vous expliquez les choses à des Féminazi [terme péjoratif utilisé pour désigner les féministes perçues comme extrémistes ou radicales, NdT]. Le concept de juge et jury n'existe pas avec elles. Un homme devrait être pendu dès qu'elles le montrent du doigt. Si vous demandez une enquête et qu'il s'avère que celui-ci est coupable, elles vont vous déchiqueter avec un tir de barrage de : “Je vous l'avais bien dit”.

Nadia Jamil, en twittant sur le sujet, a essayé de de présenter les deux points de vue faisant ainsi de nombreuses déclarations contradictoires afin de rester neutre :

I don't go to the industry parties, hence I am not harassed (within the industry).

Je ne vais pas aux soirées du secteur, de cette manière-là, je ne suis pas harcelée (à l'intérieur du secteur).

Cette affaire est un exemple classique du cas où la victime est blâmée tandis que l'agresseur se promène librement. Malheureusement, ce n'est pas l'unique cas très médiatisé où nous n'avons pas encore vu de résultats après des accusations de harcèlement sexuel au Pakistan. En témoigne l'affaire opposant Ayesha Gulalai, députée de l'Assemblée Nationale du Pakistan à Imran Khan, à la tête du parti politique pakistanais Tehreek-e-Insaf (PTI). Dans le conflit qui les oppose, Gulalai a accusé Khan de l'avoir harcelée puis d'avoir été réfutée et priée de quitter son poste au sein du PTI. Sa carrière politique a grandement souffert de cet incident.

Vendredi, ONU Femmes Pakistan a publié une déclaration commune indiquant:

As the courage of #MeToo speakers across the world forces a reconsideration of how violence against women is managed and ended, we express our solidarity with victims and with the pressure for change. This is as urgent in Pakistan as it is in the rest of the world.

Tandis que le courage de celles qui ont pris la parole à travers le mouvement #MeToo s'est répandu mondialement et obligent à reconsidérer comment sont traitées les violences faites aux femmes et comment y mettre un terme, nous exprimons notre solidarité aux victimes et à la nécessité de faire changer les choses. Cette situation est aussi urgente au Pakistan que dans le reste du monde.

Avant de poursuivre sur Twitter :

Il doit y avoir des conséquences pour ceux qui décident d'abuser des femmes et transgressent les règles…Nous nous adressons aux femmes qui ont décidé de témoigner : nous vous entendons, nous sommes avec vous.

Malheureusement, tout le monde ne soutient pas Shafi. S'adressant à la presse, le Ministre d’État aux affaires étrangères Talal Chaudhary a qualifié l'affaire Meesha/Ali de ‘pièce de théâtre’, ajoutant qu'ils s'agissait d'une machination afin “d'attirer l'attention des médias”.

Tandis que la communauté Internationale et les célébrités prêtent attention au cas de Shafi, la communauté locale est encore à la recherche de preuves pour réfuter ses allégations. Cette tendance à reporter le blâme sur la victime vient illustrer la culture du silence qui prévaut au Pakistan, où les victimes se sentent davantage en sécurité en passant sous silence ces incidents en raison de la peur de subir un harcèlement encore plus important, que ce soit sur les réseaux sociaux ou bien dans leur propre cercle personnel.

L'Indonésie en alerte maximale après une série d'explosions dans l'est de Java

mardi 15 mai 2018 à 19:25

Vue aérienne de Surabaya par Everyone Sinks Starco sur Flickr. CC By-Sa

Effroi, consternation et colère ont suivi une recrudescence de violence à Surabaya, deuxième plus grande ville d'Indonésie et ses alentours. Des attentats-suicides contre trois églises chrétiennes, dimanche 13 mai 2018, ont fait au moins 14 morts et des dizaines de blessés.

Plus tard le même jour, à une trentaine de kilomètres de là, la bombe artisanale d'un vendeur ambulant de snacks de 47 ans a explosé accidentellement dans un immeuble d'habitations sociales, tuant sa femme et leur fille aînée, et blessant leurs trois autres enfants. L'homme, qui aux dires de la police assemblait de multiples explosifs, a été abattu par les forces du contre-terrorisme.

Enfin, dans la matinée du lundi 14 mai, une famille de cinq personnes à moto s'est fait exploser au point de contrôle à l'entrée du quartier général de la police à Surabaya. Les attaquants sont morts, quatre policiers et six civils sont dans un état critique. Une des enfants des kamikazes, une fillette de 8 ans, blessée, a survécu.

La police a réagi aux attentats en annonçant une alerte de sécurité maximale dans tout le pays.

Le groupe État islamique a revendiqué les attentats contre les églises à Surabaya, capitale de la province de Java oriental. Il s'agit de l'église presbytérienne Gereja Kristen Indonesia (GKI) Diponegoro, l'église pentecôtiste Gereja Pantekosta Pusat (GPP) Surabaya, et l'église catholique romaine Gereja Santa Maria Tak Bercela (Sainte Marie Immaculée).

La police indonésienne a identifié Dita Supriyanto, père de quatre enfants, comme étant le cerveau de ces attentats. On le disait aussi le meneur du Jemaah Ansharut Daulah (JAD), un groupe qui a fait allégeance au leadeur de l'EI Abou Bakr al-Baghdadi, et est inscrit sur la liste des organisations terroristes du gouvernement des États-Unis.

Quelques jours auparavant, la police indonésienne avait réussi à contrôler une mutinerie dans une prison de Depok, une ville de l'ouest de Java, avec des centaines de détenus dont beaucoup appartenant au JAD. Les meneurs de la mutinerie ont finalement été transférés dans la prison de sécurité maximale de Nusa Kambangan.

La police pense que les attentats de Surabaya pourraient être une contre-attaque du JAD en réaction à la présence déclinante de l'EI dans le monde, et aux multiples arrestations de ses dirigeants.

‘Puisse-t-il n'y avoir ni haine ni violence dans les cœurs’

Des centaines d'habitants de Surabaya se sont présentés à la Croix Rouge Indonésie pour donner leur sang pour les victimes des attentats. Les condoléances ont afflué.

Très profondes condoléances aux victimes des attentats contre les églises de Surabaya. Je ne sais pas ce qui est réellement arrivé mais j'espère que tout le monde est sain et sauf.

Je suis triste de la perte d'êtres chers, condoléances à leurs familles dans l'attentat de Surabaya – un acte lâche et insensé, la religion est faite pour nous rendre meilleurs, pas pour détruire

Les deux plus grandes organisations musulmanes du pays, Nahdlatul Ulama et Muhamadiyah, ont adressé leurs condoléances aux familles des morts, et condamné ces actes.

Le Conseil indonésien des Églises (PGI), dans un communiqué de presse, a demandé aux églises et congrégations de faire une absolue confiance à l’État dans la conduite de ses missions. Il a aussi appelé les églises et le public à ne pas propager la désinformation et à ne pas “combattre la violence par la violence”. Le pape François a aussi évoqué la nécessité de “la réconciliation et de la fraternité” après les attentats :

Le pape a dit : “Pour l'Indonésie et les chrétiens de Surabaya, nous avons demandé au Dieu de paix d'arrêter cette violence, puisse-t-il n'y avoir ni haine ni violence dans les cœurs, mais réconciliation et fraternité. #UnisContreLesTerroristes

Le président Joko Widodo, qui s'est rendu à Surabaya quelques heures après ces atroces événements, a appelé au calme et a demandé au pays vigilance et union face au terrorisme.

Sur les médias sociaux, des Indonésiens ont relayé l'appel à la solidarité :

Avant de devenir musulman, chrétien, bouddhiste ou hindou, commençons par être HUMAINS. Le serons-nous ? Nous sommes venus au monde comme frère et sœur, allons à présent main dans la main, et non l'un devant l'autre. Mes plus profondes condoléances pour les victimes de l'attentat de Surabaya.

Une législation plus ferme aurait-elle pu empêcher les attentats ?

L'Indonésie est le pays du monde à la population musulmane la plus nombreuse, qui pratique en majorité un islam modéré. Mais l'inquiétude monte quant à l'influence de groupes dans le pays et à l'étranger, qui prêchent agressivement des interprétations intolérantes voire violentes de la religion.

Une récente étude sur l’intolérance chez les étudiants réalisée par la Fondation Wahid, un centre de recherche et de promotion sociale à Jakarta qui défend un islam pluraliste et pacifique, a constaté que 60% des 1.626 des personnes interrogées étaient disposées à se rendre dans les zones de guerre si elles en avaient l'occasion, et 68% envisageaient de participer à une guerre sainte dans le futur.

L'auteur allégué des trois explosions contre les églises, Dita Supriyanto, aurait utilisé son épouse et leur quatre enfants (deux garçons adolescents et deux fillettes) dans l'exécution des attentats. Le chef de la police nationale Tito Karnavian a affirmé que la famille était parmi celles, nombreuses, rentrées de Syrie après avoir combattu pour l'EI.

Certains ont dit que l'actuelle loi anti-terrorisme indonésienne est insuffisante, parce qu'elle ne permet pas à la police d'arrêter des suspects à moins de danger imminent ou d'attentat déjà exécuté. Elle ne comporte pas non plus de procédure formalisée de “déradicalisation” pour ceux qui reviennent de Syrie. Mohammad Guntur Romli, un journaliste qui s'est tourné vers la politique, a affirmé le besoin d'adopter une nouvelle loi :

La famille qui a bombardé les églises à Surabaya était des “anciens élèves” de la Syrie. Avec l’actuelle loi sur le terrorisme, ceux qui ont rejoint l'EI ne peuvent pas être mis en accusation. Ils appartenaient au JAD, et s'en tirent donc. Ils ne peuvent être poursuivis que s'ils fabriquent une bombe et exécutent l'attentat. Il faut une réglementation gouvernementale au lieu d'une loi anti terrorisme.

Environ 500 anciens élèves de l'EI revenus de Syrie et d'Irak déambulent librement aujourd'hui sans encourir la détention et un processus de déradicalisation. Une famille a réussi à faire exploser trois lieux. Ceci est une situation d'urgence qui requiert l'adoption d”une réglementation gouvernementale au lieu d'une loi anti-terrorisme.

Des tweets sur les traditions populaires et syncrétiques du Japon

mardi 15 mai 2018 à 17:18
buddha statues in obama

Statues Jizo peintes à la main, Obama, préfecture de Fukui. Photo de Nevin Thompson.

Si vous souhaitez en savoir plus sur les traditions populaires les plus insolites du Japon, il est indispensable de vous rendre sur le compte Twitter Unusual Festivals of Japan Club, (ou ‘KFC'; le ‘K’ faisant référence à 奇祭, kisai, qui signifie “étrange”). Au travers de nombreux tweets quotidiens, KFC documente l'infinité des traditions locales du Japon, dont certaines ont plus de deux mille ans.

Lors d'un festival dans la péninsule reculée de Noto, des hommes en état d'ébriété dansent en portant d'énormes autels mobiles pour commémorer la fin de la famine.

Chaque année, le 20 septembre, le sanctuaire Kumakabuto Arakashihiko à Nanao, Ishikawa organise le festival “Okuma Kabuto”. Des autels mobiles ornés pesant 1 tonne et des mâts de 20 mètres de haut appelés “wakuhato” transportent Sarutahiko Okami (un des “six grands kami” du Shinto). Le moment culminant de la journée est l'arrivée au pas de course de ces autels sur la colline afin de livrer le dieu qu'ils transportent au sanctuaire principal.

Vous pouvez trouver des images du festival ainsi que d'autres documents de KFC sur YouTube :

Un autre festival honore Sugawara no Michizane, une divinité consacrée à Tenman-gu, un sanctuaire commun que l'on retrouve dans de nombreuses régions du pays. Dans cette partie nord du Japon, les participants au festival célèbrent Sugawara no Michizane en buvant le visage couvert :

“Le festival bestial” de Yamagata (Bakemono no Matsuri, tous les 25 mai) : festival Sugawara no Michizane, sanctuaire de Tenman à Tsuruoka, préfecture de Yamagata. En souvenir du bannissement de Sugawara no Michizane (suite à une intrigue de cour datant de plus de mille ans), on raconte que ses partisans, par peur d'être associés à lui, portaient des masques lorsqu'ils buvaient ensemble. Lors de ce festival, les participants boivent silencieusement du sake ou du jus de fruits en dansant.

Les autels mobiles, appelés mikoshi, jouent un rôle important dans les festivals japonnais. Lors du festival d'Uji, dans la préfecture de Kyoto, un mikoshi  transporte Brahma-Deva, importante divinité protectrice du bouddhisme japonnais.

Kyoto Agata matsuri : chaque année, du 5 juin à la fin du mois (également connu sous le nom de kurayami kisai, ou “rituel obscur”). Les participants transportent un “Brahma-Deva” (bonten, 梵天), un mât en bambou  surmonté d'une sphère en papier qui sert d'autel mobile. Les participants balancent le mât de gauche à droite lors d'une procession nocturne.

Le site internet Green Shinto, qui est toujours une bonne source d'information sur les traditions populaires japonaises, explique le déroulement de la procession du festival :

There were two floats, both borne on the shoulders of men in happi. One had a fierce looking shishsi (Chinese lion) and the men yelled ‘yoiya, yoiya’. The other represented Bonten, a kami protector of Buddhism represented by a pole with white paper streamers. (According to the shrine office at Agata Shrine, when the deity there is transferred to the float, it mutates into Bonten.) Here the men were shouting, ‘Washoi, washoi.’ As the float was carried around, one of the men stood on top and grasped the pole with one hand, his head buried in the paper streamers, with the other hand stretched out in protective manner […]

Il y avait deux chars, tous deux portés par des hommes en happi. L'un portait un shishsi (lion chinois) d'apparence féroce et les hommes criaient “yoiya, yoiya”. L'autre portait un Bonten, protecteur kami du bouddhisme, représenté par un mât avec des serpentins de papier blanc (selon l'administration du sanctuaire d'Agata, lorsque la divinité est transférée sur le char elle se transforme en Bonten). A ce moment, les hommes criaient : “washoi, washoi”. Pendant que le char était porté à la ronde, l'un des hommes monta au sommet et saisit le mât d'une main, la tête enfouie dans les serpentins de papier et tendant l'autre main dans un geste de protection […]

Vous pouvez trouver une courte vidéo du festival sur YouTube :

Les renards jouent un rôle important dans le folklore japonais. Inari, le dieu renard, est l'une des divinités les plus populaires du Japon. Il est le dieu de la chance, de la fortune et de la fécondité :

Festival Yamaguchi Inari : le 3 novembre de chaque année, est célébré “le mariage du renard” (kitsune no yomeiri) par le dieu renard consacré dans le sanctuaire de Hanafukutoku Inari, avec l'espoir d'obtenir la prospérité et une récolte abondante. Les rôles des futurs mariés sont choisis par les habitants des lieux et il est dit que ceux qui interprètent le rôle de la fiancée sont bons à marier grâce aux bons auspices du festival. Cependant, l'identité des futurs époux reste secrète.

Certains des festivals les plus importants de KFC sont très anciens. Le festival qui se déroule dans la préfecture méridionale de Nara date de plus de mille ans et est lié au culte de la montagne qui se trouve dans la région.

Le Festival de la grenouille sauteuse de Nara (kaeru tobi), le 7 juillet, est un des divers événements annuels qui commémorent le rite rengekai au temple de Kimpusen de Nara. Dans la légende un homme insulte une divinité locale, en représailles un grand aigle le suspend au rocher d'une montagne. Trouvant l'homme suspendu et ayant pitié de lui, un prête du temple de Kinpusen le transforme en grenouille afin qu'il puisse descendre du rocher, et lui rend ensuite sa forme humaine.

La vidéo suivante offre une vision plus détaillée de ce festival dédié aux grenouilles sauteuses.

Le compte Twitter de KFC met aussi en avant certaines traditions communes du Japon rural, telles que le “sumo de taureau” ou lutte de taureaux.

Sumo de taureaux à Uwajima, Ehime (ushi-zumo) : Plusieurs fois par an, des taureaux s'affrontent dans un ring de sumo deux par deux. Les taureaux sont classés et il n'existe pas de limite de temps pour les matchs. Les perdants sont les taureaux qui perdent la tête et tentent de s'enfuir. En consolation, les perdants gagnent le prix en argent.

Une autre tradition folklorique intéressante décrite par le compte de KFC est l'ancienne pratique à Okinawan des hajichi ou tatouages traditionnels.

“Hachiji” à Okinawa : Dans le cadre d'une tradition pratiquées par les femmes, à Okinawa au sud-ouest du Japon, les mains des fillettes entre 12 et 13 ans sont tatouées pour confirmer leur passage à l'âge adulte. Cette tradition sera, des années plus tard, utilisée dans le cadre du mariage. Les tatouages étaient alors à la mode et considérés comme élégants, l'occasion du premier tatouage se célébrait en famille.

Cette pratique disparu à la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais Lex MecClellan, fournit dans Medium des informations intéressantes sur le hachiji.

Une autre coutume régionale décrite par KFC est la pratique du Yomeburi, qui se déroule le long de la côte de la mer du Japon, partout où l'on pêche le buri, un poisson commun consommé les mois d'hiver. L'image du tweet suivant provient du manga et anime Ma fiancée est une sirène (瀬戸の花嫁).

(Cette image de l'anime montre une jeune femme à tête de poisson)

Festival de Toyama Yomeburi:  Lors de ce festival,quand une jeune femme quitte la maison pour devenir une épouse, la famille de la future épouse envoie en cadeau de fin d'année un buri (ou sériole) à la famille du futur époux dans l'espoir de leur apporter une vie pleine de succès. Le buri doit être le plus grand possible. Au port de pêche d'Himi, Toyama,on dit que le buri est un poisson si gros que son gras repousse la sauce soja.

Le compte Twitter de KFC publie des articles sur les pratiques folkloriques japonaises plusieurs fois par jours. Même si les tweets sont presque toujours en japonnais, les images fournissent un panorama intéressant de la vie au Japon.

Au Burundi, le contentieux sur le référendum constitutionnel reflète des problèmes politiques plus profonds

mardi 15 mai 2018 à 12:03

Le président sud-africain Jacob Zuma (première rangée, centre) en visite au Burundi, le 25 février 2016. Crédit photo: Government ZA. Flickr, licence CC.

Le 17 mai 2018, les Burundais se rendront aux urnes pour voter sur des propositions d'amendements constitutionnels. Les électeurs seront appelés à voter “Oui” ou “Non” sur les changements qui comprennent la prolongation des mandats présidentiels à sept ans et une modification du décompte des mandats déjà effectués par l'actuel président Pierre Nkurunziza.

En effet, alors que le président a exercé les deux mandats prévus par la constitution – plus un troisième – ces changements proposent de remettre le compteur à zéro. Il sera donc éligible pour deux nouveaux mandats, jusqu'en 2034.

La constitution actuelle du Burundi est en place depuis 2005. Elle est largement considérée avec l'accord d'Arusha comme le mécanisme qui a mis fin à la guerre civile du pays, ouvrant la voie du pouvoir au président Nkurunziza en 2005. Les tensions concernant les distorsions et une coercition apparentes dans le processus de campagne référendaire ont reflété les conflits politiques en cours au sein de cette nation est-africaine.

Distorsions de la campagne du référendum burundais

Les campagnes pour le “Oui” et pour le “Non” ont pris de l'ampleur au cours des deux semaines aboutissant au 14 mai 2018. Mais la campagne avant ou après cette période officielle ou par des groupes non enregistrés était strictement interdite.

Cependant, les opposants à l'amendement constitutionnel se plaignent de ce que pendant des mois les responsables gouvernementaux ont soutenu la campagne pour le “Oui”, menée par le parti au pouvoir et ont été rejoints par d'autres comme la branche officiellement reconnue de l’Union pour le progrès national (UPRONA).

Le vice-président Joseph Butore a déclaré que c'était “la volonté du peuple”, et le président Nkurunziza soutient [en] que c'était “la volonté de Dieu” de libérer le Burundi des colonisateurs étrangers pour un avenir meilleur. Il a encouragé ses partisans à voter librement, les responsables gouvernementaux ont quant à eux mis en garde la population contre le “sabotage” du vote et ont demandé aux citoyens de signaler les suspects à la police.

Agathon Rwasa, chef de la coalition Amizero y'Abarundi, soutient la campagne pour le “Non“, insistant sur le fait que le référendum ne représentait pas le peuple et pourrait éventuellement installer un régime autoritaire. L'UPRONA non reconnu s'est joint à cette campagne, tout comme le Front pour la démocratie au Burundi (FRODEBU) qui s'oppose au référendum au nom de la protection de l'Accord d'Arusha, de la promotion du dialogue et pour éviter un État à parti unique.

L’annonce de Nkurunziza qu'il servirait de “Guide suprême” du parti au pouvoir a suscité des inquiétudes d'autoritarisme parmi les détracteurs.

L'opposition déplore également que le texte définitif du référendum n'ait pas été rendu public, empêchant un examen minutieux des détails ou une consultation tout au long de l'élaboration des changements proposés. D'autres ont fait valoir que les rassemblements de l'opposition publique prouvent la libre expression :

Cependant, les opposants à l'amendement sont divisés. Ceux qui restent au Burundi rejettent largement le “Non”, alors que certains dissidents soutiennent le “Oui”. Pendant ce temps, des membres de l'opposition en exil réunis autour du Conseil national pour le respect de l'Accord d'Arusha ainsi que de la paix et la réconciliation du Burundi (CNARED) soutiennent un boycott. Certains partisans en exil expriment leur frustration face à ces divisions.

Un Burundais se trouvant au Rwanda a déclaré à Yaga, un blog basé au Burundi :

Visiblement elle [l'opposition] chancelle face à un pouvoir qui se consolide de jour en jour. Elle peine à parler d’une même voix

Coercition et répression avant la campagne

En avril 2018, l'organisation non gouvernementale Human Rights Watch a décrit “l'anarchie” dans le pays. International Crisis Group a critiqué une “campagne d'intimidation” [en] qui a mené au référendum, y compris des arrestations et même des morts de personnes accusées d'être opposées au référendum. Les autorités rejettent cela comme mensonger et visant à ternir l'image du Burundi.

La Fédération internationale des droits de l'homme a également critiqué la couverture médiatique biaisée en faveur du camp du “Oui”.

En amont du référendum, les citoyens font état de pressions importantes pour s'inscrire sur les listes électorales, s'abstenir de voter “Non” ou simplement boycotter le référendum. Une controverse entoure également les informations concernant des contributionsforcées des citioyens pour financer les élections.

SOS Médias Burundi, un collectif clandestin de journalistes, a utilisé sa page Facebook pour dénoncer de nombreuses arrestations et actes d'intimidation, comme la vidéo d'un membre du Conseil national pour la défense de la démocratie – Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD) menaçant de “casser les dents” des militants du “Non”.

Des restrictions strictes sur les médias se sont poursuivies tout au long de cette campagne. Le Conseil national des communications (CNC) a récemment suspendu pendant six mois la BBC accusée d'avoir menacé la “cohésion nationale” et la Voix de l'Amérique (VOA).

Reporters Sans Frontières a dénoncé la répression comme une nouvelle attaque contre la liberté de la presse, qui, en particulier, restreint le débat sur le référendum car les deux parties diffusent des émissions de radio en kirundi, pour les rendre largement accessibles.

Le CNC a également averti Radio France International (RFI) et les radios locales Isanganiro et CCIB FM +. Le Conseil a également suspendu en avril la section des commentaires en ligne du journal Iwacu pendant trois mois.

Signe d'indépendance ou retour à un État à parti unique?

Les tensions sont fortes depuis 2015, quand le troisième mandat du président Nkurunziza – largement considéré comme interdit par la Constitution de 2005 et l'Accord d'Arusha – a suscité des protestations, un coup d'État manqué et une rébellion.

En conséquence, de nombreux membres de l'opposition et des dissidents du parti CNDD-FDD au pouvoir, ainsi que des journalistes ont fui à l'étranger tandis que d'autres étaient déplacés à l'intérieur du pays. Alors que des milliers [en] de réfugiés sont rentrés depuis 2017, les Nations Unies (ONU) ont encore enregistré 396 000 réfugiés [en] depuis 2015 dans les camps de réfugiés sous-financés. Les ministres burundais affirment que ces chiffres sont manipulés.

Depuis 2015, les observateurs locaux et internationaux des droits humains dénoncent la répression, l’impunité et les restrictions imposées aux médias et aux militants des droits de l'homme par les services de sécurité avec l'aide de l'aile de la jeunesse des Imbonerakure du CNDD-FDD. Plusieurs radios ont été fermées et les journalistes harcelés, ou même disparus. Récemment, le militant des droits de l’ homme, Germain Rukiki, a été condamné à une lourde peine de prison pour “atteinte à la sécurité de l’État”.

Un rapport de la Commission d'enquête de l'ONU de 2017 a indiqué que des crimes contre l'humanité ont pu se produire et n'a vu aucune amélioration jusqu'en mars. Le gouvernement a rejeté ces observations. La Cour pénale internationale a ouvert une enquête, qui se poursuit malgré la décision du gouvernement burundais de quitter le tribunal.

L'économie a été lourdement frappée par l’insécurité politique, provoquant des coupes budgétaires [en], des pénuries d'électricité, et l'inflation. Un rapport de l'ONU publié en février estimait que les personnes qui avaient besoin d'aide humanitaire en 2018 s'élevaient à 3,6 millions.

La diplomatie bloquée

Les réponses internationales ont été médiocres et divisées [en], avec une médiation inefficace. Les sanctions ont amplifié les difficultés économiques et la crise a notamment exacerbé les relations avec le Rwanda voisin.

La France, les États-Unis ainsi que l’Union européenne ont exprimé leur inquiétude face à l'insécurité et à la répression autour du référendum. Pourtant, le représentant des Nations Unies au Burundi, Albert Shingiro, a déclaré que les gouvernements étrangers devaient respecter la souveraineté du Burundi. L'église catholique, influente, a dit que ce n'était pas le moment d'amender la constitution, compte tenu de l'insécurité actuelle et des nombreux réfugiés qui ne pouvaient pas voter.

Les partisans du gouvernement burundais soutiennent que le référendum démontre l'indépendance du pays de l'ingérence occidentale. Les fonctionnaires ont minimisé les réformes, en disant qu'elles affectaient seulement une partie de la constitution. Les opposants s'attendent à ce que le “Oui” l'emporte, mais craignent qu'il ne consolide légalement un “président éternel” et le retour d'un État à parti unique.

Quoi qu'il en soit, le référendum semble avoir renforcé les divisions alors que des défis politiques et économiques pressants persistent.

Entachées d'irrégularités, les premières élections parlementaires au Liban depuis neuf ans ont déçu les candidats indépendants

lundi 14 mai 2018 à 20:33

Des bénévoles pour la liste “Kollouna Watani” attendent les résultats à leur quartier général, dimanche 6 mai 2018. Photo de l'auteur.

[Les liens renvoient vers des pages en anglais ou arabe] Dimanche 6 mai 2018, les citoyens libanais résidant au Liban ont voté pour un nouveau parlement, leurs premières élections depuis 2009. Le scrutin a connu une faible participation (49,2 pour cent), des heurts entre les partis pendant et après la journée électorale, et des milliers d'allégations de fraude.

Les citoyens libanais étaient supposés voter en 2013, mais le parlement libanais s'est de façon controversée auto-prolongé à trois reprises depuis 2009, invoquant la ‘situation sécuritaire’ (c'est-à-dire la guerre dans la Syrie voisine), avant d'adopter une nouvelle loi électorale pour façonner les élections de 2018.

La nouvelle loi électorale repose sur une représentation proportionnelle et religieuse assurant une division à parts égales des sièges entre musulmans et chrétiens dans ce pays aux religions diverses.

Lire : Activists Cry Foul as Lebanon Imposes a Tax Hike Right Before Postponing Elections, Again [Des militants crient à l'injustice devant la hausse d'impôts au Liban juste avant un nouveau report des élections ; en anglais, non traduit en français]

Selon ses initiateurs, la novation devait encourager la participation démocratique. Le taux inférieur à 50 % a laissé beaucoup dubitatifs.

Irrégularités par milliers

L'Association libanaise pour des élections démocratiques (LADE selon l'acronyme anglais) a enregistré des milliers d'irrégularités électorales, parmi lesquelles des dizaines de cas où des bénévoles des partis étaient debout derrière les isoloirs pendant que les votants se rendaient aux urnes, en évidente violation du droit au secret du vote.

Une autre vidéo semble montrer des bulletins extraits de leurs urnes et emportés vers une destination inconnue, sous les yeux attentifs d'un militaire. A Tripoli, dans le nord du Liban, un responsable du Mouvement du Futur a été filmé donnant de l'argent à des sympathisants du parti, éveillant le soupçon qu'il récompensait les votants en espèces.

En outre, la LADE a signalé 222 cas d'intimidation ou de coercition sur des électeurs à l'intérieur ou à proximité des bureaux de vote, 11 cas d'achats de voix, et 34 cas de violences à l'intérieur et à proximité des bureaux de vote.

La Lebanese Transparency Association (LTA), branche locale de Transparency International (TI), a relevé des conflits d'intérêt dus au fait que 16 ministres de l'actuel gouvernement libanais étaient au nombre des candidats. Parmi eux, le ministre de l'Intérieur et des Municipalités, qui intervient directement dans la gestion de la procédure électorale.

LTA et TI ont proposé d'urgentes réformes électorales :

call on the government of Lebanon to significantly improve transparency around campaign financing and regulations, including communicating about relevant spending ceilings for each district, publishing financial reports and account information from candidates running for office and making the voting results from every polling station publicly available. Furthermore, LTA calls on the government of Lebanon to prohibit incumbent government ministers from running for future Parliamentary elections.

(…) appellent le gouvernement du Liban à améliorer significativement la transparence autour du financement et de la réglementation des campagnes, en communiquant sur les plafonds appropriés de dépenses pour chaque circonscription, en publiant les rapports financiers et les informations comptables des candidats concourant pour des sièges, et en rendant disponibles au public les résultats de vote de chaque bureau. De plus, la LTA appelle le gouvernement du Liban à interdire aux ministres en poste de se présenter aux futures élections parlementaires.

Résultats confus et bâclés

Le ministère de l'Intérieur a publié avec retard les résultats complets, y compris ceux des candidats battus. C'est le vendredi 11 mai, cinq jours après le scrutin, que les résultats définitifs ont été publiés sur le site internet du ministère.

Ceci a créé la confusion pour certains regroupements, comme la liste Kollouna Watani (KW), une de celles qui représentaient ce qu'on appelle au Liban la ‘société civile’, un groupe divers de gens non liés aux partis confessionnels au pouvoir.

La candidate à la députation Joumana Haddad s'adresse à une manifestation contestant les résultats électoraux de la 1ère circonscription de Beyrouth. Photo de l'auteur.

Joumana Haddad, une candidate de KW au “siège des minorités” dans la première circonscription de Beyrouth, a annoncé sa victoire après le premier comptage des votes par des représentants de KW et d'autres partis, et a annoncé avoir remporté le siège.

Mais le lendemain matin, alors que les résultats officiels n'étaient toujours pas sortis, c'est un autre candidat qui a été annoncé gagnant à la suite d'un second comptage.

Selon des représentants de Kollouna Watani, des délégués ont été exclus d'une salle où les bulletins étaient dépouillés, au motif d'une erreur technique non précisée.

Un témoin oculaire de Kollouna Watani confirme ce qui se propage déjà sur les médias sociaux : à savoir, il était admis qu'ils avaient deux sièges à Beyrouth, jusqu'à ce qu'un ‘problème informatique’ surgisse, leurs délégués ont été mis dehors de la salle, et à leur retour Joumana Haddad n'avait plus de siège

S'exprimant devant la télévision privée ‘Al Jadeed’, Gilbert Doumit, un autre candidat de KW, a rapporté que le ministère de l'Intérieur a apporté une urne perdue dans cette même salle de comptage d'où ils avaient été expulsés. Les urnes ne sont pas censées passer par le ministère de l'Intérieur et le dépouillement doit se faire directement dans un centre de dépouillement à Beyrouth.

Un manifestant brandit un drapeau avec l'inscription “Joumana est députée”. Joumana Haddad soutient ouvertement les droits des LGBTQ+. Photo de l'auteur.

Près d'un millier de personnes ont manifesté devant le ministère de l'Intérieur le lendemain, 7 mai, contestant les résultats et protestant contre les milliers d'irrégularités.

Certains tenaient des pancartes disant ‘Joumana est députée’. La manifestation s'est transformée en occupation et a barré une des principales artères de Beyrouth, celle qui relie la première à la deuxième circonscription, pendant plusieurs heures avant de se terminer pacifiquement.

Au lendemain de la manifestation, Joumana Haddad a annoncé sur sa page Facebook son intention de contester les résultats officiels.

Tensions entre partis

Malgré la forte présence de l'armée et des Forces de sécurité intérieure, des heurts et des différends se sont produits à travers le pays.

A Beyrouth, des partisans du Hezbollah de Hassan Nasrallah et du Mouvement du Futur de Saad Hariri se sont mutuellement crié des slogans confessionnels. A Zahlé, dans l'est, les partisans des Forces libanaises de Samir Geagea ont agressé des bénévoles des candidats indépendants. A Bint Jbeil, une ville du sud, des représentants de Kollouna Watani ont aussi indiqué avoir subi le harcèlement d'adhérents des partis dominants.

Les partis nominalement alliés n'ont pas été exempts de ces heurts. A Nabatieh, les adeptes du parti Amal de Nabih Berri ont attaqué un convoi du Parti communiste libanais.Les deux partis sont théoriquement alliés.

Les tensions sont montées d'un cran le lendemain de l'élection. Des motards à scooter portant des drapeaux du Hezbollah et d'Amal ont paradé dans des quartiers où leur présence est minime, et connus pour avoir de nombreux partisans du Mouvement du Futur.

Ils scandaient des slogans confessionnels, tels que “Beyrouth est maintenant chiite”, car des candidats du Hezbollah ont aussi été élus dans la deuxième circonscription de Beyrouth, traditionnellement un bastion du Mouvement du Futur dirigé par Saad Hariri, musulman sunnite et actuel Premier Ministre. Ils ont aussi été filmés accrochant un drapeau du Hezbollah sur la statue de Rafik Hariri, un précédent premier ministre (et père de l'actuel), près du lieu de son assassinat. Ce qui a été vu comme une provocation, car Rafik Hariri était un opposant déclaré du régime syrien, que soutiennent le Hezbollah et Amal.

La riposte à ces caravanes n'a pas tardé : des sympathisants des partis de l'autre bord (notamment le Mouvement du Futur) ont attaqué le groupe. Ces escarmouches ont dégénéré avec quelques coups de feu, mais l'armée, en état d'alerte avancée, est intervenue et le calme a bientôt été rétabli à Beyrouth.