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Quand l’Algérie fait la une, les médias francophones et anglophones réagissent différemment

jeudi 28 mars 2019 à 09:52

algerie media manifestations

Manifestants le 10 mars 2019 à Blida par Fethi Hamlati — CC BY-SA 4.0

Les manifestations qui secouent l’Algérie depuis le 16 février 2019 pour protester contre la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat présidentiel changent la donne politique dans le pays. En effet, Bouteflika a annoncé le 11 mars qu’il renonçait à se représenter aux élections. Depuis cette date, la contestation continue à travers des manifestations de grande envergure, alors que le pouvoir a annoncé la tenue d'une conférence nationale chargée de définir d'ici fin 2019 une nouvelle constitution qui permettrait de prolonger son quatrième mandat, dont la fin est prévue le 27 avril 2019. C'est cet amendement que la population conteste désormais dans un face-à-face de plus en plus tendu, et dont l’issue reste incertaine.

Cette incertitude donne lieu à de nombreuses interprétations sur les scénarios possibles, tant du côté du pouvoir que du côté des citoyens. La presse occidentale, alertée par ces manifestations sans précédent, essaie de décoder les raisons qui poussent les Algériens à descendre dans la rue.

A ce sujet, il est intéressant de noter des approches fondamentalement différentes entre la presse anglophone et la presse francophone. Ceci est notamment possible grâce à l’utilisation de mots clefs au moyen de Media Cloud, un logiciel open source d'analyse des écosystèmes médiatiques.

Media Cloud permet de quantifier, évaluer et affiner la couverture journalistiques des manifestations en fonction de la localisation géographique ou de la distribution linguistique à travers le monde. Media Cloud confirme ainsi la disparité de couverture médiatique: entre le 16 février et le 26 mars 2019, le pourcentage d'articles sur les manifestations en Algérie variait entre 0,1% et 3.4%.

Couverture médiatique des manifestations en Algérie dans les journaux anglophones via Media Cloud

Sur la même période, le pourcentage d'articles dans les médias francophones parlant des manifestations varie entre 0,4% et 4,5%. Certes le passé colonial et les liens historiques entre l'Algérie et la France jouent un rôle important dans cette disparité mais l’écart moyen entre médias anglophones et francophones reste considérable:

Couverture médiatique des manifestations en Algérie dans les journaux francophones via Media Cloud

Une autre différence notoire est le fait que les événements d'Algérie sont considérés comme “moins dignes d'attention” dans la presse anglophone si on compare avec ce qui se passe dans le domaine francophone.

Ainsi, les données de Google Trend montrent que la proportion de recherche sur les mots-clés “Algeria Protests” sont bien inférieures à celle des recherches comportant “Manifestations Algérie” dans le monde entier (et ceci sans prendre en compte le fait que la population anglophone globale est bien supérieure en nombre à la population francophone):

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Ali Boukhlef, reporter pour Liberté Algérie, souligne la différence entre la presse anglophone et la presse francophone:

Les médias étrangers ont abordé le sujet avec des commentaires allant de l’interrogation sur l’avenir de l’Algérie à la possibilité de voir réellement le chef de l’État assumer ses charges dans l’état de santé qui est le sien. Sans surprise, c’est la presse française qui a consacré de larges écrits (..) le Français Michael Darmon, s’est interrogé, lui, sur les ondes de radio Europe 1, sur l’attitude de la France au cas où l’actuel chef de l’État briguerait un nouveau mandat. Le journaliste affirme même que les autorités de son pays sont inquiètes de la situation de confusion politique qui règne en Algérie. Le Journal Le Monde, qui s’est contenté dans un premier temps d’évoquer cette possibilité dans un petit article, est longuement revenu sur la “résignation de l’opposition” en Algérie. La presse anglo-saxonne s’est limitée, pour l’instant, à rapporter les faits. Le Daily Mail, le Middle East Eye, ou encore les sites des grandes chaînes de télévision arabes ont rapporté les déclarations du secrétaire général du FLN, sans toutefois les commenter.

Kamel Daoud, chroniqueur au Point et au Quotidien d’Oran, écrit que l'Algérie doit se libérer du jugement des médias étrangers:

C’est surtout une malheureuse réalité qui s’impose : nous ne sommes pas libres de la France si sa réaction nous importe aussi fort, au point de faire verser dans le délire ou la parade nationaliste (..) Demander, exiger, hurler à l’obligation de reconnaissance ou pour dénoncer une méconnaissance, ne prouve qu’une chose : nous ne sommes pas encore tout à fait libres et capables de liberté. Notre pays ne peut pas se construire par cette dépendance, ni par un enfermement volontaire dans une exigence infantile de « justice » mondiale.

Sur la différence de point de vue entre les différents médias, on observe aussi ainsi que dans les médias anglophones, les mots-clés les plus souvent cités en relation aux derniers évènements sont les suivants:

Alors qu'en français, le nuage de mots lié à ces mots-clés diffère sensiblement du nuage de mots en anglais:

Nuage de mots pour les medias francophones sur les manifestations en Algérie via Media Cloud

On observe que les journaux francophones mettent l'accent sur la problématique des mandats du président, et soulignent le parallèle avec les mouvements en France et les forces policières. Les sites anglophones de leur côté, lient les événements aux élections à venir et mentionnent Trump, ainsi que le Venezuela et le Soudan.

Adam Nossiter pour le New York Times revient sur l'emprise d'un club fermé sur le pouvoir en Algérie, citant un manifestant qui décrit le gouvernement “comme un clan“. Youcef Bouandel pour Al Jazeera replace l'Algérie dans le contexte du printemps arabe en 2010.  Pour la BBC, Ahmed Rouaba a choisi de mettre l'emphase sur l'impact des réseaux sociaux:

The demonstrations are being organised on social media – and while the trigger has been Mr Bouteflika's re-election bid, anger is also being expressed about perceived deep-rooted corruption among the ruling elite.

Les manifestations ont été organisées sur les médias sociaux – c'est bien la candidature de M. Bouteflika qui a déclenché les évènements, mais la colère s'est aussi exprimée au sujet de la corruption qui est perçue comme étant profondément enracinée au sein de l'élite dirigeante.

Les journaux francophones prennent un angle différent:  Pierre Haski pour le Nouvel Obs écrit sur l‘étrange silence du gouvernement français alors qu'il n'a pas hésité à se positionner ailleurs. Marc Daou pour France 24 fait une revue des réactions des pays voisins: en Tunisie, le gouvernement estime que le “peuple algérien a le droit de s'exprimer” alors qu'au Maroc, selon Daou: “de nombreux Marocains ont accueilli avec une certaine satisfaction ce qu’ils considèrent comme une rétractation du président algérien face à la jeunesse du pays”.

En résumé, les journaux anglophones semblent revenir à des narratifs bien rodés, alors que les médias en français essayent de s'adapter à une réalité en évolution permanente qui a un impact certain sur la région. Cette vision plus complexe dans les médias francophones est essentiellement portée par une analyse affinée, et une vaste couverture des manifestations par des journalistes algériens qui sont sur place et donnent ainsi une perspective plus diversifiée.

@DigiAfricanLang : Adéṣínà Ayẹni veut amener le yorùbá dans la cour des grands, du 27 mars au 2 avril 2019

jeudi 28 mars 2019 à 09:38

Photographie fournie par Adéṣínà Ayẹni.

En 2019, dans le cadre d'une campagne de célébration de la diversité linguistique sur les réseaux sociaux, nous avons décidé d'inviter des militants linguistiques africains à piloter le compte Twitter @DigiAfricanLang et à partager leur expérience sur la revitalisation et la promotion des langues africaines. Adéṣínà Ayẹni, aussi connu sous le nom d'Ọmọ Yoòbá (@yobamoodua) nous explique ce qu'il a l'intention de discuter pendant sa semaine.

Rising Voices (RV) : Pouvez-vous nous parler de vous ?

Adéṣínà Ayẹni otherwise known as Ọmọ Yoòbá is a journalist and cultural advocate who took up the socialization function of the media through the preservation, dissemination and transmission of the Yorùbá cultural heritage both online and offline. As a voice over artist, he has produced uncountable Yorùbá advertisements for Nigeria radio campaigns and TVC. He's the founder of Yobamoodua Cultural Heritage, a platform dedicated to the propagation of the Yorùbá language and culture. Ọmọ Yoòbá is also the língua manager for the Global Voices Yorùbá site. He is a Yorùbá language instructor on tribalingua.com where he has tutors students all over the world. He has also worked with Localization Lab, an international community of volunteer translators and end users, developers and intermediaries who work together to translate and localize digital security and circumvention tools.

Ọmọ Yoòbá has written a book titled: Ẹ̀yà Ara Ẹ̀dá Ọmọ Ènìyàn, a compilation of labeled diagram of the anatomy and morphology of the human body and herbs that work wonders on each parts of the body. He is a research fellow of the Firebird Foundation for Anthropological Research.

Je suis Adéṣínà Ayẹni, mais on m'appelle aussi Ọmọ Yoòbá. Je suis un journaliste et militant culturel, et j'ai repris la fonction socialisatrice des médias pour la préservation, la dissémination et la transmission du patrimoine culturel yorùbá à la fois sur Internet et dans la vie courante. En tant qu'artiste de doublage et de voix hors champ, j'ai produit de nombreuses publicités en yorùbá pour la radio nigériane et TVC [chaîne de télévision nigériane en continu, NdT]. J'ai fondé Yobamoodua Cultural Heritage, une plate-forme dédiée à la dissémination de la langue et la culture yorùbás. Je gère également le site de Global Voices en yorùbá. J'enseigne le yorùbá sur tribalingua.com et mes étudiants viennent du monde entier. J'ai travaillé avec le Localization Lab, une communauté internationale de traducteurs, utilisateurs, programmeurs et intermédiaires bénévoles qui traduisent des outils de contournement et de sécurité numérique.

J'ai écrit un livre intitulé Ẹ̀yà Ara Ẹ̀dá Ọmọ Ènìyàn, une compilation de diagrammes anatomiques et morphologiques en yorùbá et d'herbes qui font des merveilles sur chaque partie du corps humain. Je suis aussi chercheur à la Fondation Firebird pour la recherche anthropologique.

RV : Quel est l'état actuel de votre langue sur et en dehors d'Internet ?

Firstly, the interest of the Yorùbá language online is commensurate to that of online, because many native speakers had abandoned the language of their ancestors, they do not want to associate with the language.
Though there have been upsurge in the presence of promoters of the language online but the reception is not something to talk about. On the other hand, people seldom speak the language, even parents do not encourage their offsprings to communicate in the mother tongue. It is not a good thing for the development of the language. The status is not different online and offline, there is no support for the language like the official English language.

Tout d'abord, l'intérêt pour le yorùbá sur Internet est proportionnel à celui qu'on lui porte dans la vie courante : beaucoup de locuteurs natifs ont abandonné la langue de leurs ancêtres, ils ne veulent pas y être associés. Bien qu'il y ait eu une augmentation soudaine du nombre de promoteurs du yorùbá, on ne parle pas de la réception [des initiatives]. D'un autre côté, les gens parlent rarement yorùbá. Même les parents n'encouragent pas leurs enfants à communiquer dans leur langue maternelle. Ce n'est pas une bonne chose pour le développement de la langue. Son état n'est pas différent sur Internet, il n'y a aucun soutien pour le yorùbá comme pour l'anglais, la langue officielle.

RV : Sur quels sujets allez-vous communiquer sur le compte @DigiAfricanLang ?

History of the Yorùbá orthography, excerpts from the Ẹ̀yà Ara Ẹ̀dá Ọmọ Ènìyàn book, Yorùbá towns and villages, Yorùbá innovators, great individuals and et cetera.

L'histoire de l'orthographe du yorùbá, des extraits du livre Ẹ̀yà Ara Ẹ̀dá Ọmọ Ènìyàn, des noms de villes et villages yorùbás, des innovateurs et des personnes exceptionnelles yorùbás etc.

RV : Qu'est-ce qui motive votre militantisme linguistique pour le yorùbá ?

The ecological knowledge present in the Yorùbá indigenous language is too abundant to overlook or say, left to perish with time. Proverbs and ancient stories are insights into the theory and philosophy behind the Yorùbá heritage and language. These unique identity must be preserved due to its importance to the development of the world.

Le savoir écologique présent dans la langue yorùbá est trop abondant pour être négligé, ou pour être laissé de côté jusqu'à ce que le yorùbá périsse. Les proverbes et les récits anciens sont des apercus de la théorie et de la philosophie qui se cachent derriere le patrimoine et la langue yorùbás. Cette identité unique doit être préservée à cause de son importance pour le développement du monde.

RV : Qu'espérez-vous pour votre langue ?

That the Yorùbá language is recognised internationally among the major languages of the world, so that I can speak in Yorùbá language and an interpreter interpret to English or other languages. It is my hope that the language is used as the language of discourse and pedagogy in school across the South Western part of Nigeria, and that every Yorùbá child will speak, write and read the language fluently.

Que la langue yorùbá soit reconnue internationalement parmi les grandes langues du monde, de façon que je puisse parler en yorùbá et qu'un interprète [me] traduise en anglais ou dans une autre langue. Mon espoir, c'est que ma langue soit utilisée comme langue de conversation et d'enseignement à l'école dans le sud-ouest du Nigeria, et que chaque enfant yorùbá parle, écrive et lise le yorùbá couramment.

Au Burundi, gribouiller sur la photo du président mène en prison

mercredi 27 mars 2019 à 14:36

Gribouilleurs solidaires

Le président Jacob Zuma en visite au Burundi le 25 février 2016. Crédit photo : GovernmentZA. Flickr, licence CC.

Six écolières ont été arrêtées mardi 12 mars dans la province de Kirundo dans le nord-est du Burundi pour avoir gribouillé sur des photos du Président Pierre Nkurunziza contenues dans cinq manuels. Les écolières étaient accusées d'avoir “insulté le chef de l’État”.

La Fédération nationale des associations engagées dans le domaine de l'enfance au Burundi (FENADEB) a rapporté qu'un autre élève, âgé de 13 ans a été immédiatement relâché parce qu'il était un mineur de moins de 15 ans.

Trois élèves auraient été remises en liberté provisoire vendredi 15 mars, mais les trois restantes ont été maintenues en détention. Les jeunes filles, âgées de 15 à 17 ans, encourent, si elles sont reconnues coupables, jusqu'à cinq ans d'emprisonnement pour insultes au président. Le journal Iwacu a rapporté que les familles concernées étaient dans un profond désarroi.

“Le gribouillage [sur la photo du président] est un délit punissable selon la loi burundaise” indique un article de Reuters. Néanmoins, l'âge des coupables peut valoir “circonstances atténuantes” dans le jugement de ces élèves.

Un enseignant anonyme a relevé que les manuels n'avaient pas été vérifiés depuis plusieurs années, et sont souvent partagés entre les élèves. Il est donc difficile de savoir qui les a maculés.

Un épisode similaire avait eu lieu en 2016, à la suite de la controverse sur le troisième mandat du président, lorsque des lycéens avaient gribouillé sur des photos de Nkurunziza dans un manuel. Les autorités y avaient vu une insulte grave et avaient renvoyé des centaines d'élèves de diverses écoles dans tout le pays. Huit élèves furent inculpés d’ “insulte au chef de l’État” et “mise en danger de la sécurité de l’État”, mais auraient été ensuite disculpés.

Ces actes furent fortement critiqués. Zeid Ra'ad Al Hussein, le Haut-commissaire des Nations Unies aux droits humains, publia une déclaration le 29 juin 2016:

I am dismayed by continuing reports of the suspension and arrest of schoolchildren and students for having scribbled on pictures of the president in textbooks.

Je suis atterré par les récits continuels de suspension et d'arrestation d'écoliers et de lycéens pour avoir gribouillé sur des photos du président dans des manuels.

Nkurunziza, ‘guide suprême éternel’

Le Président du Burundi Pierre Nkurunziza. Photo : Eric Miller / Forum économique mondial, Sommet africain de 2008, Le Cap, 3-6 juin 2008. Image via Flicker (CC BY-NC-SA 2.0).

Pierre Nkurunziza préside le Burundi depuis 2005. En 2015, il a été désigné par son parti candidat à un troisième mandat présidentielle, de façon controversée.

En mars de l'année dernière, Nkurunziza a reçu l'appellation de “guide suprême éternel” de son parti politique, le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD). Evariste Ndayishimiye, le secrétaire général du CNDD-FDD, a expliqué pourquoi ce titre a été conféré à Nkurunziza :

He is our leader. Therefore in our party… no one is comparable to him. He is our parent; he is the one who advises us. That is why I ask all our members to respect that because a home without the man (its head) can be overlooked by anybody. For us, we have the best.

Il est notre chef. C'est pourquoi dans notre parti… personne ne peut se comparer à lui. Il est notre père ; il est celui qui nous conseille. C'est pourquoi je demande à tous nos membres de respecter cela parce qu'une maison sans homme (à sa tête) peut être prise à la légère par n'importe qui. Nous, nous avons le meilleur.

Si le CNDD-FDD a minimisé le titre, le statut renforcé de Nkurunziza de “guide suprême éternel” rend difficile à quiconque de contester ses choix, y compris celle de modifier la limitation des mandats à deux consacrée par la constitution burundaise. Cela reflète la centralisation du pouvoir dans le parti de gouvernement autour de Nkurunziza et ses partisans, ainsi que la mainmise du parti sur es institutions étatiques.

Solidarité des gribouilleurs

En signe de protestation, les internautes se sont mis à gribouiller sur des photos du président Nkurunziza sous les deux mots-clics #Nkurunziza et #Burundi :

Les internautes burundais gribouillent pour protester, en griffonnant sur des photos du président Nkurunziza en réaction à l'arrestation de trois écolières détenues pour avoir dessiné sur la photo du président dans leurs manuels scolaires.

Si je faisais ça dans le Burudi de Nkurunziza, on pourrait me mettre en prison #GribouilleMoi

Merci CNN Jeune Afrique FRANCE24 RFIAfrique africanews Le monde.fr et les autres pour votre solidarité avec les adolescentes emprisonnées parce qu'elles ont gribouillé sur la photo de Nkurunziza.

Le gouvernement du Burundi a emprisonné des écolières qui auraient gribouillé sur des photos du président. Nous tweetons par solidarité nos photos gribouillées.

Ils nous ont mis au défi de gribouiller sur la photo de notre président, c'est ce que j'ai fait. J'ai confiance que je ne serai pas arrêté ici.

[en-dessous, avec les images : OK. Voici le président du Parlement européen Tajani ; le président du Conseil européen Tusk ; le président de la Commission européenne Juncker ; et le Premier ministre belge Charles Michel. Je ne serai pas arrêté pour cela, ça s'appelle la liberté d'expression. Un droit humain fondamental.]

Répression de toute critique

Le pouvoir burundais devient de plus en plus sensible aux critiques depuis 2015, après un putsch avorté, des affrontements avec des groupes rebelles, les dénonciations de violations de droits, les sanctions, les pénuries économiques et une crise des réfugiés. La volonté de troisième mandat de Nkurunziza s'est heurtée à l’opposition de l'Union européenne, et à celle de l'ONU qui a  exigé une restauration de la stabilité en préalable aux élections. Face à ces défis, une “mentalité d'assiégé” s'est solidifiée et les autorités ont pris des mesures plus drastiques contre tout ce qu'elles perçoivent comme des menaces.

Le rapport spécial de mai 2018 de Human Rights Watch a révélé que les forces de sécurité d’État, les services de renseignements et les Imbonerakure, membres du mouvement de jeunesse du parti au pouvoir, ont mené des attaques ciblées violentes contre des opposants ou opposants suspectés, des activistes des droits humains et des journalistes, “tuant un nombre de personnes estimé à 1.700 en plus d'innombrables disparitions forcées, viols, tortures, passages à tabac, détentions arbitraires et intimidations”.

Ce qui a conduit à un exode de Burundais qui ont fui notamment en Tanzanie, au Rwanda, en République démocratique du Congo (RDC) et en Ouganda. Si des milliers sont revenus, le Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés enregistrait un total de plus de 347.000 réfugiés burundais en février 2019, indique l'UNHCR :

…[P]olitical unrest in Burundi took a deadly turn in 2015 after the president announced plans to seek a third term. Street protests led to violent clashes, and hundreds of thousands fled to nearby countries in search of safety.”

…Les troubles politiques au Burundi prirent un virage meurtrier en 2015 lorsque le président annonça ses projets de briguer un troisième mandat. Les manifestations de rue conduisirent à des heurts violents, et des centaines de milliers de personnes fuirent dans les pays voisins pour se mettre en sécurité.

Au début de ce mois, le Burundi a fermé le bureau des droits humains de l'ONU après 23 ans, disant ne plus en avoir besoin. Le gouvernement était furieux que le Haut commissaire des Nations Unies aux droits humains, Zeid Ra'ad Al Hussein, ait qualifié le Burundi de Nkurunziza d’ “un des abattoirs d'êtres humains les plus prolifiques de l'époque récente” en février 2018.

Fermetures d'organes de médias, harcèlement des opposants, chasse aux ONG et restriction de l'espace politique pour les narratifs et arguments alternatifs visent à bloquer toute expression dissidente.

Par exemple, le militant des droits Germain Rukiki qui a documenté les actes de torture commis par le régime Nkurunziza a été condamné à 32 ans de prison en 2018 pour “participation à un mouvement insurrectionnel”, “mise en danger de la sécurité nationale” et “rébellion.” Le procès de Rukiki a en outre été entaché d'irrégularités et s'est tenu avant le référendum constitutionnel controversé.

L’ “affaire du gribouillage” signale également l'approche de plus en plus conservatrice et moralisatrice du pouvoir, avec des mariages obligatoires pour les couples en concubinage en 2017, la répression de la prostitution et celle de la mendicité.

Deux ans après avoir purgé sa peine, le militant émirati Osama al-Najjar est toujours en détention

mercredi 27 mars 2019 à 11:22

Ce militant aurait dû être relâché en mars 2017.

Osama al-Najjar reste en détention, bien qu'il ait purgé sa peine depuis deux ans. Crédit photo : compte Twitter du militant

Bien qu'il ait purgé sa peine de trois ans il y a maintenant déjà deux ans, le militant émirien Osama al-Najjar demeure en détention illégale.

Al-Najjar a été arrêté en mars 2014 après avoir publié des tweets dénonçant la torture subie par son père en prison, et avoir appelé à libération de son père et de celle d’autres prisonniers d’opinion détenus aux Émirats arabes unis.

Le père d’Osama, Hussain Al-Najjar, est l'un des 94 militants ayant été poursuivis collectivement en 2013 pour « atteinte à la sécurité de l’État » après avoir appelé à des réformes politiques aux Émirats. Il purge actuellement une peine de 11 ans de prison.

En novembre 2014, la Chambre fédérale pour la sécurité nationale de la cour suprême, dont les verdicts sont sans`appel, a condamné Osama à une peine de trois ans de réclusion, conformément à la loi émirienne sur la cybersécurité, pour plusieurs motifs, dont l’« incitation à la haine » contre l’État et la « création et la gestion d’un site internet [contenant] des idées et informations satiriques et diffamatoires ».

Il aurait dû être relâché le 17 mars 2017, mais à la demande du procureur général, le tribunal a décrété qu’il représentait une « menace » pour la sécurité nationale, prolongeant ainsi sa peine sans en indiquer la durée. Deux ans plus tard, Osama est toujours derrière les barreaux, ignorant pour combien de temps encore.

Dans une déclaration récente à l’occasion de l’anniversaire de la fin de sa peine officielle, la Campagne internationale pour la liberté aux Émirats Arabes Unis a annoncé :

As there is no trial proceeding this form of detention, those transferred to such facilities can be held indefinitely with the government – rather than the judiciary – handing down punishment. This type of administrative detention grossly violates international standards of due process.

Étant donné que ce type de détention ne résulte d'aucune procédure judiciaire, ceux transférés vers de tels établissements peuvent être retenus indéfiniment par le gouvernement qui inflige les peines en lieu et place du judiciaire. Ce type de détention administrative constitue une violation grave des normes internationales en matière de justice.

Bien qu’il n’ait pas été condamné pour infraction terroriste, Osama est détenu au centre de consultation de la prison d’al-Razeen, conformément à la loi antiterroriste du pays. Les autorités émiraties affirment que l’objectif d’un tel centre est d’offrir un accompagnement à ceux considérés comme « une menace contre l’État ». Or, des groupes de défense des droits humains déclarent que les autorités se servent de mesures antiterroristes et des centres dits « de consultation » comme prétexte pour pouvoir prolonger indéfiniment la peine de prisonniers d’opinion.

Pourquoi le peuple autochtone Pemón a serré les rangs face au gouvernement de Nicolás Maduro

mercredi 27 mars 2019 à 11:09

Sur une fresque de la ville de Guarenas, au nord du Venezuela, on peut lire : « Non au massacre du peuple autochtone. ». Photo partagée par Provea sur Instagram. Reproduction autorisée.

[Article d'origine publié en espagnol le 7 mars 2019] Fin février, lorsque les foules menées par le chef de l'opposition Juan Guaidó ont tenté d'apporter de l’aide humanitaire [en anglais, comme pour tous les liens ci-dessous] par les frontières de la Colombie et du Brésil, le peuple autochtone Pemón a fait la une de la presse internationale après que certains de ses membres se sont heurtés aux forces de sécurité vénézuéliennes.

Les 22 et 23 février, les militaires ont affronté les manifestants dans les villes frontalières de Pacaraima (Brésil) et Santa Elena de Uairén (Venezuela). Ils ont utilisé la force létale contre les autochtones Pemón dans le village vénézuélien de Kumarakapay, localisé à 70 km de la frontière, faisant un mort et seize blessés. Les jours suivants, six autres Pemón sont morts dans les hôpitaux de la région.

Certains Pemón ont réagi en capturant un nombre indéterminé d'officiers de la Garde nationale bolivarienne du Venezuela, qui ont été libérés peu après. Dans les semaines qui ont suivi, la police a arrêté au moins 58 personnes dans les environs, dont 16 du peuple Pemón. Certains ont déclaré avoir subi des tortures et des traitements cruels pendant leur détention.

Lors d'un entretien avec Sic magazine, une publication de Centro Gumilla, un centre de recherche jésuite, une activiste Pemón, Lisa Henrito, a condamné la répression à Gran Sabana, la municipalité vénézuélienne élargie qui inclut Kumarakapay et Santa Elena de Uairén :

…hasta esta fecha y hora, martes, 26 de febrero 2019 a las 5:55 pm sigue la guerra psicológica, hostigamiento y persecución militar. La intimidación donde a cada rato pasan los tanques, los convoy full de efectivos militares, vehículos oficiales con supuestos efectivos de la policía allanando casas y en hora de la noche hay toque de queda, una situación que ya vienen afectando a nuestros ancianos y ancianas, a nuestros niños y niñas…

…Jusqu'à ce jour, mardi 26 février 2019, 17h55, la guerre psychologique, le harcèlement et la persécution par les militaires se poursuivent. C'est l'intimidation à tout moment avec des blindés militaires qui passent, ainsi que des convois pleins d'effectifs militaires, et des véhicules officiels avec des prétendus policiers fouillant les maisons. Il y a un couvre-feu la nuit. Cette situation affecte nos aînés et nos enfants…

Mais les tensions entre les Pemóns et le gouvernement de Nicolás Maduro sont bien antérieures à l'impasse politique actuelle au Venezuela.

Habitant principalement dans l'État vénézuélien du Bolívar, qui borde à la fois le Brésil et le Guyana, les Pemóns constituent le quatrième plus grand groupe autochtone du Venezuela. Ces dernières années, le président bolivarien a autorisé les projets d'extraction minière sur leur territoire sans leur accord et a déployé régulièrement des forces militaires sur leurs terres.

Certains de ces projets font partie du développement stratégique national de l’arc minier de l’Orénoque, un grand projet du gouvernement Maduro de 2016, qui souhaite augmenter l'activité minière légale dans le bassin de l'Orénoque, riche en ressources — et longtemps dominée par des gangs aux activités minières illégales.

L’Arc Minier, comme on l'appelle communément, alloue à l'exploitation une zone correspondant à 12 % du territoire national du Venezuela. Jusqu'à présent, plus de 150 entreprises de 35 pays ont manifesté leur intérêt à concourir pour obtenir des concessions.

Mais l'initiative a été critiquée du fait de l'absence d'études concernant son impact potentiel sur l'environnement et l'homme. Plusieurs groupes autochtones vivent dans la zone désignée — dont les Pemóns, qui expliquent qu'ils n'ont pas été consultés sur le projet. La zone empiète [en espagnol] aussi sur les réserves protégées, telles que les parcs nationaux et sites sacrés.

En août 2018, la section vénézuélienne d'Amnesty International a averti que de hauts responsables de l'armée prennent régulièrement pour cible des militants Pemón qui protestent contre les projets de l'Arc minier. Les officiers de l'armée les accusent couramment d'être des « séparatistes. »

Lors d'un entretien avec Global Voices Juan Carlos La Rosa, un membre du groupe éducatif Wainjirawa, une organisation autochtone interculturelle, explique que les Pemóns sont parvenus à un tel niveau d'autonomie que le gouvernement les considère maintenant comme une menace :

[La unidad y la organización de los pemón] no le gusta a un gobierno que tiene un plan minero como el Arco Minero del Orinoco. [Tampoco] le gusta a las bandas criminales, consentidas de manera ya muy clara por el ente encargado de la administración de seguridad de la región y del negocio del oro y el coltán.  

[L'unité et l'organisation du peuple Pemón] ne plaît pas au gouvernement qui a un plan minier avec l'Arc minier de l'Orénoque. [Elles déplaisent également] aux bandes criminelles, clairement tolérées par les responsables en charge de la sécurité de la région, et les barons de l'or et du coltan.

La Rosa ajoute que ces communautés autochtones sont dans des situations dangereuses, entourées de gangs illégaux et de militaires. Elles ont alors créé des alternatives pour défendre leurs territoires et leurs droits :

El pueblo pemón creó el Consejo de Caciques Generales del Pueblo Pemón, los liderazgos comunitarios y la Guardia Territorial Indígena Pemón, que no le pertenece a nadie sino a las comunidades. Se subordina a la autoridad ancestral electa por todos los pemón y no es un grupo paramilitar como lo están señalando las matrices producidas desde el gobierno nacional.

Le peuple Pemón a créé le conseil général des caciques Pemón, les chefferies communautaire, et la garde territoriale des autochtones Pemón. Et aucun d'eux ne relève de personne d'autre que des communautés. Ils sont subordonnés à une autorité ancestrale, élue par tout le peuple Pemón. Il ne s'agit pas de groupe paramilitaire, contrairement à ce que disent les éléments de langage gouvernement national.

Suite au conflit sur l'aide humanitaire, La Rosa exhorte le monde à suivre attentivement la situation du peuple Pemón :

Estamos hablando de la posibilidad de una masacre y es importante que la opinión pública mundial vuelque su mirada hacia los territorios indígenas […] Hoy el gobierno que levanta las banderas de defensa de la soberanía frente a una eventual invasión militar extranjera, es un gobierno que le entrega a esas mismas potencias y a otras potencias, las concesiones mineras del 12 % del territorio nacional.

Nous parlons de la possibilité d'un massacre. Il est important que l'opinion publique mondiale tourne son attention vers les territoires indigènes […] Alors que le gouvernement lève l'étendard de la souveraineté face à une intervention militaire potentielle, il cède également à celles-ci et aux autres puissances mondiales les concessions minières correspondant à 12 % du territoire national.