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Quatre lieux réels qui auraient pu figurer dans Game of Thrones

dimanche 14 avril 2019 à 11:44

Collage d'illustrations de lieux provenant de la série télévisée « Game of Thrones » (Le Trône de Fer) et « Le Poing des Premiers Hommes » de Franz Miklis/Fantasy Flight Games, assorties de photos de lieux réels qui auraient pu les inspirer (fair use/CC via Wikipédia).

La huitième et dernière saison de la série télévisée à succès Game of Thrones (Le Trône de Fer) diffusée par HBO sera présentée pour la première fois [en anglais] en avril 2019. Les fans du monde entier se préparent donc à une dernière dose de querelles dynastiques, d'intrigues politiques et de malédiction surnaturelle imminente sur les continents fictifs de Westeros et Essos.

La série télévisée est adaptée d'une série de romans écrits par George R. R. Martin. Ce dernier s'est inspiré d'évènements et de lieux historiques réels, dont la ville de Venise, qui a servi probablement de modèle pour Braavos, et dont la baie est gardée par une statue géante appelée le titan de Braavos ressemblant au fameux colosse de Rhodes.

La somptueuse production télévisuelle a été tournée dans de nombreux endroits superbes du monde entier. Les éclaireurs, qui repèrent les lieux de tournage, n'en auraient sans doute pas visité beaucoup plus. Dommage qu'ils ne nous aient pas consultés ici à Global Voices, car nous avons aussi quelques recommandations. Les voilà ci-dessous. Mais comme on dit, mieux vaut tard que jamais.

1. La salle des visages, à Braavos (La Tour des Crânes, à Niš, en Serbie)

Un mur de la Tour des crânes à Niš, en Serbie. Photo de freesrpska.org téléchargée sur Wikipédia, CC BY-SA. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:%C4%86ele_kula,_Ni%C5%A1,_Srbija.jpg

Dans Game of Thrones, la salle des visages [en anglais] abrite les visages écorchés des morts dans une grande salle de la Demeure du Noir et du Blanc, un temple de la ville de Braavos qui sert de quartier général à une confrérie de religieux assassins connue sous le nom de Sans-Visage.

Un équivalent dans la vie réelle peut être trouvé dans la Tour des Crânes située à Niš, ville au sud de la Serbie. L'édifice, est maintenant localisé dans l'église chrétienne orthodoxe serbe. À l'origine, il a été bâti par les Ottomans en 1809 pour exposer les têtes coupées des rebelles participant au premier soulèvement serbe.

La tour de 4,5 mètres de haut contenait à l'origine 952 crânes incrustés sur quatre côtés en 14 rangées. Mais avec le temps, beaucoup sont tombés et ont disparu. Certains ont été récupérés par des proches et enterrés, ou volés par des chasseurs de souvenirs. La Tour des Crânes devait dissuader les futurs rebelles. Mais au lieu de cela, elle est devenue un symbole de ressentiment contre les Ottomans, qui ont finalement été contraints de quitter la région en 1878.

Ce site a le statut officiel de monument culturel d'importance exceptionnelle. Il représente l'une des plus grandes attractions touristiques de la région de Niš, accueillant des dizaines de milliers de visiteurs par an.

En 2014, le site internet de Mental Floss a fait figurer la Tour des Crânes parmi les « 10 meilleures constructions faites avec des os » du monde entier.

2. Les Contrées de l'éternel hiver (à Oïmiakon, en Russie)

Après le coucher du soleil, près d'Oïmiakon en Yakoutie. Photo de Maarten Takens, CC BY-SA. https://www.flickr.com/photos/takens/8684784715/

Dans Game of Thrones (Le Trône de Fer), les Contrées de l'éternel hiver [en anglais] sont la partie la plus septentrionale du continent de Westeros, bien au-delà du Mur. Il s'agit d'un endroit toujours fermé en hiver et gelé à perpétuité.

Les échanges au sein de la communauté Global Voices ont défini le village d’Oïmiakon en Russie comme un endroit où l'on peut faire l'expérience de ce que ce serait de vivre dans le pays du Peuple libre.

Oïmiakon est une zone habitée et irrévocablement l'endroit le plus froid sur terre. Il est situé dans la partie de la Sibérie connue sous le nom de Yakoutie (officiellement la République de Sakha), un terme familier aux joueurs d'un autre phénomène de culture pop, le jeu de stratégie Risk. Cette région  est présentée aux touristes internationaux comme « le pôle du froid » [en anglais].

En 2017, un radiodiffuseur yakoutien local a écrit à HBO [en russe] pour lui suggérer de filmer le final de la série dans la région, y compris à Oïmiakon. Car selon lui, « il n'y a pas de meilleur endroit pour montrer le véritable hiver ». La suggestion a toutefois été ignorée. L'Irlande du Nord et l'Islande restent les lieux de tournage de la dernière saison pour les scènes au nord de Westeros.

3. La Baie de la Néra (La Corne d'Or, à Istanbul, en Turquie)

Dans le monde de Game of Thrones, la Baie de la Néra [en anglais] est un bras de mer situé sur la côte est du Westeros. Elle débouche sur le Détroit, mer relativement étroite . On y trouve Port-Réal, la capitale du Royaume des Sept Couronnes.

La Corne d'Or, principale entrée du Bosphore à Istanbul, en Turquie, s'avère un substitut crédible de la baie de Néra en situation réelle. Jadis, c'était la principale voie navigable utilisée pour atteindre Constantinople, la capitale de l'Empire romain oriental, plus tard connu sous le nom d'Empire byzantin. La baie servait de base principale à la marine byzantine. Et contrairement à son sosie de Game of Thrones, une longue chaîne à travers son embouchure empêchait les navires ennemis d'entrer et de se rapprocher de la ville.

Mais la chaîne n'a pas suffi à stopper les envahisseurs les plus tenaces. Les voleurs slaves vikings de la Rus’ de Kiev au Xème siècle et le sultan ottoman Mehmed II en 1453 ont tous contourné la chaîne en portant leurs (vikings et ottomans) navires légers hors du Bosphore et autour de Galata, la tour qui ancrait la chaîne à l'extrémité de la baie. Ils ont ensuite remis à l'eau les navires dans la baie fermée. En 1204, pendant la quatrième croisade, les navires vénitiens sont parvenus à briser la chaîne avec un bélier.

Contrairement aux deux envahisseurs ultérieurs, qui ont réussi à prendre la ville, les défenseurs de Constantinople ont réussi à vaincre la Rus’ de Kiev en utilisant le feu grégeois. Ce feu est un composé combustible émis par un lance-flammes et employé pour mettre le feu aux navires ennemis.

Greek Fire, real-life historical equivalent to Game of Thrones' wildfire.

Un navire byzantin utilise le feu grégeois contre un navire d'un rebelle, Thomas le Slave, en 821. Illustration du XIIe siècle de la Chronique de Skylitzès de Madrid. Domaine public, via Wikipédia.

L'équivalent du feu grégeois du Game of Thrones est le feu de forêt [en anglais], un liquide vert volatil. Il était utilisé par l'armée commandée par Tyrion Lannister pour gagner la bataille de la Néra [en anglais]. La composition des armes chimiques historiques et fictives est restée secrète.

Pour la série télévisée, l'ancienne cité médiévale de Dubrovnik, sur la côte croate de la mer Adriatique, était le lieu de tournage de nombreuses scènes en plein air à Port-Réal.

4. Le Poing des Premiers Hommes (à Sigirîya, au Sri Lanka)

Le Poing des Premiers Hommes [en anglais] de Game of Thrones est un « ancien fort circulaire » dans les Contrées de l'éternel hiver, « situé au sommet d'une colline arrondie défendable avec une excellente vue de la campagne environnante ». Il sert de position défensive par la Garde de Nuit dans les batailles contre le Peuple libre et les morts-vivants de Marcheurs Blancs.

Un équivalent terrestre de cette montagne est situé loin des régions polaires glacées des tropiques, près de l'équateur, dans un environnement que les fans de Game of Thrones estimeraient plus proche des fameuses « îles d'Été » : le centre du Sri Lanka.

Vue de l'ancien rocher forteresse de Sigirîya au Sri Lanka. Photo de Filip Stojanovski, CC-BY.

À l'époque de son apogée, loin d'être un avant-poste isolé dans le désert, l'ancienne forteresse rocheuse Sigirîya (ou le Rocher du Lion) servit de capitale à un royaume légendaire du Ve siècle.Le palais du roi, Kassapa, se dresse au sommet d'une colonne rocheuse de près de 200 mètres de haut qui domine la vaste plaine qui l'entoure. Il fut abandonné après la mort du roi et plus tard utilisé comme monastère bouddhiste jusqu'au 14ème siècle.

Au sommet du rocher les ruines du trône du roi sont encore visibles. Il était construit en pierre dans une structure plus vaste.

Les ruines de l'ancien trône au sommet de la forteresse de Sigirîya. Aujourd'hui il est interdit de s'y asseoir. Photo de Filip Stojanovski, CC-BY. Cliquez pour l'agrandir.

En 1982, l'UNESCO a classé Sigirîya au patrimoine mondial de l'humanité. La même année, il a servi de lieu de tournage pour le vidéoclip de la chanson « Save a Prayer » de Duran Duran.

Existe-il des endroits dans votre pays qui ressemblent à ceux de Games of Thrones ?N'hésitez pas à nous le faire savoir dans les commentaires ci-dessous.

L'argentine retrouve “la petite-fille nº 129″, enlevée à sa famille pendant la dictature

dimanche 14 avril 2019 à 00:54

Une nouvelle histoire de famille, de mémoire et d'identité

Les Grands-mères de la Place de Mai. Photo de Emergentes, partagée sur Facebook, utilisée avec autorisation.

Le 9 avril en fin d'après-midi, les Grands-mères de la Plaza de Mayo [fr] (une ONG argentine de défense des droits humains) ont annoncé lors d'une conférence de presse avoir retrouvé la petite-fille nº 129, disparue en Argentine pendant la dernière dictature [fr]. La petite-fille en question est une femme de 42 ans qui vit en Espagne et son identification marque une nouvelle victoire pour l'organisation qui se bat depuis plus de 40 ans pour localiser ces enfants [disparus] et les rendre à leurs familles légitimes.

Environ 30 000 personnes ont été victimes de ces disparitions forcées [fr] pendant la dictature militaire, instaurée par le coup d'État militaire du 24 mars 1976 et qui a pris fin avec l'arrivée au pouvoir de Raúl Alfonsín [fr] le 10 décembre 1983. L'État s'est approprié leurs enfants, nés pour la plupart en captivité, en falsifiant leur identité et en organisant illégalement leur adoption.

En 1987, le gouvernement argentin a créé une banque nationale de données génétiques composée d'échantillons sanguins des proches des enfants enlevés, un outil essentiel pour la confirmation de la filiation des enfants retrouvés par les Grands-mères. Le groupe estime que la dictature a volé 500 bébés, aujourd'hui tous des adultes d'une quarantaine d'années.

La “petite-fille 129″, dont l'identité n'a pas été révélée, est la fille de Norma Síntora, enlevée en mai 1977 alors qu'elle était enceinte de 8 mois, et de Carlos Alberto Solsona, qui se trouvait alors à l'étranger et qui, par conséquent, est resté en exil. Tous deux étaient membres du Parti révolutionnaire des travailleurs. On suppose que Norma a accouché de sa fille à la maternité du centre clandestin de détention [fr] de Campo de Mayo [fr].

La petite-fille avait été en contact avec les Grands-mères en 2013, mais ce n'est qu'en 2019 que la preuve ADN a pu être réalisée. Son père et son frère espèrent pouvoir la rencontrer rapidement.

Solsona a déclaré, lors de la conférence de presse : “J'ai créé une sorte de mécanisme de défense, une armure pour éviter que tout ceci me détruise. J'ai bientôt 70 ans et j'ai commencé à chercher ma fille quand j'avais 30 ans […] Personne n'a idée des milliers de nuits que j'ai passées sans dormir à attendre cet instant”.

Il comprend aussi que, même si, pour lui, ces retrouvailles sont merveilleuses, pour sa fille ce sera probablement difficile, comme ça l'a été pour d'autres petits-enfants retrouvés par les Grands-mères.

“Une photo floue”

La recherche des “petits-enfants” est une mission longue et délicate, et elle se complique encore avec les années qui passent et les petits-enfants qui grandissent et qui se confortent dans leur identité actuelle. Ce travail ne demande pas seulement une enquête minutieuse et une analyse de documents et d'ADN : il implique aussi un accompagnement psychologique des familles et des petit-enfants concernés.

Chaque cas d'enfant disparu et retrouvé a ses particularités. À chaque recherche et à chaque rencontre correspond une longue histoire de douleur et d'incertitudes, une famille brisée, le besoin de chercher sa propre identité. Parfois aussi on affronte le déni, car certaines personnes préfèrent ne pas abandonner leur famille d'accueil.

Une série de documentaires, disponibles sur YouTube, produits par les Grands-mères et le Canal Encuentro “donnent une voix et un corps à leur propre histoire où l'intime et le personnel se mêlent au politique et au social”.

Le témoignage de Catalina de Sanctis en est un bon exemple. “Elle a su dès la fin des années 90 qu'elle était une fille de “disparus”, grâce aux aveux de ses “parents d'appropriation”, et elle a refusé de l'accepter. Il lui a fallu s'engager dans un long processus pour ouvrir les yeux et enfin quitter sa peau pour en endosser une autre : la sienne” :

Es como si [la vida] fuera una foto fuera de foco, que se ve borrosa […] ahora se ve nítidamente la imagen […] Toda mi vida fue un esfuerzo. Un esfuerzo por adaptarme, por que me quieran, por todo […] tener miedo de lo no conoce, me sentí tironeada, manipulada […] En un punto es sentir que se traiciona al otro.

C'est comme si [la vie] était une photo floue, brouillée […] maintenant, l'image est nette […] Ma vie n'a été qu'un combat. Un combat pour m'adapter, pour être aimée, pour tout […] avoir peur de l'inconnu, je me suis toujours sentie tiraillée, manipulée […] Au point de sentir que l'on trahit l'autre.

Un autre témoignage, celui de Mariana Zaffaroni, illustre la complexité de ce qu'elle a vécu en apprenant la vérité sur ses origines :

…cuando a vos te vienen a decir que toda tu vida pasa a ser completamente diferente porque ni siquiera te llamás como te llamás, ni cumplís años cuando vos festejás el cumpleaños, ni tus padres son tus padres, ni vos sos quien sos, la culpa parece ser del que viene a decírtelo. [Después, cuando] lo puede racionalizar, se da cuenta de que es una estupidez […] Si ellos no hubiesen buscado, yo no me hubiese enterado y yo seguiría con mi vida normal como la tenía hasta recién.

… quand on t'apprend que toute ta vie va changer parce que tu ne t'appelles même pas comme tu t'appelles, que tu ne fêtes pas ton anniversaire à la bonne date, que tes parents ne sont même pas tes parents, et que tu n'es pas qui tu crois être, on en veut au messager. [Après, quand] tu réfléchis, tu te rends compte que c'est absurde […] S'ils n'avaient pas cherché, je n'aurais jamais rien su et j'aurais poursuivi ma vie normale comme avant.

Et elle poursuit :
[…Después] cuando los fui conociendo [a la familia verdadera] y ellos me empezaron a contar cómo eran ellos [mis padres]… lo poco que me contaban de mis padres, porque yo no quería escuchar […]. [Después] yo sola empecé a preguntar. [En un momento, durante un viaje en el verano] que estaban todos mis primos, […] estábamos todos sentados en sandalias o en ojotas y [nos] miramos así… todos teníamos los mismos pies, ¡o sea, era una cosa recontra loca! Todos teníamos las mismas orejas…  Es como el patito feo cuando encuentra a los cisnes.

[…Ensuite,] quand j'ai fait la connaissance [de ma vraie famille] et qu'ils ont commencé à me raconter comment étaient [mes parents]… le peu qu'ils me racontaient sur mes parents parce que je ne voulais pas les écouter […] [Après,] c'est moi qui ai commencé à poser des questions. [Une fois, pendant un voyage en été] tous mes cousins étaient là, […] nous étions tous assis en sandales ou en tongs et nous nous regardions …nous avions tous les mêmes pieds, c'était dingue ! Nous avions tous les mêmes oreilles… C'est comme quand le vilain petit canard rencontre les cygnes.

#Nieta129

Comme chaque fois qu'un enfant est “restitué” par les Grands-mères de la Plaza de Mayo, la bonne nouvelle a été célébrée et relayée sur les réseaux sociaux sous le hashtag #Nieta129, nieta voulant dire petite-fille. Claudia Acuña, membre du collectif La Vaca, met en exergue tout ce que l'on récupère chaque fois qu'un enfant ou un petit-enfant est rendu à sa famille :

Quand ils t'ont enlevée, tu avais 24 ans et tu étais enceinte de 8 mois. Aujourd'hui, on récupère quelque chose. Ta fille, rien que ça ! Et un petit morceau de dignité sociale. Petit à petit, on va vers le mieux. Il en manque 300.

“Pato” quant à lui, cite l'écrivain uruguayen Eduardo Galeano, qui plaçait beaucoup d'espoir dans celles que le gouvernement argentin de l'époque avait baptisées “les folles de la Plaza de Mayo” :

“… En Argentine, les folles de la Plaza de Mayo seront citées en exemple de bonne santé mentale, pour avoir refusé d'oublier en ces temps d'amnésie forcée…”(Eduardo Galeano) 129 buts contre l'oubli, et ça continue. Vive les folles de la Plaza de Mayo. Bravo !

Les médias d’État hongrois attaquent une lycéenne qui a critiqué le gouvernement

vendredi 12 avril 2019 à 15:20

Ces médias ont appelé Nagy “mauvaise élève” et “prostituée”.

Blanka Nagy parle lors d'un rassemblement en janvier 2019. Photo : Márk Tremmel, CC BY-NC-SA 2.5.

Cet article a été écrit par Tamás B. Kovács et traduit [en anglais] par Anita Kőműves pour l'association hongroise de journalisme d'investigation Atlatszo. Cette version adaptée paraît ici dans le cadre d'un partenariat avec Global Voices.

Les médias pro-gouvernementaux hongrois lancent de nouvelles attaques contre Blanka Nagy, une lycéenne qui depuis la fin de 2018 dénonce le gouvernement dans des manifestations successives.

Blanka Nagy subit un dénigrement de ses capacités intellectuelles et même du harcèlement sexuel, puisqu'un de ces organes de presse la traite de “prostituée”.

Elle a déjà intenté et gagné des procès pour diffamation contre trois de ces médias pro-gouvernementaux qui la prétendaient en échec scolaire : Lokál, Ripost, et Origo. Pourtant, après que Nagy a gagné son procès contre Origo, ce dernier a lancé une nouvelle attaque en publiant ses bulletins scolaires. Nagy a indiqué à Atlatszo qu'elle envisageait d'assigner à nouveau Origo pour ces récents articles.

Blanka Nagy est devenue célèbre en Hongrie après avoir prononcé un discours devant un rassemblement contre le gouvernement, dans lequel elle dénonçait le langage vulgaire des politiciens de premier plan. Ses propos impitoyables ont eu des échos chez de nombreux usagers des réseaux sociaux, et une vidéo de son discours est devenue virale.

Deux mois environ après le bruit fait par sa vidéo sur les médias sociaux, les médias et les commentateurs pro-gouvernementaux comme Zsolt Bayer lançaient une volée d'attaques contre elle. La presse pro-gouvernementale prétendit qu'elle était nulle dans de nombreuses matières scolaires, et qu'elle s'étaient absentée de nombreux jours. Ils l'appelèrent aussi une “aspirante-comédienne sans talent” et une “prostituée”.

Son avocat a transmis des copies de son relevé de notes au tribunal pour prouver qu'elle ne manque pas ses cours – et c'est ainsi que lesdits relevés de note sont tombés entre les mains des avocats d'Origo. Le média a décidé d'en publier des éléments, en clamant que Nagy avait presque échoué en histoire au trimestre dernier et était au bord de l'échec dans d'autres matières aussi.

Quand les médias pro-gouvernementaux hongrois ont menti sur la contestataire adolescente Blanka Nagy, elle les a poursuivis en diffamation et a gagné. Mais sommés de publier un rectificatif, ils ont refusé et récidivé. TV2 a consacré un reportage entier à se moquer de ses notes, citant les pièces de l'audience mais non le jugement.

“Mon avocat et moi envisageons de poursuivre le média qui a publié mon relevé de notes”, a dit Nagy à Atlatszo dans un entretien. Elle affirme qu'Origo n'avait aucun droit de le publier. Son avocat et elle doutent même qu'Origo ait eu le droit de voir les relevés de notes versés au dossier.

“Et leurs dernières affirmations ne sont pas vraies non plus”, ajoute-t-elle. “Je n'ai pas échoué au cours d'histoire, contrairement à ce qu'ils disent. J'ai une bien meilleure note qu'un 2 (soit un peu en-dessous de la moyenne). Ce qu'ils disent est purement et simplement faux. J'aurais honte si c'était vrai parce que j'ai un professeur d'histoire parmi mes ancêtres”.

“Je trouve toute cette agressivité verbale contre moi très bizarre, mais elle ne me dérange plus. Elle prouve seulement que j'effraie en quelque façon le sommet du parti Fidesz au pouvoir. Le fait que Zsolt Bayer en personne s'en prenne à moi et que les médias pro-gouvernementaux utilisent des prétextes mensongers pour me salir en sont la preuve”, conclut-elle.

La lycéenne Blanka Nagy : “Le Fidesz est une épidémie répugnante, perfide, laide et contagieuse. Cette répugnante bande de voleurs, ce gouvernement oligarchique se remplissent les poches pour leurs vieux jours, pendant que vous vivrez votre retraite dans la pauvreté” Elle a dit la vérité. C'EST ÇA LA HONGRIE.

Diffamation et désinformation sont les armes usuelles des médias pro-gouvernementaux hongrois. Des personnalités de l'opposition réagissent en poursuivant cette presse pour destruction de réputation. Selon les chiffres récemment obtenus par Atlatszo, les organes de propagande les plus en vue ont perdu des dizaines de procès, et ont eu reçu des tribunaux ordre de publier des rectificatifs à leurs articles à 109 reprises pendant l'année 2018.

Censure sur WeChat : comment un dramatique accident de bus à Chongqing symbolise le « virage à gauche » de la Chine

vendredi 12 avril 2019 à 13:23

Censure de la désinformation – et d'opinions politiques – après un accident.

Les deux conducteurs liés à l'accident de bus à Chongqing. Image provenant de Sina Weibo.

Cet article a été écrit par l'équipe de WeChatscope, un projet de recherche dirigé par le Dr. King-wa Fu à l'Université de Hong Kong.

Avec plus de 1,08 milliard d'utilisateurs individuels, ainsi que plus de 20 millions de comptes publics enregistrés, WeChat a le plus grand nombre d'utilisateurs nationaux et la couverture la plus étendue de tous les services de médias sociaux en Chine. À ce titre, il est devenu une composante essentielle du lourd régime de censure chinois. 

En 2017, notre équipe de l'Université de Hong Kong a construit un système technique de « raclage » du web pour étudier la censure sur les pages accessibles au public de WeChat. Au cours de l'année 2018, nous avons suivi plus de 4000 comptes publics couvrant l'actualité quotidienne et conservé les articles censurés dans une base de donnée ouverte à tous : WeChatscope. Cet article est notre huitième partenariat avec Global Voices.

Le gouvernement chinois justifie depuis longtemps sa censure comme étant un acte nécessaire éloignant « fake news » et rumeurs circulant sur la toile, tant dans les médias traditionnels qu'en ligne. Or l'accident de bus à Chongqing en 2018 marque l'un des rares événements où la censure gouvernementale s'est vu appliquée à des médias étatiques.

L’accident de bus a eu lieu à Changqing, dans le district de Wanzhou, le 28 octobre 2018. Sur un pont à deux voies, le véhicule a réalisé un écart l'amenant en contresens, percutant une voiture et s'envoyant ainsi voler par dessus le pont. Le bus a plongé dans le fleuve (le Yangzi Jiang) faisant un total de 15 morts.

Beijing News, un média d'État, est le premier journal à divulguer l'information via Sina Weibo, avec un article suggérant que l'accident eu lieu à cause d'une voiture venant en sens inverse. L'article souligne le fait que la conductrice de la voiture est une femme et allègue qu'elle conduisait du mauvais côté de la route.

Plus tard, l'agence de presse Xinhua reprend l'article de Beijing News, qui sera publié sur les principaux sites d'information et dans les médias. Par exemple, voici la une du Global Times : « La cause de l'accident provoquant la chute d'un autobus : une conductrice a roulé dans le mauvais sens ».

Les internautes ont blâmé cette femme pour l'accident de l'autobus, l'accusant de porter des talons hauts. (Capture d'écran virale de Sina Weibo)

La nouvelle est vite devenue virale, avec une majorité d'internautes priant pour les victimes de l'accident. Quelques-uns font néanmoins des commentaires reflétant des stéréotypes de genre, critiquant la conductrice. Puis, sur Sina Weibo, un utilisateur poste une photographie de la scène d'accident montrant la conductrice, qui s'en tire avec seulement des blessures mineures, portant des talons hauts. Cette image devient immédiatement virale, suscitant des commentaires tels que « elle mérite de mourir » ou encore « meurtrière ».

Quelques heures après, la police du district de Wanzhou révèle que c'est en réalité le chauffeur de bus, et non la femme dans la voiture, qui a dévié en contresens. La conductrice n'a finalement rien fait de mal.

Cet éclaircissement de la police est à son tour devenu viral et l'opinion publique s'est inversée. Certains critiquent l'article d'origine qui a induit le public en erreur. Néanmoins, les médias impliqués ont simplement retiré leurs articles en toute discrétion, sans présenter d'excuses publiques. Beijing News publie notamment un autre article intitulé « Attaquer la conductrice nous éloigne du sujet », comme s'ils n'avaient joué aucun rôle dans la duperie.

Cinq jours plus tard, un extrait de la vidéo-surveillance du bus enflamme la toile. Il révèle que cinq minutes avant la collision, un passager a eu une dispute avec le chauffeur. Le querelle s'est transformée en altercation physique et le chauffeur a perdu le contrôle de son véhicule.

Comme prévu, les images provoquent un nouveau tumulte en ligne et attirent un grand nombre de commentaires. Beaucoup retrouvent dans cette montée de tension une allégorie du tournant politique que la Chine connait ces dernières années.

Les médias retirent les gros titres inexacts

La base de données de Wechatscope nous montre que certains médias officiels ont supprimé de WeChat les articles erronés peu de temps après les révélations de la police du district concernant les détails de l'accident. Le journal Legal Daily publie en une l'article intitulé «Le bus de Chongqing a plongé dans la rivière pour éviter l'accident avec une conductrice roulant en contresens. Le bus a coulé à 65 mètres et est maintenant au fond du fleuve. Deux corps ont été retrouvés » (重庆公交车为躲避逆行女司机撞破护栏坠江 沉入65米深江底 已打捞出两具遗体). L'article est publié le 28 octobre et sera supprimé deux jours après, le 30 octobre.

La suppression de cet article et des autres n'a pas été forcée par une autorité extérieure. Les médias se sont autocensurés (ou auto-régulés) à cause de leur propre contenu douteux. Les avis de suppression de contenu émis par WeChat indiquent que ces articles ont été supprimés par leurs éditeurs.

À l'heure où nous écrivons cet article, les unes similaires concernant une femme roulant sur la mauvaise voie ont été supprimées de tous les médias officiels et ne peuvent plus être trouvées dans les résultats de recherche.

Les critiques en commentaires qualifiées d'illégales

Plus tard, après la diffusion des images de vidéosurveillance, les autorités de censure sont intervenues pour qualifier les commentaires réfléchis et critiques d'« illégaux ». Les données fournies par WeChatscope offrent un aperçu de ce que les autorités considèrent comme étant du contenu « illégal » – ce qui prouve que l'intervention des autorités n'avait pas pour but d'arrêter la circulation de fausses informations, mais plutôt d'opinions et de points de vue.

Ci-dessous se trouvent trois messages qui ont largement circulé sur le domaine public de WeChat, mais qui ont ensuite été rapidement supprimés.

Cet article est publié puis supprimé le 4 novembre. Il a été étiqueté contenu illégal selon l'avis de suppression de WeChat. L'auteur s'est servi de discussions provenant des médias sociaux et les a utilisées pour construire une allégorie, comparant l'accident de bus à la trajectoire de la Chine ces dernières années. Voici un extrait :

千万不要攻击掌舵人,否则他忽然左转,全车人都会完蛋!

N'attaquez pas le responsable, ou il tournera subitement à gauche, et tout le monde dans le véhicule sera condamné.

Originellement publié le 3 novembre, et supprimé le 6 novembre, cet article hérite aussi de l'étiquette contenu illégal. L'auteur y critique les témoins assistant à une scène répréhensible mais choisissant de garder le silence. Il tire la sonnette d'alarme sur le fait que lorsque des citoyens tolèrent des comportements barbares, toute la société en souffre.

Publié le 5 novembre et supprimé le 7 novembre, lui aussi pour contenu illégal. L'article interprète l'incident comme la tragédie typique d'une ère où les gens bien ne peuvent pas s'exprimer et agir, de peur d'être enterrés vivants avec les gens mauvais.

Dans chacun de ces exemples, on observe que la censure est forcée d'entrer en jeu et poser l'étiquette de l'illégalité lorsque l'interprétation des articles peut remettre en question le statu quo politique.

Cette étude de cas montre que la diffusion de fausses informations en Chine continentale pourrait être drastiquement réduite si les médias étatiques s'auto-réglementaient davantage et appliquaient des normes de journalisme plus strictes. La seconde série d'exemples prouve que dans la répression des rumeurs par les autorités de censure, les véritables cibles sont les opinions politiques indépendantes.

Des militants colombiens remettent une lettre à la Cour pénale internationale au sujet du meurtre de leaders sociaux

jeudi 11 avril 2019 à 22:21

Arrêt sur image de la vidéo tournée lors d'un rassemblement à Paris le 28 mars. La manifestante tient une pancarte indiquant “Ils ont tué mon amie” et marche à côté d'une liste des noms des victimes. Vidéo partagée sur YouTube par l’Agence France Presse en espagnol.

Le 5 avril, un collectif d’‘une vingtaine d'associations militantes colombiennes a formellement demandé à la Cour pénale internationale (CPI) l'ouverture d'une enquête pénale sur les meurtres de masse de leaders sociaux dans leur pays.

Les associations et leurs soutiens ont remis en personne la lettre à La Haye après avoir marché plus d'une semaine depuis Paris, s'arrêtant en cours de route dans différentes villes en France et en Belgique où ils ont organisé des rassemblements et des performances.

La photo ci-dessous a été prise lors du rassemblement initial à Paris :

En hommage aux 472 leaders sociaux assassinés en Colombie, les marcheurs de La Haye ont fabriqué une bande de tissu avec les 472 noms. Puisse le gouvernement abandonner sa politique de sécurité et ce chiffre ne pas augmenter.

C'est le Collectif de diplomatie des citoyens colombiens aux Pays-Bas qui est à l'origine de la marche, bientôt rejointe par d'autres groupes. Les participants ont utilisé le hashtag #MarchamosALaHaya (Marchons vers La Haye) et #MarchamosALaHaya5abril (Marchons vers La Haye le 5 avril) pour faire circuler l'information autour de l'initiative.

Les responsables politiques colombiens Gustavo Bolívar et Antonio Sanguino ont exprimé leur soutien à la marche. Le sénateur Gustavo Petro [fr], qui a perdu les élections présidentielles en 2010 et en 2018 a également participé via son organisation “Colombia Humana” (Colombie Humaine).

Une vidéo d’Adriaan Alsema, qui a fondé le média en ligne Colombia Reports, montre des images des précédentes manifestations organisées en Colombie et en dehors du pays contre le meurtre de leaders sociaux, et elle comprend aussi une courte explication du problème.

Plus de 163 dirigeants et militants communautaires – que l'on appelle communément líderes sociales en Colombie –  ont été assassinés au cours des trois dernières années, selon le Haut commissaire pour les droits humains en Colombie. L’ombudsman [fr] colombien annonce un chiffre beaucoup plus élevé : plus de 460 meurtres depuis 2016.

Quoi qu'en disent les chiffres, le nombre de morts violentes a bondi depuis l'accord de paix [fr] en 2016 qui a mis fin pour l'essentiel à des décennies de conflit dans le pays entre le gouvernement et la guérilla des FARC.

Parmi de nombreuses autres clauses, l'accord de paix stipule que les FARC remettront tous leurs biens contre une participation à la politique institutionnelle.

Mais les FARC ont laissé un vide du pouvoir depuis qu'elles ont quitté leurs territoires, qui sont occupés soit par des groupes paramilitaires soit par des dissidents de la guérilla qui n'acceptent pas le processus de paix.

Les leaders sociaux sont visés car ils défendent leur communauté contre de tels groupes, qui ont généralement un monopole sur le commerce illégal de drogue ou l'exploitation minière illégale dans les zones qu'ils contrôlent.

Selon Carlos Guevara, qui coordonne l'organisation “Somos Defensores” (Nous sommes des défenseurs), les leaders sociaux sont souvent tués dans leur propre maison, devant leur famille qui ne reçoit généralement aucun soutien de la part des autorités lorsqu'elles demandent justice :

…las agresiones contra personas que se dedican a defender de los derechos humanos en Colombia [está al nivel de] una crisis humanitaria […] los están matando porque están impulsando quitar una economía considerada ilegal y que beneficia a los narcotraficantes y grupos armados. Y el Gobierno no está tomando medidas para proteger a esos líderes…

… les agressions contre ceux qui se consacrent à la défense des droits humains en Colombie [ont atteint le niveau] d'une crise humanitaire […] on les tue car ils œuvrent en faveur de l'abandon d'une économie jugée illégale et qui bénéficie aux narcotrafiquants et aux groupes armés. Et le gouvernement ne prend aucune mesure pour protéger ces leaders …

Dans le même temps, la Conférence nationale des organisations afro-colombiennes souligne un aspect important des meurtres de masse qui a tendance à être laissé de côté, et c'est le fait que la plupart des leaders sociaux appartiennent à des minorités ethniques.

En outre, les femmes dirigeantes subissent un degré supplémentaire de violence, car elles sont exposées à d'autres formes d'agressions basées sur le genre.

En Colombie, les utilisateurs de Twitter utilisent souvent le hashtag #NosEstánMatando (On nous tue) pour parler des meurtres de leaders sociaux. Avec la marche vers la Cour pénale internationale, les militants espèrent attirer l'attention de l'opinion internationale sur leur détresse.

En attendant, les chiffres continuent de s'envoler. Depuis le début de l'année 2019, 73 leaders sociaux ont reçu des menaces dans le seul département central de Boyacá.