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Les Egyptiens ont élu Morsi parce que …

mardi 19 février 2013 à 20:36

Sur Twitter, les Egyptiens qui ont voté pour Mohamed Morsi à l'élection présidentielle du 24 juin s'en mordent les doigts, et leur regret est évident avec le nouveau mot-clic J'ai élu Morsi parce que ..

Le mot-clic [en arabe] #انا_انتخبت_مرسي_عشان a fait naître impertinence et sarcasme. Morsi, le candidat des Frères Musulmans, a remporté le second tour de la présidentielle contre Ahmed Shafik, le dernier premier ministre de Hosni Mubarak, lequel a démissionné après 32 ans de règne, au bout de 18 jours de manifestations dans tout le pays.

A peine quelques mois de son pouvoir, et voici les Egyptiens de retour dans les rues pour réclamer son départ. Et tout comme sous Moubarak, les manifestations sont réprimées et tournent à la violence dans les affrontements entre contestataires et policiers.

Sara Hassan écrit [en arabe] :

#انا_انتخبت_مرسي_عشان أموت شهيد

@saram7assan2010: J'ai élu Morsi parce que je peux mourir en martyr

Ahmed Arafi note :

#انا_انتخبت_مرسي_عشان انتخبوك يا #مرسي علشان يضربوا نفسهم بـ أجدع جزمة

@AhmedArafi: Ils vous ont élu Morsi pour pouvoir se lancer leur chaussure

Mohamed Salah renchérit :

#انا_انتخبت_مرسي_عشان انا راجل ابن كلب

@7agog: J'ai élu Morsi parce que je suis un homme qui est un fils de chien

Et Mohamed Youssef de plaisanter :

#انا_انتخبت_مرسي_عشان لأنه روش وستايل وبيتكلم انجليش لانجويتش كويس أوي ده غير انه الانسان الوحيد اللي شاف طائر النهضه المبارك !

@yousufian: J'ai élu Morsi parce qu'il a du style et parle bien anglais et est le seul à voir le phénix

Alyaa Gad explique :

#انا_انتخبت_مرسي_عشان يحل لنا مشكلة الانفجار السكاني عن طريق خطة خمسية لمضاعفة حوادث القطارات والطرق وانهيار العمارات وقطع خلف الجميع.

@AlyaaGad: J'ai élu Morsi parce qu'il résoudra le problème de l'explosion démographique en Egypte dans le cadre d'un plan quinquennal d'augmentation des accidents de trains et de la route et d'effondrement de bâtiments. Il va aussi rendre les Egyptiens impuissants.

Quant à @SaLaMonty_, il décline sa responsabilité dans l'élection de Morsi :

#انا_انتخبت_مرسي_عشان والمصحف ما عملتها .. دانا ايدى تنقطع ولا يغطسوها فى بلاعة ولا انى انتخب البغل ده .. الحمد لله كنت #مبطلون

@SaLaMonty_: Je jure par Dieu que je n'ai pas élu Morsi. Plutôt me trancher les mains que d'élire ce crétin. Je remercie Dieu d'avoir été Mubtilun (ceux qui votent blanc)

Brésil: un projet de quartier résidentiel autorisé dans un secteur dunaire protégé

mardi 19 février 2013 à 19:52
Ato em defesa das dunas do Cocó, realizado no Parque Estadual do Cocó, em Fortaleza, dia 16 de fevereiro de 2013. Foto publicada pelo perfil Dunas do Cocó no Facebook.

Action de défense des dunes de Cocó, 16/02/2013, Fortaleza. Photo: Dunas do Cocó sur Facebook.

(more…)

L'internet est-il libre au Pérou ?

mardi 19 février 2013 à 19:06

[Sauf mention contraire, les liens mènent vers des pages en espagnol.]

(Article d'origine publié en espagnol le 5 décembre 2012)

Il est de plus en plus fréquent d'entendre que tel ou tel pays débat ou promulgue une loi touchant la liberté d'internet, et le Pérou n'y fait pas exception. Depuis quelques mois [juin 2012], la “Ley de Delitos informáticos” [le projet de loi sur les délits informatiques] connue aussi sous le nom de Ley Beingolea [Loi Beingolea en français, du nom du président de la commission de Justice du Congrès, Alberto Beingolea, ayant approuvé ce projet de loi ; il n'en est pas l'auteur], a soulevé des inquiétudes et entraîné des débats car elle est tenue pour une menace potentielle à la vie privée et à la liberté d'expression sur internet au Pérou.

Plus récemment [en novembre 2012], une seconde controverse est apparue avec ce que les Péruviens nommèrent la #SOPAcriolla [jeu de mots en référence au plat péruvien "sopa criolla" (soupe maison, littérallement "soupe créole") et le projet de loi américain SOPA (Stop Online Piracy Act) visant à lutter contre la violation du droit d'auteur sur internet, en particulier auprès des hébergeurs]. Dans le cas de la “SOPA criolla”, ce qui devait être initiallement une synthèse d'opinions de différents acteurs de l'internet péruvien recueillies en séances publiques, pour établir de proche en proche une norme concernant les droits d'auteur et la responsabilité des fournisseurs d'accès à internet (FAI), a fini par s'étendre et entraîner une vive discussion sur la liberté d'internet au Pérou et sur les menaces pesant sur celle-ci.

Pourquoi s'en prend-on législativement à la liberté de l'internet ? Les raisons sont multiples et vont de la pression exercée par les grands groupes ayant des intérêts dans le domaine des droits d'auteur [en français] sur d'autres institutions et leur gouvernement respectif pour combattre la “piraterie”, jusqu'aux tentatives [en français] de ces mêmes gouvernements pour lutter contre l'opposition et la dissidence, se cachant parfois derrière des motifs de sécurité nationale. Sans oublier les restrictions d'accès à internet auxquelles les entreprises de télécommunication elles-mêmes contraignent leurs utilisateurs afin d'en tirer un meilleur profit économique.

Photo de Daniela Goulart, asleeponasunbeam sur Flickr, repoduite sous licence Creative Commons (CC BY-NC-ND 2.0)

Des principes tels que “l'internet comme un droit fondamental de l'homme” ou la neutralité du réseau, ou même d'autres aspects fondamentaux tels que la liberté d'expression [en français] et le respect de la vie privée, se voient touchés par les projets de loi nord-américains tels que SOPA ou PIPA (“PROTECT IP Act”) [en français, comme les autres sigles] et les Traités de Libre-Échange ou d'autres accords (ACTA, connu aussi en français sous le sigle ACAC – L'accord commercial anti-contrefaçon -, et TPP) entre les différents pays.

Cependant, bien qu'il me semble que nous soyons plutôt nombreux au Pérou à discuter sur les réseaux sociaux de ces thèmes relatifs à la liberté et à l'internet, la prise de conscience et l'intérêt général sur ces sujets demeurent en fait relativement faibles. Pourquoi devraient-ils être plus grands ? Précisément parce que ces projets nous touchent tous, et à commencer par le prix de l'accès internet que nous payons, depuis une ligne fixe à domicile ou depuis un portable, et ce que nous obtenons en retour.

Il y a quelques temps [août 2011], le blogueur de Chillinfart est revenu sur le rôle des entreprises de télécommunication au Pérou et sur leurs tarifs :

J'ai toujours rappelé le préjudice causé par les limitations de trafic que l'oligopole des télécommunications cherche à imposer (qu'il s'agisse des entreprises Claro, Movistar, Nextel ou Velatel) [...] D'autre part, il est important de comprendre qu'une tarification au forfait est vitale au Pérou où, malgré l'essor de l'usage d'internet dans les cybercafés (appelés “cabinas” au Pérou) et quelques réussites à l'échelle locale, la pénétration d'internet demeure très faible et ces limitations de trafic finiront par rebuter encore plus les démarches d'accès à l'information.

Il ajoute :

En quoi ces mesures, comme la limitation de trafic, toucheraient les Péruviens ? En premier lieu, il en va de [leur] portefeuille, cela va de soi, en rendant le prix de l'accès à l'internet aussi cher que celui qu'il était à l'époque des modems analogiques (payer à chaque connexion, avec une consommation dépendant de la fréquence et de la durée de communication). En second lieu, ces mesures permettent aux opérateurs qui posent des filtres pour ralentir l'accès à certains services (par exemple les réseaux P2P, les pages de multimedia, les services de téléphonie sur internet comme Skype) de créer des saturations artificielles pour s'en dédouaner lorsque les choses tournent mal ou aller jusqu'à vendre à des tiers des informations sur l'activité en ligne de leurs clients.

Nous voyons ainsi qu'en dépit de l'existence d'une grande fracture numérique au Pérou, les entreprises de télécommunication posent des barrières supplémentaires à l'accès à internet. Elles s'attribuent la préférence et bloquent certains sites donnés sans raison apparente ni bien expliquée (le dernier cas en date de blocage visait bit.ly, un service de réduction d'adresses internet (URL) qui resta inaccessible depuis le Pérou plusieurs jours d'affilée).

A cet égard, le journaliste José Soriano, l'un de ceux ayant introduit l'internet au Pérou, posait sur son compte Facebook le problème suivant :

Si les DNS [Domain Name System, services transformant une adresse IP en nom de domaine] et les serveurs sont entre les mains de sociétés privées, et sont dépourvus de tout contrôle institutionnel, l'internet du Pérou n'est-il pas vulnérable ? N'est-il pas temps de mettre sur pied pour la société civile, en bonne et due forme, un Comité péruvien de la gestion de l'internet, avec une participation de l'Etat, celle des fournisseurs d'accès et avec des représentants des utilisateurs et des ONG ?

Concernant d'autres aspects de l'internet, le Congrès péruvien a promulgué [le 15 juin 2012] la “Ley de Promoción de la Banda Ancha y Construcción de la Red Dorsal Nacional de Fibra Óptica” [loi de promotion du haut débit et de construction d'un réseau national de fibre optique], sans débat public majeur. Et tandis qu'une partie de la loi évoque le respect de la neutralité sur internet, on ajoute de l'autre une plus grande régulation à la loi existante. Sur le blog Blawyer, l'avocat Morachimo Miguel l'explique :

La nouvelle loi Banda Ancha [loi Haut Débit] s'efforce de réguler une affaire que OSIPTEL [Organismo Supervisor de Inversion Privada en Telecommuniciones, l'organisme de régulation des télécommunications au Pérou] supervise depuis maintenant près de sept ans. Mais en l'occurence, la régulation proposée par la loi Banda Ancha est beaucoup plus restrictive que celle actuellement en vigueur. Elle prévoit des restrictions d'accès aux applications de la part des opérateurs “à la demande de l'abonné ou de l'utilisateur et/ou dans certains cas exceptionnels pour des motifs de sécurité” Art.7) [...] Si dans certains pays, le processus de consultation publique est allé à son terme et de sérieuses enquêtes de marché ont été réalisées, il est vraiment dommage que l'on ait traité ce thème au Pérou de manière législative sans débat d'envergure ni communication.

Concernant les différentes lois relatives à l'internet dernièrement élaborées au Pérou, comme dans le cas précédent [la loi Banda Ancha], le journaliste José Soriano déclare aussi sur Facebook que celles-ci se prêtent d'autant mieux, et même dans les cas les plus positifs, à rendre en réalité la situation encore plus confuse :

La législation nationale est déjà abondante et suffisante, et toute loi supplémentaire ne ferait que restreindre les droits des citoyens. [...] Internet a pu se développer grâce à son auto-régulation et à la liberté de la circulation de l'information sans violer la neutralité du réseau. Toute tentative de régulation ou de législation est en soi un coup porté aux libertés publiques, car les utilisateurs sont déjà soumis aux lois civiles et pénales pré-existantes avec des procédures, des réglementations, des autorités d'application et de contrôle.

Pendant ce temps, la presse semble exacerber les affaires de délits cybernétiques pour créer une ambiance propice aux lois restrictives sur l'internet. Parallèlement, des thèmes comme la signature du Traité de libre-échange avec l'Union Européenne ne sont pas analysés en profondeur et les articles critiques à l'égard de ces traités “disparaissent” bizaremment.

Comme on peut le constater, la liberté d'internet est un enjeu aussi technique que juridique, ce qui explique sans doute la difficulté du plus grand nombre – sinon des législateurs eux-mêmes – à s'y intéresser, voire à le comprendre. Miguel Morachimo écrivait il y a peu :

A l'égal de beaucoup de pays d'Amérique Latine et d'autres régions du monde, le Pérou est un État dont les représentants politiques se sont pas encore familiarisés avec internet et les technologies en général. À cet égard, nos politiques nationales restent encore des directives générales qui ne nous guident ni vers des solutions innovantes ni des lois intelligentes. Contrairement à d'autres sujets d'intérêt public, comme la violence politique ou la discrimination, de rares voix issues de la société civile contribuent au débat public sur la politique de l'internet au Pérou. Par conséquent, à cause de ce vide, les intérêts des utilisateurs ne sont pas représentés  lorsque sont proposés au Congrès des projets de loi concernant nos droits.

Nous nous sommes entretenus récemment avec Miguel Morachimo sur ces thèmes :

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Article original [en espagnol] publié sur le blog personnel de Juan Arellano.

Une deuxième révolution en Libye?

mardi 19 février 2013 à 15:23

(Les liens renvoient vers des pages en anglais) Le 15 février 2011, deux jours avant la date prévue pour la ‘Journée de la Colère', des femmes libyennes, apparentées aux prisonniers du centre correctionnel d'Abou Salim, ont manifesté selon leur habitude à Benghazi pour exiger des informations sur la disparition et/ou le décès de leurs êtres chers dans cette prison infâme du régime de Mouammar al-Kadhafi. Cette prison tristement célèbre était réservée aux activistes, prisonniers politiques et autres individus considérés comme dangereux pour le système de ‘Jamahiriya‘ de l'ancien homme fort de Libye.

La révolution libyenne n'a été semblable à aucune autre, en contraste avec le renversement des dictateurs tunisien et égyptien pendant le ‘Printemps Arabe'. Elle s'est inscrite dans l'histoire avec sa descente vers une révolution armée, lourdement soutenue par les forces aériennes de l'OTAN.

Le chemin vers la démocratie a été plutôt cahoteux, même si le sang n'a pas été versé sous les mandats successifs de trois gouvernements en moins de deux ans. Contre toute attente, la Lybie a aussi tenu une élection modèle en juillet 2012, qui portait un message d'espoir puisqu'elle a été remportée par des partis non-islamistes, comme le dit Asma de @LibyanBentBladi :

@LibyanBentBladi: Nous, les Libyens, nous avons toujours été initiateurs de tendances.
Les résultats électoraux en Libye arrêtent la vague islamiste – http://nyti.ms/Mc1Tk2

Ben Ghazi celebrates the second anniversary of the Libyan revolution. Photo credit: Libyan Youth Movement Facebook page

Benghazi célèbre le deuxième anniversaire de la révolution libyenne. Photo de la page Facebook du Mouvement de Jeunesse Libyen

Cependant, en ce deuxième anniversaire de la révolution du 17 février, comme on l'appelle maintenant, la transformation promise de la Nouvelle Libye en une démocratie prospère n'a pas été accomplie. Le gouvernement libyen, rejetant toute aide extérieure, n'a pas réussi à sécuriser les frontières ni les dépôts d'armements, et le pays et certains de ses citoyens sont devenus les plus grands contrebandiers et trafiquants d'armes de la planète.

La mauvaise gestion des priorités, le refus persistant de justice et de réconciliation ainsi qu'une corruption flagrante ont refroidi l'euphorie et exacerbé les griefs de divers groupes et régions. L'expression de chagrin d'Exiled in Libya en tant que personne déplacée constitue un exemple de premier ordre des problèmes qui restent à résoudre :

Adieu foyer bien-aimé,
Un jour je reviendrai
Demeure de mon bonheur – ma dignité
Réconfort de mes vieux jours
Asile de mon corps fatigué
Tournerai-je encore la clef dans ta serrure ?
Mes pieds nus fouleront-ils à nouveau
La douce terre de tes champs ?
Trouverai-je le caroubier tenant ferme
En dépit des vents déchaînés ?
Les roses que j'ai soignées envers et contre tout,
Le jasmin frémissant dans la brise,
Seront-ils là pour m'accueillir ?
La huppe à ma fenêtre – garde-t-elle de moi le souvenir ?
Je me languis tant de vous !
Cette connaissance, cette appartenance
La beauté de la lumière du matin
L'azur des crépuscules
Je suis endeuillé, j'ai perdu mon foyer
Déraciné et exilé
Combien de temps dois-je errer, jusqu'où porter mes pas ?

Les Libyens, comme Sarah de @LibyafromFrance, ont aussi été choqués, par exemple, de  voir que la Cour Suprême a pu entériner rapidement une loi permettant aux hommes libyens de prendre une deuxième épouse sans le consentement de la première, annulant ainsi une loi de l'ère Kadhafi qui contrôlait la polygamie, malgré le fait qu'on attend toujours la législation de transition sur la justice.

@LibyaFromFrance: Quel titre “@AlArabiya_Eng: Time for men in #Libya to look for a second wife: Supreme Court http://goo.gl/ruqkn ” (Il est temps pour les hommes en Libye de se chercher une deuxième femme: Cour Suprême http://goo.gl/ruqkn)

L'emprise croissante des Islamistes sur la sphère publique et leur flatterie des milices leur permettent de parader de plus en plus, ce qui a culminé, le 11 septembre 2012, avec l'assassinat de l'ambassadeur des Etats-Unis en Libye à Benghazi. Cela a marqué un tournant, avec une augmentation des enlèvements et assassinats d'ordre politique, confirmant fortement l'impression que le gouvernement élu est impuissant, lent et déconnecté des vrais problèmes libyens. Les appels au fédéralisme se sont intensifiés, atteignant leur apogée il y a deux mois avec la planification d'une deuxième révolution le 15 février à Benghazi, dans la logique qu'ayant lancé le mouvement, ils pourraient le recommencer et corriger les erreurs. La liste des exigences allait de la démission de personnages politiques à la mise en place d'un système fédéraliste.

Une goutte d'eau semble avoir fait déborder le vase, comme exprimé ici par Highlander: les avertissements visant à dissuader les étrangers de se rendre en Libye.

Les dernières recommandations aux voyageurs en Libye me donnent peur à moi qui habite ici de me déplacer en Libye

Toutes ces émotions négatives et ces déceptions, ainsi que l'augmentation des risques sécuritaires posés par des éléments loyaux à Kadhafi qui pourraient détourner la manifestation prévue à leurs propres fins contre-révolutionnaires, ont énormément affecté les Libyens, dont beaucoup, comme le décrit Hanan Saeed de Romana, ne voient pas grand chose à fêter.

Qu'est-ce nous fêtons exactement ? Sérieusement ?
Le chaos peut-être ?
Je ne sais pas, voyons voir, l'absence d'ordre public ?
Ou peut-être l'inspiration d'une nouvelle terreur et le fait de ne pas pouvoir sortir de nos maisons après les prières du Mahgreb ?
La haine profonde envers quiconque porte une arme en public ?
Ou mieux encore, la nouvelle norme : voir des armes au grand jour ?
Euh, j'ai du mal à trouver des choses à ajouter à cette liste… [...] Jusqu'alors, pour moi au moins, le 17 février n'est rien de plus qu'un triste rappel de ce que nous espérions devenir, pas de ce qu'est vraiment la réalité.

Les Libyens se demandaient où était passée cette humeur particulière d'unité et de victoire sur le mal à l'approche de l'anniversaire de la révolution qui sera célébré par un week-end prolongé. Malgré tout, les préparatifs pour la fête ont démarré plus tôt que prévu et se sont développés en célébrations en bonne et due forme dans plusieurs districts de Tripoli.

Comme le dit Ruwida Ashour sur Omar Almokhtar's Daughter:

Tout le monde s'est souvenu sans s'alarmer de la manière dont nous avons agi pendant cette période il y a 2 ans, en essayant de faire du mieux pour que la ville soit joyeuse et sans danger, j'étais vraiment un peu inquiète pour ma ville, non pas à cause de quelque chose de particulier mais juste à cause de ceux qui peignent une image sombre de Benghazi, mais aujourd'hui je suis non seulement heureuse, mais hyper-excitée, et, une fois de plus, je ne m'inquiète pas pour les grands héros (les citoyens de Benghazi).

Des centaines de jeunes se sont levés pour assurer la sécurité des villes de par la Libye durant toute la période précédant l'anniversaire et ont gagné la reconnaissance de la population, comme le montre ce tweet de Maimuna (@fcukruna) :

@fcukruna: Chapeau à tous les shabab bladi [jeunes de mon pays] qui tiennent les postes de contrôle dans le froid cette nuit, je vous aime et vous apprécie <3! #Libya

Il semble que le pays n'ait soupiré de soulagement et ne se soit entré en liesse que lorsque le Parti Fédéraliste a confirmé qu'il ne se joindrait pas à la manifestation prévue à Benghazi le 15 février, comme en témoigne le Mouvement de Jeunesse Libyen @Shabablibya dans ce tweet :

@ShababLibya: on vient d'avoir notre administrateur à #Benghazi Shara3 Jamal Street sur Skype; fête folle !! #libya #feb17 RT

Dans un communiqué surprise sur la chaîne télévisée Al-Ro’ya TV hier soir (mercredi), le bloc fédéraliste de Cyrénaïque a annoncé qu'il ne participerait pas aux manifestations de demain dont il était à l'origine. La décision a été prise, selon ce communiqué, “pour la sécurité de nos communautés, la préservation de notre unité nationale, notre harmonie sociale, et afin d'éviter que le public ne se trouve mêlé à des conflits provoqués par différentes entités ou groupes politiques.”
Le dernier point fait référence à la préoccupation que d'autres groupes soit opposés à la révolution soit avec des objectifs différents n'essaient de détourner l'occasion vers la violence.”

Screenshot_1

Mouvement de Jeunesse Libyen
@Shabablibya
On vient d'avoir notre administrateur à #Benghazi Shara3 Jamal Street sur Skype; fête folle !! #libya #feb17 RT

Je conclurais que, oui, nous sommes encore loin des droits de l'Homme pour tous, de la liberté d'expression, de la réconciliation, de la justice sous toutes ses formes, et de la prospérité économique, mais jusqu'à présent nous avons réussi à éviter la guerre civile malgré le déluge d'armements, et à maintenir l'unité du pays en réalisant à la dernière minute une démonstration de solidarité qui nous a redonné ce sentiment spécial chargé d'adrénaline d'après la révolution, quand tous les rêves sont possibles. Est-ce que ce pourrait être là la vraie deuxième révolution ?

La météorite de Tcheliabinsk ranime les théories russes du complot

lundi 18 février 2013 à 19:47

La propension de RuNet à amplifier les théories du complot sur les incidents de toute sorte ne sera jamais surestimée. Pourtant, on reste à chaque fois ébahi à quel point ces explications sont souvent reprises par le discours dominant.

En l'espèce, la météorite [GV] qui a propulsé au premier plan vendredi dernier la morose ville de Tcheliabinsk. L'onde de choc n'était pas encore dissipée qu'apparaissait une première théorie du complot, avec les insinuations sur Novaya Gazeta de Ioulia Latynina, de la radio Echo Moskvy, qu'un genre de missile avait explosé dans sa trajectoire d'un site militaire à un autre, et que le caillou de l'espace n'était que la version officielle. (Sean's Russia Blog a traduit les “questions” de Latynina ici [en anglais].)

Sad Keanu and Belochka the Hell Squirrel join Putin atop meteorite contrail. Anonymous image widely disseminated online

Sad Keanu et Belotchka l'Ecureuil d'Enfer ont rejoint Poutine sur la traînée de la météorite. Image anonyme largement diffusée en ligne

L'article, qui commençait par “Certes je ne suis pas spécialiste des fusées,” a promptement été retiré [en russe, comme tous les liens sauf mention contraire] du site internet de Novaya Gazeta, mais pas avant que des captures d'écran et des copies ne soient disséminées dans tout RuNet. Latynina a ensuite présenté des excuses pour sa “paranoïa” dans sa chronique de la radio Echo Moskvy, reconnaissant que la météorite était bien une météorite. Des excuses qui sonnent quand même un peux creux :

[...] как только стало ясно, что там речь идет о килотоннах взрыва, то понятно, что это никакая не ракета, и понятно, что это, действительно, метеорит. [...] Действительно, совпадение. Метеорит летел на Чебаркульский полигон. Ну что? Бывает. [...] Когда у человека возникает паранойя, у него начинаются сразу всякие логические подтверждения этой паранойи.

[...] dès qu'il s'est avéré qu'il s'agissait d'une explosion de kilotonnes, alors évidemment ce n'est pas une fusée, mais effectivement une météorite. [...] Effectivement, une coïncidence. Une météorite volait vers le polygone de Tchebarkoul. Et alors ? Ça arrive. [...] Quand quelqu'un devient paranoïaque, toutes sortes de confirmations logiques de cette paranoïa commencent aussitôt.

Il est intéressant que Latynina semble dire que son idée originelle (une explosion de fusée maquillée en histoire de météorite) était “logique”, et, qui plus est, que si la quantité d'énergie dissipée par la météorite avait été plus faible, elle pencherait toujours pour sa première théorie.

Si les théories excentriques de Latynina sont notoires ainsi que sa compréhension limitée des aspects techniques, tel n'est habituellement pas le cas pour Andreï Makarevitch, la vedette du groupe de rock culte Machina Vremeni, qui a blogué sur Snob.ru en qualifiant la météorite de sujet de conversation “qui tombe à pic” pour détourner l'attention des scandales politiques. Il s'est aussi demandé quel serait le coût de “lancement” d'une météorite.

Autre personne à admettre avec hésitation l'existence de la météorite, Alfred Koch, l'économiste chargé des privatisations russes dans les années 90 et éphémère directeur de Gazprom Media. Pour commencer, Koch a écrit un billet sur Facebook (accueilli par plus de 9000 ‘j'aime') demandant pourquoi la défense anti-aérienne russe n'avait pas détecté et détruit la météorite :

Почему он не был даже засечен? На фига нам такая ПВО? Может и нет никакой ПВО?

Pourquoi n'a-t-elle même pas été détectée ? C'est un bordel la DCA ? Peut-être qu'il n'y a aucune DCA ?

Koch espérait peut-être une opération plus proche de celle décrite par le film Armageddon. Il a ensuite écrit un autre billet :

Над нашей страной произошел взрыв неизвестного объекта. Высота на которой произошел взрыв – 20 км. Мощность – примерно 20 – 30 Хиросим. Теперь самое интересное: не прошло и суток, как это случилось, а поиски остатков объекта – прекращены… Не знаю как вы, а мне кажется, что меня держат за идиота.

Au-dessus de notre pays s'est produite l'explosion d'un objet inconnu. L'altitude à laquelle s'est produite l'explosion est 20 km. Sa puissance : entre 20 et 30 Hiroshimas. Maintenant le plus intéressant : pas même 24 heures ont passé depuis que c'est arrivé, et les recherches des débris de l'objet ont cessé… Vous, je ne sais pas, mais j'ai l'impression qu'on me prend pour un idiot.

On a peine à croire que Boris Nemtsov, une figure de l'opposition et membre du Conseil de Coordination de l'opposition, était sur la même longueur d'onde que Koch pour les “objets inconnus”, avec sa note de hier :

Альфред Кох удивляется, почему прекращены поиски челябинского неопознанного летающего объекта (НЛО) [...] И почему версия Латыниной, что это был не метеорит, а наша ракета нечаянно кем-то запущенная, была забанена даже независимыми СМИ. Мне представляется, что дискуссия вокруг НЛО крайне опасна и невыгодна властям.

Alfred Koch s'étonne de l'arrêt des recherches pour l'objet volant non identifié (OVNI) de Tcheliabinsk [...] Et que la version de Latynina que ce n'était pas une météorite, mais notre fusée lancée par mégarde, ait été bannie même des médias indépendants. J'imagine qu'une discussion sur les OVNI est hautement risquée et inopportune pour les autorités.

Plusieurs commentateurs ont réagi par des liens vers une vidéo sur YouTube intitulée “Avons-nous été sauvés ?”, et pour l'un d'eux :

Вообще-то там заметили сигарообразный объект который сбил и уменьшил тем самым метеорит и затем полетел дальше.

En réalité, on a discerné un objet en forme de cigare qui a touché la météorite et en a réduit la taille,puis a continué son vol.

A diagram. An anonymous image widely distributed online.

Un diagramme montrant la trajectoire de la météorite, de gauche à droite : datcha de Poutine, ventilateur très puissant du KGB, Tcheliabinsk. Image anonyme largement diffusée en ligne.

Pourquoi certains répugnent-ils autant à accepter comme telles les explications simples d'événements certes exceptionnels ? Le blogueur Vladimir Golishev prend du recul et attribue  le désir de compliquer à la peur de l'aléatoire :

что хуже: метеорит или ракета?
по-моему, ракета как-то превычней, понятней, тривиальней
подумаешь, с курса сбилась – врезала по людЯм!
первый раз что ли?!
вполне штатная ситуация для неуклонно поднимающейся с колен расеи
а вот ежели вправду метеорит – тогда, действительно, страшно

qu'est-ce qui est pire : une météorite ou une fusée ?
pour moi, une fusée c'est un peu plus usuel, compréhensible, banal
tu parles, elle a dévié – a tapé dans des gens !
comme si c'était la première fois ?!
situation très embêtante pour la Russie qui se redresse sans relâche
et si c'est vraiment une météorite, alors effectivement ça fait peur