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En Turquie, les défenseurs des droits de l'homme toujours derrière les barreaux

samedi 15 juillet 2017 à 13:45

Un policier lance du gaz lacrymogène pendant les manifestations au parc Gezi à Istanbul, juin 2013. Photo de Mstyslav Chernov via Wikimedia (CC BY-SA 3.0)

Huit des défenseurs des droits de l'homme les plus respectés de Turquie ont été arrêtés la semaine dernière avec deux formateurs d'informatique venus de Suède et d'Allemagne. Les dix personnes arrêtées sont toujours en garde à vue mais n'ont pas été inculpées.

Le groupe s'était réuni pour un atelier en sécurité numérique et gestion des informations sur une des îles d'Istanbul, Büyükada, le 5 juillet lorsque la police a perquisitionné l'atelier, détenu les participants et confisqué des équipements électroniques, ordinateurs et téléphones mobiles. Parmi les personnes arrêtées se trouvait la directrice d'Amnesty International Turquie, Idil Eser.

Le journal turc Cumhuriyet a rapporté que la police avait également fait une descente dans les maisons de certains défenseurs des droits de l'homme arrêtés, et a saisi des livres, des CD, des téléphones et des appareils numériques. Le 11 juillet, Hürriyet Daily News a rapporté que « les perquisitions aux domiciles des personnes arrêtées étaient toujours en cours. »

Amnesty International a annoncé le 11 juillet que les dix personnes resteront toutes en garde à vue au moins sept jours de plus.

Le directeur d'Amnesty International en Turquie, Salil Shetty, a décrit les arrestations comme un « abus grotesque de pouvoir et soulignant la situation précaire des défenseurs des droits de l'homme dans le pays. »

Hugh Williamson, responsable d'Europe et d'Asie centrale à Human Rights Watch, a décrit la situation comme « une nouvelle étape répressive pour l'État turc » et a appelé à leur libération immédiate.

Questionné sur les détentions à une conférence de presse le 8 juillet au sommet du G20 à Hambourg, en Allemagne, le Président turc Recep Tayyip Erdogan a soutenu que la réunion « allait constituer une reprise des événements du 15 juillet », faisant référence à la tentative ratée de coup d'État de 2016.

Les autorités turques n'ont fourni aucune preuve ni aux médias ni au public des affirmations du président. Tous les dix font preuve d'un engagement pour la protection pacifique et constructive des droits de tous les Turcs tels qu’ inscrits dans les lois du pays et les normes internationales des droits de l'homme.

Dans un tweet de son personnel, Amnesty International a rappelé son action pour défendre Erdogan quand il a été arrêté en 1998 lors de son mandat du maire d'Istanbul.

Les gouvernements et les agences intergouvernementales de par le monde ont exprimé leurs inquiétudes de l'absence de procès en bonne forme et d'abus de pouvoir de la part du régime. L'ancien Premier ministre de Suède, Carl Bildt, a qualifié les arrestations de « signe très inquiétant » :

Signe très inquiétant avec les autorités turcs détenant les principaux défenseurs des droits de l'homme clés. Les procureurs perdent la raison.

La député européenne néerlandaise Kati Piri s'est jointe aux appels pour la libération du groupe :

Avant le vote du Parlement européen sur la Turquie, nous avons appelé à la libération immédiate des défenseurs des droits de l'homme, y compris le directeur d'Amnesty

Les sympathisants des défenseurs des droits de l'homme partagent les informations sur le groupe Facebook Free Rights Defenders – Hak Savunucularına Dokunma. Sur Twitter, les sympathisants utilisent les hashtags #HakSavunucularınaDokunma, #FreeRightsDefenders et #Istanbul10.

L'Organisation mondiale contre la torture a aussi publié une déclaration signée par 40 organisations des droits de l'homme de par le monde, affirmant que « le travail des droits de l'homme ne doit pas être criminalisé » et exigeant la libération immédiate et inconditionnelle de tous les dix participants détenus.

A ces réfugiés syriens en Jordanie, le journalisme offre espoir et opportunité de reconstruire leur pays

vendredi 14 juillet 2017 à 20:33

Jbeily apprécie la soirée tout en racontant son périple de Syrie en Jordanie. Photo de l'auteur.

Son visage luit dans la blancheur crue du néon sur le mur blanc écaillé de la maison. La chaleur de ce début de juillet rend les gouttelettes de sueur distinctement visibles sur son front. Malgré un barrage d'insectes qui occupent et encerclent sans relâche son espace personnel, elle paraît détendue, posée, mais avant tout, sûre d'elle-même. Elle a eu cinq années pour développer une résilience à l'occupation et à l'encerclement, et les insectes ne la dérangent plus comme au début.

Zein Jbeily est une réfugiée syrienne d'Alep qui a fui son pays, la Syrie, en 2012. Depuis cinq ans, Jbeily est une militante citoyenne, qui a choisi de lutter pour les droits de son peuple par l'action non-violente et l'engagement dans l'écriture.

“Les armes n'ont pas non plus fait la preuve historiquement qu'elles sont la meilleure solution. La non-violence est la plus grande arme à portée de l'humanité, plus puissante que l'arme de destruction la plus puissante”, se confie-t- elle à Global Voices. En Syrie, soutient Jebily, “les balles sont tirées non sur un ennemi, mais sur votre voisin et peut-être votre frère”.

Jbeily s'est prise de passion pour l'action non-violente et a lancé sa propre guerre, en utilisant l'écriture et l'enquête journalistique en lieu et place des missiles et balles, en vue d'améliorer la vie des Syriens habitant en Jordanie.

Jbeily n'a pourtant pas toujours tenu un stylo. “En Syrie, je ne travaillais pas”, dit-elle en évoquant sa vie de mère au foyer. Mais pendant la révolution, son mépris viscéral pour le régime Assad—un mépris partagé par de nombreux Syriens de Jordanie—a fait du journalisme et de la documentation des atrocités commises par les forces du régime une réaction quasi naturelle.

“En Syrie, je filmais les manifestations et envoyais les vidéos aux chaînes de télévision”, revendique Jbeily, ajoutant que pendant la révolution elle faisait parvenir des médicaments dans les parties assiégées d'Alep.

Elle évoque son périple d'Alep à Damas et finalement sa traversée de la frontière sud de la Syrie avec la Jordanie. “Il y avait énormément de stress quand je suis arrivée. J'étais en état de choc”, raconte-t-elle. De 2012 à 2016, Jbeily a rebondi d'un travail au suivant, consistant tous à écrire sur les réfugiés ou la révolution syrienne, où, à ce jour, sont parties prenantes la Russie, l'Iran, les USA, et plusieurs États du Golfe.

En 2016, Jbeily a trouvé refuge à Radio al Balad (Radio du pays) d'Amman, plus précisément dans leur émission vedette Syriens entre nous. En 2012, la radio installée à Amman lança, en partenariat avec le département des Affaires publiques de l'ambassade américaine en Jordanie, Syriens entre nous, le premier programme du genre, formant des réfugiés syriens à un journalisme citoyen centré sur les réfugiés en Jordanie.

Le meilleur du programme, de l'avis général, était que pour chaque sujet, on les payait environ 100 dollars—une somme modeste pour beaucoup, mais généreuse pour ceux qui se trouvaient aussi bien sans patrie que sans domicile en l'espace de quelques mois. Jbeily n'a pas été la première à y prendre part, mais l'une des dernières. En 2016, le programme perdit son financement et fut suspendu sine die.

Selon Etaf Roudan, journaliste au Community Media Network, Syriens entre nous Between Us avait formé près de 60 Syriens ordinaires au journalisme citoyen pendant la période d'activité du programme.

Depuis ses débuts, Syriens Entre Nous a donné un éclairage critique aux questions concernant les réfugiés en Jordanie : la corruption profondément enracinée dans les camps, le manque d'accès à l'enseignement, et l'exploitation souvent systématique dont sont victimes les familles syriennes.

“Les gens sont les experts de leurs propres vies. On s'est dit, pourquoi ne pas donner aux Syriens un chance de parler de la leur”, nous a déclaré Daoud Kuttab, contributeur d'Al-Monitor et un des fondateurs du programme. “Nous avons constaté une nette progression des discours de haine contre les réfugiés syriens, notamment sur certaines radios. Pour nous, c'était les Syriens par les Syriens sur les Syriens”, complète-t-il.

Ali sourit au photographe dans le quartier Zaharan d'Amann. Photo de l'auteur.

Sa’id al-Haj Ali a lui aussi travaillé pour Syriens Entre Nous, mais à la différence de son homologue, il venait de la ville de Deraa à l'extrême sud de la Syrie, et a commencé à écrire pour l'émission en 2014.

Comme beaucoup de Syriens, Ali s'est installé à Irbid, une petite ville située à quelque 140 km au nord d'Amman. Selon le UNHCR, 136.000 réfugiés syriens enregistrés vivent à Irbid, ce qui en fait une des plus grandes villes d'accueil de Jordanie.

Ali n'avait pourtant rien d'un journaliste. Étudiant en linguistique arabe à l'université de Damas, la perspective d'une révolution réussie a mobilisé la fibre révolutionnaire d'Ali. “Je photographiais et chroniquais l'opposition [à Assad]”, a-t-il expliqué à Global Voices. Pour finir, Ali s'est retrouvé à entrer et sortir de cellules de prison, et logiquement, en fuite.

“Je suis venu en Jordanie par peur des arrestations et en quête de sûreté. Et, à cause des menaces permanentes du régime Assad contre moi et ma famille, la Jordanie était ma seule option”.

Ali considérait son travail pour Syriens Entre Nous comme l'apport d'une voix essentielle à ceux qui n'en possédaient plus. “Il n'y avait aucun média en Jordanie qui parle des problèmes, thèmes et histoires des Syriens—leurs problèmes au quotidien d'alimentation, d'aide, de soins et d'enseignement”, explique-t-il.

Syriens Entre Nous appartient désormais au passé, mais pas les vies de journalistes d'une soixantaine de Syriens. Aujourd'hui, Ali comme Jbeily travaillent comme journalistes à plein temps, et cela ne paraît pas devoir changer de sitôt.

Sans doute Ali et Jbeily rêvent-ils de retourner en Syrie—de fait, Ali voudrait démarrer un programme de radio dans son pays. Mais le retour semble toujours plus improbable. Dans l'année écoulée, le régime Assad avec ses alliés iranien et russe a repris le contrôle de la plus grande partie du pays, laissant penser à beaucoup qu'Assad est là pour durer.

Pour Kuttab, un de nos “objectifs indirects était qu'une fois la Syrie redevenue libre et démocratique, elle aura besoin d'un cadre de journalistes professionnalisés et qu'ils pourront revenir travailler dans leur pays”.

Si aujourd'hui cela peut sembler hors d'atteinte, tant Ali que Jbeily vont continuer à écrire, mais aussi à rêver—de la Syrie qui était, et qui un jour, largement grâce à leur travail, pourra à nouveau  être.

Ce reportage a été rendu possible par le Pulitzer Center for Crisis Reporting, dont Aman est un étudiant boursier. 

L’agence de cyber-censure russe demande un abonnement Premium à PornHub. Elle en reçoit 10.

vendredi 14 juillet 2017 à 12:47
No Porn. Public Domain Photo from Pixabay.

Pas de porno. Photo Pixabay, domaine public.

[Article d'origine publié le 31 mai 2017] Peu après que le Roskomnadzor, l’agence de cyber-censure russe, a ajouté en septembre 2016 PornHub à son registre des sites internet bloqués (sous prétexte d’empêcher les mineurs d’accéder à des contenus pornographiques), le site du porno en ligne lui a fait une offre : s’il débloquait PornHub en Russie, il recevrait un compte Premium gratuit.

Le Roskomnadzor avait alors rejeté la proposition en indiquant que regarder des vidéos pornographiques en ligne nuisait à la croissance démographique russe.

Désolés, mais nous sommes pas sur le marché et la démographie n'est pas une marchandise.

Le 30 mai cependant, à peine un mois après que le Roskomnadzor eut débloqué PornHub en Russie (les utilisateurs doivent désormais entrer leur date de naissance avant de pouvoir accéder au site), Vadim Ampelonski, un représentant du Roskomnadzor, a annoncé que l’agence était prête à profiter de l’offre de PornHub.

S’exprimant lors d’un débat à la conférence sur l'Internet SPIK 2017 à Saint-Pétersbourg avec Dmitri Kolodine, un spécialiste du numérique chez PornHub, Ampelonski a indiqué qu’il attendait encore de recevoir son compte Premium gratuit. Kolodine a répondu qu’il obtiendrait son abonnement dès l'ouverture du siège de PornHub à Montréal [le mardi suivant].

Source: Felix Zinatullin, VKontakte.

Selon Felix Zinatulline, un responsable marketing qui assistait au SPIK et avait attiré sur Vkontakte l’attention sur cet échange, Ampelonski a indiqué qu’il vérifierait que tous les fournisseurs Internet russes aient bien autorisé l’accès à PornHub à leurs utilisateurs en échange de l’abonnement Premium.

Aujourd’hui, le site web Tjounal signale que PornHub a fait cadeau de 10 abonnements Premium gratuits à Ampelonski, dont cinq qu’il a offerts aux employés du TJournal « à des fins caritatives ».

Vivre dans les ruines des ‘villes fantômes’ d'Abkhazie orientale

jeudi 13 juillet 2017 à 22:41

Photo Dmitri Stateynov pour OC Media. Utilisation autorisée

Cet article est adapté d'un article de partenariat écrit par OC Media.

La guérison d'après-guerre a été lente à arriver en Abkhazie orientale, et encore plus dans le district de Tkvarcheli. Plus de vingt ans ont passé depuis que la guerre entre Géorgie et Abkhazie a officiellement pris fin, mais ses cicatrices entaillent encore profondément cette partie de la petite république.

Les villages abandonnés du haut de Tkvarcheli offrent des images frappantes. Ceux de Dzhantukha, Akarmara, Pyataya Shakhta, Polyana et Kharchilava sont situés dans le bassin charbonnier de l'Abkhazie.

Pendant la période soviétique, différents groupes ethniques vivaient et travaillaient ensemble sur ce territoire : Russes, Grecs, Abkhazes, Géorgiens et Arméniens. La plupart ont abandonné leurs logis pendant la guerre. Aujourd'hui, ce sont essentiellement des Russies et des Abkhazes qui y demeurent.

En Abkhazie on appelle ces localités des ‘villes fantômes’. Leurs populations culminaient avant-guerre à 10.000 habitants, aujourd'hui elles sont tombées à quelques centaines.

Le phénomène est emblématique de Tkvarcheli. En 2011, la population totale du district était de 16.000, restée stable pendant plus d'une décennie. En 1989, environ 43.000 personnes habitaient le district.

Photo Dmitri Stateynov pour OC Media. Utilisation autorisée.

‘Tout ça est une conséquence de la guerre’

Les immeubles collectifs de cinq étages de l'ère soviétique datant du début des années 1960 — les khrouchtchevkas — désertés symbolisent le déclin et la désolation de la région. Ces bâtiments tombent en ruine et sont rarement habités par plus de deux familles.

Photo Dmitri Stateynov pour OC Media. Utilisation autorisée.

A l'entrée du village de Dzhantukha, je croise un habitant, un homme âgé. Il entame une conversation qu'il ne veut pas terminer.

“Tout ça est la conséquence de la guerre.”

“Je peux vous parler ?”

“A quoi bon ? C'est bien visible de toute façon.”

Avant la guerre, la vie au village était animée, avec centres socio-culturels, écoles et jardins d'enfants au service de la collectivité.

A présent, les rues pavées sont bordés de bâtiments à la magnificence évanouie. Ceux qui peuplaient jadis ces lieux, et ont fourni leur contribution à l'économie planifiée centralisée de l'Union Soviétique ne sont plus là.

Dans une de ces villes-fantômes, Dzhantukha, il y a une cinquantaine d'habitants. Akarmara en compte 38, et les autres villages à peu près autant. Les khrouchtchevkas qui abritent toujours une ou deux familles se signalent extérieurement par le linge séchant sur leurs balcons.

Deux petites filles, sept ans chacune, glissent un coup d’œil par la fenêtre d'une maison en ruine. Décelant l'appareil photo que j'ai en mains, elles se détournent aussitôt.

‘Nos mères nous ont interdit de nous faire photographier’, dit l'une.

‘Pourquoi ?’

‘Elles l'ont interdit, c'est comme ça’.

La fillette murmure quelque chose à son amie, elles sortent rapidement du bâtiment en ruine et disparaissent.

La plupart des gens de la zone travaillent pour une petite entreprise turque de mines de charbon, Tkvarchalugol. Les familles pratiquent aussi l'agriculture de subsistance : élevage, apiculture, potager. Joindre les deux bouts est difficile. En hiver, l'administration locale fournit gratuitement bougies et pain aux villages.

Photo Dmitri Stateynov pour OC Media. Utilisation autorisée.

“J'ignore si ça marchera, mais nous planterons des courgettes”

Il y a environ dix ans, une vieille dame du nom de Galina, ou tante Galia comme l'appellent ses voisins, a déménagé à Dzhantukha en provenance d'Akarmara. Sa fille aînée est installée en France, mais Galina n'a pas l'intention de quitter l'Abkhazie pour la rejoindre. “Mon cœur penche vers l'Abkhazie”, dit-elle.

Galina refuse les propositions d'aide financière de sa fille, et soutient au contraire qu'elle subvient aux besoins de ses jeunes petits-enfants. La retraite mensuelle de Galina équivaut à seulement 7,9 euros.

“Sans potager ni maison, on ne peut pas survivre”, admet-elle.

Tante Galia dit qu'elle et les autres habitants du village essaient de se voir régulièrement et de célébrer les fêtes ensemble.

Photo Dmitri Stateynov pour OC Media. Utilisation autorisée.

“Une femme de 90 ans habite dans cet immeuble, ainsi qu'une jeune famille, et moi. Lors des fêtes, nous nous rendons mutuellement visite. Mais nous n'y arrivons pas toujours ; chacun s'occupe de ses affaires”.

Tandis qu'elle bavarde, une voisine plus jeune sort sur son balcon.

“Natacha”, la hèle tante Galia. “Ils ont dit qu'on peut planter des courgettes. J'ai déjà préparé la terre. Je ne sais pas si ça marchera, mais nous planterons des courgettes”.

‘On s'habitue à tout’

Natacha, l'interlocutrice de Galia, vit depuis quelque temps ici avec son mari et leurs cinq enfants. Natacha avait 11 ans quand la guerre a commencé. Il n'y a pas de jour où elle ne se souvienne de la vie d'avant-guerre.

Bien qu'ils aient de la famille dans la Russie centrale, en Ossétie et en Géorgie — le pays dont l'Abkhazie a fait sécession — ils n'ont pas eu de possibilité de partir.

Photo Dmitri Stateynov pour OC Media. Utilisation autorisée.

“Nous avons récemment acheté un terrain à Soukhoumi (la capitale administrative de l'Abkhazie). Nous voulons y construire une maison, mais ça n'est pas près de se faire”, dit-elle avec regret.

Natacha touche environ 8 euros d'allocation par enfant. Son mari travaille au puits de mine. La jeune famille a sa propre exploitation agricole. Près de la maison, là où se trouvait jadis le jardin d'enfants fréquenté par Natacha petite fille, ils élèvent cochons, vaches, coqs et poules.

Elle dit que lorsque les gens ont commencé à quitter le village après la guerre, c'était d'abord effrayant, puis la peur s'est estompée avec le temps.

Photo Dmitri Stateynov pour OC Media. Utilisation autorisée.

“Nous n'avons [plus] peur de l'obscurité dans la rue ni de la solitude. On peut s'habituer à tout. Beaucoup de gens croient que ces immeubles ont été détruits pendant la guerre. En fait, tout ça vient des pillages. Il n'y avait pas de travail après la guerre et chacun vivait comme il pouvait. Chaque jour je me rappelle comment était la ville, et la guerre”.

Alors que notre conversation tire à sa fin, un jeune garçon passe à toutes jambes. Il traverse en courant la fenêtre d'un bâtiment en ruines et se cache. Un ballon vole par la fenêtre, et un autre garçon court derrière. Il shoote dans le ballon qui dévale la pente.

Une meute d'enfants poursuit maintenant le ballon, tous crient. Dans leur course, certains ramassent des pierres et les lancent sur les bâtiments délabrés. Ces ruines font partie de leur enfance, insouciante comme n'importe laquelle. Ils n'ont jamais connu rien d'autre.

Tous les noms de lieux et la terminologie utilisés dans cet article sont les mots du seul auteur, et ne reflètent pas nécessairement les idées du comité de rédaction d'OC Media.

Notimia, l'agence de presse mexicaine qui donne la parole aux indigènes et aux afro-descendants

jeudi 13 juillet 2017 à 20:50

A la réunion des Communicants Indigènes et d'origine africaine à Oaxaca, Mexique, 2015. Crédit photo : Mikel Blasco/CCEMx (Centre culturel espagnol). Image utilisée avec l'autorisation du Laboratoire de la Citoyenneté Numérique.

Les communautés indigènes et d'ascendance africaine au Mexique mènent ensemble une lutte permanente contre la discrimination, dans leur lutte pour une meilleure visibilité et la défense de leurs droits. Les obstacles et dangers auxquels ils sont confrontés sont de diverses natures : persécution, emprisonnement, inégalité, exclusion, et même des déplacements forcés et assassinats pour s'être opposés à l’ exploitation des ressources naturelles de leurs lieux d'origine.

Les données des enquêtes entre recensements collectées en 2015 par le Conseil national de la Population du Mexique, montrent que près de 17 millions de personnes se considèrent indigènes, compte tenu de leur culture, histoire et tradition. De ce nombre, 6,5 pour cent parlent une langue autochtone. Parmi ceux-là, 80 pour cent vivent dans la pauvreté et souffrent de retard d'éducation et de violences à l'égard des femmes, selon un article publié par l'organisation México Social, un projet multimédia de promotion des droits humains et sociaux.

D'un autre point de vue, selon un rapport publié par la Commission nationale des droits humains (CNDH) conjointement avec l'Institut national des statistiques et de la géographie (INEGI) et le Conseil national de prévention de la discrimination (CONAPRED), un habitant sur 100 du Mexique est d'ascendance africaine, soit 1.381.853 personnes. Le rapport indique aussi que 18 pour cent de la population parle une langue indigène, tandis que les deux tiers se définissent comme indigènes.

A la réunion des Communicants Indigènes et d'origine africaine à Oaxaca, Mexique, 2015. Crédit photo : Mikel Blasco/CCEMx. Image utilisée avec l'autorisation du Laboratoire de la citoyenneté numérique.

Au-delà de leur combat permanent pour leurs droits et contre les conditions sociales défavorables, ces deux populations ont quelque chose de positif en commun : Notimia, une agence de presse créée par les photographes, vidéastes, cinéastes et journalistes indigènes et d'ascendance africaine.

Ce support de communication, prenant en compte les besoins des femmes et ciblant une audience internationale, se vouera à donner la parole aux communautés qui ont été mises sous silence et rendues invisibles. Il traite de sujets souvent ignorés par les médias conventionnels, tels que les mouvements, manifestations et problèmes affectant les indigènes et les gens d'ascendance africaine tous les jours en tous lieux du pays. L'enjeu est d'avoir un impact sur plusieurs niveaux : dans la communauté elle- même, et dans la sphère nationale et internationale.

Durant sa présentation à la presse à Mexico le 5 avril 2017, Guadalupe Martinez, fondatrice et rédactrice en chef de Notimia, a dit que l'agence faisait la promotion de la communication interculturelle. Elle cherche à créer et diffuser les processus d'organisation des communautés et personnes indigènes dans leurs langues indigènes et à les traduire en d'autres langues. Durant l'événement – qui était transmis en continu sur internet – Mardonio Carballo, un poète et écrivain de langue náhuatl, a souligné l'importance de prêter une oreille aux voix des femmes indigènes :

Es necesario que su propia voz sea la que se escuche, que sean ustedes hablando por ustedes mismas.

Il est nécessaire que votre propre voix soit entendue, que vous vous exprimiez vous-mêmes.

Carballo a aussi mentionné à juste titre l'importance d'amener les entreprises de presse à vocation communautaire à mettre en exergue ces problèmes qui sont habituellement occultés. Dans un pays où 69 langues sont parlées, l'absence d'entreprises de presse dans les différentes langues est une évidence.

Eso lo tenemos que cambiar estando atentos en muchos sentidos, desde adentro (de las comunidades) y hacia afuera.

Nous devons changer cette situation en étant attentifs à plusieurs égards, à l'interne au sein (des communautés) et vers le monde extérieur.

A la conférence de presse de présentation de Notimia à Mexico, 2017. Crédit photo: Ane Sanz/CCEMx. Image utilisée avec l'autorisation du Laboratoire de la Citoyenneté Numérique.

L'équipe initiale de Notimia est dirigée par l'Alliance des femmes indigènes d'Amérique Centrale et du Mexique, qui regroupe plus de 300 communicants d'Amérique et 200 de différent États du Mexique. L'agence est aussi membre de la Réunion des communicants Indigènes et d'ascendance africaine (ECIA) qui se tient chaque année dans le but de renforcer les efforts des indigènes pour créer des processus de communication pour la paix.

Le site de Notimia publie divers articles mettant l'accent sur l'importance de renforcer la visibilité des populations pour lequelles elle est moindre. La mode ethnique, les femmes journalistes et les droits des peuples indigènes sont quelques-uns des sujets qui ont été traités.

Deux mois après cet événement, Notimia a aussi enregistré de nombreux abonnés sur ses réseaux sociaux, comme sur sa page Facebook intitulée “Notimia : Agence de Presse pour les femmes indigènes et d'ascendance africaine“.