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La langue acadienne étend ses frontières en ligne grâce aux mèmes

vendredi 9 mars 2018 à 10:59

Mème créé par l'utilisateur Twitter @LangueAcadienne dans la langue acadienne française. Traduction : “Quand tu trouves enfin l'équivalent acadien d'un mot anglais ou français.”

En 2018, le français acadien est l'une des langues participant au Défi du mème de la langue maternelle [en] avec des mèmes créés par notre partenaire @LangueAcadienne, un défenseur de l'acadien basé au Nouveau-Brunswick, au Canada.

Comme son nom l'indique, le français acadien dérive du français à travers la colonisation de la côte nord-est du continent américain par les Français aux XVIIe et XVIIIe siècles. L'Acadie était le nom d'une des anciennes colonies françaises de l'Amérique du Nord, avec le Canada et la Lousiane (bien qu'elles aient alors eu des frontières très différentes de celles que nous connaissons aujourd'hui). En termes modernes, l'Acadie correspondrait le mieux aux provinces canadiennes de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard. Il existe également une diaspora acadienne, principalement due à la déportation des Acadiens de 1755-1763 et à des migrations économiques plus récentes.

Dans une interview avec Rising Voices, l'utilisateur principal derrière le compte @LangueAcadienne, qui préfère rester anonyme, nous en dit un peu plus sur sa langue et sa participation au Défi #MemeML.

Rising Voices : Quel est l'état actuel de votre langue à la fois hors ligne et sur Internet?

To my knowledge, in its written form, there have only been a few literary authors throughout the years who have produced works in varying degrees of Acadian, one of the most well-known being Antonine Maillet. This may be explained by the fact that Acadia was a former French colony and thus Standard French was considered the proper language in formal communications and settings, while Acadian was considered an unrefined language, especially by outsiders.

In its spoken form, a lot of Acadian words, pronunciations and grammar have lost quite a bit of ground or have completely disappeared in the past century, due to lifestyle, social, cultural and economic changes, stigmatization and the growing presence of mass media. Due to these pressures and the fact that Acadians were scattered across English-majority provinces, the language and the people have been torn between Standard French and English, which has resulted in English assimilation for some and different varieties of Chiac for others.

Chiac is a creole-like language of relatively recent development that consists of a mix of old Acadian, English and modern French. It has been gradually taking the place Acadian once held in society, as younger generations leave Acadian aside. It is used informally to various degrees in different areas and can sometimes be seen used on Facebook, along with French and (mostly) English. There is a bit of literature and music produced in this language, as well as a few humour columns and a televised cartoon, but it remains quite marginalized, though I believe it to be in still better standing than Acadian. Though I understand the origins of Chiac and its place in society, it is my personal preference to advocate for the “original” Acadian, in all its varieties, as a unique and unifying language and identity for our scattered people.

This decline of Acadian, its lack of a presence online, on television and in society in general and the threats it is facing from other languages are all factors that motivated me to create Langue Acadienne.

À ma connaissance, sous sa forme écrite, il n'y a eu au cours des années que quelques auteurs littéraires qui ont produit des œuvres acadiennes à divers degrés, l'une des plus connues étant Antonine Maillet. Cela peut s'expliquer par le fait que l'Acadie était une ancienne colonie française et que le français standard était considéré comme la langue appropriée dans les communications et les cadres formels, tandis que l'acadien était considéré comme une langue non raffinée, surtout par les étrangers.

Dans sa forme parlée, beaucoup de mots acadiens, de prononciation et de grammaire ont perdu du terrain ou ont complètement disparu au cours du siècle passé, en raison des changements sociaux, culturels, économiques et de styles de vie, de la stigmatisation et de la présence grandissante des médias. En raison de ces pressions et du fait que les Acadiens sont dispersés dans des provinces à majorité anglophone, la langue et les gens ont été déchirés entre le français et l'anglais, ce qui a entraîné l'assimilation de l'anglais pour certains, [l'émergence de] plusieurs variétés de chiac pour d'autres.

Le chiac est un créole de développement relativement récent qui consiste en un mélange de vieil acadien, d'anglais et de français moderne. Il a graduellement pris la place de l'acadien dans la société, quand les jeunes générations ont délaissé l'acadien. Il est utilisé de manière informelle à divers degrés dans différents domaines et peut parfois même sur Facebook, avec le français et (surtout) l'anglais. Un peu de littérature et de musique sont produites dans cette langue, ainsi que quelques articles humoristiques et un dessin animé télévisé, mais il reste assez marginalisé, même si je crois que sa situation est encore meilleure que celle de l'acadien. Bien que je comprenne les origines du chiac et sa place dans la société, je préfère personnellement défendre l'acadien “original”, dans toutes ses variétés, comme une langue et une identité uniques et unifiées pour notre peuple dispersé.

Ce déclin de l'acadien, son manque de présence en ligne, à la télévision et dans la société en général ainsi que les menaces auxquelles il fait face de la part d'autres langues sont autant de facteurs qui m'ont motivé à créer @LangueAcadienne.

RV : Pourquoi avez-vous décidé de participer au Défi du mème de la langue maternelle?

Having looked into various regional minority languages and having lived in an area abroad where the regional minority language was celebrated (I lived in Galicia, where despite the constant presence and threat from Spanish, the people there were proud of their Galician language and had standardized it and made it official at the state/provincial level), I love the idea of promoting linguistic diversity in the world. Using modern Internet culture seems like a perfect way of raising awareness and promoting linguistic diversity both online and the in the real world and it fit perfectly with Langue Acadienne’s objectives and its content.

Ayant étudié diverses langues minoritaires régionales et ayant vécu dans à l'étranger, dans une région où la langue minoritaire régionale était célébrée (j'ai vécu en Galice, où malgré la présence constante et la menace de l'espagnol, les gens étaient fiers de leur galicien, l'ont normalisé et officialisé au niveau provincial), j'aime l'idée de promouvoir la diversité linguistique dans le monde. L'utilisation de la culture internet moderne semble être une façon parfaite de sensibiliser et de promouvoir la diversité linguistique en ligne ainsi que dans le monde réel et elle correspond parfaitement aux objectifs et au contenu de @LangueAcadienne.

RV : Qui voudriez-vous inviter à créer un mème dans cette langue?

I would like to encourage the whole Acadian community to create memes and any other type of content in Acadian. We are in desperate need for more. I’m sure the same can be said of the Mi’kmaq and Maliseet languages, so I encourage youth from those two communities to join the Meme Challenge as well. Internationally, I have seen content from l’Office du Jèrriais and l’Académie du Gallo, so I would like to challenge people who speak other regional languages in France to participate as well. It is always fascinating to see the similarities and differences between our sister languages.

Je voudrais encourager toute la communauté acadienne à créer des mèmes et tout autre type de contenu en Acadie. Nous avons désespérément besoin de plus de contenu. Je suis certain qu'il en est de même pour les langues micmac et malécite-passamaquoddy, alors j'encourage les jeunes de ces deux communautés à se joindre au Défi. Au niveau international, j'ai vu des contenus de l’Office du Jèrriais et de l'Académie du Gallo, donc je voudrais inviter les personnes qui parlent d'autres langues régionales en France. C’est toujours fascinant de voir les similitudes et les différences entre nos langues soeurs.

Trouvez plus de mèmes du Défi du mème de la langue maternelle dans une variété de langues mondiales en consultant le mot-clic #MemeML sur Instagram, Twitter ou FacebookIl existe aussi un groupe Facebook pour le Défi, avec des contributions du monde entier.

Le mouvement #MeToo au Japon

jeudi 8 mars 2018 à 20:04

Photo de “Meili” tirée de Twitter. Usage autorisé

Billet d'origine publié le 11 février 2018. Sauf mention contraire, les liens de ce billet renvoient vers des pages web en anglais.

En décembre 2017, le mouvement #MeToo (ou #BalanceTonPorc en français) a finalement atteint le Japon lorsque trois femmes ont décidé de dénoncer leurs agresseurs. Leurs expériences offrent un aperçu des difficultés rencontrées par les Japonaises lorsqu'elles veulent dénoncer les agressions sexuelles qu'elles ont subies.

Alors qu'il est généralement considéré que le mouvement #MeToo [fr]  a commencé en octobre 2017, lorsque de multiples femmes ont accusé d'agressions sexuelles le magnat hollywoodien Harvey Weinstein, le mouvement a commencé au Japon en mai 2017 lorsque le hashtag #FightTogetherWithShiori [ja] est devenu populaire sur le Twitter japonais. Le hashtag (qui peut se traduire par ‘se battre avec Shiori’) a été créé en soutien à une femme, connue simplement à cette époque sous le nom de “Shiori”, apparue à la télévision en prétendant avoir été agressée sexuellement en 2015 par un journaliste célèbre.

En octobre 2017, grâce au soutien de plusieurs personnes au Japon et dans le monde, Shiori Ito a décidé de révéler son nom complet et de publier un livre, Black Box (signifiant Boîte Noire en français).

J'ai lu “Black Box” de Mme. Shiori Ito. Je soutiens Mme. Shiori Ito. Cette lecture a fait remonter le souvenir de beaucoup de choses que je ne peux décrire ici. Merci

Shiori Ito, plus connue sous le nom de “Shiori”, est aussi apparue fréquemment dans de nombreuses interviews afin à la fois de réclamer justice et d'attirer l'attention sur la question des agressions sexuelles au Japon.

Après le coup de projecteur sur Shiori, et alors que le mouvement #MeToo [fr] atteignait sa vitesse de croisière aux États-Unis et dans d'autres pays, d'autres femmes ont commencé à se faire entendre sur les réseaux sociaux.

En décembre 2017, une blogueuse connue sous le nom de Hachu introduisit le hashtag #MeToo au Japon suite à la publication de son histoire par Buzzfeed Japan [ja]. Hachu, une écrivaine et blogueuse populaire, a révélé qu’elle avait été harcelée sexuellement par l'un de ses supérieurs, un directeur artistique célèbre [ja] dans le secteur de la publicité, lorsqu'elle travaillait chez le géant de la publicité Dentsu. Le tweet de Hachu à propos de l'article de Buzzfeed a été partagé 17 000 fois sur Twitter :

Un article vient d'être publié à propos de mon récit de harcèlement sexuel et professionnel par Kishi Yuki, un ancien employé de Dentsu. Lors des interviews de ces derniers mois, je me suis longuement interrogée pour savoir si je devais rendre ou non public le nom de mon agresseur, mais c'est le mouvement #MeToo qui m'a donné l'impulsion finale. Je suis reconnaissante à toutes celles qui ont pris le risque de témoigner.

L'histoire de Hashu, qui a été publiée pour la première fois mi-décembre, a incité d'autres femmes à partager leur histoire. Fin janvier 2018, un troisième récit #MeToo a suscité le débat sur les réseaux sociaux au Japon. Le magazine en ligne Wezzy [ja] a rapporté que l'actrice Shimizu Meili — qui se fait appeler “Meili” sur les réseaux sociaux et lors des interviews — a divulgué sur Twitter qu'elle avait été agressée sexuellement par le producteur Takeuchi Tadayoshi.

Tadayoshi réalise des productions de “2.5D”, des spectacles adaptés de mangas japonais mis en musique. Meili l'a rencontré pour la première fois lors de ce jour fatidique. Les spectacles 2.5D bénéficient d'une base importante d'admirateurs, Meili a donc divulgué publiquement ses allégations en twittant à propos de son agression sexuelle mais sans nommer l'agresseur. Meili a regroupé ses tweets dans un Twitter Moment intitulé “La raison pour laquelle je pleurais sur scène en février” [ja] [traduction en anglais ici par l'auteur du présent article Takahiro.K].

Voilà la raison pour laquelle je pleurais lors de la représentation de février. Parce que j'avais été violée, je ne pouvais ressentir mon corps autrement que comme quelque chose de souillé et je haïssais ça. Pendant près d'un an, j'ai envisagé d'arrêter ma carrière, tandis qu'au même moment je mettais mon activité professionnelle en pause pendant quelque temps.

Une fois que ses tweets de décembre ont été largement diffusés, ils ont été repris par le magazine en ligne Wezzy [ja]. Plus tard ce mois-ci, lorsque le récit #MeToo de Hachu fut rapporté par Buzzfeed, Meili se sentit incitée à donner le nom de son agresseur présumé. Ce qui s'est ensuite passé dans les mois suivants donne un aperçu des difficultés rencontrées par les victimes d'agressions sexuelles au Japon.

Prouver une agression sexuelle est difficile au Japon

Alors qu'il avait été difficile pour Hachu de prouver que son supérieur chez Dentsu lui avait fait des avances, Shiori et Meili ont rencontré un obstacle encore plus grand en tentant de prouver qu'elles avaient été agressées sexuellement. Le cas de Shiori a été classé sans suite après l'enquête du procureur, tandis que la police n'a en premier lieu jamais transmis le cas de Meili au procureur.

La difficulté de Shiori et de Meili à convaincre les procureurs qu'une agression avait bien eu lieu résulte de la loi japonaise sur les crimes sexuels. Selon cette loi révisée en juin 2017, il est toujours attendu des victimes qu'elles prouvent que l'agression sexuelle a bien eu lieu en apportant des preuves de ce que la loi appelle “une attaque ou une intimidation”.

Dans une interview accordée à Global Voices, Meili a déclaré que la police a immédiatement rejeté l'affaire sans même interroger l'agresseur présumé car elle ne pouvait leur prouver qu'une agression sexuelle avait effectivement eu lieu.

Plusieurs raisons peuvent expliquer qu'elle n'ait pu prouver ce qui s'est passé, et son expérience rappelle le calvaire subi par Shiori au poste de police lorsqu'elle a voulu déposer plainte contre son agresseur présumé.

Dans son livre d'octobre 2017, Black Box [ja], Shori rapporte que la police l'a forcée à rejouer son agression en utilisant quelque chose ressemblant à un mannequin d'essai de chocs pendant qu'un agent homme regardait et prenait des photos.

Comme Shiori, Meili déclare qu'elle a pu fournir ce qui aurait dû être une preuve de son agression : les enregistrements de la caméra de surveillance de l'hôtel montraient son agresseur présumé l'emmener dans une chambre avant l'incident. Cependant, la police lui a dit que le fait d'être amenée dans un hôtel avec les bras de son compagnon autour de ses épaules ne constituait pas une agression sexuelle, et que, par conséquent, cela ne pouvait être considéré comme une preuve :

Les caméras de surveillance de l'hôtel le montrent distinctement m'amenant dans l'hôtel. Mais, l'officier de police m'a dit qu'ils ne pouvaient l'inculper pour viol sur une personne sans défense [voir la notion de “quasi-viol” en droit japonais], sur la seule base d'avoir ses bras autour de moi en entrant dans la chambre d'hôtel, ni qu'ils pouvaient donner substance à la réalité des faits. Selon eux, les motifs d'accusation pour ce type de viol sont aussi “stricts” que ça. Tout ce que je pouvais faire à ce moment-là, c'était pleurer.

La séquence vidéo fournie par Meili n'a pas été jugée probante aux yeux des enquêteurs, et en l'absence d'autres preuves convaincantes, la plainte de Meili a été classée sans suite. Il n'y a pas eu d'enquête, ni d'arrestation.

” Je voulais juste éliminer toute trace de ce qui était arrivé ce jour-là”

Si les preuves “concrètes” des agressions de Shiori ou de Meili sont aussi difficiles à fournir, c'est en partie parce que les preuves matérielles n'ont pu être physiquement obtenues [ja]. Selon le magazine Wezzy qui a fait un reportage sur l'affaire de Meili :

被害後24時間以内に(できれば)被害に遭ったままの服装、トイレやお風呂にも入っていない状態での使用が推奨されている。

Il est [généralement] recommandé qu'il [le kit d'examen post-viol] soit utilisé (de préférence) dans les 24 heures suivant l'attaque, sur les vêtements portés [lors de l'agression], sans s'être lavée ou avoir utilisé les toilettes.

Selon Meili comme Shiori, c'est quasiment impossible à obtenir car la première chose qu'elles ont cherché à faire a été de se laver. Comme l'écrit Shiori dans Black Box :

都内に借りていた部屋へ戻ると、真っ先に服を脱いで、山口氏に借りたTシャツはゴミ箱に叩き込んだ。残りは洗濯機に入れて回した。この日起こったすべての痕跡を、洗い流してしまいたかった。シャワーを浴びたが、あざや出血している部分もあり、胸はシャワーをあてることもできないほど痛んだ。自分の体を見るのも嫌だった。(Black Box, pp. 55-56)

Lorsque je suis retournée à mon appartement loué à Tokyo, j'ai immédiatement retiré mes vêtements, mis à la poubelle le T-Shirt que Yamaguchi m'avait prêté et jeté dans la machine à laver le reste de mes habits. Je voulais juste éliminer toute trace de ce qui était arrivé ce jour-là. J'ai aussi pris une douche, mais j'avais des bleus et certains même saignaient. Cela me faisait tellement mal que je ne pouvais même pas laisser l'eau toucher ma poitrine. Je ne voulais même pas voir mon corps. (Black Box [ja], pp. 55-56)

Dans un entretien avec Global Voices, Meili a révélé qu'elle-même n'est pas allée à la clinique pour être soignée dans les 24 heures suivant son agression. Au lieu de quoi, Meili s'est rendu dans une maternité neuf jours après son agression, avant de déposer plainte à la police. Elle a dit qu'elle entendait s'y rendre d'elle-même afin de collecter les preuves qui pourraient, pensait-elle, être nécessaires pour une investigation.

Interrogée sur la manière dont la police l'a traitée, Meili a déclaré :

[…] 証拠が不十分という理由で被害届も受理されず、アフターケアの体制もなく、今後は弁護士に相談してみて下さいという一言を言われただけで終わりました。

Ils ont rejeté ma plainte sur la base d'une insuffisance de preuves, ne m'ont fourni aucune assistance et m'ont juste dit que je devrais consulter un avocat. C'est tout.

Meili a également ajouté :

支援センターは何処にあるのか知らなかった事もあり、行ったことはありません。正直調べる気力も無かったです。

Je ne savais pas où était situé le centre de soutien pour les victimes d'agressions sexuelles, je n'y suis donc jamais allée. Honnêtement, je n'avais pas l'énergie de le chercher.

En revanche, Shiori déclare dans son livre, Black Box, qu'elle a essayé d'obtenir de l'aide auprès du seul centre de soutien aux victimes d'agressions sexuelles qu'elle pensait être en service à Tokyo. Mais, comme ils exigeaient un court entretien avant de fournir une quelconque information, Shiori a préféré ne pas s'y rendre.

電話をすると、「面接に来てもらえますか?」と言われた。どこの病院に行って何の検査をすればいいのか教えてほしいと言ったが、話を直接聞いてからでないと、情報提供はできないと言われた。 (Black Box [ja], p.48)

Lorsque je les ai appelés, ils m'ont demandé de venir pour un entretien. Je leur ai demandé à quel hôpital je devrais me rendre et quelle sorte de tests je devrais passer, mais ils ont déclaré être incapables de me fournir une information sans avoir entendu mon histoire de vive voix.

Les ressources à disposition des survivantes d'une agression sexuelle sont dérisoires

Alors qu'il est dit aux victimes d’agressions sexuelles de faire un test ADN dès que possible après l'agression, ces “kits d'examen post-viol” sont souvent inaccessibles. Aggravant le problème, les réseaux japonais de sécurité sociale et médicale, destinés à soutenir les victimes, sont toujours limités.

“Malheureusement, nous n'étions pas équipés à l'époque avec les moyens de transporter Shiori [jusqu'à nos locaux]” a déclaré Tanabe Hisako dans un échange par emails avec Global Voices. Tanabe est membre du comité directeur du SARC (Sexual Assault Relief Center Tokyo [ja]), le seul centre de secours d'urgence à destination des victimes d'agressions sexuelles à Tokyo. Avec le Centre d'intervention thérapeutique d'urgence en matière d'agressions sexuelles d'Osaka (Sexual Assault Crisis Healing Intervention Center Osaka), le SARC de Tokyo est l'un des premiers véritables centres de secours d'urgence ouverts 24h/24 et 7j/7 au Japon.

Selon Tanabe, le SARC de Tokyo est conçu pour être un “guichet unique” mettant en contact les survivantes d'une agression sexuelle avec les structures médicales pouvant leur fournir l'aide nécessaire. Tanabe déclare :

SARCにいらしていただきたいと案内したことにはそのような根拠があります。[…] 電話した時、「出かけていく気力も体力もなかった」と詩織さんは言われています。そういう方に、残念ながらお迎えに行ったりできる体制はありませんでした。警察通報ならば、機動力がありますから、車でお迎えに行ったりすることは可能だったでしょう。当時は、なんとかしてSARCに来ていただくしかなかったのです。現在であれば、被害者が無理なく来れそうな近くの協力医療機関を案内して、SARCから支援員が飛んでいくことは可能ですし、そうしています。

C'était la raison de notre demande à Shiori-san de venir au SARC […] Malheureusement, nous n'étions pas équipés à l'époque avec les moyens de la transporter. Si elle s'était signalée à la police, avec leurs moyens de déplacement, ils auraient pu envoyer une voiture la chercher. […] Aujourd'hui, cependant, nous pouvons guider la victime vers une structure médicale partenaire et le personnel du SARC peut être envoyé immédiatement sur le site pour fournir une assistance. C'est ainsi que nous opérons aujourd'hui.

Depuis l'expérience de Shiori, près de trois ans auparavant, les moyens à disposition des survivantes d'une agression sexuelle sont plus nombreux à Tokyo, affirme Tanake.

En juillet 2015, le SARC de Tokyo a pu accroître son personnel à plein temps grâce à la dotation de départ de la municipalité de la Métropole de Tokyo [ja] ; cela, bien entendu, n'a pu aider Shiori qui a signalé son agression en avril 2015. Le gouvernement a également prévu d'établir des centres de secours pour les victimes d'agressions sexuelles dans chacune des 47 préfectures du Japon. Selon Tanabe, quarante de ces établissements sont déjà créés, mais le budget total est de seulement 163 millions de yens (environ 1,5 millions de dollars des États-Unis).

SARC東京ができてよかったことは、多くの被害者が泣き寝入りして、それでも心に深い傷を負って生活していて、そうした過去の被害を抱えた方の相談だけでなく、被害直後にお電話くださる方が増えたことです。

L'une des bonnes choses concernant la création du SARC de Tokyo a été que, alors que beaucoup de victimes restent silencieuses et vivent toujours dans la douleur, les appels, non seulement des personnes victimes [d'agressions] par le passé mais également des victimes récentes, ont commencé à augmenter.

Un message pour les MeToo que l'on n'entend pas au Japon et dans le monde

Lors de son interview avec Global Voices, Meili a voulu envoyer un message aux survivantes de tous les types d'agressions sexuelles. À tous les “MeToos” dans le monde que l'on n'entend pas :

孤独を感じてしまうかもしれません。

生きていたくないと思ってしまうかもしれません。

そう思ってしまう自分が嫌になってしまうかもしれません。

しかし、そう思ってしまう程の事があなたの身に起きてしまったのです。辛い時は辛いと言ってください。周りに助けを求めてください。決して独りではありません。

Tu te sens peut-être seule. Tu pourrais ne plus avoir envie de vivre. Tu pourrais te haïr pour penser ainsi. Mais la raison pour laquelle tu penses ça est parce que ce qui t'est arrivé t'a traumatisée à ce point-là. Alors, lorsque c'est dur pour toi, dis-le. Sollicite de l'aide. Tu n'es pas seule. Jamais.

Ulises Padrón: “Dans la société [cubaine], les personnes et les groupes LGBTQI deviennent plus visibles”

jeudi 8 mars 2018 à 18:50

“Le débat n'est pas de savoir si les gens veulent se marier, mais plutôt si les gens ont le droit d'utiliser cette institution quand ils le veulent. Personne ne tombe malade tous les jours, mais à Cuba, on peut dire qu'un hôpital ne vous laissera jamais à la porte parce que vous êtes noir, lesbien ou pauvre. Il s'agit d'être couvert et protégé par la loi.” Photo de l'activiste Ulises Padrón Suárez, avec son aimable autorisation.

Ulises Padrón Suárez est le jeune fondateur et coordinateur du Réseau des jeunes pour la santé et les droits sexuels du Centre national pour l'éducation sexuelle (CENESEX) à Cuba. Avant de rejoindre l'institution, il a participé à des cours et à des ateliers qui y ont été donnés, ce qui l'a transformé en défenseur de la santé et en activiste chevronné. Après sept années d'activisme, Global Voices (GV) a voulu entendre les opinions de Suárez sur le mariage entre personnes de même sexe qui est toujours illégal à Cuba, mais qui y devient une question de plus en plus importante.

Global Voices (GV): Je suppose que vous souhaitez que les personnes du même sexe puissent légaliser leur relation à Cuba ; à votre avis, pourquoi cette possibilité devrait-elle être envisagée?

Ulises Padrón Suárez (UPS): Desafortunadamente, la opinión pública en Cuba sigue estimando que el matrimonio entre personas del mismo sexo/género debe llevarse a consulta popular antes de entrar en ley, es decir, como si este criterio no fuera burdamente manipulado por el consenso hegemónico y heterosexista del establishment insular (en que se encuentra no solo la élite del poder, sino además académicos, periodistas, entre otros). Sin embargo, en nuestra sociedad cada vez es mayor la visibilidad de las personas y los grupos LGBTIQ y, por supuesto, las demandas toman fuerza en la esfera pública. Desconocerlas o no atender con el cuidado y respeto merecido es negar el pleno derecho a ciudadanos/as que encuentran limitada su actuación social.
El abordaje a los derechos humanos en Cuba ha apelado a una serie de conflictos para el conocimiento y expresión legal orgánicos (del cual aún estamos lejos) entre activistas y decisores gubernamentales. De acuerdo con ello, si bien el país reconoce, ampara y protege un grupo importante de derechos (salud, educación, cultura, trabajo), hay otros que se quedan a la zaga en conformidad con la actual coyuntura nacional y regional.

Ulises Padrón Suárez (UPS): Malheureusement, l'opinion publique à Cuba continue d'estimer que le mariage entre personnes de même sexe doit être soumis à un référendum avant d'être adopté, comme si cette approche n'avait pas été brutalement manipulée par le consensus hégémonique et hétérosexuel de l'establishment insulaire (où vous trouverez non seulement l'élite du pouvoir, mais aussi des universitaires, des journalistes, entre autres). Cependant, dans notre société, les personnes et les groupes LGBTQIA [Lesbien, Gay, Bisexuel, Queer, Intersexe, Asexue] deviennent de plus en plus visibles et, bien sûr, leurs exigences gagnent en force dans la sphère publique. Les ignorer ou ne pas leur donner l'attention et le respect qu'ils méritent, c'est nier les pleins droits aux citoyens qui trouvent leur action sociale limitée.

Aborder droits de l'homme à Cuba a provoqué une série de conflits pour une connaissance et une expression juridiques organiques (dont nous sommes encore loin) entre les activistes et les décideurs gouvernementaux. En conséquence, bien que le pays reconnaisse, couvre et protège un ensemble important de droits (santé, éducation, culture, emploi), il en existe d'autres qui restent sur la touche dans la situation nationale et régionale actuelle.

GV: Connaissez-vous un cas à Cuba ou une anecdote dans laquelle des personnes qui, parce qu'elles n'étaient pas légalement mariées, ont subi une injustice?

UPS: Sí, parejas, en las cuales uno de los dos fallece y al superviviente, la familia del fallecido, lo ha despojado de los bienes construidos en común por ausencia de una normativa que lo proteja ante estas adversidades.

UPS: Oui, les couples dans lesquels un des deux partenaires meurt et la famille du défunt dépouille le survivant de tous leurs biens communs parce qu'il n'y a pas de réglementation le protégeant dans ces situations.

GV: Pensez-vous qu'il devrait y avoir un référendum pour décider si oui ou non le mariage devrait être légal à Cuba entre des personnes du même sexe / genre ?

UPS: No lo creo. Creo que debe pasar directo a ley y además construir una infraestructura institucional para la protección y el amparo de este y otros derechos. La legalización del matrimonio/unión legal/ o como quiera llamársele, ha de ser no discriminatoria y suficientemente amplia para que todos los ciudadanos puedan gozar de ella.

UPS: Je ne pense pas, non. Je crois que cela devrait devenir une loi directement, la construction d'une infrastructure institutionnelle qui sécurise et protège ce droit et d'autres. La légalisation du mariage, les unions légales, comme vous voudrez l'appeler, cela doit être non discriminatoire et assez large pour que tous les citoyens puissent en profiter.

GV: Nous savons que dans la proposition de nouveau code de la famille, qui n'a pas encore été présentée au parlement cubain, le mariage pour tous n'est pas inclus mais une “union consensuelle” est proposée. Quelle est votre opinion à ce sujet ?

UPS: ¡Discriminatorio!, sobre todo, si entendemos que nuestro Estado desde 1901 es un laico y por tanto, todas y todos deberíamos tener la misma institución para formalizar nuestra unión, es decir MATRIMONIO, sin adjetivos, sin calificaciones.
Tampoco el matrimonio es la panacea y, como institución heteronormativa, lleva siglos en crisis. Habrá que pensar entre todos en instituciones alternativas que reconozcan el poliamor, por ejemplo, o viabilicen de modo más humano el resguardo del patrimonio ante conflictos por deceso, la familia o el Estado.

UPS: C'est discriminatoire! Surtout, si nous comprenons que notre État est laïc depuis 1901 et que, par conséquent, nous devrions tous avoir la même institution pour formaliser notre union, c'est-à-dire le mariage – sans adjectifs, sans qualifications.
Le mariage n'est pas non plus la panacée et, en tant qu'institution hétéronormative, il est en crise depuis des siècles. Nous devons tous penser à des institutions alternatives qui reconnaissent le polyamour, par exemple, ou rendent la protection du patrimoine plus humaine face aux conflits dus à la mort, à la famille ou à l'État.

GV: Le commentateur Ernesto Martínez Hernández a déclaré dans l'article “Nous devons cesser de nous regarder de manière segmentée”, par la journaliste Lisandra Fariñas, dans le journal Granma (organe du Parti communiste cubain) : “Permettre le mariage homosexuel est irrespectueux envers la société, tout comme il n'est pas normal de permettre des contrats légaux entre les gens et les animaux. Cela ne doit pas être légalisé parce que ce n'est pas naturel. Il y a des couples qui vivent toute leur vie sans se marier parce que se battre pour légaliser quelque chose qui n'est pas normal par nature est une égalité inexistante. Comment répondriez-vous à ce commentateur ?

UPS: No pude encontrar el artículo, me imagino que lo quitaron, por no ser “políticamente correcto”. Pero su irrespeto e ignorancia son mayúsculos.
Lo normado es cuestión de hombres (históricamente hablando), por tanto, puede cambiar, como se pasó en el medioevo del paradigma ptolemaico al copernicano. Es solo donde te ubiques y las alianzas que crees. Por lo demás con ese señor, no se puede hablar. Ojalá y espero no sea zoofílico.
El debate no es si la gente se quiere casar, sino que las personas tengan el derecho a utilizar esa institución cuando le plazca. Nadie se enferma todos los días, pero tiene la seguridad en Cuba, de que ningún hospital te va a dejar tirada en la puerta por ser negra/o, lesbiana/o, campesina/o. se trata de amparo y protección en la ley.

UPS: Je n'ai pas trouvé l'article, j'imagine qu'ils l'ont retiré parce qu'il n'était pas “politiquement correct”. Mais son manque de respect et son ignorance sont flagrants.

La normalité est imposée par les hommes (historiquement parlant), donc, ça peut changer, comme au Moyen Âge quand on est passé du paradigme ptolémaïque à la révolution copernicienne [fr]. Cela a à voir avec là où vous vous alignez et les alliances que vous faites. Sinon, vous ne pouvez pas avoir une conversation avec cet homme. J'espère vraiment qu'il n'est pas zoophile.

Le débat n'est pas de savoir si les gens veulent se marier, mais plutôt si les gens ont le droit d'utiliser cette institution quand ils le veulent. Personne ne tombe malade tous les jours, mais à Cuba, mais quand cela arrive, c'est sûr qu'un hôpital ne vous laissera jamais à la porte par ce que vous êtes noir, lesbien/ne ou paysan/ne. Il s'agit d'être couvert et protégé par la loi.

Le Sri Lanka déclare l'état d'urgence après des violences anti-musulmans

jeudi 8 mars 2018 à 12:16

Des maisons appartenant à des familles musulmanes qui auraient été incendiées par des assaillants bouddhistes à Aluthgama, Sri Lanka en juin 2014. Image via Flickr par Vikalpa|Groundviews|Maatram. CC BY 2.0

Mercredi 7 mars 2018, le gouvernement sri-lankais a décrété l'état d'urgence au niveau national pour 10 jours afin d'enrayer les violences communautaires entre bouddhistes et musulmans dans le centre du pays et déférer les coupables devant la justice :

Le Sri Lanka contraint à déclarer 10 jours d'état d'urgence après les violences anti-musulmans à lka, Digana, Teldeniya

Le reporter et producteur de la BBC Sinhala Azzam Ameen tweete :

Le Sri Lanka déclare son premier état d'urgence depuis 7 ans. L'état d'urgence permet aux autorités d'arrêter et détenir les suspects pendant de longues périodes, et de déployer leurs forces là où c'est nécessaire

Les violences ont débuté dans la soirée du dimanche 4 mars dans plusieurs villages du district de Kandy dans la province centrale du Sri Lanka, quand des bandes bouddhistes ont attaqué des dizaines de commerces musulmans, quelques mosquées et des habitations.

A l'origine de ces violences, une altercation entre trois ou quatre jeunes probablement alcoolisés dans un triporteur et Heepitiyegedara Kumarasinghe, un chauffeur de camion cinghalais de 41 ans, le 22 février dans le village de Teldeniya à proximité de la ville de Kandy.

Il semble que l'altercation était due à un accident de la circulation et n'avait pas de motif racial ou ethnique. Kumarasinghe et son assistant ont été roués de coups par le groupe de jeunes, et admis à l'hôpital. La police a arrêté à ce jour trois suspects en rapport avec ce crime, tous de jeunes musulmans de Digana, Kandy.

Qu'est-ce qui a provoqué les émeutes ?

Localisation de Kandy sur la carte du Sri Lanka. Image via Wikimedia Commons par l'utilisateur NordNordWest,. CC BY-SA 3.0

Dans la nuit du vendredi 2 mars, Kumarasinghe a succombé à ses blessures alors qu'il était en traitement à l'hôpital général de Kandy, ce qui a déclenché des manifestations locales. La famille de la victime aurait été dédommagée et l'affaire réglée à l'amiable entre les communautés musulmanes et bouddhistes locales pour relâcher toutes tensions entre elles.

Malgré cela, les violences ont éclaté dans la nuit du dimanche au lundi 5 mars en des lieux comme Teldeniya et le village de Digana dans le district de Kandy, avec de nombreux magasins et maisons de musulmans réduits en cendres par les bandes d'extrémistes bouddhistes cinghalais.

Les écoles locales sont restées fermées à la suite des violences. Les responsables locaux affirment que des bandes sont venues d'autres parties du pays pour provoquer les émeutes,et que la police n'a pas suffisamment agi. Tisaranee Gunasekara écrit sur Groundviews :

If the anti-Muslim riot in Teldeniya was a spontaneous explosion of anger, it should have happened either on the day of the assault or on the day the victim died. But up to the evening of March 4th, Teldeniya didn’t explode.

On the evening of March 4th Bhikku (Monk) Galagoda-Atte Gnanasara (Secretary General of Bodu Bala Sena, a Sinhalese Buddhist nationalist organisation) visited the funeral house. A couple of hours later the first attacks began.

Si l'émeute anti-musulmans de Teldeniya avait été une explosion spontanée de colère, c'est le jour de la rixe ou celui du décès de la victime qu'elle aurait dû avoir lieu. Or jusqu'à la soirée du 4 mars, Teldeniya n'a pas explosé.

Le soir du 4 mars le Bhikku (moine) Galagoda-Atte Gnanasara (secrétaire général du Bodu Bala Sena, une organisation nationaliste bouddhiste cinghalaise) s'est rendu dans la maison funéraire. Deux heures plus tard commençaient les premières attaques.

Dans le village de Teldeniya, les pages des médias sociaux ont donné rendez-vous aux bandes de bouddhistes pour le 5 mars 2018 à 10h du matin. Dès 1 heure du matin, les destructions de propriétés de musulmans commençaient.

La journaliste Dharisha tweete :

Le gouvernement condamne les campagnes de haine et de désinformations menées notamment sur les médias sociaux, visant en particulier la communauté musulmane, dans une nouvelle déclaration publiée ce soir

On a signalé au moins un mort à la suite des émeutes. Le corps d'Abdul Basith, un jeune musulman de 24 ans, a été retiré des décombres de sa maison incendiée. La police a arrêté des dizaines de personnes impliquées dans cet incident. Les policiers ont dû tirer des lacrymogènes pour disperser la foule rassemblée devant le bureau de police de Teldeniya pour réclamer la libération des individus arrêtés. Quand le contrôle de la situation leur a échappé, l'armée a dû être appelée en renfort, et un couvre-feu local a été imposé.

Au 7 mars, au total 4 mosquées, 37 maisons, 46 commerces et des dizaines de voitures ont été endommagés ou détruits sous l'effet des émeutes à Digana et en d'autres endroits du district de Kandy. Un collectif de citoyens bouddhistes cinghalais et de clergé bouddhiste a organisé une manifestation réclamant la remise en liberté de tous les suspects bouddhistes arrêtés pour leur implication dans les émeutes.

“4 mosquées, 37 maisons, 46 commerces et 35 véhicules endommagés à Digana et dans la région de Teldeniya à la suite des attaques”- le Conseiller de la Province centrale Hidaayath Satthar

Cette vidéo montre une partie des dégâts résultant des violences à Teldeniya :

Les tensions continuent à monter

Les musulmans représentent à peu près 10 % de la population totale du Sri Lanka qui est d'environ 21 millions, tandis que 70 % adhèrent au bouddhisme (majoritairement de l'école theravada), le restant de la population adhérant aux traditions hindouistes. Sur le plan ethnique, 75 % sont cinghalais, environ 10 % sont des Maures sri-lankais (musulmans, de langue tamile) et près de 15 % sont des Tamouls (sri-lankais et indiens).

Répartition des groupes ethniques au  Sri Lanka selon le recensement de 2012. Image via Wikimedia Commons par l'utilisateur BishkekRocks. CC BY-SA 4.0

Musulmans et bouddhistes vivaient côte-à-côte en paix depuis des décennies au Sri Lanka. Mais les tensions ont monté entre les deux communautés dans les dernières années. En 2014, au moins trois musulmans ont été tués et plus de 74 blessés dans des violences confessionnelles à Aluthgama, une bourgade côtière du district de Kalutara dans la province occidentale du Sri Lanka. Le mouvement bouddhiste radical Bodhu Bala Sena (BBS), avait joué un rôle moteur et violent dans ces émeutes anti-musulmans.

L'an dernier, un grand nombre d'agressions ont été signalées contre des musulmans, parmi lesquelles des incendies volontaires de commerces et des attaques aux cocktails Molotov contre des mosquées. Dans certains cas, les extrémistes bouddhistes ont lancé des accusations contre la communauté musulmane de conversions forcées à l'islam et de saccage de sites archéologiques bouddhistes. En novembre 2017, des affrontements entre les deux communautés ont eu lieu dans la ville côtière de Gintota dans l’État de Galle.

Début mars, des violences à motivation ethnique ont été rapportées à Ampara dans la province orientale. De nombreuses organisations extrémistes bouddhistes en rapport avec ces récentes flambées de violence sont des soutiens de l'ex-président Mahinda Rajapakse, dont le front politique Sri Lanka Podujana Peramuna (Front populaire du Sri Lanka) a obtenu de bons résultats aux récentes élections locales.

Le directeur et consultant artistique Aman Ashraff met en garde :

Pendant 30 ans, le Sri Lanka a vu ses rues rougies par le sang de ses enfants. Avez-vous oublié les pertes ? la peur ? la douleur ? les souffrances ? N'avez vous rien appris ? Quand entendrez-vous raison ? Quand agirez-vous ? #SeDresserContreLeRacisme #UneNationUnPeuple

Une information encourageante est cependant venue de Dingana :

Malgré de nombreux incidents pendant le couvre-feu, un habitant de Muruthalawa dit qu'un moine bouddhiste et de jeunes garçons cinghalais passent la nuit à la mosquée pour en assurer la sécurité

Le président sri-lankais Maithripala Sirisena a demandé une enquête impartiale et indépendante sur les incidents. Le chef de l'opposition sri-lankaise R. Sampanthan a mentionné que les attaques contre les musulmans étaient symptomatiques du sentiment d'impunité de leurs auteurs.

Reste à savoir si les instigateurs des émeutes raciales seront traduits en justice.

Fraude, intimidation et répression : l’incertaine élection en République Démocratique du Congo

mercredi 7 mars 2018 à 23:44

Marche pacifique en RDC via Congo réformes CC- BY-20

Alors que le régime se maintient au pouvoir par la force depuis près de deux ans, l’opposition et la communauté internationale tentent de sortir le pays de la crise, en poussant le président Kabila à accepter l’organisation de l’élection présidentielle.

La situation va-t-elle dégénérer en RDC ? C’est ce que craignent de nombreux analystes alors que Joseph Kabila refuse de quitter le pouvoir. Un marasme politique dénoncé par une opposition vent debout, de plus en plus mobilisée, comme en témoigne la marche organisée le 25 février à l’initiative du Comité laïc de coordination (CLC) dans les rues de Kinshasa. Soutenue par Moïse Katumbi en exil politique à Bruxelles, celui-ci a appelé les Congolais, “épris de justice et de paix” à se joindre au mouvement.
Une marche pacifique et trans-confessionnelle a été de nouveau sévèrement réprimée : trois personnes ont trouvé la mort sous les balles des forces de l’ordre. Un nourrisson serait aujourd’hui entre la vie et la mort après avoir inhalé des gaz lacrymogènes. Pour la journée de la femme le 8 Mars, c’est en noir que les femmes se vêtiront pour “honorer les martyres de la démocratie, tombés sous les balles de la police de Kabila”.

Un régime qui gagne du temps

L’opposition multiplie les manifestations. Son porte-parole, Lambert Mende, affirmait il y a peu qu’un candidat de la majorité serait désigné en juillet 2018. Or, le régime fait preuve d’inexactitude. En effet, début février, Lambert Mende revenait sur ses propos et expliquait à un journaliste :

 Je n'ai pas dit qu'au mois de juillet le président Kabila va se choisir un dauphin. J'ai plutôt déclaré que conformément au calendrier électoral, au mois de juillet, nous allons connaître les différents candidats.

Interrogé à de nombreuses reprises lors de ses sorties officielles, Joseph Kabila a refusé systématiquement de répondre aux questions sur son éventuelle candidature et semble même se plaire à entretenir le secret.

Dans une scène cocasse et révélatrice, le président met même, mystérieusement, son index sur la bouche lorsqu’une journaliste de RFI l’interroge sur la question. Tout laisse à croire qu’en réalité, le président joue la montre, et compte ses alliés.

Mais, progressivement, ses soutiens internationaux le délaissent et la pression s’accentue. Aujourd’hui des ONG appellent à suspendre la coopération avec les autorités du pays, interpellant la France et d’autres pays étrangers. Il y a peu, la Belgique historiquement liée à la RDC et au Congo, rompait ses relations bilatérales avec le régime. Le Parlement européen a voté, mi janvier, un texte exigeant de Kabila l’organisation d’élections démocratiques et de nombreuses associations de défense, soutenues par le Parlement européen, ont déposé une pétition demandant à la Cour pénale internationale d’ouvrir une enquête sur les exactions commises par le régime dans la région du Kasaï.

Vote électronique, un risque de fraude latent

Plus récemment, l’ambassadeur américain à Kinshasa a dénoncé le risque de voir l’élection, si tant est qu’elle ait lieu, faussée par l’usage de machines de vote électronique.

Utiliser ces nouvelles technologies pour une élection aussi cruciale constitue un risque énorme,

avait expliqué le diplomate.

De nombreux observateurs s’inquiètent en effet de voir l’élection influencée par le régime.

« Le gouvernement doit prendre des mesures pour ouvrir un espace de discussion politique et créer un environnement qui permettra une élection crédible, libre, honnête, et transparente »

déclarait le chef des opérations de maintien de la paix à l’Onu, Jean-Pierre Lacroix. Dans son panorama annuel de la Cybercriminalité, le CLUSIF dénonçait une multiplication en 2017 des opérations de fraudes et de piratages électoraux à travers le monde. Il mettait en garde les institutions internationales sur la nécessité de développer des organes de surveillance adaptés dans le cadre d’un vote sous forme électronique.

Les risques de voir l’élection déraper sont donc bien réels. D’autant que le régime est coutumier de ce genre de pratiques. Huit ONG situés dans le Haut-Katanga en ont fait les frais. Il accuse des opérateurs téléphoniques d’être en connivence avec le pouvoir et d’opérer régulièrement des coupures d’internet « pour raisons politiques ». L’accès à internet et aux SMS avait été bloqué, par exemple, le 20 janvier dernier à la  veille d’une manifestation anti-Kabila organisée par le Comité laïc de coordination (CLC).

Pressions sur Moïse Katumbi

Outre cette répression des manifestations, parfois violente, à l’image des six opposants tués par les tirs de la police le 21 janvier dernier à Kinshasa, le pouvoir s’attaque régulièrement aux leaders de l’opposition, Moïse Katumbi en tête.

Contraint de s’exiler en Europe après avoir été blessé par des violences policières lors d’un procès politique, il a ensuite été condamné à 36 mois de prison ferme et à une peine d’inéligibilité dans une affaire de spoliation immobilière qui a tout d’une machination.

Un acharnement judiciaire orchestré par le président lui même, selon la juge Ramazani Wazuri. Celle qui a prononcé la condamnation affirme aussi avoir été menacée physiquement et moralement. Les coupables ? Des représentants du régime, notamment Kalev Mutond, le tout puissant chef des services de renseignement. Aujourd’hui exilée en Europe, elle est sous protection de la FIDH.

Populaire et désigné candidat par un regroupement de sept partis d’opposition, Katumbi est le favori des sondages. Cet ancien gouverneur de la province du Katanga, tente désormais d’organiser entre Londres, Paris et Bruxelles, une pression internationale autour de Kabila.

Les prochains mois devraient donc être cruciaux. Kabila respectera-t-il le calendrier électoral fixé ? Des moyens seront-ils mis en place pour l’organisation d’une réelle élection démocratique ? Katumbi parviendra-t-il à se présenter en toute sécurité à l’élection ? Autant de questions dont les réponses détermineront l’avenir de la RDC pour les prochaines années.