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Evacuation policière de camps de migrants à Calais pour motif “sanitaire”

jeudi 29 mai 2014 à 13:31

 

Le campement de migrants à côté du port de Calais, 26 March 2014. Photo Matthew Aslett. Copyright Demotix

Le campement de migrants à côté du port de Calais, 26 mars 2014. Photo Matthew Aslett, Copyright Demotix

Mercredi 28 mai 2014, 200 policiers ont fait évacuer plusieurs camps de migrants de Calais, qui abritaient quelque 650 personnes, Afghans, Syriens et autres nationalités. Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a justifié cette évacuation car ce «n'est pas une opération d'ordre public, mais une opération sanitaire» menée «dans un cadre humain» : cette évacuation vise notamment à éradiquer une épidémie de gale qui touche les migrants depuis plusieurs semaines.

Le blog Passeurs d'hospitalités raconte les opérations en détail, photos à l'appui et sous le titre « Le préfet dit aux migrants de squatter », en commentant :

Il ne l’a bien sûr pas dit comme ça, mais sa conclusion était que les exilés pouvaient rester sur le lieu de distribution des repas jusqu’à demain ou après-demain, et qu’ils pouvaient ensuite trouver un terrain pour installer leur campement. Sauf que, si l’État ne met pas à disposition un terrain, ça veut dire que les exilés installent leur campement sans l’autorisation du propriétaire, donc ils squattent. Il font comme depuis douze ans, occuper un terrain où ils n’ont pas le droit d’être parce qu’il n’y a pas de lieu pour eux à Calais. Et ce campement sera lui aussi évacué et détruit à plus ou moins brève échéance.

Le Journal de l'Ambassade du Pérou à Ris-Orangis s'indigne et lance de nouveaux projets de construction.  

La tragédie du Stade National de Lima, 50 ans après

jeudi 29 mai 2014 à 00:34
EstadioLima

Stade National de Lima, 24 mai 1964. Foto de Flickr de leondeurgel. CC BY-NC-ND 2.0.

Il y a 50 ans, le Stade National de Lima, au Pérou, connaissait la pire tragédie de son histoire, avec près de de 320 morts et quelques 500 blessés.

Ce jour-là, la sélection argentine remportait un match de qualification pour les Jeux Olympiques de Tokyo [français] un à zéro. A seulement deux minutes de la la fin du match, l'équipe péruvienne égalise. L'arbitre uruguayen Ángel Eduardo Pazos annule cependant ce but, une décision qui enrage les supporters, et Víctor Vásquez, surnommé “Negro Bomba” (Bombe Noire), se jette sur le terrain, suivi de nombreux autres supporters, avec l'intention d'agresser l'arbitre. Les policiers lâchent alors les chiens, qui sautent sur les supporters. 

Ce fut ainsi le point de départ d'un mouvement de colère collective amenant les fans des deux sélections, qui deux minutes avant regardaient paisiblement le match, à se battre avec des bâtons et des couteaux. Débordée par la bataille rangée dans les tribunes, qu'elle ne pouvait arrêter, la police aggrava la situation en lançant des gaz lacrymogènes sur la foule. Des centaines de personnes tentèrent de sortir du stade, mais les portes de la tribune nord demeuraient closes. De cette façon, la police espérait ramener le calme parmi la foule, attendant que le public retourne tranquillement à sa place.

Portada Gráfico

Couverture du El Gráfico. Image de Flickr de leondeurgel. CC BY-NC-ND 2.0.

Vásquez fut arrêté deux jours plus tard. Edilberto Cuenca, le second supporter ayant pénétré sur le terrain, fut frappé et mordu par les chiens. L'autre protagoniste de la tragédie, le chef de la police Jorge de Azambuja dira ensuite: “J'ai ordonné que l'on lance des gaz lacrymogènes dans les tribunes. Je ne peux pas dire combien. Jamais je n'aurais imaginé ces conséquences terriblees”. Il n'y a pas eu de sanctions contre le commandant Azambuja ni l'arbitre Pazos, qui a continué à travailler en Uruguay. 

La plupart des victimes ont péri d'une hémorragie interne ou étouffées, tandis que les personnes ayant réussi à sortir du stade ont été sauvées. Dans les rues voisines, la foule en colère saccagea les maisons et les commerces.

Le blog Curiosidades del fútbol rappela les détails de cette tragédie :

El árbitro uruguayo Angel Eduardo Pazos había concedido el gol en primera instancia,pero ante las reclamaciones airadas de Perfumo lo había invalidado.La grada peruana estaba en plena ebullición ante el desenlace de aquella jugada. Es a partir de aquí cuando comienza toda la desgracia.

L'arbitre uruguayen Angel Eduardo Pazos accorda le but dans un premier temps, avant que les réclamations de Perfumo ne l'invalident. La tribune péruvienne s'enflamma, aboutissant à l'horreur que l'on sait.

Le blog deJorge de Jesús Kbdto évoque quant à lui les souvenirs d’Héctor Chumpitaz, footballeur péruvien présent ce jour-là au Stade National:

Regresando hacia nuestro lugar de concentración íbamos escuchando la radio y hablaban de 10, 20, 30 muertos. Cada vez que salían las noticias el número aumentaba: 50 muertos, 150, 200, 300, 350….
Después que llegamos a los vestuarios hubo personas que salieron y cuando regresaron nos contaron que había dos muertos. ¿Dos muertos?, preguntamos, pensando que uno ya hubiera sido demasiado.

En retournant à notre centre d'entraînement nous écoutions la radio qui parlait de 10, 20, 30 morts. Chaque fois que nous allions aux nouvelles, le nombre augmentait : 50 morts, 150, 200, 300, 350… Après avoir quitté le vestiaire, des gens nous ont dit qu'il y avait deux morts. Deux morts ?, nous demandions, en pensant qu'il y en avait déjà deux de trop.

Le blog Historia, tradición y fútbol évoque d'autres incidents ayant eu lieu dans ce même stade, et analyse les causes du triste événement du 24 mai 1964:

Para entender la tragedia, no debe recurrirse exclusivamente a factores netamente futbolísticos o deportivos –como el error humano de tener cerradas las puertas de acceso al estadio, el fanatismo del embriagado Víctor Matías Campos Vásquez, alias “negro Bomba”, o las desacertadas medidas policiales de arrojar gases lacrimógenos a las tribunas Oriente y Norte. Hubo otros factores que explican la descomunal cantidad de muertos y se encuentran más allá de lo meramente futbolístico.

La compréhension de cette tragédie ne passe pas exclusivement par des facteurs purement footballistiques ou sportifs – comme l'erreur humaine de maintenir fermées les portes d'accès au stade, le fanatisme de Víctor Matías Campos Vásquez, alias “negro Bomba”, ou les mesures de police disproportionnées comme celle d'arroser les tribunes Est et Nord de gaz lacrymogènes. D'autres facteurs, extra-footballistiques, expliquent le nombre invraisemblable de morts.

Sur Twitter, de nombreux internautes ont partagé images et commentaires en ce jour anniversaire:

Voilà comment la presse a informé sur la tragédie du Stade National

Témoignage d'un survivant de la tragédie du Stade National (VIDEO)

Aujourd'hui, 50ème anniversaire de la tragédie du Stade National. Il paraît que nous apprenons de nos erreurs. Dites NON à la violence dans le football

Honte #Pérou le gouvernement loue le stade national pour un concert de salsa le jour même du 50ème anniversaire d'une des plus grandes tragédies du football : 320 morts

Les selfies du coup d'Etat thaïlandais : Le bon, la brute et le truand

jeudi 29 mai 2014 à 00:05
A protester stands in front of a line of soldiers in Bangkok while wearing a mask bearing the message 'No coup'. Photo by Atiwat Silpamethanont, Copyright @Demotix (5/25/2014)

Un manifestant fait face à des militaires à Bangkok et porte un masque sur lequel il est écrit ‘non au coup d'Etat'. Photo de Atiwat Silpamethanont, Copyright @Demotix (5/25/2014)

La monarchie a confirmé le général Prayuth Chan-ocha de l'Armée Royale de Thaïlande dans ses fonctions pour diriger le régime militaire dans le pays. Cependant, malgré la directive donnée par les militaires pour interdire les rassemblements de plus de cinq personnes dans les lieux publics, de nombreux citoyens poursuivaient l'organisation de manifestations.

Le couvre-feu nocturne a été légèrement assoupli et certains responsables emprisonnés, telle la Première Ministre Yingluck Shinawatra, ont déjà été libérés. Malgré tout la junte convoque les universitaires, les journalistes et autres dissidents à comparaître devant l'armée.

Alors que les médias traditionnels sont toujours étroitement contrôlés, l'information et les différentes analyses sur le coup d'Etat s’échangent sur internet. Dès le premier jour de la déclaration de la loi martiale, le 20 mai 2014, l'armée persiste à accuser les internautes d'utiliser les médias sociaux pour détruire le régime.

Des centaines de sites internet ont déjà été fermés pour leur ‘incorrection’ et les fournisseurs locaux d'accès internet sont priés de contrôler les contenus dangereux. L'armée s'est engagée à punir les internautes qui commettraient des actes illégaux en ligne.

L'une des réactions les plus répandues chez les Thaïlandais après le coup d'Etat, est de prendre des selfies avec les militaires qui occupent les rues de Bangkok, la capitale du pays. Le mot-dièse #CuteSoldierBoy (=adorable petit soldat) sur Twitter fait le tour de la Thaïlande. De nombreuses personnes s'inquiètent de voir que des civils aiment poster des photos de soldats lourdement armés.

La plupart des habitants, cependant, ne craignent pas le déploiement des militaires dans la ville et s'y attendaient après six mois de heurts intenses entre les partisans du gouvernement et les opposants. Il faut dire aussi que c'est le 12ème coup d'Etat réussi depuis 1932.

Mais les selfies du coup d'Etat ne doivent pas être interprétés comme une adhésion des Thaïlandais à l'intervention militaire. Ils peuvent ne pas avoir peur des militaires mais cela ne signifie pas qu'ils approuvent la junte. Les selfies ont été pris en réponse aux menaces de l'armée de censurer les réseaux sociaux.

Peut-être par crainte d'être étiquetés de dissidents, certains Thaïlandais ont préféré prendre des selfies avec des militaires et taire leurs opinions sur le coup d'Etat. Mais les selfies ont réussi à informer tout le pays et le reste du monde de la prise de pouvoir de l'armée contre le gouvernement civil.

Grâce aux selfies nous savons que les militaires se sont installés près des gares, des centres commerciaux, des principales intersections routières et des locaux administratifs. Pendant que les programmes des chaînes de télévision étaient arrêtés (pendant deux jours, elles n'ont cessé des passer des chants patriotiques datant de la 2ème guerre mondiale), les réseaux sociaux et en particulier les selfies sur le coup d'Etat informaient en direct sur la situation en Thaïlande.

Les ‘selfies’ sont-ils un signe de coup d'Etat en Thaïlande?

Nouvelle ou rumeur – ‘Rien de tel qu'un selfie du coup d'Etat thaï…’

La nouvelle folie des photos de mariage en #Thailand. Prendre des photos avec des militaires et leur véhicule blindé.

Des touristes se prennent en photo avec un militaire à la porte Thaepae de Chiang Mai. Très calme. D'habitude il y a un marché très animé le dimanche ici.

D'autres selfies montrent des Thaïs qui condamnent le coup d'Etat. Des journalistes se sont mis à poser avec des militaires pour protester contre les atteintes à la liberté d'expression. Des étudiants ont osé s'approcher des troupes armées pour demander des élections. Ces quelques selfies épars en ont incité d'autres à rejoindre des manifestations dans tout le pays.

@PravitR devant le Club Militaire de Thewes en train de se rendre. Combien d'autres journalistes vont faire de même?

un spectateur prend part à la manifestation contre le coup d'Etat à Khon Kaen

Les manifestations, bien que de peu d'ampleur, ont déstabilisé l'autorité de la junte ce qui a amené le général des armées à publier un avertissement contre les dissidents :

Veuillez noter que dorénavant toute action contraire à la loi sera jugée devant les tribunaux militaires – en particulier les crimes de lèse-majesté.

Il est interdit de critiquer les militaires ou la police. Chacun doit participer à la sécurité nationale et se conformer à la loi. Quand chacun enfreint la loi ou ne respecte pas ses représentants, cela a un impact au niveau politique, administratif et au regard de la transparence.

Je ne veux pas argumenter, je veux juste être clair. Je peux tout accomplir à partir du moment où les gens veulent bien m'aider. Ne critiquez pas et ne créez pas de nouveaux problèmes, c'est inutile.

Les selfies de protestation se sont répandus, ce qui a sans doute incité les partisans du coup d'Etat à montrer leur solidarité avec l'armée. On voit des Thaïlandais donner des fleurs, des bouteilles d'eau et de la nourriture aux militaires et beaucoup portent des panneaux disant que les militaires sont leurs héros.

Des manifestants en faveur du coup d'Etat se rassemblent en face du QG du 1er Régiment d'Infanterie à Bangkok aujourd'hui

Rassemblement pro-coup d'Etat au Monument de la Démocratie à Bangkok. “Nous soutenons l'armée”

Une autre tendance est de poster des photos d'activités et de destinations touristiques en Thaïlande pour montrer au monde que le pays reste pacifique et que de nombreuses régions ne sont pas touchées par le coup d'Etat.

Une amie m'a envoyé cette photo de touristes au cap Phrom Thep de Phuket. Elle l'intitule ‘Quel coup d'Etat?’

#Thailand – RT @Freeszone: Koh Samet aussi semble paisible, pas de militaires

Tant qu'il y aura des selfies du coup d'Etat thaïlandais on pourra être rassuré. Cela signifie que les Thaïlandais ont encore la liberté d'envoyer des posts en ligne, que ce soit la photo d'un gentil soldat ou celle d'un journaliste qui dénonce le coup d'Etat.

La guerre d'Ukraine en temps réel

mercredi 28 mai 2014 à 13:15

 

A Ukrainian military helicopter flying over Ukrainian regular troops in the Donetsk region. YouTube screenshot.

Un hélicoptère militaire ukrainien survole des troupes régulières ukrainiennes dans la région de Donetsk. Capture d'écran YouTube.

L'Ukraine vient de tenir une élection présidentielle précipitée le 25 mai. Le milliardaire Petro Porochenko a été élu au premier tour, avec plus de 50 % des voix. La situation sur le terrain n'en est pas moins restée désespérée en Ukraine orientale tout au long du week-end, et semble continuer à dégénérer. La violence se manifeste sur les réseaux sociaux, comme toutes ces dernières semaines. Vendredi dernier elle est même devenue encore plus viscéralement évidente sur le compte Facebook d'une des armées cyber-punk, post-étatiques, viral-citoyennes opérant dans la région.

Semyon Semyontchenko, le chef du “Bataillon Donbass,” une organisation paramilitaire de volontaires, ostensiblement financée participativement par des Ukrainiens ordinaires, a publié des rapports de situation sur son compte Facebook (à l'instar du chef des séparatistes de Slaviansk, Igor Strelkov, qui publie des dépêches à l'aide d'un blog sur LiveJournal). Vendredi, Semyontchenko a donné plusieurs informations par téléphone, en commençant par celle-ci :

Только что в районе с.Карловки Донецкой области батальон “Донбасс” попал в засаду. Принял бой. Против батальон работают автоматчики, снайпера и РПГ. Есть раненые. Отойти не можем, потому, что часть людей находится в окружении. Просим подмоги находящихся поблизости воинских частей.

A l'instant, aux environs du village de Karlovka, oblast de Donetsk, le bataillon Donbass est tombé dans une embuscade. Un combat a suivi. Contre le bataillon il y a des tirs de fusils d'assaut, de snipers et de RPG [lance-roquettes]. Il y a des blessés. Nous ne pouvons pas décrocher car une partie des nôtres est encerclée. Nous demandons le soutien d'unités militaires proches.

Un commentateur a riposté :

Это жесть просить подмоги на фб, а что нет штаба, где координируются все передвижения? Удачи вам!

C'est raide de demander du soutien sur FB, il n'y a pas d'état-major où tous les mouvements sont coordonnés ? Bonne chance !

Le manque de commandement unifié est le talon d'Achille des troupes irrégulières ukrainiennes volontaires qui donnent un coup de main à l’ “opération anti-terroriste” dans l'est de l'Ukraine. Ce que les séparatistes ont pu exploiter en enlisement et victoires, même en l'absence pour eux de soutien aérien. Peu après le premier a suivi un autre billet, demandant un véhicule blindé de transport de troupes et affirmant que toutes les tentatives d'appel à l'aide des militaires ukrainiens sur place restaient ignorées des pouvoirs en place. Une autre note réitérant la demande est parue deux heures plus tard, quand la majeure partie du “bataillon” a échappé à l'embuscade, à fins d'évacuer les hommes encerclés et assiégés dans une bâtisse abandonnée. Les blogueurs russes ont relaté par la suite que Semyontchenko lui-même avait été fait prisonnier, avec un certain nombre de miliciens de “Donbass”, ce qu'il a plus tard démenti.

Après l'élection, le 26 mai, Semyontchenko a livré un compte-rendu exhaustif de la bataille sur son compte Facebook. A l'issue de cinq heures d'échange de tirs, “Donbass” a déploré 5 morts et 6 blessés sur un effectif de 25. Comme c'est l'usage dans ce genre de rapports, les pertes ennemies annoncées étaient élevées, 11 morts et 6 blessés, sur un effectif de 100. (le commandant séparatiste Igor Strelkov revendique aussi régulièrement des pertes ennemies plus élevées.) On ignore d'où Semyontchenko a tiré ces chiffres, ou l'information que le “bataillon Vostok” que “Donbass” était supposé combattre est composé de “commandos tchétchènes.” Quoi qu'il en soit, la propagande en temps de guerre reste ce qu'elle est, surtout sur Facebook. Semyontchenko a conclu son billet en criant victoire :

Легко вооруженное гражданское ополчение жителей Донецкой области – батальон “Донбасс”, без всякой поддержки со стороны госструктур, нанес значительный урон вооруженным до зубов, прошедшему спецподготовку подразделению террористов.

Une milice civile légèrement armée d'habitants de l'oblast de Donetsk – le bataillon Donbass, sans aucun support de la part des structures d'Etat, a porté des dommages importants à une unité de terroristes spécialement formés et armés jusqu'aux dents.

Il ressort que les responsables quels qu'ils soient du bataillon séparatiste “Vostok” — une dénomination qui porte à confusion évoquant un bataillon depuis longtemps dissous de forces spéciales tchétchènes — ne relèvent pas d'Igor Strelkov à Slaviansk. En tous cas, il n'a pas mentionné l'accrochage dans son compte-rendu de la journée. (Il a pourtant fait l'actualité ce week-end, d'une autre manière, en ordonnant l'exécution de deux miliciens séparatistes pour “maraudage.” Un exemplaire de son ordre, où il invoque l'autorité d'un réglement de l'époque soviétique datant de la 2e guerre mondiale, a émergé en ligne. Strelkov en a confirmé l'authenticité.) D'après certains analystes russes, Vostok pourrait être une milice contrôlée (financée) par l'oligarque Rinat Akhmetov, lequel a catégoriquement rejeté l'indépendance de l'Ukraine orientale. Aux dernières nouvelles, “Vostok” combattait les forces régulières ukrainiennes pour un aérodrome dans la ville de Donetsk, mais dans cette guerre confuse, où de multiples milices patrouillent le terrain, cela veut tout et rien dire. Une chose est claire, les élections n'ont pas évacué par magie le problème de l'Ukraine orientale.

Le rapport d'expertise d'une sommité médicale jamaïcaine à la rescousse des lois anti-homosexualité ?

mercredi 28 mai 2014 à 12:07
Brendan Bain, docteur en médecine, titulaire d’un master en santé publique, membre du Collège royal de médecine de Londres et ancien directeur du Réseau régional des Caraïbes pour la formation sur le VIH/SIDA (CHART). Photo par Steve Shapiro/Conférence des Caraïbes sur le VIH, 2011, utilisée sous licence CC.

Brendan Bain, docteur en médecine, titulaire d’un master en santé publique, membre du Collège royal de médecine de Londres et ancien directeur du Réseau régional des Caraïbes pour la formation sur le VIH/SIDA (CHART). Photo par Steve Shapiro/Conférence des Caraïbes sur le VIH, 2011, utilisée sous licence CC.

Tous les liens renvoient vers des pages en anglais.

En Jamaïque, une polémique prend de l’ampleur à la suite de la décision de non-renouvellement du contrat du professeur Brendan Bain à l’université des Indes occidentales. M. Bain était directeur du Réseau régional des Caraïbes pour la formation sur le VIH/SIDA (CHART). Quand bien même son travail est reconnu et respecté, son renvoi est motivé par le rapport d’expertise judiciaire qu’il a délivré dans le cadre du procès de Caleb Orozco, largement médiatisé au Belize (où, comme dans beaucoup d’autres territoires des Caraïbes, une loi criminalise les relations homosexuelles consenties entre adultes. Orozco a intenté un procès au gouvernement du Belize en justifiant qu’il était lésé, en tant qu’homme gay, par la discrimination que le gouvernement pratiquait à son encontre.)

L’université des Indes occidentales a publié une déclaration  pour expliquer cette décision :

Le professeur Brendan Bain est directeur du CHART depuis sa création. Après son départ en retraite de l’université des Indes occidentales en 2013, il s’est vu attribuer un contrat post-retraite de deux ans afin qu’il puisse continuer d’y exercer sa fonction de directeur. Le CHART n’est pas un département dépendant de l’université mais un projet régional géré par l’université, relevant d’un contrat financé par le Plan d’aide d’urgence à la lutte contre le SIDA [instauré par Bush en 2003, NdT] (PEPFAR), le Fonds mondial et un groupement d’agences américaines pour former les professionnels de la santé en charge de patients et communautés atteints du VIH/SIDA.

Le problème en question a été soulevé il y a deux ans environ, à l’occasion d’une affaire très médiatisée au Belize dans laquelle Caleb Orozco, un homosexuel bélizien, a contesté la constitutionnalité d’une loi de 1861 qui criminalise les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH). Le professeur Brendan Bain a remis un rapport dans l’intérêt d’un groupement d’églises cherchant à maintenir la loi de 1861. De nombreuses autorités ayant connaissance du dossier présenté présument que l’expertise du professeur Bain soutient des arguments en faveur de la conservation de la loi, contribuant ainsi à maintenir la criminalisation et la stigmatisation des HSH. Les groupes lesbiens et gays, ainsi que d’autres groupes qui bénéficient des services du CHART, partagent cet avis.

La majorité des experts en VIH et santé publique s’accordent à dire que la criminalisation des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes ainsi que la discrimination dont ils sont victimes constituent des violations de leurs droits en tant qu’êtres humains, les poussent à prendre de plus grands risques encore, réduisent leur possibilité d’accès aux services et accentuent la propagation clandestine du virus, augmentant ainsi leur risque de contamination au VIH. Ce point de vue est défendu par l’ONU, ONUSIDA, l’OMS, l’Organisation panaméricaine de la santé, les communautés internationales pour les droits de l’homme et le Partenariat Pan-Caraïbe contre le VIH/SIDA (PANCAP), ce dernier étant l’organisation de premier plan chargée de réagir à l’épidémie de VIH au niveau régional.

La blogueuse Emma Lewis tente de clarifier les choses :

Cette semaine, le renvoi du professeur Brendan Bain de sa fonction de directeur du Réseau régional des Caraïbes pour la formation sur le VIH/SIDA (CHART) à l’université des Indes occidentales a fait grand débat, après qu’une coalition de sociétés civiles régionales a exprimé son embarras quant à l’expertise judiciaire qu’il a délivrée à un tribunal bélizien récemment. Dans les médias jamaïcains, le débat a souvent donné lieu à des réactions incendiaires, montrant parfois que leurs auteurs étaient mal renseignés sur le sujet. Les prochains communiqués de la part de la Coalition des communautés vulnérables des Caraïbes devraient, espérons-le, aider à clarifier de nombreux problèmes en discussion.

Elle continue en publiant une lettre du Dr Carolyn Gomes, célèbre militante des droits de l’homme et co-présidente de la Coalition des communautés vulnérables des Caraïbes :

Le professeur Bain ne révèle pas de vérité dérangeante dans son rapport. Le fait que le taux de prévalence du VIH est bien plus important chez les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes est avéré et de notoriété publique ; c’est une raison de réagir à l’échelle régionale de façon urgente et plus unifiée. Là où notre collègue, le professeur Bain, se trompe, c’est dans sa manière de relier sans preuve ces hauts taux de VIH à la suppression des lois qui criminalisent l’homosexualité en France, aux Pays-Bas et aux États-Unis sans tenir compte du fait que ni les lois, ni l’hostilité bien connue de la Jamaïque envers l’homosexualité ne nous ont empêchés d’avoir les plus hauts taux d’infection au VIH au monde parmi les populations d’hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes.

Au même moment, On The Ground News annonce une manifestation sur le campus de l’université des Indes occidentales de Mona :

Vérifié : Une manifestation vient d’être lancée sur le campus de Mona de l’université des Indes occidentales suite au renvoi du professeur Brendan Bain par l’institution, en raison du contenu de son expertise pour la Cour Suprême du Belize. Des maîtres de conférences, docteurs et étudiants en médecine se sont rassemblés devant le bureau du président de l’université. Ils déclarent pour la plupart manifester contre le « renvoi injuste » du professeur Bain et avancent qu’il était « dans son droit de communiquer des informations médicales à un tribunal sans risquer de se faire menacer de persécution, et que tout le monde est en droit de bénéficier de telles informations de la part d’experts médicaux ».

L’utilisateur de Facebook Sean L. Johnson exprime sa satisfaction à l’égard de la manifestation :

OUI IIII enfin une voix pour la justice. L’université des Indes occidentales a montré qu’elle était le ghetto intellectuel le plus influent au monde. C’est affligeant de voir que la Jamaïque a tout copié des États-Unis et du Royaume-Uni, à l’exception de leur politique économique efficace. Je ne suis pas pour la discrimination contre les gays mais pourquoi devrait-on pratiquer la discrimination contre les hétéros ? La pire chose qu’on puisse demander à quelqu’un, c’est d’abandonner ses convictions et croyances personnelles. Je suis croyant catholique et même si je n’ai rien contre les gays, je pense que l’homosexualité va à l’encontre de ma religion. Le professeur est alors en droit de communiquer des faits statistiques basés sur sa propre réflexion, son opinion et ses connaissances sans qu’il soit traité comme au ghetto.

Pour Reb’l Fleur, les homosexuels sont des « tyrans » :

Quand la vérité blesse, ils essayent de forcer les gens à taire et retirer leurs propos. Comment peut-on renvoyer quelqu’un qui cite des FAITS ? Ça vous choque, et alors ?

Stephen Weiss pense que personne n’a réellement saisi ce dont il s’agissait :

Vous ne savez donc pas lire ?? Il avait déjà pris sa retraite de l’université des Indes occidentales et travaillait seulement sous contrat pour un programme spécial… il n’était plus employé à l’université de toute façon.

Sur le groupe Facebook Real Change For Jamaica, Dennis McIntosh a déclaré que même si Bain a le droit d’avoir sa propre opinion, il ne devrait pas la présenter comme étant le résultat de recherches à proprement parler :

Il aurait dû dire que la plupart des experts ainsi que pratiquement toutes les organisations de santé internationales ou des Caraïbes sont en désaccord avec son point de vue. S’il avait averti : « la plupart des experts démentent ce que je suis sur le point de vous dire, mais c’est mon opinion, » je lui aurais alors accordé mon soutien. Cela aurait été la preuve de son honnêteté, tout en étant à la fois instructif et basé sur des faits. Je soutiens la liberté d’expression, mais pas les experts qui agissent avec une idée derrière la tête, en ce qui concerne les politiques de santé publique, et dont les rapports sont dictés par les Eglises qui ne jurent que par la bible.

Sur Twitter, le débat a été particulièrement animé. Suzette Gardner y aborde la criminalisation des actes homosexuels :

Ces 150 dernières années témoignent du fait que les lois anti-homosexualité n’arrêtent pas la propagation du VIH/SIDA et des autres MST #BainDismissal

De nombreuses organisations LGBT ont soutenu la décision de l’université…

@outweekly accorde tout son soutien à l’université pour la destitution du professeur Bain en tant que directeur du CHART. #BainDismissal

…tandis que d’autres l’ont condamnée :

L’UNIVERSITÉ A EU TORT de renvoyer le professeur Brendan Bain. Cet homme est sans égal dans son domaine !!! C’est un pionnier de la recherche médicale en Jamaïque !!

Un utilisateur de Twitter demande :

Si un professeur se fait renvoyer pour quelque chose sans rapport avec les gays, est-ce que nous montons sur nos grands chevaux pour prendre leur défense de la même façon ?

Certains critiquent le traitement sensationnaliste du débat par les médias :

Les médias jamaïcains ont (une fois encore) excellé dans l’art de la provocation au sujet des problèmes LGBTQ. #BainDismissal

« L’INDIGNATION DES GAYS » « L’UNIVERSITÉ S’INCLINE DEVANT LES DROITS DES HOMOSEXUELS » … Mesdames et Messieurs, voyez un peu l’état de vos médias.

Pour Kevin Clarke, le débat devrait être recentré :

Et dans toute cette pagaille, on oublie que le VIH/SIDA est un problème de santé publique, pas un problème moral. #baindismissal

Un autre cybercitoyen exprime son inquiétude vis-à-vis du message véhiculé par l’expertise du Dr Bain au sein d’une région déjà homophobe :

Sa déclaration sous serment perpétue aux Caraïbes l’idée que les HSH ont des pratiques sexuelles et des maladies qui leur sont propres #baindismissal

Comment peut-on « donner accès à des structures de qualité pour la prévention du VIH & SIDA, le soin, traitement et soutien des malades » tout en marginalisant la communauté lgbt ? #baindismissal

La photo illustrant cet article a été prise par Steve Shapiro en 2011 lors de la Conférence des Caraïbes sur le VIH et est utilisée sous licence Attribution-NoDerivs 2.0 Generic Creative Commons. Visitez la galerie d’images flickr de la Conférence des Caraïbes sur le VIH de 2011.