PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

Le leader de l'opposition vénézuélienne désormais en résidence surveillée

mardi 11 juillet 2017 à 13:54

Le leader de l'opposition Leopoldo López, photographié en 2012 par “Danieldominguez19″. Image sous licence Creative Commons Paternité-Partage des Conditions Initiales à l'Identique 3.0 non transposé

Retournement inattendu, le leader de l'opposition vénézuélienne Leopoldo López a été extrait de la prison Ramo Verde et placé en résidence surveillée à son domicile. Il purgeait une peine de 14 ans pour ‘incitation à la violence’ lors des manifestations de 2014, ce qu'il a toujours nié.

Les manifestations qui se sont succédé en 2014 étaient une riposte à la crise économique et aux taux élevés de violences urbaines qui dominent le paysage du Venezuela ces dernières années. La tentative de viol d'une étudiante sur le campus de la ville de San Cristóbal a déclenché les premières manifestations, qui se sont ensuite propagées aux villes voisines quand elles se sont heurtées à la répression.

Le nombre de victimes reste disputé, mais les médias tant internationaux que locaux évaluent à une quarantaine le nombre de tués lors des manifestations, avec des centaines de personnes emprisonnées.

Les réactions de l'opinion aux arrêts domiciliaires de López sont variées. Certains y ont vu une victoire sur le gouvernement, des organes de médias internationaux en ont parlé comme d'un tournant décisif dans le déroulement de la crise, et des observateurs de la communauté internationale ont salué un pas vers une négociation.

Mais pour de nombreux opposants, qu'ils soient dirigeants ou sympathisants, le retour de López dans sa famille n'a rien de victorieux. López devra purger le restant de sa peine de 14 ans, qui a été largement critiquée. Sa condamnation s'est essentiellement fondée sur une analyse de ses discours par l'experte en linguistique Rosa Amelia Asuaje, or celle-ci a récemment affirmé que le juge avait “manipulé ses propos”. C'est ainsi que, si beaucoup se réjouissaient sur Twitter de la “libération” de López, d'autres invitaient l'opinion à être plus circonspecte :

Leopoldo López ne se laissera pas utiliser comme une monnaie d'échange. Il est chez lui, mais lui et le Venezuela restent captifs du régime.

Leopoldo López n'est pas libre. Il a sa maison pour prison. Il faut dire ce qui est.

Sur le site collectif Prodavinci, le politologue Luis Vicente León analyse les différentes motivations qui, selon lui, ont conduit le pouvoir à modifier le statut de López. Selon León, le gouvernement semble ressentir les effets des manifestations actuelles et de la pression internationale, ce qui aurait ouvert une voie à l'établissement d'un dialogue, dont les résultats ne seraient pas forcément appréciés de tous :

Hay, sin duda, una oportunidad para la negociación, pero una negociación que no es popular en ninguno de los extremos y que implica concesiones. Me refiero a una negociación donde se reconocen las partes y se abren espacios, sin plantear un conflicto existencial, pero que permita al país retomar a la constitución como brújula necesaria. Una negociación que camine hacia la coexistencia política en un país sin presos políticos y con plenas libertades y con un horizonte claro y aceptado por todas las partes de elecciones libres, transparentes y con voto universal, directo y secreto.

Il y a, sans doute, une opportunité pour la négociation, mais une négociation qui n'est populaire chez aucun des extrêmes, et qui implique des concessions. Je parle d'une négociation où les parties se reconnaissent mutuellement et où des espaces peuvent s'ouvrir, sans supposer de conflit existentiel, mais qui permette au pays de revenir à la constitution comme boussole nécessaire. Une négociation qui chemine jusqu'à la coexistence politique dans un pays sans prisonniers politiques et avec des libertés entières, et avec un horizon clair et accepté par toutes les parties, d'élections libres, transparentes, au scrutin universel, direct et secret.

Un premier pas ?

Selon Luis Almagro, président de l'Organisation des Etats Américains, les arrêts domiciliaires de López ne sont qu'un premier pas. La liste des prisonniers politiques, surtout depuis le début des manifestations, reste longue. Comme l’écrit la journaliste Laura Weffer :

La lista de los que permanecen tras las rejas es aún larga e injusta. Taxistas, carpinteros, cajeros de banco, estudiantes, militares, hombres y mujeres; en la mayoría de los casos ni siquiera hay una condena y por diversas circunstancias, todos son considerados como presos políticos, de acuerdo con la lista del Foro Penal.

La liste de ceux qui restent derrière les barreaux est encore longue. Chauffeurs de taxi, menuisiers, employés de banque, étudiants, militaires (hommes et femmes) ; dans la majorité des cas il n'y a même pas de condamnation, et pour diverses raisons, tous sont considérés comme des prisonniers politiques, selon la liste de [l'organisation] Foro Penal.

L'article de Weffer déroule la longue liste de celles et ceux qui ont été emprisonnés ces dernières années ainsi que pendant le mouvement contestataire des trois derniers mois. D'après l'ONG Foro Penal, il y a 431 prisonniers politiques au Venezuela, dont 346 ont été arrêtés lors de manifestations. Dans de nombreux cas, le dossier s'avère désordonné et confus, avec peu d'espoir de remise en liberté. D'autres affaires, comme celle de Juan Pablo Giraldo, comportent des récits à la première personne de leur vie en prison :

Mi vida ha cambiado drásticamente y he pasado dos años por momentos muy duros. No pierdo la fe de pronto obtener justicia y salir en libertad para regresar a mi hogar en San Cristóbal, y que no solo sea mi libertad sino la del resto de presos políticos. […] Aquí comparto con otros presos políticos que aunque no los conocía, se han vuelto como mi familia. A mi llegada al Helicoide, ellos me recibieron y fueron generosos ayudándome. Hoy yo sigo el ejemplo de mis compañeros facilitándoles a los que continúan llegando por persecución política…

Ma vie a totalement changé, et j'ai traversé deux années de moments très durs. Je ne perds pas confiance d'obtenir justice et de sortir libre pour rentrer dans mon foyer de San Cristobal, et que la liberté ne sera pas seulement pour moi mais aussi pour tous les prisonniers politiques. […] Ici, je partage avec les autres prisonniers politiques, même si je ne les connaissais pas, ils sont devenus ma famille. A mon arrivée à El Helicoide [la prison], ils m'ont accueilli et m'ont généreusement aidé. Aujourd'hui je suis l'exemple de mes camarades en aidant ceux qui continuent à arriver du fait de la persécution politique…

Les organisations de droits humains ont dénoncé la torture dans les prisons et le recours aux tribunaux et prisons militaires pour juger et détenir des civils. Pendant ce temps, le nombre de victimes tuées lors des manifestations qui ont commencé en avril 2017 n'est pas connu précisément. Le ministère de l'Intérieur a reconnu 70 tués, tandis qu'un média indépendant comme “Efecto Cocuyo” en a comptabilisé 94, outre les milliers de blessés et les centaines d'emprisonnés

Lisez notre dossier spécial Venezuela pour plus d'articles sur les derniers développements dans ce pays.

Plus le gouvernement force l'utilisation du hindi, plus les Indiens y résistent

lundi 10 juillet 2017 à 23:43

Principales langues indo-aryennes en Inde. Carte de Filpro via Wikimedia Commons. CC : BY 3.0.

La constitution de la République de l'Inde a beau déclarer que le hindi et l'anglais sont les langues officielles du pays, la complexité d'un territoire découpé en états implique qu'en pratique, comme dans l'Union européenne, les citoyens parlent un plus grand nombre de langues que ces deux-ci.

Le parti au pouvoir, le nationaliste et conservateur Bharatiya Janata Party (BJP), a provoqué un élan de colère à cause de l'utilisation du hindi au détriment des langues reconnues dans chaque état. L'annonce récente de Sushma Swaraj, Ministre de l'Union des Affaires étrangères, sur l'usage du hindi dans les passeports, n'a fait que renforcer l'indignation. Bien que Swaraj ait voulu simplifier les lourdes démarches de demandes de passeports, elle fut vivement critiquée pour imposer le hindi sur les 60 % de la population dont ce n'est pas la langue maternelle et qui ne le comprennent pas.

Tous les passeports seront à présent en anglais et en hindi, et pas seulement en hindi : EAM Sushma Swaraj a Delhi.

Le dernier recensement (2001) compte 41,1 % des 1,27 milliards d'habitants comme locuteurs de hindi. Cependant 16 % de la population parle des langues, qui, bien que liées au hindi, sont reconnues comme des langues à part entière. Le véritable nombre de locuteurs de hindi descend ainsi à environ 25 % de la population.

La promotion du hindi est l'un des objectifs majeurs du BJP, car 70 % de ses députés viennent de régions hindiphones. Garga Chatterjee, blogueur sur le magazine en ligne indien Scroll.in, argumente que Swaraj ne représente pas tous les Indiens, mais seulement ceux qui parlent hindi :

Thus, when Swaraj says ‘why can’t we make it Hindi?’, the ‘we’ does not stand for all Indian citizens. ‘We’ are the Hindi-speaking citizens of the Indian Union. By equating that minority with the rest of us, she obliterates any stake the rest of us, the majority, have in any idea of ‘we’.

Ainsi, quand Swaraj demande “pourquoi ne pourrions-nous pas le faire en hindi”, le “nous” ne représente pas l'ensemble des citoyens indiens. “Nous” est l'ensemble des locuteurs de hindi de l'Union indienne. En assimilant cette minorité avec le reste d'entre nous, elle oblitère tout intérêt que nous autres, la majorité, pouvons avoir dans l'idée d'un “nous”.

Il twitta également le bloquage de Swaraj immédiatement après la publication de son article s'opposant à cette décision :

J'ai écrit un article pour Scroll.in sur la décision de Sushma Swaraj d'imposer le hindi sur les passeports des citoyens non hindiphones. Voyez le résultat.

Un grand nombre d'internautes ont commenté à leur tour, à la fois pour et contre la décision. Ainsi, le blogueur Priyodorshi, qui est également avocat à la Court suprême, twitta :

Si un passeport en hindi m'est enfoncé dans la gorge, j'en réclamerai un en bengali aussi ! Pourquoi ne pas avoir toutes les langues officielles sur le passeport ?

La célébrité de cinéma populaire Prakash Belawadi, originaire de l'état du Karnataka, s'exprime également :

C'est ridicule. Pourquoi devrait-il être en hindi ? Sincèrement, je ne crois pas qu'on puisse trouver de terrain d'entente.

À travers le mot-clic #StopHindiImposition [Arrêtez d'imposer le hindi, NdT], de nombreux citoyens vivant dans des états où d'autres langues sont utilisées ont fait entendre leur opposition, aussi bien à cette décision qu'à plusieurs autres, prises par le gouvernement indien dans son addition active du hindi dans les affaires officielles :

Nous ne nous opposons pas au hindi dans les passeports. La question devrait être pourquoi “seulement” le hindi.

Chers locuteurs de hindi, si l'anglais est pour vous une langue étrangère, c'est la même chose pour le hindi pour les Indiens du Sud.

Alors pourquoi pas notre kannada à nous sur le passeport ? Pourquoi le hindi sur le passeport d'un Kannadiga, mais pas le kannada ?

Les habitants du Karnataka ont déjà protesté contre l'usage du hindi dans le service de métro de la capitale Bengaluru. Sur Twitter, Aditya Mani Jha, qui apparemment parle le hindi, a émis des doutes quant à l'utilité du hindi sur un document comme le passeport, qui est surtout utilisé pour des voyages internationaux :

Jusqu'ici, personne ne m'a donné de réponse alors je pose à nouveau la question : En quoi le hindi sur un passeport rend-il les voyages à l'international plus faciles ?

Le réalisateur et parolier du Tamil Nadu Sebastian Amudhan a publié une vidéo fictive montrant le Premier ministre indien parlant au téléphone en hindi à un locuteur de tamoul. Ce dernier raccroche en disant qu'il ne comprend pas.

On dirait que Twitter a ressuscité ça. Alors voici ma part.

L'agitation autour de l'imposition du hindi dans les états non hindiphones date de l'indépendance de l'Inde en 1947. Le hindi devint une lingua franca dans les années cinquante grâce au Mouvement pour l'indépendance de l'Inde. Celui-ci fit partie du collectif du Congrès national indien, chargé de transformer une partie de l'ancienne colonie britannique en état.

L'imposition du hindi fut cependant marquée par l'opposition et des manifestations, avant comme après la formation de l'état indien, et plus particulièrement dans la région du Tamil Nadu actuel. Ces manifestations ont coûté la vie à plusieurs centaines de personnes et ont amené à la décision de ne pas rendre le hindi obligatoire dans l'éducation des enfants du Tamil Nadu. Elles ont également contribué à mettre en œuvre une “politique de bilinguisme virtuellement indéfinie”, qui à son tour a fait de l'anglais et du hindi les langues officielles de l'Inde.

Le nouveau député ougandais est une pop star qui dénonçait les problèmes sociaux dans ses chansons.

lundi 10 juillet 2017 à 19:57

Le “Président du Ghetto” a maintenant l'occasion de façonner la politique de son pays.

Bobi Wine à l'un de ses rassemblements. Photographie : avec l'aimable autorisation de la page Facebook officielle de Bobi Wine.

À l'issue d'une campagne électorale très médiatisée qui a même culminé dans son arrestation, le célèbre chanteur pop ougandais Robert Kyagulanyi Ssentamu, connu sous le nom de Bobi Wine, est officiellement devenu un politicien.

Wine n'est pas un débutant du militantisme : sa musique cible les problèmes de justice sociales depuis un moment. Mais chanter sur le thème des questions politiques ne suffisait plus. Le 29 juin, il est finalement passé du côté des législateurs en se faisant élire au parlement lors d'une élection partielle pour la circonscription de Kyadondo Est avec 75 % des voies.

Il a commencé à chanter sur la justice sociale en 2005. Pendant les élections générales de 2016, il refusa de participer à une chanson rendant hommage à, et faisant campagne pour, le président en exercice Museveni, en poste depuis trente ans. De nombreux musiciens célèbres y ont participé.

L'une de ses chansons les plus populaires, “Ghetto”, parle de la brutalité de la police envers les habitants des bidonvilles de Kampala et des services insuffisants qui leur sont fournis.

Wine se surnomme “le président du ghetto” et “Omubanda Wakabaka”, qui peut se traduire approximativement par “la star de la troupe du roi”. Il est le cinquième membre de la communauté artistique du pays à entrer en politique, sur les traces d'Ali Ndawula Wowoto, Sulaiman Madada, Judith Babirye and Kato Lubwama, tous aujourd'hui députés.

Sa campagne fut caractérisée par de la musique : un grand nombre de musiciens, d'animateurs de radio et de présentateurs de télévision ont utilisé leurs comptes sur les médias sociaux pour promouvoir son message auprès de l'électorat au moyen du mot-clic #BikwaseKyagulanyi (“Remettez-vous en à Kyagulanyi”).

Il fut même arrêté pendant son dernier rassemblement, sous le prétexte qu'il tenait son meeting au mauvais endroit, près de là où le président Museveni faisait campagne pour son propre candidat. La vidéo ci-dessous, filmée par la chaîne locale NTV Uganda, le montre se faire emmener par la police. Il plaide avec les officiers, leur expliquant qu'il se bat pour les droits des citoyens.

Malgré cela, il remporta l'élection haut la main avec 25.659 voix, contre le candidat du parti au pouvoir (le NRM) Sitenda Sebalu, qui en obtint seulement 4.556. Sa plate-forme centrée sur le chômage et les autres problèmes qui affectent les jeunes, dont Wine estime qu'ils ont une image déformée, a recueilli un soutien considérable.

À l'annonce de sa victoire, il envoya un message sur Twitter à ses 28.000 abonnés comme quoi un profond changement était survenu dans la politique électorale ougandaise :

LE PEUPLE A PARLÉ.
Ce 29 juin marque un point tournant dans la politique de notre pays ! L'histoire…

Les Ougandais se sont rendus sur les médias sociaux pour féliciter le célèbre artiste de 35 ans. Ses sympathisants incluent des politiciens, des musiciens et des citoyens ordinaires.

Quelques heures avant que la commission électorale annonce les résultats, la Secrétaire générale du NRM Justine Lumumba a twitté ce message de félicitations :

Félicitations aux citoyens de Kyandondo Est, félicitations à @BobiWineOmuband Kyagulanyi Robert Sentamu.

Kizza-Besigye, arrivé second aux dernières présidentielles de 2016, a également applaudi la victoire de Bobi Wine. Kizza-Besigye n'avait cependant pas fait campagne pour lui, car son parti avait soutenu un autre candidat :

Raz de marée en faveur de Bobi Wine. Félicitations – Pouvoir au peuple !! C'est pour cette raison que les gens de Wakiso n'ont pas eu le droit de voter en 2016.

L'artiste Jose Chameleone félicita lui aussi Bobi Wine :

When we believe, We Achieve.
Congrats to Hon. Robert Kyagulanyi,Family,Friends and Kyadondo East for the remarkable victory .
Leaders are chosen by God.So, May he guide you as you deliver Kyadondo East to the promised Land.

Quand on y croit, on peut y arriver.
Félicitations à l'honorable Robert Kyagulanyi, famille, amis et Kyadondon Est pour cette remarquable victoire.
Les leaders sont choisis par Dieu. Donc puisse-t-il vous guider quand vous emmenerez Kyandondo vers la Terre promise.

Les musiciens Radio et Weasel ont remercié Bobi Wine pour ses efforts de donner une voix aux pauvres à travers sa musique et maintenant sa politique :

You Have Brought The Ghetto UpTown. Congrats Broda Bobi Wine

Vous avez amené le ghetto dans les quartiers chics. Félicitations frère Bobi Wine.

Dans le passé, Bobi Wine fut également célèbre pour sa consommation de marijuana et pour sa bagarre avec le musicien Bebe Cool. Les électeurs de Kyadondo Est furent pourtant prêts à fermer les yeux et à l'élire au Parlement. Le défi pour lui consiste maintenant à aller de l'avant et à travailler dur pour rattraper ses compagnons députés en poste depuis déjà plus d'un an, et de se montrer à la hauteur des attentes des citoyens qu'il représente et du pays tout entier.

La super-heroïne latina et queer de Marvel suscite éloges, critiques et bien plus

lundi 10 juillet 2017 à 12:10

Couvertures des premiers tomes de la série de bandes dessinées America. Extrait de la boutique en ligne de Marvel.

Une nouvelle série de bandes dessinées a fait ses débuts plus tôt dans l'année avec America Chavez, le premier personnage féminin, latino et queer à apparaître dans l'univers Marvel.

Beaucoup de lecteurs ont acclamé la nouvelle, affirmant que la série donnera l'occasion d'aborder des sujets comme l'immigration, l'identité et la sexualité, justement à un moment de fortes tensions politiques et sociales aux États-Unis.

D'autres ont cependant soutenu que l'accent a été mis sur l'identité au détriment de l'histoire.

La série America Chavez n'est pas seulement centrée sur l'identité, mais aussi sur l'idée de la découverte de soi. Selon la présentation de Marvel sur leur site, America n'est pas seulement une super-héroïne qui terrasse les méchants, mais qui croit aussi en l'éducation et la connaissance de soi : « Que fait une adolescente dotée de super-pouvoirs quand elle cherche à s'épanouir ? Elle va à l'université ! »

Mlle America Chavez. C'est la seule héroïne et personnage principal d'une histoire queer de Marvel, et l'une des seules femmes racisées queer à avoir une BD solo.

La série, écrite par la romancière Gabby Rivera et illustrée par Joe Quinones, a attiré l'attention d'un large éventail de médias en ligne consacrés à la fois aux communautés LGBTQ et latinos. Les auteurs expliquent dans le Huffington Post qu'ils voulaient que les couvertures de livre mélangent plusieurs références culturelles avec des « images emblématiques allant des Beatles à Celia Cruz […] Nous avons discuté de personnes qui ont eu un impact énorme sur la culture américaine tout en existant à l'intersection de nombreuses identités » :  

America Chavez will not be the only character in the book with an intersecting identity,” Rivera said. “She will not be the sole representation of queer people and women and Latinas. There will be communities of folks all around her testing their super powers and finding strength within themselves. We’ve been very intentional with reflecting different body types and gender presentations. Our characters are black, Afro-Latinx, Asian, mixed and everything in between — like literally running the gamut of melanin, you know?

« America Chavez ne sera pas le seul personnage dans le livre avec une identité croisée », a déclaré Rivera. « Elle ne sera pas la seule représentation des personnes queer, des femmes et des latinas. Il y aura des communautés de gens tout autour d'elle testant leurs super pouvoirs et découvrant leur propre force. C'était tout à fait notre intention de refléter différents types de corps et de présentations de genre. Nos personnages sont noirs, afro-latinx, asiatiques, métisses et tutti quanti – couvrant littéralement tout l'éventail de la mélanine, vous voyez ? »

L'auteure a souligné que la construction du personnage a également rempli son rêve de voir les femmes « comme elle » dans les bandes dessinées : des femmes racisées, complexes, et avec des courbes.

« Donnez-moi une BONNE HISTOIRE avec de BONS PERSONNAGES ! »

L'histoire et le personnage, cependant, n'ont pas échappé à la critique ni la controverse. Les premiers numéros ont reçu des critiques sévères en ligne, disant que la série met « la question de genre avant la qualité de l'histoire ». Des commentaires sous certaines critiques vidéos et des articles sur la série critiquaient la rédaction et ont jugé que s'être autant concentré sur l'identité sexuelle et culturelle d'America Chavez à ce point mine en fait la cause qu'elle cherche à défendre :

The dialogue was terrible, the Spanglish was racist (at best), the plot jumped around between various irrelevant points with little connection, the political commentary was a subtle as a sledgehammer, and there wasn't a single character with any sort of development (other than “random girlfriend whom the reader never gave a reason to care about broke up with the protagonist, in what might be one of the least realistic exchanges of dialogue ever written”).

The author is apparently hoping that “MINORITY LESBIAN YASSSS!!” will be enough to cover up for her complete inability to write either characters or plot lines, but this comic is so completely terrible in every aspect that I doubt she'll get away with calling everyone who points out its plethora of flaws “racist/homophobic”.

Le dialogue était horrible, le spanglish [anglais hispanisé] était (au mieux) raciste, l'intrigue saute entre différents sujets non pertinents avec peu de connexion, le commentaire politique était subtil comme un marteau, et il n'y avait pas un seul personnage avec une sorte de profondeur (autre que « petite amie sortie de nulle part pour laquelle le lecteur n'a jamais donné aucune raison de s'en soucier qui rompt avec le protagoniste, dans ce qui pourrait être l'un des échanges les moins réalistes de dialogue jamais écrit »).

L'auteur espère apparemment que « LESBIENNE MINORITAIRE YASSSS !! » sera suffisant pour masquer son incapacité complète d'écrire soit des personnages, soit des trames narratives, mais cette bande dessinée est tellement terrible dans tous les aspects que je doute qu'elle va s'en sortir en traitant tous ceux qui en soulignent la panoplie de défauts de « racistes / homophobes ».

Les complexités de la représentation ont également été largement discutées par certains commentateurs sur YouTube, qui ont affirmé que donner la primauté à certains éléments d'identité avant toute autre chose ne suffit pas pour que le lecteur s'identifie avec un personnage :

As a Latina myself, I am disgusted and insulted by America Chavez. I'm supposed to love and identify with this character? On what grounds? […] Why should I care about her or her story? Because she's a Latina queer? So what? That doesn't make her interesting. There are Latina queers all over the place here. That's not unique at all. […] I DON'T CARE if the main character of a comic is the same race or gender as me! Tell me a GOOD STORY with GOOD CHARACTERS! If the story and characters are solid and well written, then it won't MATTER what race, gender, sexuality, or creed that character is! Labels don't make a character. CHARACTER makes a character! And America Chavez has ZERO CHARACTER.

En tant que Latina, je suis moi-même dégoûtée et insultée par America Chavez. Je suis censé aimer et m'identifier à ce personnage ? Sur quelle base ? […] Pourquoi devrais-je m'inquiéter d'elle ou de son histoire ? Parce que c'est une Latina queer ? Et alors ? Ça ne la rend pas intéressante. Il y a des queer latinos partout ici. Ce n'est pas unique du tout. […] JE M'EN FOUS si le personnage principal d'une bande dessinée est la même race ou genre que moi ! Racontez-moi une BONNE HISTOIRE avec de BONS PERSONNAGES ! Si l'histoire et les personnages sont solides et bien écrits, alors la race, le genre, la sexualité ou les croyances du personnage NE SERONT PAS IMPORTANTS ! Les étiquettes ne font pas le personnage. C'est le CARACTÈRE qui fait le personnage ! Et America Chavez a ZÉRO CARACTÈRE.

La chaîne latino de YouTube Pero Like (associée à BuzzFeed) a également présenté le personnage dans sa vidéo « LatiNoticias » avec sa propre analyse 

It's pretty fun that a character with the potential to excite so much hate from right-wing conservatives is literally named America. That's like if I named a new contraceptive Freedom Pills, or if her sidekick was a gender-nonconforming bald eagle. America Chavez was the third choice for the superhero's name after Marvel passed on “Uracis Ifudonlykme” [You’re racist if you don’t like me] and “Sue-Kit White Concervadores” [Suck it, white conservatives].

C'est marrant qu'un personnage avec le potentiel de susciter autant de haine chez les conservateurs de droite s'appelle littéralement America. C'est comme si j'avais nommé une nouvelle pilule contraceptive Freedom Pills, ou si son bras-droit était un aigle au genre minoritaire. America Chavez a été le troisième choix pour le nom du super-héros après que Marvel a rejeté « Uracis Ifudonlykme » [T'es raciste si tu m'aimes pas] and « Sue-Kit White Concervadores » [Allez vous faire voir, conservateurs blancs].

Au Mexique, “Mama Africa” reçoit les migrants dans leur long voyage

dimanche 9 juillet 2017 à 18:09

Concepción González Ramírez dirige un petit hôtel à Tapachula, dans l’État du Chiapas, à la frontièredu Mexique avec le Guatemala. Droits : Amy Bracken.

Cet article d’Amy Bracken a initialement été publié sur PRI.org le 19 avril 2017. Il est reproduit sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu. 

Sur le chemin des migrants qui traversent l'Europe ou l'Amérique Latine, certains endroits deviennent célèbres pour leur accueil.

J'ai visité l'un de ces endroits dans la ville mexicaine de Tapachula, située près de la frontière avec le Guatemala. C'est un hôtel très simple près du centre-ville. Il est dirigé par une Mexicaine de 59 ans, de petite taille, qui porte des lunettes à la monture rose corail et des boucles d'oreilles dorées en forme d'ours en peluche. Elle s'appelle Concepción González Ramírez et elle est née et a grandi à Tapachula. Cependant, beaucoup la connaissent sous le nom de Mama Africa. Elle doit son surnom au fait que l'hôtel (ou plutôt elle-même) est devenu une destination tant pour les Africains que pour les Haïtiens de passage.

L'hôtel est plutôt sans charme. Pour quelques 2,50 dollars par nuit, les clients sont logés dans des chambres basiques, avec des murs nus écaillés et des lits en métal. Dans le vestibule, il y a un perroquet dans une cage. L'hôtel n'a pas d'enseigne qui permette de le trouver mais malgré cela, des centaines de migrants africains et haïtiens y arrivent.

Des fois, raconte Mme Ramírez, les gens viennent par minibus pleins, et du haut de la côte ils commencent à crier “Mama Africa ! Où est Mama Africa ?”.

En ce moment, c'est calme, mais plus tôt dans l'année Ramírez a reçu 200 clients en même temps. Il y a seulement 24 chambres, aussi certains ont dormi dehors sur des cartons. Elle ne veut refuser personne.

Elle les aide également, et les amène à l'hôpital quand ils sont malades, leur achète les médicaments qu'ils ne peuvent pas payer, leur masse avec un baume les pieds épuisés par la route.

Tychique Sebastiao, originaire de l'Angola, est arrivé il y a peu de temps. Je lui ai demandé si Mama Africa est un surnom adéquat pour Mme Ramírez.

La famille Sebastiao (avec leur fille Merrui, celle qui arbore une moustache de yaourt) pose avec Concepción González Ramírez. La famille vient d'Angola par le Brésil et espère pouvoir arriver à Boston. Droits : Amy Bracken.

“Oui, oui”, répond-il avec un rire. “Je sens bien que ça lui correspond vraiment, parce que les femmes africaines sont des femmes très gentilles. Très affectueuses. Elle a la convivialité d'une mère… Nous nous sentons très bien ici”.

Sebastiao voyage avec sa soeur, qui espère se rendre à Boston pour retrouver son mari, et les trois filles de celle-ci.

Ils ont déjà vécu au Brésil, mais pour certains Africains en route pour les États-Unis, il est habituel de faire une première halte en Amérique du Sud et ensuite de se diriger vers le nord.

La famille avait entendu d'autres compagnons de route parler de Mama Africa. “Mama Africa est un nom connu sur toute la route”, explique Felix Michelet, un hôte d'Haïti.

Il raconte que les Haïtiens et les Africains font très souvent route ensemble, et que les Africains plus avancés dans leur voyage parlent sur Whatsapp de leur rencontre avec Mme Ramírez.

Comme beaucoup de ses compatriotes, Michelet a vécu avant au Brésil et a travaillé comme ouvrier du bâtiment sur les chantiers des Jeux olympiques et de la Coupe du monde de football. Quand l'économie brésilienne s'est fragilisée, il a entamé son voyage pour les États-Unis. Il est l'hôte de Mama Africa depuis des mois : il vend des cartes SIM afin de réunir l'argent nécessaire pour acheter le billet de bus qui l'amènera à Tijuana.

Je lui demande si, dans le futur, il restera en contact avec Mme Ramírez.

“Mama Africa est notre mère, nous ne la laisserons jamais partir”, répond-il en riant. “Nous resterons toujours en contact”.

Mme Ramírez raconte que ses hôtes lui envoient souvent des textos quand ils sont partis, pour la saluer ou pour lui raconter les avancées de leur voyage. Elle explique que sa foi chrétienne est le moteur de son travail. Elle ne connaît pas grand chose à l'Afrique, mais ses hôtes lui ont appris à cuisiner le poulet comme au Ghana.

Mme Ramírez est peut-être très connue par ici, mais elle n'est pas la seule lueur d'espoir pour les migrants qui passent par Tapachula. A l'autre bout de la ville, un chemin sans issue s'arrête chez Jesús Valenzuela. Cette hiver, Valenzuela et sa famille ont logé des migrants dans leur petite maison. Policier, il a constaté que les billets de bus étaient vendus trop cher à de nombreux migrants africains. Il a commencé par les aider à obtenir un prix raisonnable, puis leur a ouvert sa maison pour un dollar la nuit.

Actuellement, 25 personnes, dans leur majorité des Haïtiens, sont là. Quelques-uns dorment sur des couvertures au sol, mais au moins, ils ont de l'électricité, un machine à laver et une zone pour cuisiner en extérieur.

Valenzuela explique qu'il sait ce que les hôtes traversent.

“J'ai vécu aux États-Unis”, raconte-t-il. “J'ai vécu ce qu'ils vivent. J'ai traversé la frontière par le désert et on en a souffert. Il y a des endroits où les gens aident et d'autres non. C'est pour cela que je veux leur apporter mon soutien.”

Après y avoir vécu trois ans, Valenzuela a été expulsé des États-Unis suite à une descente sur son lieu de travail.

La majorité des migrants qui passent par Tapachula vient d'Amérique Centrale, et d'autres habitants qui leur ouvrent aussi les portes de leur maison.

José Antonio Cordova Meléndez me raconte qu'il a échappé à des individus qui lui extorquaient de l'argent au Honduras, avec sa femme et ses trois fils, sans avoir aucun plan. A Tapachula, il a demandé un logement et une parfaite inconnue, une mère célibataire, leur a offert son toit. Plusieurs mois après, sa famille y habite toujours et tente de décider de sa prochaine étape.

De retour à la maison de Mama Africa, tout est plein encore une fois. Dans les couloirs, les voyageurs consultent tranquillement leur téléphone. Un minibus est arrivé aujourd'hui et a laissé 20 nouveaux hôtes, en grande majorité de Somalie.

Mme Ramírez semble heureuse que la maison soit pleine, mais elle est aussi nostalgique envers ceux qui sont partis. Comme une grand-mère fière, elle feuillette son album de photos numériques. Il y en a une de sa fille avec des tresses africaines que lui a faites une cliente, quelques photos de ses petits-enfants et beaucoup plus des voyageurs, jeunes et vieux. Elle rit avec tristesse alors qu'elle me les présente brièvement.

“Ya se fueron”, répète-t-elle à chaque fois. “Ils sont déjà partis”.