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Les hommages affluent pour Kishori Amonkar, l'une des plus grandes voix de la musique classique indienne

vendredi 7 avril 2017 à 12:09

L’œuvre de Kishori Amonkar restera celèbre

Kishori Amonkar. Capture d'écran de YouTube.

Kishori Amonkar [anglais], interprète légendaire de musique classique indienne [anglais], est décédée dans son appartement de Mumbai dans la nuit du 3 avril après une brève maladie. Elle avait quatre-vingt-quatre ans.

Amonkar était une remarquable chanteuse de musique classique hindoustanie (du nord de l'Inde), dont la tradition remonte au XIIème siècle. Les Indiens pleurent sa disparition et lui rendent hommage sur les médias sociaux.

Attristé par la disparition de la chanteuse légendaire Kishori Amonkar Ji. C'est une grande perte pour la musique classique indienne.

Kishori Amonkar décède. A part sa musique exceptionnelle, beaucoup d'autres choses à apprendre : une intelligence féroce et la défense inébranlable de son art.

Nouvelle tragique. La doyenne de la musique classique hindoustanie Kishori Amonkar, du Gharana de Jaipur, n'est plus ! Vous nous manquerez terriblement. Reposez en paix.

Amonkar jouait un genre de musique appelé khayal, ainsi que des genres classique plus légers tels que le thumri [anglais] et le bhajan. Elle était également un membre innovant du gharana de Jaipur-Atrauli [anglais].

Madame Kishori Amonkar – Raga Basanti Kedar #2 et bhajan.

D'après le blog du Monde de la musique hindoustanie de Deepak Raja [anglais] :

Kishori Amonkar (born: 1932) is by far the most influential female Hindustani vocalist to emerge in independent India. She is the daughter and disciple of the Jaipur-Atrauli gharana (tradition) stalwart, Mogubai Kurdikar, but acquires her stature from her originality as an interpreter of the gharana’s musical wisdom. She jettisoned the classicism of her gharana’s style in favor of a marked romanticism, braved criticism from conservative opinion and triumphed. As a result, her revisionist style has now come to signify Jaipur-Atrauli vocalism, while its orthodox stream drifts towards history.

Kishori Amonkar (née en 1932), est de loin la chanteuse hindoustanie la plus influente qui a émergé dans l'Inde indépendante. Elle est la fille et la disciple du pilier du gharana (tradition) de Jaipur-Atrauli, Mogubai Kurdikar [anglais], mais elle doit son statut à l'originalité de son interprétation de la sagesse musicale du gharana. Elle a délaissé le classicisme de son gharana au profit d'un romantisme marqué, affronté les critiques de l'opinion conservatrice et les a vaincu. En conséquence, son style révisionniste est devenu la définition du chant de Jaipur-Atrauli, alors que son courant orthodoxe est emporté vers le passé.

Bien qu'Amonkar ait commencé à chanter jeune, elle fut reconnue quand elle s'est mise à chanter pour des publics plus larges [anglais] dans les années soixante et soixante-dix. A partir de ce moment-là, ses concerts ont touché de plus en plus de foyers indiens par l'entremise de cassettes et d'enregistrements. Mais elle-même vécut une vie solitaire.

Pour Zakir Hussain, un joueur de tabla célèbre dans le monde entier, Amonkar fait partie des plus grandes chanteuses hindoustanies de tous les temps. Il fait son éloge dans un documentaire de 2011 intitulé “Bhinna Shadja“, un film sur Amonkar commandé par le Ministère indien des Affaires étrangères :

En 2013, le blog de musique Harmonium [anglais] écrivait la critique suivante sur le chant d'Amonkar :

There are certain voices that have the ability to mesmerise and Kishori Amonkar’s is one. I have the feeling as I listen to this record that the music does not come from her but that she is the music. They are indivisible. One and the same. We float with her. We feel weightless and yet never more connected. As she sings we cry and want to curl up in the sound and never be let go.

Certaines voix ont le don d'hypnotiser, et celle de Kishori Amonkar en fait partie. Alors que j'écoute cet enregistrement, j'ai le sentiment que la musique ne vient pas d'elle, mais qu'elle est la musique. Elles sont indivisibles. Une seule et même chose. On flotte avec elle. On se sent en apesanteur et pourtant jamais autant connectés qu'à ce moment. Quand elle chante, on veut pleurer, se rouler en boule dans le son et ne jamais le lâcher.

Amonkar reçut [anglais] deux des décorations civiles indiennes : la Padma Bhushan en 1987 et la Padma Vibhushan en 2002. Sur Internet, le public commémore son héritage et partage ses plus grandes oeuvres :

Triste jour. Kishori Amonkar était un génie sans pareil. Une géante. Elle a tellement donné à la musique indienne.

Personne n'a jamais été aussi surila [musicale, harmonieuse] que vous… A Kishori ! Les dieux doivent être heureux.

Ce rageshri, par feue la grande Kishori Amonkar, est suprême et sublime. Ecoutez-le, et écoutez-le à nouveau.

“Mharo Pranam” en boucle depuis ce matin. Encore en train de chercher les mots pour décrire cette pureté et passion.

Les gens se rappellent aussi de ses citations mémorables :

I believe that Indian music is nothing but the expression of a feeling. If I say, ‘I love you,’ can you measure it? You just have to feel that vibration.

Je crois que la musique indienne n'est rien d'autre que l'expression d'un sentiment. Si je dis “Je vous aime”, pouvez-vous le mesurer ? Vous ne pouvez que ressentir cette vibration.

It is a nice blend of mind and brain which you need in art. You cannot be merely sentimental, devoid of intellect. There should be a perfect balance between intellect and heart.

C'est d'un fin mélange d'esprit et d'intelligence dont vous avez besoin dans l'art. Vous ne pouvez pas être seulement sentimental, dénué d'intellect. Il devrait y avoir un équilibre parfait entre l'intellect et le coeur.

Arnab Chakrabarty [anglais] écrivit sur Scroll.in :

In a field where most successful professionals burn out in their 40s and 50s from complacence, Amonkar’s musical growth continued unabated right until her last days.

Dans une discipline où la plupart des professionnels accomplis s'épuisent de complaisance une fois arrivés à la quarantaine ou à la cinquantaine, la croissance musical d'Amonkar a continué sans relâche jusqu'à ses derniers jours.

Amonkar fut incinérée le 4 avril [anglais] après une cérémonie dans Shivaji Park, à Mumbai. Le Premier ministre indien Narendra Modi lui rend hommage :

Les oeuvres de Kishori Amonkar resteront toujours populaires dans les années à venir.

La Hongrie légifère en urgence pour se débarrasser de l'Université d'Europe centrale

jeudi 6 avril 2017 à 23:39

A la manifestation de soutien à l'Université d'Europe centrale de Budapest, en Hongrie. Photo: Gábor Ezra Tausz, utilisée avec autorisation.

(Article d'origine publié en anglais le 4 mars) Le gouvernement hongrois a fait voter mardi un amendement controversé à sa nouvelle loi sur l'enseignement supérieur. Un vote réalisé selon la procédure spéciale réclamée par le vice-premier ministre de Hongrie.

Selon l’Université d'Europe centrale* et ses sympathisants à travers le monde, cet amendement rendrait impossible à l'établissement d’enseignement la poursuite de son activité en Hongrie, où il est installé depuis 1993.

Les journalistes en Hongrie et ailleurs soutiennent que le but des législateurs est apparemment de forcer l'université à fermer.

L’amendement contraindrait l'Université d'Europe centrale (la CEU selon son acronyme en anglais) à ouvrir un campus à New York, où elle possède des statuts du Conseil des Régents de l'Université de État de New York, et à obtenir un accord bilatéral avec le gouvernement fédéral des États-Unis pour l'émission de diplômes tant américains que hongrois pour ses étudiants.

D'après une déclaration du gouvernement hongrois, l'objectif de l'amendement est que les universités étrangères en Hongrie “opèrent dans la légalité et la transparence en se conformant à la réglementation hongroise”. Le parti au pouvoir défend que la CEU bénéficie d'un avantage déloyal en distribuant des diplômes à la fois américains et hongrois.

L'exposé des motifs de l'amendement indique :

C'est probablement une bonne affaire pour George Soros, mais dans la concurrence entre universités cela représente un avantage déloyal.

A une conférence de presse tenue après le vote du parlement, les représentants de la CEU ont fait savoir que les statuts hongrois et américains de l'université ne pourraient pas fonctionner séparément :

Ce n'est ni possible, ni acceptable. Nous donnons à la fois des diplômes américains et des diplômes hongrois. Cela n'aurait aucun sens que l'université fonctionne sans la possibilité de diplômes américains, les étudiants ne viendraient tout simplement pas à l'université si elle ne donnait pas de diplômes américains.

Un projet de loi voté en urgence

Vendredi, le premier ministre hongrois Viktor Orbán déclarait, dans une interview à la radio publique :

Tricher c'est tricher, pour quiconque.

Selon Index.hu, Orbán faisait allusion aux accords bilatéraux désormais exigés pour les universités de pays en-dehors de l'OCDE (Organisation pour la Coopération et le Développement Economique).

A la suite de l'interview, la CEU a aussitôt publié une déclaration démentant toutes allégations de “tricherie” et insistant qu'elle opère dans le cadre des lois hongroises depuis ses plus de 25 années d'existence à Budapest.

La semaine dernière, les adversaires du projet de texte disaient qu'il se réduisait à une attaque contre la liberté de l'enseignement. Sur Internet, les militants ont commencé à utiliser le hashtag #IStandWithCEU (Je suis avec la CEU), et les sympathisants ont créé le compte Twitter @StandWithCEU.

Uwe Puetter, directeur de la faculté d'administration publique de la CEU, a tweeté :

Nous sommes indissociables de la vie universitaire de la Hongrie. Cette loi nuit à la liberté universitaire en Hongrie et dans l'UE dit le Recteur

Andrew Stroehlein, directeur Médias européens de Human Rights Watch, a écrit :

La Hongrie : frappe et emprisonne les réfugiés ; attaque les médias indépendants ; attaque la société civile ; attaque les universités.

Au moment de la traduction de ce billet, il y avait plus de 50.600 signatures sur la pétition de Change.org intitulée “Sauvez l'Université d'Europe centrale” — déjà 25.000 de plus que l'objectif initial de la campagne. Les initiateurs écrivent dans l'exposé des motifs :

Nous, universitaires, étudiants et partisans d'un enseignement et d'une recherche scientifique libre et impartiale appellons l'Assemblée Nationale hongroise à abandonner la proposition de loi et à entamer des pourparlers avec la direction de la CEU permettant à leur issue à cette université prestigieuse de continuer sa fière contribution au discours scientifique de la Hongrie.

Dans un courriel adressé aux contacts de la CEU le 30 mars, le président et recteur Michael Ignatieff demandait le soutien :

C'est le moment de nous rassembler pour défendre notre institution et les principes de liberté universitaire. Nous vous prions de communiquer respectueusement avec vos parlementaires et autres représentants (un modèle de lettre est fourni ici), et de faire connaître publiquement votre soutien à la CEU, une institution d'enseignement supérieur fièrement hongroise et américaine, une université dont la liberté est en danger.

Le Dr Pawel Bukowski, un diplômé de la CEU, qui travaille actuellement comme économiste-chercheur à la  London School of Economics, a partagé la photo de sa lettre à un ministre hongrois. Photo: Facebook / Utilisée avec autorisation

De nombreux anciens de la CEU occupent des postes de haut niveau du secteur public à travers le monde, certains comptent même parmi les adhérents du parti politique au pouvoir en Hongrie. Son réseau de diplômés a permis à l'université de rapidement se faire entendre d'un public élargi.

La semaine dernière, lettres et courriels de soutien ont commencé à affluer, venant d’étudiants, d'universités, d'institutions académiques, de prix Nobel, de scientifiques, d'écrivains, du Département d’État américain, et même du comité de rédaction du Washington Post. L'université a publié la liste de ces déclarations ici.

Le maire de Vilnius, encore un diplômé de la CEU, a lui aussi écrit une lettre au recteur de l'école, invitant l'université à déménager en Lituanie. Elle a été suivie par l'invitation du maire de Slupsk en Pologne.

Dimanche des milliers de personnes se sont rassemblées à Budapest en soutien à l'Université d'Europe centrale. Des événements de solidarité organisés par des citoyens hongrois et des diplômés de la CEU ont eu lieu aussi devant les ambassades hongroises à Berlin et Londres.

La foule des manifestants devant l'Université d'Europe centrale à Budapest. Photo: Áron Halász. Utilisée avec permission.

Le site d'information Mandiner a partagé une vidéo accélérée de la foule à Budapest dimanche :

Et voici une visualisation en réseau décrivant les hashtags fréquemment mentionnés à côté de #istandwithCEU. Precognox a aussi publié un nuage de mots des hashtags les plus utilisés sur le sujet.

Nuage de mots des tweets sur la CEU, par Precognox. Utilisé avec permission.

Les Hongrois réclament le veto présidentiel

Le site d'information 444.hu a publié la liste des 123 députés, tous membres de la coalition au gouvernement, qui ont voté l'amendement.

Il y a aussi une manifestation devant les bâtiments du centre-ville de l'Université d'Europe centrale mardi après-midi, avec des prises de parole d'étudiants pour défendre leur université.

L'étudiante en études sur le nationalisme Luca László a dit :

Je vis dans un pays où les plus grands ennemis du gouvernement sont les ONG, les droits humains, les libertés universitaires et les gens qui fuient la guerre.

Elle a demandé au chef de l’État, János Áder, de ne pas signer l'amendement et de le renvoyer devant le parlement pour réexamen.

Chaîne de solidarité autour de la CEU

Daniel T. Berg, un autre étudiant de la CEU, a raconté l'histoire de sa mère, qui a fui la Hongrie dans les années 1970 cachée dans le coffre d'une voiture Trabant.

Faisant allusion à l'outil pro-gouvernement de suivi de l'opinion publique “Consultation Nationale“, Berg a dit :

Comme vous êtes nombreux à le savoir, le gouvernement a récemment lancé une consultation nationale demandant “Comment stopper Bruxelles ?” ma question est “Comment stopper Orbán ?”

Le blog Kettős Mérce (Double Standard) a publié les informations sur le déroulement de la journée. Après le rassemblement à la CEU, les manifestations ont marché juqu'au parlement voisin, et ont tenté d'y accrocher un drapeau de l'Union Européenne. Quelque 300 personnes se sont assises devant le bâtiment, face à un cordon de police.

Les blogueurs ont promis que le mouvement se poursuivrait mercredi et tout au long de la semaine.

Sur Facebook, des professeurs d'université hongrois ont commencé à promouvoir une grève. Tibor Bárány de l'Université de Technologie et d’Économie de Budapest a écrit qu'il cesserait complètement le travail jusqu'à ce que le parlement retire l'amendement, si les enseignants dans le pays et à l'étranger se joignaient à la grève.

* L’Open Society Institute, fondé par l'investisseur et philanthrope George Soros, soutient les projets éditoriaux de Global Voices, y compris RuNet Echo. L'organisation soutient également GV Advocacy, Rising Voices, le Réseau Technology for Transparency, notre cœur d'activités et nos rencontres-Sommets. George Soros est aussi le fondateur de l'Université d'Europe centrale. Figure controversée en beaucoup de lieux, Soros est célébré et vilipendé pour sa promotion de la démocratie à travers des organisations comme l'Open Society Institute.
L'auteur de cet article, en outre, a travaillé sur plusieurs projets financés par les fondations Open Society, et participé à l'organisation à Londres d'une manifestation contre l'amendement décrit dans le présent texte.

Exécutions sommaires, viols et arrestations de masses sont encore le quotidien des Burundais

jeudi 6 avril 2017 à 18:02

Rebelle armé au Burundi via NewsDay 

Cette année encore, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est penché sur les tragiques évènements qui déchirent le Burundi depuis bientôt 2 ans. Il l'a fait en examinant le rapport que vient de présenter M. Adama Dieng, Conseiller spécial des Nations unies pour la prévention du génocide sur la situation de ce pays d'Afrique centrale, évoquant un risque de “violences massives”.

Un billet intitulé Blocage au Conseil de sécurité sur la situation au Burundi publié sur le site d'informations Bujumbura News, blog collectif d'internautes burundais basés à l'extérieur du pays et qui diffuse uniquement des informations sur le Burundi, rappelle la genèse de la crise et ses conséquences sur la population:

Cette crise est née de la décision du président Pierre Nkurunziza de briguer en avril 2015 un troisième mandat, qualifié d’illégal par son opposition et une partie de son camp. Et elle a déjà fait des morts, de 500 (ONU) à quelque 2000 personnes tuées selon les ONG, des centaines de portés disparus et poussé quelque 400 000 personnes à l’exil.

Le gouvernement rejette ce rapport, le qualifiant de politique et parlant de complot international visant à le faire tomber. Cependant les témoignages accablants confirmant ces graves accusations sont nombreux.

Faisant le point sur la situation des droits humains dans le monde le 8 mars dernier 2017, Zeid Ra'ad Al Hussein, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, à propos du Burun s'est dit très inquiet de voir que:

tout espace démocratique a virtuellement disparu. Des abus des forces de sécurité continuent d'être enregistrés, dont des disparitions, des cas de torture et des arrestations arbitraires. Le Burundi a suspendu sa coopération avec le bureau du Haut-Commissariat aux droits de l'homme (HCDH), a déploré le Haut-Commissaire.

Comme pour confirmer ces craintes, le site de la rpa.bi, de la Radio publique africaine, soutenue entre autres par CORDAID, la COOPERATION SUISSE, CARE INTERNATIONA, OPEN SOCIETY FOUNDATION, le PNU et ONU- FEMMES, signale que mardi 4 avril 2017, des Imbonerakure du CNDD-FDD, l'organisation des jeunes du parti au pouvoir, de la région  des Collines Mukungu et Muguruka se sont rassemblés avec machettes et gourdins:

Après ce rassemblement, ils se sont dirigés en colonnes vers la forêt de Rukambasi. Selon des témoins, ils étaient entre soixante et cent personnes. “Ils disent qu'ils vont dans la forêt de Rukambasi pour traquer des rebelles”, indiquent nos sources.
Les mêmes sources révèlent que d’autres Imbonerakure du parti au pouvoir venus de différentes localités s’apprêteraient à les rejoindre pour leur prêter main forte. Lundi matin, deux camions remplis de militaires se sont arrêtés à Mukungu et les soldats à bord sont partis à pied en direction de Rukambasi.
Les habitants de la localité doutent d'un quelconque combat dans la forêt de Rukambasi. La population craint plutôt pour leur sécurité, alors que les responsables administratifs à commencer par le Gouverneur de Makamba effectuent d'intempestives réunions dans cette localité. C’est le cas de deux réunions le 31 mars et le 3 avril 2017 dirigés par Gad Niyukuri, gouverneur de Makamba, dans la Zone Kazirabageni.

Les Imbonerakure ont été déjà dénoncés pour les exactions qu'ils commettent de manière ethniquement ciblée contre des civils par l”ONG Human Rights Watch qui a signalé que:

Des membres des Imbonerakure et des policiers, parfois armés de fusils, de bâtons ou de couteaux, ont violé des femmes dont des parents de sexe masculin étaient considérés comme des opposants au gouvernement. Dans certains cas, les Imbonerakure ont menacé ou agressé le parent de sexe masculin avant de violer la femme. Ces femmes ont souvent continué de subir des menaces suite au viol.

Des Imbonerakure et des policiers ont violé des femmes qui tentaient de passer en Tanzanie, apparemment pour les dissuader de quitter le Burundi.

Des Imbonerakure ont mis en place des barrages routiers et des postes de contrôle dans certaines provinces. Ils ont extorqué de l’argent aux passants et les ont harcelés, et, alors qu’ils ne disposent d’aucune autorité en la matière, ont arrêté des personnes qu’ils soupçonnaient d’être liées à l’opposition. Ils ont également fait du porte à porte pour extorquer de l’argent aux habitants.

Après avoir envoyé en mars 2016, une mission conjointe la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) et son organisation soeur burundaise ont déclaré avoir constaté des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale et avait interpellé Mme Fatou Bensouda,

De retour d’une mission d’enquête menée au mois de mars 2016 au Burundi, la FIDH et ITEKA, son organisation membre au Burundi, avaient indiqué le 14 avril que “la nature des crimes constatés par la mission de la FIDH relèvent de la compétence de la Cour pénale internationale” et appelé la Procureure à « décider [de] l’ouverture à tout le moins d’un examen préliminaire sur la situation au Burundi qui est un État partie au statut de la CPI ».Nos organisations se félicitent d’une telle décision et espèrent que, au regard de la gravité des crimes commis et de l’absence de justice au niveau national, la CPI ouvrira rapidement une enquête sur les très graves crimes commis au Burundi.

Dans un billet paru sur le site sentinelle-droit-international.fr, Gabin EYENGA signalait que Mme Fatou Bensouda avait annoncé le 25 avril 2016, dans une Déclaration que son bureau avait décidé d’ entamer un examen préliminaire sur la situation qui prévaut au Burundi depuis avril 2015 ». Et il expliquait procédure:

Un examen préliminaire est un processus par lequel les renseignements disponibles sur une situation sont examinés afin de déterminer en toute connaissance de cause s’il existe une base raisonnable pour ouvrir une enquête au regard des critères posés pas le Statut de Rome. Cet examen « ne constitue en aucun cas une enquête, » Il la précède et la conditionne plutôt. Cette décision du Procureur de la Cour pénale internationale fait suite à la situation humanitaire au Burundi qualifiée de « très préoccupante en matière de droit humain » par le Sous secrétaire général des Nations Unies au Droit de l’homme, M. Ivan Simonovic.

… A l’issue de l’examen préliminaire de la situation au Burundi le Procureur rédigera des conclusions ou un rapport dans lequel on trouvera une première qualification juridique des crimes allégués relevant de la compétence de la Cour. Cet examen se fera sur la base des faits et des renseignements fournis à son Bureau. Il pourra également, conformément aux dispositions de l’article 15 paragraphe 2 du Statut de Rome,

Mais entre-temps le Burundi a décidé de quitter la CPI. Ce que regrette le blogueur burundais  dans un billet paru sur le site collectif yaga-burundi.com qui rassemble des blogueurs qui s’emploient à changer les mentalités.

Je suis de ceux qui pensent que quitter la CPI est une mauvaise décision, qui ne fait que consacrer l’impunité des criminels puissants que les juridictions locales n’osent pas juger.

Mais ce que je regrette le plus, c’est que cette décision est taillée sur mesure. Le pouvoir de Bujumbura se dit : “Il faut tout faire pour nous protéger”.  En effet, il est dans une situation difficile. Contesté à l’intérieur, accusé de violations massives des droits de l’homme, acculé par les sanctions internationales, il est en mal de légitimité. Si la CPI se met à faire des enquêtes ou à lancer des mandats d’arrêt, ce sera un signe de culpabilité, même si, en théorie, la présomption d’innocence doit primer.  Laisser la CPI enquêter affaiblira encore plus la légitimité du gouvernement.

Mais nos dirigeants oublient l’essentiel : l’avenir. Une maxime très populaire dit qu’un homme politique pense à la prochaine élection, alors qu’un leader pense à la prochaine génération. Pour moi, si le pouvoir de Bujumbura pensait à la prochaine génération, il ne quitterait pas la CPI. Il est possible que dans 5 ou 10 ans ceux qui sont au pouvoir n’y soient plus, qu’ils soient remplacés par un autre pouvoir, beaucoup plus arbitraire peut-être (ce n’est pas mon vœu). A ce moment-là, ceux qui décident aujourd’hui de quitter la CPI, leurs enfants, seront peut-être les premiers à crier pour que cette cour vienne les protéger. Mais ce sera trop tard.

Une vidéo circulant sur Internet montre des jeunes Imbonerakure chantant un motif qui inviterait ses membres à violer les femmes tutsi. Le  

Quand l’Onu vous a taxés d’être une milice du parti au pouvoir, vous l’avez réfuté,  clamant haut et fort que vous êtes « des partisans de la démocratie, épris de paix, fortement attachés à la République et animés d’un esprit de tolérance,  victimes d’une campagne de diabolisation et de médisance »(nldr) . Sur ce, je voudrais de tout mon cœur croire que cette vidéo n’est que pur montage, car malgré tout, vous êtes mes frères et aux yeux du monde, l’image que vous donnez  affecte tous les jeunes du Burundi. Si je voulais vous prendre au mot, je vous demanderais pourquoi vous vous efforcez de donner raison à tous ces colons impérialistes qui nous traitent de sauvages.

Chers imbonerakure, le Burundi est un grand chantier, et les défis qui pourraient nous inspirer des chansons guerrières ne manquent pas: notre petit pays a une population estimée à 11,1 millions d’habitants dont 70% des jeunes pour  une superficie de 27 834 km². Nous avons un PIB par habitant de 315 $ avec un taux de croissance  de – 2,4 % en 2015 et un chômage qui va croissant. Nous sommes  parmi les pays les plus corrompus au monde, le deuxième pays le plus malheureux au monde d’après les Nations Unies, le troisième plus pauvre aussi en 2016.

Cependant, dans un communiqué le CNDD-FDD a proclamé que cette pratique est contraire à ses idéaux.

Déjà en 1994, selon le site collectif bujumburanewsblog.wordpress.com, un Rapport des Nations unies sur la crise burundaise de 1993, établi par une Commission indépendante d'enquête était arrivée à la conclusion qu'il y avait eu des “d’actes de génocide” à l'occasion d'une autre crise.

Malgré tout ce drame, selon  s'exprimant sur le site iwacu-burundi.org, qui affirme être une équipe, composée d’une cinquantaine de personnes qui reflètent toute la diversité du Burundi,  le Président M. Nkurunziza a affirmé, en décembre dernier,  lors d’une conférence publique, “qu’il ne pourrait pas se refuser à briguer un autre mandat si le peuple le lui demandait.” Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a exprimé son inquiétude.

 

Le Royaume-Uni, un des plus grands fournisseurs d'armements, veut interdire le boycott des ventes d'armes

jeudi 6 avril 2017 à 16:38

Malgré les violations des droits de l'homme, le Royaume-Uni continue de vendre des armes à Israël.

Manifestation contre la vente d'armes britanniques à Israël le 21 novembre 2014 à Londres. Source : site web du mouvement BDS.

Sauf indication contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages anglophones.

L'industrie de l'armement britannique se situe au deuxième rang mondial, juste après les États-Unis. Elle est impliquée dans différentes atrocités et armes interdites comme la vente de bombes à fragmentation à son client grand compte l'Arabie Saoudite dans la guerre du Yémen. A diverses occasions sur ces allégations, l'organisation Campaign Against Arms Trade (CAAT) a traîné le gouvernement britannique devant les tribunaux :

Nous sommes devant les tribunaux pour dire que le Royaume-Uni doit arrêter d'armer l'Arabie Saoudite qui a blessé ou tué 3 500 enfants au Yémen

A côté des exemples souvent cités d’Arabie Saoudite, Barheïn et Israël, les armes made in the UK sont aussi vendues en grandes quantités au Mexique où les meurtres, disparitions et déplacements de masse de populations perpétrés dans la guerre contre la drogue en ont fait un des pays les plus violents sur Terre. De 2013 à 2016, les licences d'exportation de l'industrie de défense britannique vers la Turquie se sont élevées à 466 millions de livres (544 millions d'euros) et ont servi à la répression extensive par la Turquie de la société civile et des Kurdes.

Grâce aux accords de commerce “ouvert” tels que l'exposition Security & Policing (S&P) [sécurité et réglementation] et d'autres événements similaires comme le Defence and Security Equipment International (DSEI) fair [salon international de l'équipement de la défense et de la sécurité], le Royaume-Uni autorise les sociétés locales et internationales à exposer un échantillonnage des armes les plus mortelles. Il abrite aussi l'un des plus grands fournisseurs de logiciels de surveillance, Gamma Group.

Le réseau “Stop The Arms Fair!” [Stop aux salon de l'armement], un groupe d'activistes visant à empêcher le prochain DSEI de septembre 2017, a révélé le rôle du Royaume-Uni dans la vente de dispositifs de surveillance et d'armes à des gouvernements reconnus pour leurs violations des droits de l'homme comme l'Arabie Saoudite, le Bahreïn, l’Éthiopie et le Venezuela.

Le salon d'armement britannique “Closed to public” [réservé aux professionnels] vend des dispositifs de surveillance et des gaz mortels aux bourreaux.

Le journaliste Cahal Milmo a récemment dénoncé sur inews.co.uk :

Depuis 2010, le gouvernement a accordé plus de 152 licences d'exportation d'armes non-létales à l'étranger, dont près de £ 182 000 (212 600 €) de gaz lacrymogènes ou de projectiles destinés à l'Arabie Saoudite en 2015 ; et en 2014, il a autorisé la vente de projectiles de contrôle de foule d'une valeur de £ 6,1 millions (7,1 millions d'euros) aux Émirats Arabes Unis.

Dans ses négociations de sortie de l'Union Européennes, le Royaume-Uni a en vue une extension de cet espace, à en croire tant le livre vert post-Brexit que le député pro-Brexit David Jones.

En février, le pays a doublé la mise en annonçant son projet d'interdire aux conseils municipaux, aux entités locales ou spécialisées du National Health Service (NHS) [le service national de santé], aux organismes publics et à certains syndicats d'étudiants, de boycotter, désinvestir ou appliquer des sanctions contre une industrie ou un Etat “autrement que là où des sanctions juridiques formelles, des embargos et des restrictions ont été mises en place par le gouvernement”.

Le Royaume-Uni veut rendre illégal pour les institutions publiques et à financement public le boycott, le désinvestissement ou les sanctions contre une industrie ou un État

La loi anti-boycott s'inscrit dans l'action constante du Department for Communities and Local Government (le service en charge des Collectivités Locales) pour empêcher les institutions à financement public de boycotter des pays, ou exclure des appels d'offre des fournisseurs étrangers, pour des motifs éthiques. Ceci touche les centrales d'achat de biens et services, car beaucoup d’entités publiques ont des politiques d'approvisionnements éthiques qui les empêchent d'acheter des catégories particulières de produits ou d'y investir. Cela pèse aussi sur les placements de ces entités dans les fonds de pension, car les apports s'y fondent dans des “fonds communs” ou “fonds souverains”. Les ministres ont averti que les sanctions seraient sévères en cas de violation de cette loi. 

Réagissant à cette directive, un des principaux syndicats britanniques, UNISON, a souligné que “la politique d'investissement ne devrait pas dépendre des gouvernements, mais plutôt des acteurs et décisionnaires”. L'an passé, l'association Pensions and Lifetime Savings [retraites et épargne tout au long de la vie] qui représente plus de 1 300 fonds de pensions rappelait que ceci pourrait nuire aux intérêts des adhérents à ces régimes de retraites.

Manifestation de “Stop The Arms Fair” contre l'armement d'Israël par le Royaume-Uni le 7 septembre 2015. Source : Facebook.

Plusieurs mouvements reconnaissent qu'au fil du temps les conseils municipaux ont joué un rôle crucial pour défendre les droits de l'homme et en influer sur les normes internationales. Dans les années 1960 – 1970, plus de 100 collectivités locales du Royaume-Uni ont choisi d'interdire les produits sud-africains et en 1981 le Conseil de Strathclyde a arrêté ses investissements de fonds de pension dans les sociétés ayant des filiales en Afrique du Sud. 

Plus récemment, en 2014, pour protéger les droits des Palestiniens, le conseil municipal de Leicester a adopté une réglementation visant à boycotter les produits des colonies israéliennes situées en Cisjordanie. En 2015, le conseil municipal de Birmingham ne souhaitait pas renouveler son contrat d'élimination des déchets avec la société française Veolia si elle ne se retirait pas de Cisjordanie. En réponse à ces actions, le secrétaire d’État aux collectivités locales, Sajid Javid rappelait : “Nous ferons cesser une fois pour toutes ces boycotts inappropriés et inutiles”. Le Secrétaire du Cabinet Matthew Hancock avance que l'interdiction de boycott “aidera à empêcher des politiques étrangères locales préjudiciables et contre-productives susceptibles de nuire à notre sécurité nationale”. 

« Nous ferons cesser une fois pour toutes ces boycotts inappropriés et inutiles

Ryvka Barnard, responsable des campagnes de l'organisation britannique War on Want [guerre à la misère], avance que le gouvernement britannique essaie de couler la campagne de Boycott, Désinvestissement Sanctions (BDS) – appelant, entre autres, à mettre fin à l'occupation israélienne des territoires palestiniens – et d'autres groupes luttant contre la vente d'armes, dans le cadre d'une répression générale des droits de l'homme et de la liberté de choix des consommateurs.

Ryvka Barnard, de @WarOnWant – le gouvernement cible explicitement le mouvement BDS et les anti-commerce des armes, un élément de la répression générale des libertés par le gouvernement

Autoriser les abus israéliens

La réglementation qui interdira les boycotts est supposée suivre l’Accord sur les marchés publics [fr] (AMP) de l'Organisation Mondiale du Commerce, consacré à l'accès au marché international. L’accord [fr] a “ouvert des activités de fournitures d'une valeur estimée à 1,7 milliards de dollars annuels à la concurrence internationale (par exemple aux fournisseurs de parties à l'AMP proposant des biens, des services ou des prestations de bâtiment et travaux publics). “Alors qu'il peut être gênant pour le Royaume-Uni de le reconnaître, War on Want souligne que l'AMP “autorise tout à fait les boycotts/exclusions de sociétés en raison de leurs pratiques, et pas seulement arbitrairement en raison de leurs pays d'origine”.

La législation britannique s'oriente actuellement vers les combustibles fossiles, les produits du tabac, les produits fabriqués dans les colonies israéliennes de Cisjordanie, et les sociétés impliquées dans le commerce des armes. Andrew Smith du CAAT argumente que ces limitations pourraient avoir de graves répercussions sur toutes les organisations de plaidoyer.

L'objectif principal de l'interdiction de boycott au Royaume-Uni est de proscrire les pressions en faveur d'un embargo à double sens des armes concernant Israël, faites par des mouvements comme War on Want et des conseils municipaux souhaitant boycotter les produits des colonies israéliennes. Par conséquence, la loi anti-boycott obligera les institutions publiques à se soumettre aux intérêts de la politique étrangère britannique, une mesure éclairante à la lumière de son commerce des armes, s'agissant en particulier d'Israël.

La loi anti-boycott obligera les institutions publiques à se soumettre aux intérêts de la politique étrangère britannique

Les demandes de licences d'exportation d'armes britanniques sont en principe “évaluées au cas par cas d'après des critères stricts,” avec la prohibition d'armes destinées aux agressions extérieures, à la répression intérieure ou à d'autres activités criminelles. Mais les conditions dans lesquelles une arme spécifique est classée dans une catégorie ou une autre restent opaques.

En pratique, il semble qu'une évaluation minimale soit effectuée. Ces critères font l'objet de libres interprétations et très peu de licences d'exportation d'armes ont été refusées ou révoquées. D'après Barnard, il ressort que le Royaume-Uni ne régule pas de façon appropriée les ventes d'armes : tout en marquant Israël selon sa procédure d'évaluation comme un pays à surveiller, il y a approuvé en 2016 plus de £100 million (117 millions d'euros) d'exportations d'armes. 

Le commerce bilatéral des armes Royaume-Uni – Israël

Le commerce des armes entre Royaume-Uni et Israël est mutuellement profitable et très fructueux pour les deux gouvernements.

Avec un secteur militaire composé de plus de 200 entreprises privées et publiques et une publicité promettant des armes “testées sur le terrain dans les territoires palestiniens occupés”Israël est devenu le principal exportateur de drones dans le monde. En 2012, il était classé sixième exportateur d'armes avec une valeur d'exportations doublée, de 3,5 milliards de dollars US de 2004 à 2007 à 7,1 milliards de dollars de 2008 à 2011.

Israël vend pour des millions de livres sterling d'armes au Royaume-Uni, et la société de sécurité informatique Elbit Systems a aidé le Royaume-Uni avec 110 millions de dollars de technologie de drones utilisés en Afghanistan et Irak. En même temps, l'armée et les sociétés israéliennes dépendent des sociétés de défense britanniques spécialisées pour les armes “à double usage” pouvant être utilisées lors de déploiements militaires et civils.

Le CAAT, War on Want et Palestine Solidarity Campaign (PSC) [campagne de solidarité pour la Palestine] documentent cette relation dans un rapport commun intitulé Arming Apartheid: UK complicity in Israel’s crimes against the Palestinian people” [Armer l'apartheid : le Royaume-Uni est complice d'Israël dans ses crimes contre le peuple palestinien].

Ce rapport analyse le rôle de G4S, une des plus grandes sociétés de sécurité au niveau mondial, basée au Royaume-Uni. Accusée de complicité dans une série d'abus, la société a mis un terme en 2014 à une partie de son activité en Israël ; mais la campagne contre G4S est loin d'être terminée. 

Manifestation contre le G4S par “War on Want” le 10 mars 2016. Source : Facebook

En 2005, le ministre de la défense a attribué un contrat d'investissement de près d'1 milliard de livres [1,17 milliard d'euros] à UAV Tactical Systems Ltd (U-TacS), une co-entreprise de Thales UK et Elbit Systems. Il assure le développement du drone de surveillance britannique Watchkeeper WK450, signalé par War on Want comme un modèle ayant été testé “sur le terrain”  dans les territoires occupés palestiniens lors des bombardements de Gaza.

Le Royaume-Uni accorde aussi des licences aux sociétés vendant des composants d'armes à Israël, y compris le drone Hermes. L'armée israélienne utilise ce drone pour surveiller et bombarder les Palestiniens de Gaza. Notamment en 2014 lors de l'Opération Bordure Protectrice qui a tué environ 1 460 Palestiniens. 

En se servant de technologies avancées de surveillance pour identifier les cibles et guider les frappes de missiles tout comme de bombes intelligentes, le drone Hermes était présenté par l'aviation israélienne comme le “pilier de ses missions de ciblage et de reconnaissance.”

Le Royaume-Uni fournit à Israël non seulement des drones, technologies de drones, pièces détachées d'armes, armes de contrôle, de l'équipement de ciblage et des munitions, mais aussi des gilets pare-balles, des munitions d'armes légères et des véhicules blindés dont beaucoup utilisés pour repérer, réprimer et tuer les Palestiniens. 

Il est clair que si la loi sur le boycott se met en place comme prévu, elle restreindra les libertés publiques. Faire des appels non-violents au boycott et au désinvestissement une infraction pénale intimidera les institutions publiques et leur refusera la possibilité de se désolidariser du commerce d'armes bien ancré et en pleine expansion entre le Royaume-Uni et Israël. Le directeur du programme britannique des relations économiques d'Amnesty International UK Peter Frankental pose la question :

Comment motiver les entreprises à vérifier qu'il n'y ait pas de violations des droits de l'homme… quand les institutions publiques ne peuvent en tenir compte pour motiver leur refus de leur attribuer des marchés ? 

Suzanne Lehn a contribué à cette traduction.

Après 14 mois d'état d'urgence au Venezuela, Maduro met le parlement hors jeu

mercredi 5 avril 2017 à 23:51

L'Assemblée Nationale vénézuélienne, caricature de Eduardo Sanabria. Utilisée avec autorisation.

Le Venezuela retient son souffle dans l'attente de ce qui arrivera depuis que le Tribunal Suprême de Justice assume les fonctions de l'assemblée nationale et a habilité le président Nicolás Maduro à reprendre certaines fonctions législatives propres de cet organisme

Selon le déluge d'opinions dans les médias en ligne qui ont permis au sujet d'avoir un écho mondial, ce qui s'est passé n'est ni plus ni moins qu'un auto-coup d'Etat, la dernière étape dans la progression de l'autoritarisme né des deux dernières années de crise politique et institutionnelle au Venezuela. Comme le décrit secrétaire général de l'OEA, Luis Almagro :

Je dénonce l'auto coup d'Etat perpétré par le régime vénézuélien contre l'assemblée nationale.

D'autres, comme le journaliste espagnol Antonio Maestre, ont tenté d'accuser l'opposition vénézuélienne d'avoir réclamé un coup d'Etat.

Je dirais que le coup d'Etat était ce que demandait l'opposition. C'est ce qu'il me semble.

La situation continue à évoluer rapidement. La procureure générale du Venezuela Luisa Ortega a déclaré par la suite que l'invalidation de l'Assemblée Nationale était inconstitutionnelle, prenant ainsi le contre-pied du gouvernement. La télévision d’État a coupé la diffusion pendant son allocution.

L'estocade finale

L'invalidation du parlement est la dernière d'une série de restrictions aux pouvoirs de la représentation nationale depuis que l'opposition a gagné les élections de décembre 2015.

Juste avant que l'opposition prenne le contrôle des deux tiers de l'Assemblée Nationale le 6 janvier 2015, les députés chavistes sortants ont réussi à changer de façon irrégulière les magistrats du Tribunal Suprême de Justice. Le journaliste Eugenio Martínez se souvient que la majorité de ces nouveaux magistrats ne remplissaient pas les prérequis pour ce poste.

21 des 32 magistrats du TSJ ne remplissent pas les prérequis constitutionnels et légaux pour occuper ces postes

Certains magistrats de la cour suprême du pays étaient avant leur nomination des militants du Parti Socialiste Unifié du Venezuela au pouvoir, comme par exemple Calixto Ortega. Ainsi, il n'y a aucune garantie d'impartialité dans l'application de la justice.

C'est pour cela que quand le chavisme a perdu le contrôle de l'assemblée nationale, en janvier 2016, il a décidé d'en geler les pouvoirs depuis leur bastion du Tribunal Suprême de Justice. Une de ses premières décisions a été d'accuser l'assemblée d’ “outrage” en ignorant ses lois et éviter les interpellations et les enquêtes. Il a été jusqu'à bloquer les enquêtes de corruption que menait le député Freddy Guevara sur le détournement de plus de 11 milliards de dollars.

Comme preuve de son encerclement de l'assemblée nationale, le Tribunal suprême de Justice a réduit le budget du parlement pour que les députés ne reçoivent plus de salaire. C'est ainsi queles députés ne touchent plus leur salaire d'à peine 38 dollars par mois, depuis plus de 10 mois.

Un calme tendu

Cependant, bien que les gens doivent gérer la vie quotidienne, sur les réseaux il y a eu beaucoup de commentaires sur le coup d’État du pouvoir exécutif et judiciaire contre le législatif.

Pour Emilia Lobo, twitteuse et avocate, cette décision est juste la formalisation d'un processus qui était déjà en marche depuis que l'opposition a commencé à devenir majoritaire dans le pays.

Le jugement N°156 du TSJ n'est pas un coup d’État, c'est la déclaration formelle que le coup d'Etat se déploie depuis 4 ans

Le député Luis Florido a argué que le coup d’État est une décision hâtive et désespérée désespérée du gouvernement affaibli de Maduro :

La dictature de Maduro a lancé un coup d’État parce qu'elle sait qu'elle se trouve dans ses derniers moments et qu'elle ne peut pas refuser une sortie électorale

Pour Nathaly Quiroga, il n'y a pas de doute qu'il s'agit d'un coup d'Etat :

Celui qui doute qu'au Venezuela il s'est produit aujourd'hui un coup d’État est un ignorant, et ne connaît pas la constitution de notre pays!!!

Víctorá Márquez, professeur d'université, a rappelé d'autres cas de dictateurs en Amérique Latine qui ont éliminé leurs parlements :

Stroessner au Paraguay, Costa e Silva au Brésil, Fujimori au Pérou et Maduro ont dissout le parlement. Nous nous réveillons avec un coup d’État !

Et Nakira a utilisé le mème humoristique du mois pour expliquer pourquoi il était intelligent de faire un coup d’État un jours de paye :

Si tu fais un coup d’État le week-end autour du 15, les gens boivent la paie et déjà le lundi, personne ne se souvient de rien.

Par ailleurs, certains se sont étonnés de l'apparente passivité avec laquelle le pays, en dehors des réseaux sociaux, a reçu la nouvelle :

Je continue à ne pas croire que nous soyons face à un coup d’État et que le pays soit juste si calme et les politiques restent à ne rien faire

Je n'aurais jamais pensé qu'un coup d’État soit aussi tranquille et calme comme celui que nous vivons actuellement au Venezuela

D'autres, comme l'historien et rédacteur en chef adjoint du journal El Nacional, ont critiqué ce calme :

Il semble que nous allons regarder en silence la fermeture de l'AN. Déplorable si c'est ainsi.

Les nouvelles attributions du président

Les dernières décisions du Tribunal Suprême de Justice sont de deux ordres : ordonner au président Nicolás Maduro de légiférer sur différents sujets, même en droit pénal, pour éviter un “état de troubles” au Venezuela. Le second ordre a été de s'octroyer tous les pouvoirs sous couvert de l’ “outrage” déclaré de la branche législative.

Naky Soto, dans son résumé quotidien pour Caracas Chronicles, s'est référée aux attributions données à Maduro :

Le Tribunal Suprême de Justice a jugé que Nicolás devait revoir plusieurs lois pour éviter les risques qui pourraient mettre en danger la stabilité et la gouvernance du pays, y compris l'évaluation de la performance des organisations internationales dont le Venezuela est membre.

Le Tribunal Suprême souligne la possibilité de réévaluer si le Venezuela se maintiendra dans les organismes internationaux, puisque toute décision ou critique portant sur le Venezuela dans les forums mondiaux est interprétée par le gouvernement Maduro comme un acte d'ingérence étrangère. De cette façon, le Venezuela s'est peu à peu isolé dans les endroits où on lui reproche le non-respect continu des droits civils des Vénézuéliens, comme la suspension des élections en 2016, l'existence de dizaines de prisonniers politiques, ou les plus de 14 mois d'”état d'urgence” qui ont permis à Nicolás Maduro de gérer seul le budget du pays sans rendre de comptes au parlement.

Ceci ne signifie pas que le Venezuela est isolé. Dans des institutions comme l'Organisation des États Américains (OEA), il compte encore sur le soutien de pays qui ont profité de sa politique pétrolière et des cadeaux faits par Hugo Chávez et Nicolás Maduro, ou l'indifférence des pays qui ne souhaitent pas entrer dans un conflit régional. C'est ce qui permet de douter que le Venezuela puisse se voir appliquer la Charte Démocratique Interaméricaine de l'OEA, ce qui l'empêcherait d'être membre de cet organisme. Lors de l'assemblée extraordinaire du 29 mars, 20 pays ont approuvé un examen de la situation du Venezuela, mais il faut 24 votes pour poursuivre la procédure.

D'un autre côté, le premier pays de la région qui a condamné les derniers événements a été le Pérou, qui a décidé de rappeler son ambassadeur au Venezuela en signe de protestation.

Les organisations des Droits de l'Homme comme PROVEA n'hésitent pas à déclarer que le Venezuela est une dictature, et ce depuis octobre 2016 quand le gouvernement a empêché la tenue des élections. Dès avant l'invalidation de l'assemblée nationale, PROVEA qualifiait la situation de démocratie compromise sur la voie de la dictature.

Le TSJ annule définitivement l'Etat de droit et consolide la dictature (#DictaduraEnVenezuela) en privant de pouvoir l'AN

Le Centre des droits de l'homme de l'université catholique Andrés Bello, Espacio Público et d'autres organisations non gouvernementales qualifient les actes de l'exécutif et du judiciaire de rupture de l'ordre constitutionnel.