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Les ‘Seigneurs de l'art’ d'Afghanistan peignent le changement dans la rue

vendredi 24 mai 2019 à 21:12

Le message social intransigeant du collectif attire amis et menaces

Omid Sharifi au travail. Photo : Art Lords, utilisée avec autorisation.

Tout a commencé avec le rêve de deux garçons de Kaboul, Omid Sharifi et Kabir Mokamil, qui voulaient reprendre l'Afghanistan “aux voleurs et aux corrompus”. Les espaces urbains sous pression de la capitale Kaboul étaient une toile qui attendait.

C'est ainsi que les Art Lords (‘Seigneurs de l'Art’, Association d'art et de culture afghans, sont nés en 2015.

“Nous voulions lancer un mouvement populaire pour changer les perceptions publiques — un mouvement qui puisse produire la transparence et la responsabilité”, a répondu Sharifi à Global Voices lors d'un entretien au siège de l'association.

L'art urbain aide les gens à questionner, explique l'artiste âgé de 31 ans. “En fin de compte, seuls les gens peuvent tenir responsables les corrompus !”

Murs pare-souffle et au-delà

Il fallait que Kaboul, une ville autrefois belle, aujourd'hui détruite par des décennies de guerre, redevienne belle, ont décidé Sharifi and Mokamil.

Leurs premières cibles de street art furent les murs pare-souffle montés sans bruit dans toute la capitale pour sécuriser les infrastructures frappées par les explosions.

Mais pour donner une portée nationale à leur message, le collectif a dû s'étendre hors de la ville. Avec le temps, ils ont étendu leurs activités à 17 des 34 provinces de l'Afghanistan, parmi lesquelles plusieurs qui restaient très dangereuses.

A ce jour, ils ont réalisé près de 600 peintures murales, tandis que pendant l'année dernière à elle seule ils ont monté plus de 50 représentations de théâtre de rue.

Sharifi voit les Seigneurs de l'Art comme des “soldats sur les lignes de front de la bataille contre l'injustice”. Les thèmes favoris du groupe comptent l'égalité de genre, les droits des enfants et la bataille contre les dessous-de-table.

Les compagnies de télécommunication éhontées d'Afghanistan volent les plus pauvres de la Terre. #JeVousVois La corruption n'est pas cachée de Dieu et du regard humain.

Dans le cadre du mouvement Se réapproprier Kaboul, 50 rues dans tout Kaboul ont reçu le nom de personnalités féminines afghanes. L'objectif de cette opération est de souligner que Kaboul appartient à tout le monde et pas seulement aux fonctionnaires corrompus, aux seigneurs de guerre et aux criminels. Occuper Kaboul avec empathie, amour et bonté.

Le financement du projet des Art Lords vient de sources privées, d'organisations et de gouvernements étrangers, mais trouver de l'argent a toujours été un défi pour une organisation qui a grandi jusqu'à inclure 17 permanents et 41 employés à temps partiel. Une partie des recettes finançant le projet proviennent d'une cafétéria située sous les bureaux des Art Lords et qui sert de lieu pour des événements de culture populaire.

‘Des menaces, il y en a’

L'ambivalence des autorités envers le projet, surtout aux échelons inférieurs, a parfois créé des difficultés aux Art Lords.

Mais le collectif peut aussi compter sur le soutien de contacts dans l'administration, et bénéficie de partenariats avec des écoles et des universités.

C'est toujours fabuleux de peindre avec des étudiants. Nous sommes à l'Université Kardan cette semaine.

Magnifiques. L'espoir d'un Afghanistan coloré ! Et espoir de voir les couleurs de @ArtLordsWorld dans toutes les écoles d'Afghanistan, dont le Lycée Rabia-e-Balkhi que j'ai fréquenté quelques années.

Sharifi appelle le travail du collectif “une manifestation contre (le chef des talibans) Mollah Omar, la corruption, et la drogue”. Une position civique sans ambiguïté qui a valu aux Art Lords de recevoir des menaces directes à au moins huit reprises, dit-il.

Mais Sharifi défend aussi qu'à certains égards, leurs vies ne diffèrent en rien de celle de n'importe qui dans un pays où “l'insécurité est une réalité de la vie comme manger, boire et dormir”.

“Il y a des menaces, des peurs réelles, et nous avons de graves problèmes psychologiques, mais quel choix avons-nous?”, s'interroge-t-il. “Que pouvons-nous faire d'autre ?”

Nouvelles peintures murales : L'Afghanistan dit non au mariage des enfants !

Art Lords sans frontières ?

Le travail des Art Lords est internationalement reconnu et a été sélectionné récemment aux Prix de la Liberté d'expression 2019 dans la catégorie ‘arts’, dans laquelle le collectif a cédé la place à la peintre et journaliste politique kurde Zehra Doğan.

Actuellement, le collectif cherche à évoluer pour devenir une organisation internationale travaillant sur la liberté de la presse en Asie du Sud et dans les pays du Moyen-Orient. Des projets d'ouverture d'une filiale Art Lords aux USA et une galerie d'art afghan à Dubaï sont dépendants d'une vision financièrement viable.

Au début de ce mois, les Lords ont travaillé leur magie pendant une exposition dans la cité suisse de Lugano.

Quand les murs prennent du cœur, ça fait danser.

Mais le public premier du groupe sera toujours le peuple d'Afghanistan, pour lequel la compassion profonde de Sharifi a transparu lors de l'entretien qu'il a donné à GV :

The common people like this work. The art is for them. They have never had a painting on their walls. They have never held a paintbrush in their hands. Art has alway been reserved for the 5% of upper class residents in Afghanistan — the (former) royal family and the notables. But our work is for the common people. We want them to engage in the process.

Ce travail plaît aux gens ordinaires. L'art est pour eux. Ils n'ont jamais eu de peinture sur leurs murs. Ils n'ont jamais eu de pinceau dans les mains. L'art a toujours été réservé aux 5 % de classe supérieure d'Afghanistan : l'(ex-)famille royale et les notables. Mais notre travail est pour les gens ordinaires. Nous voulons qu'ils participent à la création.

Global Voices recherche son Directeur/sa Directrice d'Advocacy

jeudi 23 mai 2019 à 18:26

Global Voices recherche un.e Directeur/Directrice de sa division Advocacy pour guider nos activités d'information, de militantisme et de recherche dans le domaine de la liberté d'expression et des droits numériques.

Nous recherchons des candidat.es ayant une connaissance approfondie des questions mondiales de droits numériques, l'expérience de la conception et la construction de médias, de projets de recherche et de plaidoyer, de l'écriture sur et du plaidoyer pour les droits numériques, et du travail dans une équipe décentralisée.

Global Voices est une organisation mondiale et virtuelle, avec du personnel permanent, des prestataires sous contrat et des contributeurs bénévoles sur tous les continents. Nos contributeurs assurent l'écriture, la recherche, le plaidoyer et la traduction pour faire connaître les histoires et idées des quatre coins du monde qui sont peu représentées dans les grands médias traditionnels.

Nous sommes conscients que les droits humains universels que sont la liberté d'expression, l'accès à l'information, et la vie privée sont défiés par les États, les entreprises, et d'autres puissants acteurs à travers le monde. Nous croyons que la communauté Global Voices a une position privilégiée pour documenter et expliciter ces menaces. Notre projet Advox vise à s'appuyer sur ce qui fait notre force : nos réseaux, notre savoir, et les voix que nous amplifions – pour démontrer les nombreux moyens par lesquels la technologie peut faciliter et servir la violation des droits humains, avec un accent particulier sur la liberté d'expression.

Le Directeur/La Directrice d'Advocacy guidera ces actions, à la fois comme leader et comme mentor pour les nombreux membres de notre communauté qui œuvrent à mettre en lumière les menaces sur les droits numériques et la liberté d'expression dans leurs pays. Il ou elle servira de pont entre la communauté Global Voices et d'autres groupes et réseaux clés de militants et spécialistes des droits numériques à travers le monde. Le ou la candidat.e idéal.e démontrera sa capacité à soutenir, connecter et amplifier les multiples voix qui s'élèvent sur ces questions.

Le Directeur/La Directrice d'Advocacy travaillera avec notre communauté décentralisée de bénévoles et notre équipe de rédaction pour superviser nos productions éditoriales stratégiques sous le nom Advox. Il ou elle fera aussi partie de l'équipe de direction centrale de Global Voices.

Le ou la candidat.e idéale maîtrisera l'anglais et au moins une autre langue, et aura au moins trois années d'expérience dans les domaines suivants :

Et posséder des compétences prouvées dans les domaines suivants :

Les candidat.es devront démontrer un engagement fort envers la mission et les valeurs de Global Voices.

Aucun prérequis géographique n'est associé à ce poste ; Global Voices n'a ni bureaux ni siège physique. Les candidat.es doivent avoir un accès constant et fiable à une connexion internet haut débit, se sentir à l'aise en travaillant dans un environnement totalement virtuel, et être disposé.e.s à effectuer cinq voyages internationaux par an. Le Directeur ou la Directrice d'Advocacy rend compte au Directeur exécutif et au Directeur général de Global Voices.

Nous sommes très heureux de recevoir des candidatures provenant de pays hors d'Amérique du Nord et d'Europe occidentale, et  encourageons les contributeurs et contributrices actuel.les de Global Voices à postuler.

Le poste est à quasi temps plein ou temps plein, mais sera traité comme un contrat de travailleur indépendant.

Pour candidater, merci d'envoyer les éléments suivants à jobs AROBASE globalvoices POINT org :

Les candidatures seront acceptées jusqu'au 15 juin 2019 minuit EST (GMT -4), dernier délai.

Un Mozambicain remporte une compétition de culturisme à Hong Kong

jeudi 23 mai 2019 à 17:19
Bruno Saraiva vence prémio de Hong Kong | foto cedida por Bruno (20.04.2019)

Bruno Saraiva a remporté une compétition à Hong Kong | image cédée gracieusement par Bruno (20.04.2019)

[Tous les liens sont en portugais, sauf mention contraire]

Le 17 avril dernier, le Mozambicain Bruno Saraiva a remporté une compétition internationale de culturisme, à Hong Kong.

Après avoir battu ses cinq concurrents, l’athlète se classa premier de la catégorie classique (classic physique) – la plus populaire et la plus importante des catégories – dans laquelle le sportif doit exposer sa musculature en adoptant différentes postures.

Bruno a également terminé à la première place des “toutes catégories”, faisant de lui le meilleur athlète de la compétition.

Il a ainsi pris part à trois catégories du Hong Kong Bodybuilding:  men’s physique, men’s fitness et model. La prochaine compétition se tiendra le 23 juin [anglais].

Lors d’une interview sur Facebook, Saraiva souligna qu’il s’agissait de sa première participation à une compétition de cette envergure, et qu’il disposa de peu de temps pour se préparer:

Eu fui preparado pelo Castro Cazé em apenas poucos dias e lá fomos fazer as inscrições, e ele disse Bruno tu vais fazer a categoria que eu sempre quis que fizesses: a mais conhecida por Classic Physique e logo na minha primeira aparição ganhei na minha categoria e fui ganhar ainda o overall, como se fosse chamar todos os primeiros lugares da tua categoria.

Je me suis entraîné avec Castro Cazé pendant quelques jours seulement, puis nous nous sommes inscrits. Il m’a dit Bruno tu vas participer à la catégorie dont j’ai toujours rêvé pour toi : la Classic Physique, la plus connue. Dès ma première apparition, j’ai remporté ma catégorie puis le classement général des toutes catégories.

Suivi par plus de 24 000 personnes sur son compte Instagram, l’athlète, qui réside dans la capitale mozambicaine Maputo, est l’une des références en matière de culturisme au Mozambique.

Le bodybuilding, ou culturisme, est ainsi défini sur Wikipédia [français] :

É o desporto que se baseia no uso de exercícios de resistência progressiva para controlar e desenvolver os músculos do corpo, a melhor formação muscular. Um indivíduo que se engaja nesta atividade é referido como um fisiculturista. Sua disputa ocorre em apresentações coletivas ou individuais, de comparação e os critérios são: volume, simetria, proporção e definição muscular.

C’est une discipline qui consiste principalement à développer sa masse musculaire dans un but esthétique. Les culturistes professionnels exposent le fruit de leur travail lors de compétitions pendant lesquelles ils doivent défiler devant un jury qui évalue leur développement musculaire, leur définition, leur harmonie générale, et les classe selon un barème.

Saraiva a partagé dans un post Instagram sa joie d’avoir remporté la victoire à Hong Kong :

Obrigado pela vitória senhor. É com muita alegria que tenho o prazer de anunciar e compartilhar com todos vocês a minha vitória na categoria Classic Physique e tendo vencido o overall na competição global clássica em Hong Kong.

Merci pour cette victoire. C’est avec une grande joie que j’ai le plaisir d’annoncer et de partager avec vous tous ma victoire dans la catégorie Classic Physique et les toutes catégories, à Hong Kong.

Toutefois, Bruno confiait également les difficultés rencontrées pour se déplacer jusqu’à Hong Kong :

Por favor meu amigo/a leia esta mensagem com muito carinho, porque essa é a mais pura realidade, não tenho vergonha de dizer e sei que muitos vão se emocionar: quando estava pra vir a Hong Kong pra competir andei em vários sítios batendo as portas pedindo apoio, falei com varios amigos que alguns eu tinha a certeza que pudessem ajudar, e as respostas de alguns eram:

1. Bruno tu não vas conseguir ou seja não tens chances de ganhar e nem de ficar entre os melhores;
2. Outros diziam que não me podiam ajudar porque seria deitar fora o dinheiro;
3. Outros ate disseram Bruno você deve fumar muita maconha.

S’il vous plaît mes amis, lisez ce message avec beaucoup de gentillesse, car c’est la pure réalité, je n’ai pas honte de le dire et je sais que beaucoup seront émus : alors que je devais me rendre à Hong Kong, je suis allé frapper à plusieurs portes, j’ai parlé à des amis car j’étais sûr que certains d’entre eux pourraient m’aider, et voici ce que certains m’ont répondu :
1. Bruno tu n’y arriveras pas, ou tu n’as aucune chance de gagner ou de figurer parmi les meilleurs ;
2. D’autres affirmaient qu’ils ne pouvaient m’aider car ce serait jeter l’argent par les fenêtres ;
3. D’autres encore me disaient Bruno, vous devez fumer un peu trop de marijuana.

A la Biennale de Venise 2019, les Balkans occidentaux se tournent vers le passé et le futur

jeudi 23 mai 2019 à 12:57

La Biennale de Venise est ouverte du 11 mai au 24 novembre 2019.

Pavillon de la Macédoine du Nord, 58ème Exposition internationale d'Art contemporain, la Biennale de Venise, May You Live In Interesting Times. Photo: La Biennale di Venezia, utilisée avec autorisation.

C'est à cette époque de l'année : le décor est la ville italienne de Venise et le sujet, l'art sous toutes ses formes.

La Biennale de Venise 2019, ou 58ème Exposition internationale d'Art contemporain, a pour titre “May You Live In Interesting Times”. Ce titre, littéralement “Puissiez-vous vivre des temps intéressants”, est une locution anglaise inventée qui a longtemps été citée à tort comme une antique malédiction chinoise invoquant des temps d'incertitude, de crise et de bouleversements.

La Biennale expose des artistes de 89 pays dont les œuvres sont montrées dans les pavillons historiques des Giardini, de l'Arsenal et du centre historique de Venise. Dans le nombre, on trouve les pays des Balkans occidentaux qui voient dans l'exposition une excellente opportunité de mettre en valeur leurs artistes au-delà de leurs frontières.

Fréquemment, l'art moderne peut sembler “trop” pour les sociétés de ces pays, habituées à préférer le réalisme socialiste dans l'art, héritage de leur passé communiste.

Ce qui n'est pas le cas à la Biennale de Venise, où l'art n'a pas de limites.

Pavillon de l'Albanie, 58ème Exposition internationale d'Art contemporain, la Biennale de Venise, May You Live In Interesting Times. Photo: La Biennale di Venezia, utilisée avec autorisation.

Le passé rencontre le futur dans le présent

L'Albanie est représentée à la Biennale par Driant Zeneli, qui a apporté une installation vidéo sculpturale intitulée Le cosmos n'est peut-être pas si extraordinaire. Selon la description par le site officiel de la Biennale :

It develops from a two-channel film set in the mines of Bulqizë, a city in the northeast of the country where, since 1918, the chrome mineral has been extracted. The film stages a group of teenagers discovering a cosmic capsule which follows the journey of chrome, from its extraction and processing inside the factory to its exportation and worldwide exploitation. This ‘geopolitical’ space travel thus turns this shady and dramatic industrial environment into an ambivalent space for collapse and takeoff.

Elle se développe à partir d'un dispositif de film en stéréo dans les mines de Bulqizë, une ville du nord-est du pays où, depuis 1918, est extrait le minerai de chrome. Le film met en scène un groupe d'adolescents découvrant une capsule spatiale qui suit le parcours du chrome, depuis son extraction et traitement dans l'usine jusqu'à son exportation et exploitation mondiale. Ce voyage “géopolitique” dans l'espace transforme ainsi cet environnement industriel opaque et dramatique en espace ambivalent d'effondrement et de décollage.

Biennale d'Art 2019 Participations nationales Albanie 2019 Pavillon albanais Ouverture aujourd'hui à l'Arsenal de “Peut-être que le cosmos n'est pas si extraoridinaire”. Driant Zeneli a réalisé une vidéo sculpturale, un voyage “géopolitique” dans l'espace à travers un environnement industriel opaque et dramatique.

Danica Dakić représente la Bosnie-Herzégovine à la Biennale. Le site officiel site présente ainsi son installation :

[It] reflects on the poetics of human existence against the background of contemporary post-transition reality in the city of Zenica while collaborating with some of its protagonists. At one time the symbol of Yugoslav modernist progress, Zenica was left struggling after the Bosnian War. Dakić investigates the heritage of modernity, from Bauhaus to the utopian paradigms of international and Yugoslav socialist modernism. The three-video works dissolve the divisions between stage and audience, the real and the imagined city.

[Elle] médite sur la poétique de l'existence humaine sur fond de la réalité contemporaine de la post-transition dans la ville de Zenica avec la collaboration de certains de ses protagonistes. À une époque symbole du progrès moderniste yougoslave, Zenica a dû lutter pour sa survie après la guerre de Bosnie. Dakić explore le legs de la modernité, du Bauhaus aux paradigmes utopistes des modernismes socialistes international et yougoslave. Les trois œuvres vidéo dissolvent les divisions entre scène et public, entre ville réelle et imaginaire.

Pavillon de la Bosnie-Herzégovine,  58ème Exposition internationale d'Art contemporain, la Biennale de Venise, May You Live In Interesting Times. Photo: La Biennale di Venezia, utilisée avec autorisation.

Dakić est la première artiste femme à représenter la Bosnie-Herzégovine à cette exposition internationale d'art.

Pour marquer l'ouverture au public de la 58ème Biennale de Venise aujourd'hui, retrouvez notre entretien avec Danica Dakic, la première artiste femme à représenter la Bosnie à cette exposition internationale d'art.

Alban Muja apporte à la Biennale de Venise avec des souvenirs de la guerre du Kosovo avec une installation vidéo du nom de Album de famille. Le site web officiel de la Biennale décrit :

[It] questions the role that images and the media play in constructing and shaping narrative, identity, and history, especially in times of conflict. Twenty years after the end of the war, Muja invites four young adults to ruminate on childhood photos taken by photojournalists that show them fleeing their homes. The faces on the screen react not so much to history as it actually happened, but as it was represented.

[Elle] interroge le rôle que les images et les médias jouent dans la construction et le façonnage du récit, de l'identité et de l'histoire, surtout en temps de conflit. Vingt ans après la fin de la guerre, Muja invite quatre jeunes adultes à méditer sur des photos d'enfance prises par des photojournalistes qui les montrent fuyant leurs foyers. Les visages sur l'écran réagissent à l'histoire moins comme elle s'est véritablement déroulée qu'à sa représentation.

Pavillon du Kosovo, 58ème Exposition internationale d'Art contemporain, la Biennale de Venise, May You Live In Interesting Times. Photo: La Biennale di Venezia, utilisée avec autorisation.

Le pavillon du Kosovo est un espace simple, direct et passionné, avec des écrans vidéo montrant des interviews de jeunes adultes partageant des souvenirs éprouvants d'avoir été enfants pendant la guerre du Kosovo de 1998-1999.

Une Odyssée de Vesko Gagović, du Monténégro, est inspirée par le film de Stanley Kubrick 2001, l'Odyssée de l'espace. Voici la description du site officiel de la Biennale :

It leads us through time, through spiritual expanses from prehistory to the present. The artist’s inspiration found its starting point in Stanley Kubrick’s 2001: A Space Odyssey.

[L'oeuvre] nous conduit à travers le temps, à travers les étendues spirituelles depuis la préhistoire jusqu'au présent. L'inspiration de l'artiste a trouvé son point de départ dans 2001, l'Odyssée de l'espace de Stanley Kubrick.

Dans une conversation avec Dobrila De Negri, Vesko Gagovic parle de son intervention à la Biennale pour le Pavillon du Monténégro. Son projet ODISEJA dérive du film 2001, l'Odyssée de l'espace.

Pavillon du Monténégro, 58ème Exposition internationale d'Art contemporain, la Biennale de Venise, May You Live In Interesting Times. Photo: La Biennale di Venezia, utilisée avec autorisation

L'artiste Nada Prlja de Macédoine du Nord revisite les concepts de la théorie marxiste et les aspects du modernisme dans une série d'installations. Le site officiel de la Biennale décrit son projet, appelé Subversion au rouge :

While enabling a subversion of both the harsh nature of capitalism and the rigidity of socialist times, artist Nada Prlja of North Macedonia employs artistic and non-artistic methodologies, including a performance-based debate (featuring key political theorists) and installations which redefine a number of socialist-era artworks.

Tout en rendant possible une subversion à la fois de la nature impitoyable du capitalisme et de la rigidité de l'ère socialiste, l'artiste nord-macédonienne Nada Prlja emploie des techniques artistiques et non-artistiques, dont un débat basé sur la performance (faisant intervenir des théoriciens politistes importants) et des installations qui redéfinissent un certain nombre d'oeuvres d'art de l'époque socialiste.

Le pavillon macédonien présente “Subversion au rouge” de Prija Nada au Palazzo Rita Ivancichn Castello 4421. Le projet recherche des formes alternatives d'art et de société, en revisitant des théories et œuvres d'art spécifiques du passé.

Recouvrer la mémoire perdue de Djordje Ozbolt, de Serbie, présente de nouvelles peintures et sculptures traitant de la mémoire personnelle et collective. Le site web officiel les décrit :

The works in themselves are interpretations, a subjective view of the past from the perspective of the present moment. Ozbolt questions the role of the artwork in distilling the truth: in its imagined unreality, the works reveal their memory to be false, however as artistic representation, they are true.

Les œuvres elles-mêmes sont des interprétations, une vision subjective du passé du point de vue du moment présent. Oebolt questionne le rôle de l’œuvre d'art pour distiller la vérité : dans leur irréalité imaginée, les œuvres font apparaître la fausseté de leur mémoire, malgré leur vérité de représentation artistique.

Pavillon de la Serbie, 58ème Exposition internationale d'Art contemporain, la Biennale de Venise, May You Live In Interesting Times. Photo: La Biennale di Venezia, utilisée avec autorisation.

Cet utilisateur de Twitter a ressenti une certaine yougo-nostalgie en visitant le pavillon serbe.

Ai passé les quatre derniers jours à la Biennale de Venise comme invité de la délégation serbe. Djordje Ozbolt a créé les œuvres dans ce qui était le pavillon yougoslave et que la Serbie utilise aujourd'hui. Je n'ai pas pu m'empêcher d'éprouver un peu de yougo-nostalgie.

La Biennale di Venezia (son nom en italien), qui a ouvert ses portes le 11 mai, accueillera les visiteurs jusqu'au 24 novembre 2019.

Les thèmes de l'édition de cette année comprennent entre autres les crises internationales, comme la migration :

La carcasse d'un bateau remonté des fonds marins au large de la Lybie il y a quatre ans, avec des centaines de corps de migrants, est aussi exposée. Barca Nostra, Naufrage du 18 avril 2015, par  l'artiste Islando-suisse Christoph Büchel. Photo : La Biennale di Venezia, utilisée avec autorisation.

… et une crise qui est particulièrement déchirante pour la cité de Venise : le réchauffement planétaire.

La Lituanie a réalisé une plage artificielle géante assortie d'une performance sonore immersive. Le pavillon a aussi résumé la ville hôte et ses habitants, en évoquant l'environnement littoral de Venise. Soleit & Mer (Marina) dépeint des individus dans dans des rôles quotidiens humanisés bataillant contre le changement climatique en cours. Photo : La Biennale di Venezia, utilisée avec autorisation.

30 ans après le massacre de Tiananmen, entretien avec l'un des survivants, Zhou Fengsuo

mercredi 22 mai 2019 à 11:30

Nous persisterons aussi sombre que soit la situation actuelle.

Zhou Fengsuo (entouré sur la photo) était le n° 5 sur la liste des personnes recherchées par la police de Pékin après le massacre de Tiananmen en 1989. Photo : Zhou Fengsuo

Cet article a été écrit initialement par Kris Cheng et publié par Hong Kong Free Press (HKFP) le 12 mai 2019 (lien en anglais comme tous les liens ci-dessous). Cette version révisée est republiée par Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

A l'approche du 30ème anniversaire du massacre de Tiananmen, HKFP a demandé à plusieurs survivants de la répression de répondre à une série de questions sur la tragédie et de partager leurs opinions sur l'avenir de la Chine.

Le massacre de 1989 a mis fin à plusieurs mois de manifestations menées par les étudiants en Chine alors que l'armée était déployée pour réprimer les manifestants à Pékin. On estime que des centaines, voire des milliers de personnes sont mortes.

En 1989, Zhou Fengsuo était étudiant en quatrième année de physique à l'Université Tsinghua. Pendant le mouvement, il est devenu un leader étudiant de l'Union des étudiants de l'Université autonome de Pékin. Il vit maintenant aux États-Unis. HKFP lui a parlé pour la dernière fois en 2014 lorsqu'il a visité Hong Kong durant les manifestations du Mouvement des parapluies. Auparavant Zhou avait travaillé dans la finance. Plus récemment il a agi comme président du groupe Humanitarian China.

HKFP : Il devient de plus en plus difficile d'exiger une responsabilité pour le 4 juin. Avez-vous encore un quelconque espoir ?

Zhou Fengsuo : Ce qui importe c'est que le parti communiste chinois assume cette responsabilité. Les familles des dirigeants chinois Deng Xiaoping et Li Peng ont évidemment été directement responsables.

Nous avons nos opinions sur la manière de rechercher la responsabilité – à mon avis, si un gouvernement démocratique recherche la responsabilité de ces deux familles, leur richesse devra être confisquée, y compris pour leurs générations suivantes.

Rechercher la responsabilité c'est rechercher la justice, et le début de la découverte de la vérité. Par exemple, comment décident-ils de la manière de tuer les gens ? Pourquoi les tuer ? La vérité est importante pour découvrir qui est responsable.

En Chine, les gens qui ont mal agi n'assument aucune responsabilité. C'est le plus gros problème. Nous devons faire des exemples avec ceux qui ont commis des actes malveillants – où qu'ils soient allés – nous devons rechercher leur responsabilité.

Nous avons des preuves qui désignent clairement les familles de Deng Xiaoping et Li Peng.Certains ont proposé de placer deux statues agenouillées au Liberty Sculpture Park [aux États-Unis] près du monument du 4 juin. C'est tout ce que nous pouvons faire en tant que citoyen.

HKFP : Vous souvenez-vous d'une expérience particulière après avoir quitté la Chine ?

Zhou Fengsuo : Après 1989, j'ai été emprisonné pendant un an après. J'étais en exil dans le district de Yangyuan dans la province du Hebei. J'ai quitté la Chine au début de l'année 1995.

Je me suis battu pour avoir l'opportunité de quitter la Chine.J'ai suivi un long processus – j'ai obtenu une bourse pour étudier la physique [dans une université américaine] mais on ne m'a pas fourni de passeport. J'ai protesté, marché et me suis battu pour l'obtenir.

Zhou Fengsuo. Photo d'archive : Tom Grundy/HKFP.

HKFP : Quelques militants de 1989 vivent encore en Chine. Êtes-vous préoccupé par leurs situations ? Que peut-on faire pour eux ?

Zhou Fengsuo : Humanitarian China [un groupe co-fondé par Zhou] les a aidés en leur fournissant un soutien financier, en obtenant des informations sur leurs situations et en défendant leurs intérêts. Cela concerne les Mères de Tiananmen, les résidents [chinois] qui s'opposaient à la répression violente, et les étudiants recherchés. Nous les avons aidés de toutes sortes de façons.

Beaucoup sont opprimés à cause des manifestations de 1989 et des commémorations qui ont suivi. C'est le cas notamment de la commercialisation d'une bouteille d'alcool commémorant le massacre de 1989 et de Zeng Guofan, de la province de Jiangxi, qui a été arrêté l'an dernier pour avoir commémoré le 4 juin – ce sont ces gens qui nous préoccupent.

Le plus important, c'est que nous avons besoin de plus de gens pour parler de leurs histoires. Les autorités ont été barbares dans ces affaires, et peu de gens en Chine s'exprimaient pour leur défense.

Il y a également les professeurs Xu Zhangrun et Jiang Yanyong – nous devons prendre soin d'eux. Beaucoup de gens ont sacrifié leur liberté. En 1989, Liu Xianbin a été emprisonné pour plus de 20 ans. Nous devons leur donner de l'attention car le Parti communiste chinois espère qu'après 30 ans, ils tomberont dans l'oubli.

HKFP : 30 ans se sont écoulés et de nombreux parents et proches des victimes sont décédés. Regrettez-vous de ne pas avoir pu rendre visite à votre famille pendant des décennies ?

Zhou Fengsuo : Je n'ai aucun regret de ne pas avoir pu rentrer chez moi pour rendre visite à ma famille. J'en ai parlé à maintes reprises – le Parti communiste voulait que je revienne et que je fasse fortune. Mais j'ai dit que si je revenais, je ne rendrais pas visite à ma famille, je ne ferais pas d'affaires. Toute ma vie, où que ce soit, je parlerai du 4 juin. Lorsque je retournerai en Chine, ce sera ma priorité absolue.

Le travail que je fais à l'étranger continuera en Chine. Je n'aime pas vraiment le sentimentalisme lié à l'idée du retour à la maison. C'est quelque chose que le Parti communiste chinois a exploité. Il voulait faire du retour à la maison une chose sentimentale – ce n'est pas acceptable. Si je reviens, je ferai tout pour renverser ce régime, je l'ai dit plusieurs fois.

HKFP : Après 30 ans d'énormes changements, comment voyez-vous l'avenir de la Chine ? Avez-vous l'espoir que cela s'arrangera politiquement ?

Zhou Fengsuo : Tolérer l'existence du parti communiste chinois n'est pas seulement dangereux pour les Han en Chine mais aussi pour les populations au Tibet, au Xinjiang, à Hong Kong, à Macao et dans le monde entier.

Telle est la réalité à laquelle nous sommes confrontés. Nous avons permis à ce régime – qui a tué des gens en utilisant des chars en 1989 – de continuer à exister. Les États-Unis ont fait des affaires avec lui. C'était – et c'est toujours – la honte de la communauté internationale.

Nous ne nous réconcilierons jamais, nous ne devons rien céder.

HKFP : En ce qui concerne les évolutions récentes de la situation en Chine, deux d'entre elles sont particulièrement alarmantes : la répression contre les avocats et le phénomène des aveux forcés. De quel œil voyez-vous ces évolutions ?

Zhou Fengsuo : Nous ne pouvons pas être optimistes quant à la situation de la Chine. La folie de Xi Jinping a son propre fondement dans la société chinoise, à savoir la classe moyenne qui prétend être ignorante et la jeune génération qui subit un lavage de cerveau.

C'est très effrayant pour l'avenir d'un pays et c'est un grand défi pour le développement de la paix dans le monde.La folie et la stupidité de Xi Jinping sont représentatifs de ce pays. La Chine devra en payer le prix fort dans le futur.

Je pense que les forces qui poussent au changement à l'intérieur de la Chine – de bas en haut ou de haut en bas – étaient presque inexistantes. Il se peut que nous devions forcer la Chine à changer à travers la confrontation entre les pays.

Que la Chine change ou non, nos principes ne changeront pas. Nous exigeons un régime qui respecte la liberté, la dignité et la vie. Nous persisterons aussi sombre que soit la situation actuelle.