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Les Ghanéens défient leur gouvernement contre un programme de surveillance des communications

lundi 30 juillet 2018 à 09:32

Un laboratoire informatique à l'Université du Ghana. Photographie de SandisterTei (Creative Commons BY-SA 3.0).

Les citoyens et le monde de la politique ghanéen ont porté plainte contre leur gouvernement auprès des tribunaux pour la mise en place d'une “Common Platform” (plate-forme commune), un système technique qui permettrait aux régulateurs de surveiller les revenus accumulés par les sociétés de télécommunications opérant dans le pays.

Les plaignants affirment que le système surveillera plus que les revenus et avertissent qu'il permettra au gouvernement d'espionner facilement les appels et les messages.

Le gouvernement affirme vouloir mettre en place de système afin de surveiller les entreprises de télécommunications au Ghana et s'assurer qu'elles paient le bon montant d'impôts. La Plate-forme est détenue et exploitée par une société tierce, Kelni GVG.

En juillet, deux plaignants, Sara Asafu-Adjaye et Maximus Ametorgoh, ont fait appel à la Cour des droits humains de la capitale, Accra, pour exposer leur cas. Ils ont soutenu que le système enfreindrait les droits fondamentaux à la vie privée. Les pétitionnaires travaillent dans les secteurs de la technologie et du design.

Ils demandent au tribunal “d'empêcher le ministère des Communications et d'autres défendeurs d'autoriser un tiers, Kelni GVG, à avoir accès à leurs données privées”.

Si et quand elle sera appliquée, la Plate-forme commune sera gérée par Kelni GVG, sous contrat avec le gouvernement.

L'entreprise aura la capacité de se connecter avec les systèmes de communication des entreprises de télécommunications et d'accéder à leurs schémas de revenus, dans ce qui semble être un effort pour augmenter les recettes fiscales provenant de ce secteur.

Lorsque le tiers connecte son nœud de système de surveillance au réseau des sociétés de télécommunication, il a accès aux revenus cumulés et à toutes les données des abonnés, y compris le contenu de leurs appels vocaux et des messages textuels.

En juin 2018, la Chambre des télécommunications ghanéenne a corroboré le point des plaignants, expliquant que la Plate-forme commune “a la capacité d'enregistrer, de surveiller ou d'exploiter activement ou passivement le contenu de tout trafic de communications électroniques entrant ou sortant telle que la voix”.

Plusieurs autres groupes se sont prononcés contre ce plan, dont Occupy Ghana et le Centre IMANI pour les politiques et l'éducation, qui ont mentionné des inquiétudes concernant les dimensions privées du projet et les intérêts commerciaux des gouvernements et des entreprises qui bénéficieront du contrat avec Kelni GVG. Le député Ras Moubarak a également menacé de poursuivre le gouvernement et les compagnies de téléphone si l'accord était conclu.

Asafu-Adjaye et Ametorgoh ont soutenu devant la Cour Suprême que le “lien envisagé avec la Plate-forme commune violait la Loi 864 et, en fin de compte, le droit fondamental des requérants à la confidentialité de leur correspondance et communication, protégés par Article 18 (2) de la Constitution de 1992″.

À l'appui de l'argument, Don Derrick a répondu au commentaire d'Ametorgoh sur Facebook :

This is good. We all need to be concern about privacy. if they want access to revenue, they can get that with an API [Application Programming Interface] but if they want full access to data, communications, financials and logs, that is a very nasty move. I am with you Maximus. Keep up with the Good work.

C'est bien. Nous devons tous nous préoccuper de la vie privée. S'ils veulent avoir accès aux revenus, ils peuvent obtenir cela avec une API [interface de programmation applicative], mais s'ils veulent un accès complet aux données, aux communications, aux données financières et aux logs, c'est un très mauvais choix. Je suis avec vous Maximus. Continuez le bon travail.

Sur Facebook, Gyebiba Ebony a soulevé la question de ce qui constitue la violation de la vie privée avec la Plate-forme commune et a comparé cela à une violation de la vie privée par certaines plate-formes de médias sociaux.

En réponse, Ametorgoh a expliqué que la Plate-forme commune se connecterait à “tous les nœuds du réseau au lieu du seul nœud du système de facturation”:

They can intercept the content of the communication. The system is not supposed to have the capability to intercept or access the content.

[In contrast,] You decide what you post on social media. It’s called “social” media. If you share private content here, that’s up to you. You can’t even share some kinds of images here.

Ils peuvent intercepter le contenu de la communication. Le système n'est pas censé avoir la capacité d'intercepter ou d'accéder au contenu.

[En revanche,] vous décidez de ce que vous publiez sur les réseaux sociaux. C'est ce qu'on les appelle les médias “sociaux”. Si vous partagez du contenu privé ici, c'est à vous de décider. Vous ne pouvez même pas partager certains types d'images ici.

Pourtant, la Cour des droits de l'homme à Accra a rejeté la pétition soulevée par Asafu-Adjaye et Ametorgoh.

Dans sa décision, le tribunal a indiqué que les deux citoyens n'avaient fourni aucune preuve réelle pour étayer leurs allégations de violation de leur vie privée si la Plate-forme commune devait être mise en œuvre et que leur argument reposait uniquement sur des sentiments publics et des débats.

Franklin Cudjoe, un important partisan de la pétition d'Asafu-Adjaye et d'Ametorgoh et le directeur exécutif d'IMANI, a indiqué que les compagnies de télécommunication avaient reconnu que la Plate-forme commune, lorsqu'elle sera effective, aura tendance à enfreindre la vie privée des clients et que la cour a ignoré cette évidence dans sa décision.

Le député Emmanuel Kyeremanteng Agyarko a fait valoir que la tendance d'une plate-forme à causer une atteinte à la vie privée ne signifie pas du tout qu'elle le fera effectivement.

La Plate-forme commune est susceptible d'être réalisée indépendamment de l'audience finale parce que le tribunal a indiqué que l'État pouvait subir un préjudice irréparable si une injonction était accordée.

La demande présentée par Asafu-Adjaye et Ametorgoh a été rejetée le 10 juillet 2018. Mais on peut s'attendre à ce que la société civile et même certains députés s'y opposent.

Le Nigeria lance une nouvelle compagnie aérienne nationale… mais va-t-elle décoller ?

dimanche 29 juillet 2018 à 11:48

Le logo de Nigeria Air, la nouvelle compagnie aérienne nationale du Nigeria qui a été lancée au milieu de critiques et controverses.

Le gouvernement fédéral du Nigeria s'est lancé dans une nouvelle compagnie aérienne nationale, Nigeria Air, apparemment pas découragé par une histoire d'exploitation des transporteurs nationaux faite d'échecs.

De nombreux Nigérians, y compris des syndicats de l'aviation actifs issus de compagnies aériennes aujourd'hui défuntes, sont sceptiques. En fait, les employés de la compagnie aérienne pionnière du pays, Nigerian Airways, exigent toujours des indemnités de départ depuis la disparition de la compagnie en 2003.

Lancement du premier vol international de Nigeria Airways en 1958. La dame sur la photo, Miss Christie Iugete, fut la première hôtesse de l'air nigériane. Parmi les autres sur cette photo : SL Akintola, TOS Benson, Udo Udoma, et O. Fadahunsi, président de Nigeria Airways. Crédit : TOS.

En 2004, Virgin Airways de Richard Branson a entrepris une participation avec le gouvernement nigérian et a lancé Air Nigeria [fr]. Cependant, Virgin s'est retiré de l'entreprise en 2010. En septembre 2012, Air Nigeria a cessé ses activités :

Je suis assez vieux pour me souvenir de la première compagnie aérienne privée opérant au niveau national au Nigeria.

Elle a cessé ses activités après que le gouvernement a envoyé “des poids lourds pour détruire notre salon avec des masses… le comportement des autorités était similaire à celle des mafieux aux États-Unis dans les années 30.” [Richard Branson, 2008]

Les raisons derrière les tentatives infructueuses de réanimation de Nigerian Airways n'ont jamais été dévoilées, mais beaucoup en attribuent la responsabilité à une direction inepte. En 2013, l'homme d'affaires nigérian Pascal Dozie avait déclaré que Nigerian Airways avait échoué faute de “bonne gestion”. De plus, faire des affaires avec le gouvernement nigérian est toxique en raison d'un “environnement peu propice, des politiques hostiles et une fiscalité abusive”.

En 2017, le président Buhari s'était opposé au lancement d'une nouvelle compagnie aérienne parce que “les Nigérians ont besoin de savoir comment nous avons perdu celle que nous avions“, se référant à Nigerian Airways. Ses remarques ont soulevé de sérieuses inquiétudes sur le fait que sa raison d'aller de l'avant avec le lancement d'une nouvelle compagnie peut être une façon de gagner un avantage politique en vue des élections présidentielles de 2019.

Hadi Sirika, le ministre de l'Aviation du Nigeria, a tenté d'atténuer la méfiance en disant que Nigeria Air fonctionnerait selon un modèle de partenariat public-privé :

This airline is a business and not a social service. It is not intended to kill any airline in Nigeria but complement it and promote it. It must be done in the right way so that it will be here to stay. Government will not hold shares beyond five per cent at the topmost. This airline has the backing of the government. Government will come up with funding according to the business case that has been delivered to the government.

Cette compagnie aérienne est une entreprise et non un service social. Elle n'est pas destinée à tuer une compagnie aérienne au Nigeria mais à la compléter et à la promouvoir. Cela doit être fait de la bonne façon pour qu'elle soit là pour rester. Le gouvernement ne détiendra pas d'actions au-delà de cinq pour cent tout au plus. Cette compagnie aérienne a l'appui du gouvernement. Le gouvernement fournira des fonds en fonction de l'analyse de rentabilisation qui a été présentée au gouvernement.

Mais les syndicats ont averti le gouvernement qu'ils pourraient tronquer la nouvelle compagnie aérienne nationale si leurs demandes n'étaient pas satisfaites.

En avril 2018, les syndicats de l'aviation affirmaient que le gouvernement fédéral devait 45 milliards de nairas nigérians (environ 125 millions d'euros) aux ex-employés de l'ancienne Nigerian Airways. Les deux principaux syndicats du secteur ont organisé une grève le 19 mars, donnant au gouvernement un ultimatum de 14 jours pour le paiement : elle a plus tard été annulée suite à l'assurance du ministre Sirika que le paiement avait été garanti et qu'il devait seulement être approuvé par le parlement.

Dans une interview à l'Independent, le camarade Olayinka Abioye, secrétaire général du Syndicat national des employés des transports aériens (NUATE), a donné un avertissement sévère à propos de la nouvelle compagnie :

We are not concerned about this new national carrier even though it is our baby with supposed benefits to the country. We are much more concerned about the families of the defunct national carrier, Nigerian Airways, some of whom have died. We are much more concerned about those who are living and managing to live and we are calling on this minister and government to speed up action in whatever capacity they can to ensure that Mrs. Kemi Adeosun, the Minister of Finance, make releases and pay our people. Enough is enough.

The unions may truncate the process of the new national carrier; you can take that from me. There are so many fundamental issues begging for answers in some of these things. The national carrier that we are advocating for is not what they are planning now. We said private sector-driven national carrier, what is the problem with this government? The same government that said it didn’t have money to revamp our comatose airports is now spending $308 million as take-off grant for the airline. The same government wants to bring in six new aircraft from God-knows-where. Where then is the intervention of the private sector in all these? At what point is private sector going to be involved? These are issues that should be tackled. Then, how do you want to unveil a national carrier and take it overseas, leaving Nigeria behind. Those politicking are too much and we are not interested.

Nous ne sommes pas préoccupés par cette nouvelle compagnie aérienne nationale, même si c'est notre bébé avec des avantages supposés pour le pays. Nous sommes beaucoup plus préoccupés par les familles du défunt transporteur national, Nigerian Airways, dont certains sont décédés. Nous sommes beaucoup plus préoccupés pour ceux qui vivent et survivent et nous demandons à ce ministre ainsi qu'au gouvernement d'accélérer les choses, de quelque façon que ce soit, pour que Mme Kemi Adeosun, ministre des Finances, libère les fonds et paie nos membres. Trop c'est trop.

Les syndicats peuvent interrompre le processus de création du nouveau transporteur national, vous pouvez me croire. Il y a tellement de questions fondamentales qui demandent des réponses dans ce processus. La compagnie nationale que nous préconisons n'est pas ce qu'ils prévoient aujourd'hui. Nous avons dit un transporteur national basé sur le secteur privé, quel est le problème avec ce gouvernement ? Le même gouvernement qui a dit ne pas avoir d'argent pour réorganiser nos aéroports comateux dépense maintenant 264 millions d'euros pour subventionner la création de cette compagnie aérienne. Le même gouvernement veut faire venir six nouveaux avions de Dieu sait où. Où est alors l'intervention du secteur privé dans tous ces domaines ? À quel moment le secteur privé sera-t-il impliqué ? Ce sont des questions qui devraient être abordées. Ensuite, comment voulez-vous créer une compagnie aérienne nationale et la baser à l'étranger, laissant le Nigeria de côté. Les aspects politiques sont trop nombreux et nous ne sommes pas intéressés.

Les internautes nigérians débattent de la viabilité de Nigeria Air

Les sceptiques quant au tout nouveau Nigeria Air ont partagé leurs doutes sur Twitter, alors que les fans ont vu cela comme une chance de se vanter en ligne de leur fierté nationale :

Dans notre hâte de condamner tout ce qui est “détenu par le gouvernement”, nous sous-estimons l'effet inspirant de voir quelque chose portant les couleurs du Nigeria voler dans les airs et une affaire avec le nom Nigeria qui fonctionne bien. Rien que pour ces raisons, je suis un fan de Nigeria Air.

Dr. Joe Abah exhorte les Nigérians à être plus “positifs” à propos de la nouvelle compagnie aérienne :

La négativité est si facile. Tout ce que vous devez continuer à dire est : “Ça ne marchera pas”. Vous n'avez rien à perdre. Si cela ne fonctionne pas, vous pouvez dire “Je vous l'avais bien dit!” Si cela fonctionne, vous pouvez dire “Je n'étais inquiet que sur la base de l'expérience passée.” Cela convient aux intellectuellement paresseux. Pas besoin de lutter ou de penser.

Cependant, beaucoup de Nigérians n'acceptent pas la rhétorique de positivité et de fierté nationale au sujet de Nigéria Air. L'ancien vice-président de la Banque mondiale, Dr. Oby Ezekwesili, a parlé de la nécessité d'améliorer les politiques et les cadres réglementaires en plus des problèmes d'infrastructure :

Le secteur de l'aviation M'ATTRISTE beaucoup. C'est un secteur qui, avec un bon cadre réglementaire et politique, complété par des normes de sécurité de qualité et une infrastructure de sécurité, va SÛREMENT attirer des capitaux.
Mais NON. Les amateurs d'un système étatique veulent nous donner une “compagnie aérienne nationale”.

Certains se réfèrent au succès de la privatisation des télécommunications, lorsque le gouvernement a totalement déréglementé l'industrie en 1999, comme un exemple de ce qui est possible pour l'aviation nigériane.

Le journaliste Nicholas Ibekwe a répliqué que les Nigérians ne sont pas négatifs mais ont besoin de preuves solides pour soutenir la viabilité de la nouvelle compagnie :

Personne ne veut qu'elle échoue. Nous vous demandons simplement de ne pas mettre la charrue avant les boeufs; pour montrer votre travail, pas de wuruwuru comme réponse. Montrez-nous les investisseurs. Voyons l'accord signé.
Autoriseriez-vous le propriétaire d'une participation de 5% dans une entreprise dont vous possédez 95% à mener les négociations?

L'utilisateur de Twitter “AndyRoidO” affirme qu'il n'y a “aucune base pour l'optimisme” à propos d'un transporteur national parce que “nous avons essayé et échoué plusieurs fois.”

Ce que vous Nigérians avez besoin d'apprendre, c'est que le gouvernement nigérian en tant qu'institution, quel que soit son parti, a gagné notre scepticisme. Notre histoire  depuis l'indépendance est une longue chaîne de mauvaise politique l'une après l'autre. Il n'y a aucune raison d'être optimiste quant à un transporteur national.

Premier Tweet : Et cette administration en particulier est pire que d'autres, et a accompli bien moins qu'aucune autre pour mériter votre confiance quand elle entreprend quelque chose de nouveau.

Second Tweet : Et un transporteur national est quelque chose que nous avons essayé de faire et échoué à plusieurs reprises. Alors, sur quelle base fondez-vous votre espoir qu'une administration qui a échoué plus que d'autres réussira dans une entreprise où les autres ont échoué ? Vous ont-ils maudits pour accueillir votre propre pauvreté ?

Premier Tweet : Votre ministre de l'Aviation a déjà démontré qu'il ne sait pas que le marketing et l'achat/location d'avions sont des décisions OPÉRATIONNELLES qui relèvent du partenaire. Attendez-vous à plus de conflits sur l'interférence du gouvernement au fur et à mesure. Frères, ouvrons nos bouches et PRIONS que Dieu l'arrête !

Second Tweet : Dans un pays sain d'esprit, le gouvernement reconnaîtrait le cimetière des transporteurs nationaux ratés et les tentatives avortées, identifierait pour nous ce qui a causé ces échecs, et nous dirait pourquoi ce sera différent cette fois, avec des détails concrets sur les étapes améliorées. Mais vous, les Nigérians, donnez votre soutien à bon marché.

Lesley Lokko : “Ils ne peuvent plus échapper à la question de la décolonisation” (3/3)

samedi 28 juillet 2018 à 13:10

Entretien avec l'architecte et romancière d'origine ghanéenne et écossaise à Trinité-et-Tobago

Pr. Lesley Lokko lors de son intervention intitulée “Tropic Antics” [Pitreries tropicales] à l'occasion d'une conférence publique gratuite à Port d'Espagne, organisée par l'Institut des architectes de Trinité-et-Tobago. Photographie : courtoisie de Mark Raymond, utilisée avec permission.

Cet article est le troisième et dernier épisode de notre série d'entretiens avec le professeur Lesley Lokko [fr], romancière et directrice de la Graduate School of Architecture (GSA) à l’Université de Johannesburg en Afrique du Sud. Vous pouvez lire la première partie ici [fr] et la deuxième ici [fr].

De descendance ghanéenne et écossaise, le professeur Lesley Lokko a une vision du monde unique. Elle a grandi au Ghana sous la protection de son père, un médecin qui a fait ses études au Royaume-Uni. À 17 ans, elle est partie en internat en Angleterre, et c'est là qu’elle est soudainement passée [fr] de la conscience d'être “demi-caste” (un terme ghanéen pour “métis”) à noire – ou plutôt, pas blanche.

Lokko a brillamment occupé cet espace entre le noir et le blanc toute sa vie – à travers son écriture, son œil d'architecte et maintenant, son approche de l'enseignement, et ses leçons récurrentes soulèvent continuellement des questions de culture et d’identité.

À l'invitation de l’Institut des architectes de Trinité-et-Tobago et de Bocas Lit Fest, le principal événement littéraire annuel du pays, Pr. Lokko a récemment fait sa première visite dans la république des îles jumelles, où elle a donné quelques conférences publiques sur l'importance de l'architecture, la société, la littérature et plus encore.

Global Voices (GV) : Vous avez choisi de vivre et de poursuivre votre carrière dans l'éducation en Afrique du Sud, à bien des égards le centre névralgique des relations entre Noirs et Blancs. À quoi ressemble cette fonction pour une personne métisse dans l’après-apartheid ?

Lesley Lokko (LL): The thing that drives me crazy about some white South Africans — let me emphasise: some, not all — is the feeling I often get behind our conversations that, somehow, the responsibility for managing change must be mine, because I’m the one who wants that change. We — as in black people — were the ones to bring change about so we must be responsible for handling the fallout. I call it the ‘Oprah Syndrome’. The responsibility for managing their own emotions, their guilt? They don’t want it, so they want to pass it back. What’s that if not racist? I’m not here to soak up your pain. You’ve had 200 years of talking about your pain! I’m done with it.

Le Black Economic Empowerment – the South African government's programme to redress the inequities of apartheid by giving black citizens economic advantages that white citizens cannot access – has reduced the argument about progress and equality down to money. It’s not actually about only money. Money is the symbol of a whole host of issues: class, culture, mobility, aspiration, self-esteem, identity…it’s all in there. Money becomes the be-all and end-all, the means in itself instead of the means to a more progressive end.

Lesley Lokko (LL) : Certains Sud-Africains blancs me rendent folle – permettez-moi de souligner : certains, pas tous – à cause du sentiment que je perçois souvent derrière nos conversations que, d'une certaine manière, la responsabilité de gérer le changement doit être la mienne. Je suis celle qui veut ce changement. Nous – c'est-à-dire les Noirs – avons provoqué le changement, nous devons donc être responsables d'en gérer les retombées. J'appelle ça le “syndrome d'Oprah”. La responsabilité de gérer leurs propres émotions, leur culpabilité ? Ils n'en veulent pas, alors ils veulent la renvoyer. Qu'est-ce que c'est, si ce n'est pas raciste ? Je ne suis pas là pour absorber votre douleur. Vous avez eu 200 ans pour parler de votre douleur ! J'en ai fini.

Black Economic Empowerment [fr] – le programme du gouvernement sud-africain pour redresser les injustices de l'apartheid en donnant aux citoyens noirs des avantages économiques auxquels les citoyens blancs n'ont pas accès – a réduit le débat du progrès et de l'égalité à une question d’argent. En fait, il ne s'agit pas seulement d'argent. L'argent est le symbole de toute une série de problèmes : la classe, la culture, la mobilité, l'aspiration, l'estime de soi, l'identité… tout y est. L'argent devient le départ et l'arrivée, le moyen en soi au lieu d’être la clé pour une fin plus progressive.

GV : C'est comme un déni continu de cette identité noire. Vous avez fait beaucoup de travail sur la race, la culture et l'identité. Comment l'architecture, par exemple, prend-elle en compte notre identité en tant que peuple caribéen multi-ethnique ?

LL: Because of the historical relationship that Africans have always had with others — Europe, the United States, the Caribbean — we’re acutely aware of ‘other’ black cultures… African-Americans, West Indians, black Britons. We’re aware of these communities that are somehow connected to us, but also dispersed — so the psyche of Africans, no matter where in the world we are, is very fluid. It’s not about rootedness, being in one place only, having only one identity, speaking only one language… it’s much more open-ended than that. However — and here’s the rub — architecture is all about rootedness, location, a fixed place in the world. That’s the impulse of the architect — to dig a foundation, place something there, anchor it to the ground and to make sure it stays upright for as long as you possibly can. So, in effect, the very nature of the discipline is always in tension with the nature of the African diasporic psyche, which is all about movement, about dispersal, about multiplicity.

What are the implications of this for architects? I'll try to give you a really concrete — no pun intended — example: one of my closest friends is a Dominican architect. She’s married to a Swiss architect and they run a practice together in Basel [Switzerland]. When she studied at Cornell 25 years ago, there was no talk about race or identity or fluidity. Anyway, her practice won the job of refurbishing a local school and during the design process, she decided to try and bring into the classrooms a certain quality of light that reminded her of Santo Domingo [Dominican Republic] — soft, golden, hazy. The light in Basel is very different; it’s much colder…a blue, harsh kind of light. So my friend takes a little palette of Estee Lauder gold eye shadow to her meeting with the engineers who were making the shutters, and she said, ‘Make me a metal shutter that filters the light to produce this colour.’ And they did it! And it was a little victory for her because it meant that when the shutters came down on a cold winter’s afternoon, the students inside the classroom were bathed in this Caribbean light, which the vast majority of them have never experienced, right there in Basel. I find it a really interesting example, particularly for African and diasporic architects who are now struggling to match their emotive responses, impulses and histories with a discipline that historically hasn’t wanted them.

Still, we have a long way to go. I was just at the Venice Biennale and the question on everybody’s lips was, ‘Where was Africa?’ Not a single African country was represented — at least not in a national sense. The South African government has a 20-year lease on a building in the Arsenale, but because of financial ‘irregularities’ this year, there was no tender put forward for South African architects. So the building has been paid for but it’s just standing there, empty. Back in South Africa, there’s understandable fury at the government for allowing it to happen. It’s incredibly sad. Government has the mandate to provide opportunities for culture to flourish…and it doesn’t. And that goes for all African countries. Not a single African government was able to support a single African architect at the world’s most important architectural event — and it’s not because we’re too poor to afford it. But the situation is also part of a more complex question about the relationship between us — citizens — and government, and I don’t think there’s anywhere where that relationship is more difficult than across Africa.

We’re a deeply feudal society — and I don’t mean that in terms of ‘good’ or ‘bad’; it’s just how it is. I often compare the set-up of the ruling elite to the court of Henry VIII. A few ministers gather around a powerful central figure on whose patronage their very lives depend. But the citizens outside the court exist in the 21st century, at a time when vast amounts of information are available to us in terms of seeing other places, having other aspirations, learning about other ways of doing things…everything from the welfare state to efficient public services…and we don’t see that reflected in our leaders’ plans or actions for us. Actually, it’s mostly the opposite. We look to government as a sort of benevolent father figure who will improve the quality of our lives but, nine times out of ten, that same father figure is looking to line his own pockets — and the pockets of those around him — not ours. We’ve inherited a political structure that comes from a very different source, both in time and place, and we’re struggling to adapt. Henry VIII didn’t become Henry VIII to make money; he already had money. You can question how he accumulated his wealth, but the fact remains that he had a lot longer than a political term of four years to do it, which creates its own kind of pressure and temptations. Still, for all that, you do get leaders who have the power to change things. And many of those have come out of Africa and the African diaspora…Mandela, Martin Luther King, Malcolm X.

LL : À cause de la relation historique que les Africains ont toujours entretenue avec les autres (l'Europe, les États-Unis, les Caraïbes), nous sommes parfaitement conscients des “autres” cultures noires… afro-américaine, antillaise, britannique noire. Nous sommes conscients de ces communautés qui sont en quelque sorte liées à nous, mais aussi dispersées, de sorte que la psyché des Africains, peu importe où nous sommes dans le monde, est très fluide. Il ne s'agit pas d'enracinement, d'être au même endroit, d'avoir une seule identité, de ne parler qu'une seule langue… c'est beaucoup plus ouvert que ça. Cependant, et c'est là le problème, l'architecture repose sur l'enracinement, l'emplacement, un lieu fixe dans le monde. C'est l'impulsion de l'architecte : creuser une fondation, y placer quelque chose, l'ancrer au sol et s'assurer qu'il reste droit aussi longtemps que possible. Donc, en effet, la nature même de la discipline est toujours en tension avec celle de la psyché de la diaspora africaine, toute en mouvement, dispersion, multiplicité.

Quelles en sont les implications pour les architectes ? Je vais essayer de vous donner un exemple très concret : une de mes amies les plus proches est une architecte dominicaine. Elle est mariée à un architecte suisse et ils travaillent ensemble à Bâle. Quand elle étudiait à Cornell il y a 25 ans, on ne parlait pas de race, d'identité ou de fluidité. Quoi qu'il en soit, sa pratique a permis de rénover une école locale et pendant le processus de conception, elle a décidé d'apporter dans les salles de classe une certaine qualité de lumière qui lui rappelait Saint-Domingue, douce, dorée, brumeuse. La lumière à Bâle est très différente, il fait beaucoup plus froid… une sorte de lumière bleue et dure. Alors mon amie a pris une petite palette d'ombre à paupières Estee Lauder à sa réunion avec les ingénieurs qui fabriquaient les volets, et elle leur a dit: « Faites-moi un volet métallique qui filtre la lumière pour produire cette couleur. » Et ils l'ont fait ! Et ce fut une petite victoire pour elle car cela signifiait que lorsque les volets tomberaient par un froid après-midi d'hiver, les étudiants dans la salle de classe seraient baignés dans cette lumière caribéenne, que la grande majorité n'a jamais vécue, à Bâle. Je trouve que c'est un exemple très intéressant, particulièrement pour les architectes africains et de la diaspora qui luttent maintenant pour mettre en relation leurs réponses émotionnelles, impulsions et histoires avec une discipline qui historiquement ne voulait pas d’eux.

Nous avons encore un long chemin à parcourir. J'étais juste à la Biennale de Venise et la question sur toutes les lèvres était : « Où est l'Afrique ? » Pas un seul pays africain n'était représenté, du moins pas au niveau national. Le gouvernement sud-africain a un bail de 20 ans sur un immeuble de l'Arsenale, mais en raison d'irrégularités financières cette année, aucun appel d'offres n'a été lancé pour les architectes sud-africains. Donc le bâtiment a été payé mais il est juste là, vide. En Afrique du Sud, il y a une colère bien compréhensible contre le gouvernement pour avoir permis que cela se produise. C'est incroyablement triste. Le gouvernement a le mandat de fournir des occasions pour la culture de s'épanouir… et il n'en fait rien. Et cela vaut pour tous les pays africains. Aucun gouvernement africain n'a été capable de soutenir un seul architecte africain lors de l'événement architectural le plus important du monde, et ce n'est pas parce que nous sommes trop pauvres pour nous le permettre. Mais cette situation fait aussi partie d'une question plus complexe sur la relation entre nous – les citoyens – et le gouvernement, et je ne pense pas qu'il y ait un autre endroit où cette relation soit plus difficile qu'en Afrique.

Nous sommes une société profondément féodale, et je ne veux pas dire que c'est une “bonne” ou une “mauvaise” chose. C'est juste comme ça. Je compare souvent le comportement de l'élite dirigeante africaine à la cour de Henri VIII [fr]. Quelques ministres se réunissent autour d'une figure centrale puissante dont dépend leur vie même. Mais, au XXIe siècle des citoyens existent hors de cette cour, à une époque où de vastes quantités d'informations sont disponibles pour voir d'autres endroits, avoir d'autres aspirations, apprendre d'autres façons de faire… tout, depuis l'État-providence à l'efficacité des services publics… et nous ne voyons pas cela reflété dans les plans ou les actions de nos dirigeants pour nous. En fait, c'est surtout le contraire. Nous considérons le gouvernement comme une sorte de figure paternelle bienveillante qui améliorera la qualité de nos vies, mais, neuf fois sur dix, ce même personnage paternel cherche à remplir ses propres poches  (et celles de ceux qui l'entourent) et pas les nôtres. Nous avons hérité d'une structure politique qui vient d'une source très différente, à la fois dans le temps et dans l'espace, et nous avons du mal à nous adapter. Henri VIII n'est pas devenu Henri VIII pour gagner de l'argent; il en avait déjà. On peut s'interroger sur la façon dont il a accumulé sa richesse, mais il n'en demeure pas moins qu'il a eu beaucoup plus de temps qu'un mandat politique de quatre ans pour le faire, ce qui crée son propre genre de pression et de tentations. Malgré tout, vous obtenez des leaders qui ont le pouvoir de changer les choses. Et beaucoup d'entre eux sont venus d'Afrique et de la diaspora africaine… Mandela [fr], Martin Luther King [fr], Malcolm X [fr].

[Le professeur Lokko parlant des transformations radicales de l'architecture dans la série Safe Space: Session # 01 de UJ GSA sur Vimeo.]

GV : Il y a une dynamique très similaire en ce qui concerne le leadership des Caraïbes.

LL: I’ve been running the Graduate School of Architecture for four years now, and every day, I’m reminded that leadership is like its own profession — it’s not some side thing you do in addition to your day job — that is the job. In the corporate world, there’s an incredible amount of thinking that goes into how to lead, how to manage, how to create better companies, better teams…in the public sector, however, there’s not so much. I suppose in the corporate world the bottom line — profit — is what drives success.

I look at many African leaders in government and I wonder if any of them have ever had anything like the level of support that’s required to lead. It is interesting that we never speak about those support mechanisms — the milieus that surround leaders. The psychology, the history, the mentoring…the add-ons that can make the difference between being a mediocre manager and a really great leader.

LL : Je dirige la Graduate School of Architecture depuis quatre ans, et chaque jour, je me rappelle que le leadership est comme sa propre profession : ce n'est pas quelque chose que vous faites en plus de votre travail journalier, c'est le boulot. Dans le monde des affaires, il y a énormément de réflexion sur la façon de diriger, de gérer, de créer de meilleures entreprises, de meilleures équipes… Dans le secteur public, cependant, il n'y en a pas beaucoup. Je suppose que dans le monde de l'entreprise, l'essentiel (la rentabilité) est ce qui motive vers le succès.

Je regarde beaucoup de dirigeants africains dans des gouvernements et je me demande si aucun d'entre eux a jamais eu le niveau de soutien nécessaire pour diriger. Il est intéressant que nous ne parlions jamais de ces mécanismes de soutien, les milieux qui entourent les dirigeants. La psychologie, l'histoire, le mentorat… les ajouts qui peuvent faire la différence entre être un manager médiocre et un très bon leader.

GV : Vous avez parlé de l'approche de l'enseignement en “forçant les étudiants à s'ouvrir” pour découvrir ce qui les motive. Quel est l'impact potentiel de faire cela ?

LL: That’s a difficult question to answer. On the one hand, I hope the impact of opening up difficult topics like race and identity will make an enormous difference but on the other, I also long for a time when such questions aren’t seen as marginal, or only of interest to black students. That's partly why I’m here [in Trinidad and Tobago]. It’s really important for us (and I use that in a very broad sense) to have spaces and places — like really great schools of architecture — where those concerns are central. And they’re central in really deep, rigorous, creative, investigative, explorative ways. They’re not just what you ‘allow’ black students to do simply because they’re black. I think that’s the potential I see in the Graduate School of Architecture. South Africa, for many reasons, is the right place to put these issues on the table and see them succeed. It has the infrastructure, there’s money available for education, and for the first time, there’s a political imperative. Since the student protests in 2016, ‘decolonisation’ and ‘transformation’ are on everyone’s lips. The moral imperative and the political will to bring about change is there. They can’t duck the question anymore.

LL : C'est une question à laquelle il est difficile de répondre. D'une part, j'espère que l'impact d'aborder des sujets difficiles comme la race et l'identité fera une énorme différence, mais d'autre part, je souhaite aussi que ces questions ne soient pas considérées comme marginales, ou seulement intéressantes pour les étudiants noirs. C'est en partie pourquoi je suis ici [à Trinité-et-Tobago]. Il est vraiment important pour nous (et j'utilise cela dans un sens très large) d'avoir des espaces et des lieux – comme de très grandes écoles d'architecture – où ces préoccupations sont centrales. Et elles sont centrales de manière vraiment profonde, rigoureuse, créative, investigatrice et exploratrice. Ce n'est pas simplement ce que vous “permettez” aux élèves noirs de faire simplement parce qu'ils sont noirs. Je pense que c'est le potentiel que je vois dans la Graduate School of Architecture. L'Afrique du Sud, pour de nombreuses raisons, est le bon endroit pour mettre ces questions sur la table et les voir réussir. Elle a l'infrastructure, il y a de l'argent disponible pour l'éducation et, pour la première fois, il y a un impératif politique. Depuis les manifestations étudiantes de 2016, “décolonisation” et “transformation” sont sur toutes les lèvres. L'impératif moral et la volonté politique d'amener le changement sont là. Ils ne peuvent plus éviter la question.

GV : Afin d'accomplir ces changements, ce que vous êtes vraiment en train de réaliser à la GSA, vous avez sûrement dû être inspirée par d'autres. Parlez-nous de quelques architectes et écrivains qui vont ont influencés.

LL: For me, architecture begins and ends with Mies van der Rohe. It’s a cliché, I know, but it’s true. His work moves me in ways that I can’t adequately express. His buildings make ‘sense’ to me and that’s the product of seven years of a particular Modernist kind of training that is deeply ingrained. Literature is different. I never studied literature, so my tastes are probably more intuitive, less ‘trained.’ I’m influenced by subject matter as much as style, which I’m grateful for! Two writers in particular have had a huge influence on me. One is South African writer Nadine Gordimer — and not just because of her subject matter, which is what most people assume — but because she uses language the way an architect uses space; it’s structural, formal, very muscular. She’s a very difficult person to read because she doesn’t often follow conventions of punctuation and so on, but for me, she's the best. The other is an Australian writer called David Malouf. Both are loosely post-colonial writers, but their work a real example of how the same subject matter can be articulated so differently. As far as West Indian writers go, I read Walcott and Naipaul a lot when I was younger. Contemporary writers? Patrick Chamoiseau, Junot Diaz.

LL : Pour moi, l'alpha et l'omega de l'architecture, c'est Mies van der Rohe [fr]. Je sais, c'est un cliché mais c'est vrai. Son travail me touche d'une façon que je n'arrive pas à exprimer. Ses bâtiments ont une “signification” pour moi, résultat d'une formation de sept ans d'un genre particulier de modernisme, qui est profondément ancrée en moi. La littérature, c'est différent. Je n'ai jamais étudié la littérature, donc mes goûts sont probablement plus intuitifs, moins “formés”. Je suis influencée par les sujets autant que par les styles, et j'en suis heureuse ! En particulier, deux écrivains ont eu une énorme influence sur moi. L'un est l'auteure sud-africaine Nadine Gordimer [fr] (et non à cause de ses sujets, comme le supposent la plupart des gens) mais parce qu'elle utilise la langue comme un architecte utilise l'espace : c'est structurel, formel, très musclé. Elle est très difficile à lire parce qu'elle ne suit pas souvent les règles de ponctuation etc, mais pour moi c'est la meilleure. L'autre est un écrivain australien appelé David Malouf [fr]. Ce sont tous deux des auteurs post-coloniaux, mais leur travail est un véritable exemple de la différence de traitement d'un même sujet. En ce qui concerne les auteurs antillais, je lisais beaucoup Walcott et Naipaul quand j'étais plus jeune. Les auteurs contemporains ? Patrick Chamoiseau [fr], Junot Diaz [fr].

Pr. Lesley Lokko parlant de littérature au siège du Bocas Lit Fest à Port d'Espagne. Photographie de Mark Raymond, reproduite avec autorisation.

GV : Et les auteurs africains ?

LL: I struggle with a lot of African writers. There’s huge talent and an almost infinite range of stories to tell, but for many, the fact that they are African still dominates the narrative. I’m impatient for us to be free of that bind or that veil of ‘otherness’ through which we often have to write…it will take time.

I’m starting my literature talk [with Bocas Lit Fest founder Marina Salandy-Brown] with two conversations I had with my publishers after book three and after book six. Everyone said to me, your second novel’s going to be the hard one because the first has done really well. But it was the third one that fell apart. My contract was one novel a year, and the third one took three years and at one point my publishers got really fed up and said, ‘Bring the girl to London.’ So we get there and they're asking me why I'm finding it so difficult to write the novel. Eventually one of my editors, a really nice woman, said to me, ‘Lesley, for the love of God, we cannot understand what it is that you don’t understand. Boy meets girl, boy gets girl, boy loses girl, boy gets girl again.’ My agent, who I think felt rather sorry for me, leaned across and whispered, ‘Don’t forget, that’s exactly what the Classics were about.’ I don’t know that it made me feel any better but it did have the effect of making me less precious. But by my sixth novel, I'm back in the same boardroom for a really awkward meeting that has since become the title of a talk that I give: ‘No more than three, please.’

LL : J'ai beaucoup de mal avec les auteurs africains. Il y a un énorme talent et quasiment une infinité d'histoires à raconter, mais pour beaucoup, le fait qu'ils sont Africains domine encore leur narration. J'ai hâte que nous nous libérions de cette contrainte ou de ce voile d'”altérité” à travers lequel nous devons souvent écrire… Cela va prendre du temps.

Je commence ma présentation littéraire [avec la fondatrice de Bocas Lit Fest Marina Salandy-Brown] par deux conversations que j'ai eu avec mes éditeurs, après mes troisième et sixième livres. Tout le monde me disait : ton deuxième roman va être difficile parce que le premier a vraiment bien marché. Mais finalement, c'est le troisième qui s'est effondré. J'avais un contrat pour un roman par an. Le troisième a pris trois ans et à un moment, mes éditeurs en ont vraiment eu assez et ont dit “Amenez-la à Londres”. Et donc nous y allons et ils me demandent les raisons pour lesquelles je trouve difficile d'écrire ce roman. Finalement, l'un d'eux, une femme très gentille, me dit : “Lesley, pour l'amour de dieu, nous n'arrivons pas à comprendre ce que vous ne comprenez pas. Un garçon rencontre une fille, il la conquiert, il la perd, il la récupère.” Mon agent, qui je pense, était assez désolé pour moi, s'est penché vers moi et m'a murmuré : “N'oublie pas, les classiques faisaient exactement pareil.” Je ne sais pas si ça m'a réconfortée mais ça a au moins eu l'effet de me faire me sentir moins précieuse. Et puis à mon sixième roman, je suis de retour dans cette salle de réunion pour une entrevue très inconfortable qui est depuis devenue le titre d'une de mes présentations : “Pas plus de trois, s'il vous plaît”.

Couverture de l'un des romans de Lesley Lokko. Image fournie par Lesley Lokko et reproduite avec autorisation.

GV : “Pas plus de trois” quoi ?

LL: [Grins mischievously] My editor says to me, ‘Lesley, we’ve had a little chat amongst ourselves and the thing is, we love your books…I mean we just love your books’ — and I’m thinking, ‘What on earth is going to come now?’ Then she says, ‘But we really feel we’ve got to draw a line somewhere. So we’ve had a chat among ourselves and we’ve looked at everything, and what we’ve decided is that we’d really like you to stick to three. No more than three.’ I’m fairly confused at this point and I ask them, ‘No more than three what? Will you just spit it out?’ And she says, ‘No more than three black characters.’

What they were essentially saying was, ‘Look, we appreciate that in all of your novels you feel you have to have a black character, but could you just limit it? Because after all, your audience is here.’ It was one of those moments where the wind is taken out of you. Was it a marketing decision? A moral decision? An ethical one? And then — my way of being sarcastic — I said, ‘Does mixed race count?’ In the end, I don’t know that I stuck to it — some books have less, some have more — but for me, it was the beginning of the end of that fiction-writing phase because I realised that what I thought I was doing and what they thought I was doing were two completely different things. I thought that I was merging a number of different genres — chick lit, thrillers, literary fiction, historical novels, political memoirs — but, in essence, I was really only writing sex-and-shopping blockbusters that still conformed to very particular rules. So, where I thought I was bending the rules, in actual fact I was simply obeying them, give or take a black character or three. I stopped writing after eleven novels and my publishers and I parted company very amicably, but I still think they underestimated the reading public.

What's interesting for me is that I still sell really well in Italy — relative to the overall size of readership, that’s my biggest market. I sell more numbers of books in the U.K., but the U.K. has a much bigger reading audience. If you look at the Italian book covers, you’d think I’m a completely different kind of writer and the questions I get asked when I do talks in Italy I’d never get in the U.K. More importantly, the books I write don’t speak to ‘black’ issues in the way that the literary world understands them…My UK editors were lovely, but there was always a hesitation to foreground those issues or promote me as a black writer, largely because they thought I’d go into the black interest section in book stores and sell 300 copies — and I’m not even that black.

If you look at writers like Taiye Selasi or Chimamanda Ngozi Adichie, who are black in a very different way, they’re promoted as black — or African — writers, partly because the world of literary fiction, which is very different from commercial fiction, thrives on those kinds of distinctions, and partly because their work speaks very directly — and beautifully — to questions of identity in a very contemporary way. But there’s something about people like me — not quite black enough, not quite white enough, not writing to type — I think that’s quite difficult for a publisher to deal with.

But Meghan Markle’s going to change all of that. I watched the Royal Wedding the day before I left South Africa to come on this lecture tour. It struck me that we were watching something really profound, even if we only come to see it in hindsight. I’d like to expand on that a little. If someone asks me where I’m from, I’ll always say ‘Ghana.’ I would never say ‘England’ or ‘Scotland’, even though I was born in Scotland to a Scottish mother. But asking a mixed-race person where they’re from is always a more complex question. It’s invariably followed by, ‘But where are you really from?’ or ‘Where are your parents from?’ If I were pushed, I might say, ‘Well, I’m partly British.’ Now, I studied in the U.K. in the '80s and '90s, which was a very special time. It was the beginning of Cool Brittania, especially for everyone connected to the arts. Suddenly — and I remember this very clearly — there was another identity available to those of us who weren’t English, Welsh, Scottish — at least in the white, original sense of identity. That identity was contemporary British-ness and it gave all those bits and pieces of the former empire a different, legitimate meaning, especially in London. For me, Meghan Markle’s marriage has gone the other way, right to the heart of Englishness, in a way that no one else has. I don’t know that it will change anything immediately, but, for the first time that I can recall, Englishness has been broken apart.

LL : [avec un sourire malicieux] Mon éditrice me dit : “Lesley, nous avons eu une petite conversation entre nous et le truc, c'est qu'on aime vos livres… Je veux dire, on aime vraiment vos livres”. Et là, je me demande “Mais qu'est-ce qui va me tomber dessus ?” Et c'est là qu'elle annonce “Mais on pense vraiment qu'il faut mettre une limite quelque part. Donc nous avons discuté et nous avons bien tout regardé et ce que nous avons décidé, c'est que nous aimerions vraiment que vous vous limitiez à trois. Pas plus de trois.” À ce stade, je suis plutôt perplexe et je leur demande : “Pas plus de trois quoi ? Qu'est-ce que vous essayez de me dire ?” Et elle me répond : “Pas plus de trois personnages noirs.”

En fait, ce qu'ils me disaient là, c'était : “Écoutez, on comprend bien que vous ayiez besoin d'avoir un personnage noir dans chacun de vos romans, mais est-ce que vous pourriez simplement vous limiter ? Parce que, apres tout, votre lectorat est ici.” Ça a été l'un de ces moments où on vous coupe les ailes. Était-ce une décision marketing ? Morale ? Ethique ? J'ai fini par demander, sarcastique à ma facon : “Est-ce que les métis comptent ?” En fin de compte, je ne sais pas si j'ai respecté ça. Certains livres ont plus, d'autres moins [de personnages noirs], mais pour moi, ça a été le début de la fin de cette phase d'écriture de fiction, parce que j'ai réalisé que ce que je pensais que je faisais et ce qu’ils pensaient que je faisais étaient deux choses complètement différentes. Je croyais que je fusionnais plusieurs genres différents – chick lit, thriller, littéraire, historique, mémoires politiques – mais en fait, je ne faisais qu'écrire des romans à succès avec du sexe et du shopping et qui se conforment à des règles bien particulières. Je pensais que je dérogeais aux règles quand ne faisais que leur obéir, modulo un, ou trois, personnages noirs. J'ai arrêté d'écrire après onze romans et mes éditeurs et moi nous sommes séparés à l'amiable, mais je pense toujours qu'ils sous-estiment les lecteurs.

Ce qui est intéressant pour moi, c'est que mes livres se vendent vraiment bien en Italie. Rapporté à la taille du public, c'est mon marché le plus important. Je vends plus de livres au Royaume Uni, mais il a un lectorat bien plus important. Si vous regardiez les couvertures italiennes, vous vous diriez que je suis un écrivain complètement différent et quand je donne des présentations en Italie, on me pose des questions qu'on ne me poserait jamais au Royaume Uni. Plus important encore, les livres que j'écris n'abordent pas les questions “noires” de la façon dont le monde littéraire les comprend… Mes éditeurs au Royaume Uni étaient adorables, mais ils hésitaient toujours à mettre ces sujets sur le devant de la scène et à me promouvoir comme une auteure noire, essentiellement parce qu'ils pensaient que ça me cantonnerait à la section des livres sur les questions noires des librairies et que je n'en vendrais que 300 exemplaires… Et je ne suis même pas aussi noire que ca.

Prenez le cas d'auteures noires comme Taiye Selasi [fr] ou Chimamanda Ngozi Adichie [fr], qui sont noires mais différemment. Elles sont promues comme des écrivaines noires, ou africaines, en partie parce que le monde de la fiction littéraire, qui est très différente de la fiction commerciale, prospère grâce à ces différences, et en partie parce que leur travail parle très directement (et admirablement) des questions d'identité dans un contexte très contemporain. Mais il y a quelque chose à propos des auteurs comme moi, pas tout à fait assez noirs, pas tout à fait assez blancs, et qui n'ont pas envie de se conformer à des types, qui nous rendent difficiles à traiter pour un éditeur.

Mais Meghan Markle [fr] va changer tout ça. J'ai regardé le mariage royal la veille de mon départ d'Afrique du Sud pour entamer ma tournée. Nous regardions quelque chose de vraiment profond (même si nous ne le réaliserons qu'avec du recul) qui m'a frappée. J'aimerais développer. Si quelqu'un me demande d'où je suis, je réponds toujours “du Ghana”. Je ne dirais jamais “d'Angleterre” ou “d'Écosse”, bien que je sois née en Écosse d'une mère écossaise. Mais poser cette question à un métis est toujours plus complexe. Elle est invariablement suivie de “Mais d'où êtes-vous vraiment ?” ou “D'où viennent vos parents ?”. Si on insiste, je répondrais peut-être : “Hé bien, je suis en partie britannique”. J'ai étudié au Royaume Uni dans les années 80 et 90, une époque vraiment spéciale. C'était le début du Cool Britannia [fr], surtout pour tout ceux en relation avec les arts. D'un coup, et je m'en souviens très clairement, une autre identité est devenue disponible pour nous autres qui n'étions pas anglais, gallois, écossais, tout du moins pas dans une définition originelle, blanche, de l'identité. Cette identité était une identité britannique contemporaine. Elle donnait à tous ces petits bouts de l'ancien empire une signification différente, légitime, surtout à Londres. Pour moi, le mariage de Meghan Markle va exactement dans la direction opposée, droit au cœur de l'anglicité, d'une façon que rien d'autre n'a fait. Je ne sais pas s'il va changer quoi que soit immédiatement, mais pour la première fois que je me souvienne, l'anglicité a été brisée.

En fin de compte, peut-être que l'impulsion vers un changement à long terme viendra en brisant le statu quo que l'architecture, la littérature et d'autres formes d'expressions culturelles ont maintenu pendant si longtemps.

VIDÉO : En Inde, ce professeur transforme le plastique… en routes

vendredi 27 juillet 2018 à 20:03

Cet article de Todd Reubold a d'abord été publié sur Ensia.com, un magazine qui met en lumière les solutions mises en œuvre dans le monde pour préserver l'environnement. Il est republié sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu. Sauf mention contraire, les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais.

La pollution générée par les déchets plastiques est l'un des plus grands défis auquel le monde fait face. En avril 2018, des chercheurs annonçaient dans le journal Scientific Reports que le vortex de déchets du Pacifique nord [fr] pèse de quatre à dix-huit fois plus qu'on ne le pensait auparavant.

Il est donc plus important que jamais de trouver de nouvelles façons de recycler et de réutiliser les déchets plastiques.

Arrive Rajagopalan Vasudevan, professeur de chimie au Thiagarajar College of Engineering à Madurai, en Inde [fr]. Après avoir réalisé que les déchets plastiques représentent un problème croissant dans tout le pays, il a conçu une méthode pour les convertir en chaussée, flexible et durable :

When I started the work, some of the companies in the United States they came to know that, they were offering a lot of money. They wanted the technology to be given to them, but I said no, we are not giving like that. I'm giving to my country freely.

Quand j'ai commencé ce travail, quelques entreprises des États-Unis en ont eu connaissance. Elles ont offert beaucoup d'argent. Elles voulaient qu'on leur donne la technologie, mais j'ai dit non, on ne va pas donner comme ça. Je donne à mon pays, gratuitement.

À ce jour, des kilomètres de routes en Inde ont été pavées avec ce procédé de son invention, réduisant ainsi la quantité de plastique qui aurait sinon été rejetée dans l'environnement :

India's got 41 lakhs (4.1 million) kilometers, only 1 lakh is laid. The other roads should be laid. That is the motivation for the whole work.

L'Inde possède 4,1 millions de kilomètres de routes, seulement 0,1 sont pavées [par cette méthode]. Les autres routes devraient être refaites. C'est la motivation de tout ce travail.

Le cinéaste Seth Coleman, basé à Budapest, a produit, tourné et édité cette vidéo.

Pourquoi la province de Bamiyan montre l'Afghanistan sous son meilleur jour

mardi 24 juillet 2018 à 17:26

Pendant le festivel de la damboura dans la province de Bamiyan. Toutes les photos sont de Zaker Mandegar et utilisées avec sa permission.

La région a beau être connue à l'extérieur surtout par les horribles crimes perpétrés contre son patrimoine culturel, pourtant, depuis 17 ans, il y a peu de parties de l'Afghanistan plus actives dans la préservation de leur culture.

En 2001, de triste mémoire, les talibans ont fait exploser un Bouddha monumental excavé de Bamiyan, une région caractérisée par la diversité de son archéologie, ses lacs scintillants, ses fertiles vallées panoramiques et ses prairies d'un vert intense.

S'il est possible de trouver une riposte à un perte culturelle aussi dévastatrice, alors les cinq jours du Festival de la damboura, qui revient désormais régulièrement dans la région, apparaît approprié.

Cette année, la deuxième édition du festival s'est ouverte le 29 juin sous un ciel d'azur, pour accueillir des milliers de spectateurs venus de tout le pays célébrer le tintement envoûtant de l'un des instruments préférés de l'Afghanistan.

Les images colorées les plus récentes du festival de la damboura à Bamiyan. Bamiyan est la capitale des couleurs, de l'histoire, des arts, de la culture, de l'amour, de la musique et de l'égalité en Afghanistan. Voilà pourquoi le Bouddha a vécu à Bamiyan pendant des siècles. Et c'est l'image que le monde doit voir de l'Afghanistan.

La damboura, une sorte de guitare, est faite en bois de mûrier. Elle est jouée surtout dans le nord et le centre du pays.

Le Festival de la damboura, c'est pourtant bien plus que du chant en chœur.

Il vise à promouvoir la musique traditionnelle, présenter les artisanats traditionnels, fortifier le tourisme et célébrer la culture. Si les événements de ce genre sont une routine dans de nombreux pays, en Afghanistan ils portent une signification particulière, parce qu'ils ne sont pas évidents à mettre en place une seule fois, et encore moins deux fois de suite.

Bamiyan a connu moins de combats que beaucoup d'autres provinces afghanes, ce qui veut dire moins de contraintes de sécurité pour les organisateur.s Ces dernières années, la vallée fortifiée par les chaînes montagneuses de l’Hindou-Kouch et du Koh-i-Baba a accueilli d'autres festivals, entre autres celui de la Route de la soie, et le Gul-e Kachalo (festival de la Fleur de pomme de terre).

L'an dernier, les organisateurs ont essuyé les critiques du Conseil des oulémas de Bamiyan qui ont décrété l'événement haram — contraire à la loi — en se faisant l'écho de la position radicale sur la musique et la danse propagée par les talibans pendant leur règne sur le pays de 1996 à 2001. Les spectacles n'en ont pas moins continué.

De nombreux artistes sont venus d'autres : Ghazni, Ghor et Daikundi, et de la capitale Kaboul. Le festival a eu le soutien de l'ambassade de Chine en Afghanistan, de l'UNESCO et du gouvernement provincial.

Un défi apporté par le festival au conservatisme social était la prédominance des femmes en son sein. Sur les onze différents concerts, quatre ont été donnés par des groupes féminins. Si beaucoup se sont félicités de leur contribution, d'autres ont manifesté une extrême répulsion. Les danseuses et musiciennes ont été appelées sur Facebook des “putains” qui répandent la fahsha (prostitution) et promeuvent les idées occidentales.

Mohammad Yasin Samim a tweeté :

Ces images transmettent un message clair : sécurité, prise de conscience et égalité des genres. J'aimerais qu'il y ait de tels rassemblements dans toutes les provinces. La musique, les événements culturels, les événements pacifiques aident au bien-être mental et physique du pays.

La vie artistique et culturelle de l'Afghanistan a été profondément affectée par les années de guerre. Sarwar Sarkhosh, une légende de la damboura, est au nombre des multiples morts des années 1980. Le festival de juin a honoré Sarkhosh pour son art et pour les sacrifices qu'il a faits pour développer la musique en Afghanistan, en particulier la musique traditionnelle Hazaragi.

Tandis que les habitants de Bamiyan accusent souvent l’État de négliger leur région en termes d'infrastructures et de services publics, le tourisme a émergé comme un pilier grâce au travail d'organisations comme le Centre culturel de Bamiyan et le Programme d'écotourisme de Bamiyan. Le festival en fait partie à sa deuxième année.

S'il y a chaque année un petit nombre de touristes étrangers qui viennent dans la province, ce sont surtout des Afghans d'autres provinces qui bravent les routes incertaines conduisant à Bamiyan.

“J'aimerais que chaque province soit Bamiyan et chaque habitant un Bamiyani”, a dit à Global Voices Ahmad Kakar, un habitant de la province de Jalalabad qui a assisté au festival de cette année.