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Classement des noms des « Love Hotels » du Japon les plus loufoques

lundi 16 janvier 2017 à 11:46
The spires of the Espo World (Love) Hotel (<a href="https://www.google.com/maps/contrib/117513610578361604065/place/ChIJlayQ3D4ZTjURuz3nbBeAUxc/@33.5544431,133.5385559,3a,75y,90t/data=!3m7!1e2!3m5!1s-bW31dsElJWA%2FV3n0EDbE1MI%2FAAAAAAABjxU%2FBLsus5S4x2U0MZ4p2aIkqgNVGvEMM0OIwCJkC!2e4!6s%2F%2Flh5.googleusercontent.com%2F-bW31dsElJWA%2FV3n0EDbE1MI%2FAAAAAAABjxU%2FBLsus5S4x2U0MZ4p2aIkqgNVGvEMM0OIwCJkC%2Fw203-h100-p-k-no%2F!7i4695!8i3129!4m6!1m5!8m4!1e2!2s117513610578361604065!3m1!1e2" target="_blank">エスポワールホテルベル</a>) at dawn, across the river from historic Tojinmachi in Kochi, Japan. Photo by Nevin Thompson.

Les flèches de Espo World (Love) Hotel (エスポワールホテルベル) à l'aube, de l'autre côté de la rivière dans le quartier historique de Tojinmachi à Kochi, au Japon. Photographie de Nevin Thompson.

Une enquête récente a classé les dix noms les plus loufoques des « love hotels » du Japon. En tête ? « Banane et beignet ».

« Banane et beignet » est un nom parfait pour un love hotel.

« Banane et beignet », qui, jusqu'en 2013 n'était que le dixième nom le plus étrange, est un « love hotel » (ラブホ, ou rabuho en japonais) de la préfecture de Saga, dans l'ouest du Japon. Les clients de ce type d'hôtel paient à l'heure ou à la nuit, généralement pour avoir un endroit privé pour y avoir des rapports sexuels. Cependant, certains touristes ont découvert que les love hotels sont une alternative abordable aux hôtels classiques.

Comme d'autres établissements similaires en dehors des grandes villes japonaises, « Banane et beignet » est situé sur une bretelle d'autoroute à la périphérie de la ville. D'après son site internet, en plus d'offrir des chambres privées, il organise aussi des tombolas où l'on peut gagner des gadgets utiles pour la maison, un service d'étage et des coupons de réduction pour les clients réguliers. Il y a également un sex-shop (lien inapproprié au travail !) où des costumes et autres gadgets pour adultes peuvent être achetés au cours de votre séjour.

Les « love hotels » et leurs tarifs horaires servent plusieurs objectifs. Dans une culture où il n'est pas fréquent de recevoir des invités chez soi, ils procurent un espace neutre pour des rencontres intimes lorsque les couples commencent à sortir ensemble, et dans un pays où la majorité des maisons n'ont ni isolation ou chauffage central, ils sont un refuge chaud pendant l'hiver. Ils sont également un endroit pratique pour les liaisons extraconjugales, et la plupart fournissent des places de parking privées, ou au moins un moyen de cacher les plaques d'immatriculation des voitures des yeux inquisiteurs.

Comme ils sont tous destinés à la même utilisation et se positionnent sur le même segment démographique et en général dans la même zone géographique, ils se fient à leurs noms mémorables pour sortir du lot et attirer des clients.

En décembre 2016, Goo Ranking, en partenariat avec Research Plus, a interrogé cinq cent japonais pour arriver à une liste des noms de « love hotels » les plus bizarres (et les plus mémorables) du pays :

Noms véritables de love hotels :

1. Banane et beignet (バナナとドーナツ)
2. Comme j'étais en train de dire… (と、いうわけで)
3. C'est un hôtel, tu sais… (ホテルだぞぉー)
4. L'énorme  du furieux raton laveur The Raging Racoon's Enormous Sack (暴れ狸の鬼袋)
5. Salle d'étude (べんきょう部屋)
6. La 101e demande en mariage (101回目のプロポーズ)
7. Oi! (オラオラ)
8. Koshien Jr.甲子園ジュニア
9. Afrique du Nord (北アフリカ)
9. Emmenez-moi avec vous… s'il vous plaît ? (つれてって~)
11. Une queue de cheval, balayant dans le vent (ポニーテールは風にゆれて)
12. Nonchalance (さりげなく)

Bien que ces noms semblent parfois fantasques et presque incomprehensibles, certains ont un lien ténu avec la réalité : “La 101e demande en mariage”, par exemple, était une série télévisée de 1991, vers la fin de la bulle spéculative japonaise.

Cet hôtel lui-même est situé dans la charmante ville touristique de Kurashiki, dans l'ouest du pays, sur la Mer intérieure du Japon. Les images de Google Street View montrent l'intimité à laquelle les clients peuvent s'attendre quand ils arrivent ainsi que l'atmosphère romantique du lieu.

Goo Ranking, qui tire son nom d'un moteur de recherche peu utilisé et d'un portail web basé au Japon, se surnomme “le plus grand site de classements domestiques” du Japon et a publié plus de cinquante mille enquêtes. L'entreprise collecte généralement ses données sur des enquêtes en ligne et les résultats apparaissent dans des informations et autres médias. Le blog en anglais What Japan Thinks publie fréquemment des traductions de ces enquêtes sur une variété de sujets.

“Au Burundi, la situation des droits de l’homme continue à se dégrader, nous devons changer de stratégie pour alerter le monde sur ce qui se passe”

dimanche 15 janvier 2017 à 16:41
Armel NIYONGERE avec sa permission

Armel NIYONGERE avec sa permission

Armel Niyongere refuse de laisser la peur entraver sa mission.

Il a lu et entendu bien trop de témoignages de tortures, exécutions extrajudiciaires, arrestations et détentions arbitraires au Burundi pour arrêter de se battre pour la protection des droits de tous les citoyens de son pays.  Niyongere est le president de l'ACAT (Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture), il coordonne aussi un réseau des associations de défense des droits de l'homme et il est actuellement en exil car son association figure sur la liste des personnes / organisations suspendues depuis 2015 et le début de la crise au Burundi.

Le désaccord sur la décision de Nkurunziza de présenter sa candidature pour un troisième mandat en 2015 a provoqué des manifestations et campagnes citoyennes, qui se sont transformées en affrontements et rébellion armée. Le gouvernement a lourdement riposté, contraignant des dissidents à l’exil ou au silence. Global Voices a échangé avec Armel pour faire un point sur la situation sur les droits humains au Burundi:

Global Voices (GV):  Avec la controverse autour du troisième mandat du président Pierre Nkurunziza en 2015, la situation au Burundi reste critique. Les accords d'Arusha n'ont pas eu l'effet pacificateur escompté. La radicalisation du régime a polarisé le conflit politique avec des conséquences majeures: des centaines de morts et au moins 200 000 personnes ayant fui le pays. Quelle est votre vision sur le court terme de la situation politique du pays ?

Armel NIYONGERE (AN) : Oui, effectivement, la crise actuelle au Burundi a été déclenchée à l’origine par ce troisième mandat illégal et inconstitutionnel de Nkurunziza qui met en cause les accords d’Arusha.  La population avait organisée des manifestations pacifiques pour protester contre ce mandat. Le gouvernement  a de facto réprimé ces manifestations dans le sang avec plus de 2 000 morts, plus de 500 000 réfugiés et plus 8 000 personnes détenues arbitrairement. Dans l'immédiat, je pense que la communauté Internationale devrait être ferme pour obliger le gouvernement à négocier avec les opposants pour une solution pacifique. Sinon, il y a risque de se retrouver dans une guerre civile ou de plonger la crise dans l’irréparable.

GV:  Vous êtes avocat et aussi un fervent défenseur des droits de l'homme au Burundi. Aujourd'hui, quels sont les obstacles majeurs à la protection des droits humains ici et comment s'organise les associations pour signaler et dénoncer toutes dérives ?

AN : En tant qu’avocat et défenseur des droits humains au Burundi, je constate que la situation des droits de l’homme continue à se dégrader. Il y a l’impunité permanente, la justice est toujours aussi corrompue et n’est vraiment pas indépendante. La police manque cruellement de professionnalisme et elle est souvent citée dans beaucoup de crimes. De plus, il y a la présence de des milices de l'Imbonerakure, les jeunes du Parti au pouvoir qui semble être au-dessus de la loi. Et maintenant, le gouvernement est entrain de fermer et radier de nombreuses organisations de la société civile pourtant très dynamiques dans leurs dénonciations des violations des droits humains.  Mais toutes ces répressions a l’endroit de ces associations dont nous faisons partie n’affecteront pas notre travail, nous devrons par contre changer de stratégie pour continuer à alerter le monde sur ce qui se passe au pays pour que chacun joue son rôle.

GV:  Voyez-vous une amorce d'un dialogue constructif avec les différents acteurs sociaux sur la problématique des droits de l'homme et de la liberté d'expression ?

AN : Un dialogue inter-burundais constructif est pratiquement impossible vu que le gouvernement du Burundi continue de refuser  à se mettre autour de la table avec ceux qui ont organisé les manifestations de contestation. On remarque aussi que l'organisation de la région de la Communauté East Africaine qui s'est saisi de la question n’a pas montré de volonté à trouver une solution tangible à la crise burundaise, ce qui pourrait faire trainer le retour à la paix.

GV:  Vous êtes président de L'Acat-Burundi et directeur de SOS-Torture: Comment se présente une journée type devant de telles responsabilités et comment vous assurez-vous de la sécurité de vos proches et vos collègues?

AN : Tout dépend de l’engagement pour arriver au résultat,  peu importe le contexte. Maintenant avec la crise, nous avons appris à la population à être eux-mêmes des observateurs pour dénoncer des violations des droits de l’homme. Nous avons bien sur des enquêteurs anonymes sur terrain mais nous recevons aussi des informations de la part des agents de l’Etat (police, administration, etc…). Nous essayons de ne pas exposer nos collègues. Nous travaillons dans un contexte très difficile, mais nous adoptons des stratégies spécifiques régulièrement pour nous adapter conformément à l’évolution du contexte.

GV:  Quel rôle joue la communauté internationale dans vos actions et comment est perçu la situation actuelle par les observateurs internationaux ?

AN: La communauté internationale joue un rôle important dans la crise burundaise, vu comment elle est adoptée beaucoup de résolution mais qui n’a jamais été mise en œuvre. Les observateurs internationaux continuent a présenté des rapports montrant qu’il y a des crimes commis par des agents de l’Etat, nous attendons les actions concrètes par rapports aux rapports présentés par les Nations Unies. Il faut absolument que les Nations Unies mettent en place la résolution pour envoyer les policiers dans la mesure de protéger la population burundaise et prévenir le génocide sinon ça sera une complicité.

GV:  Les relations du gouvernement du Burundi avec l'Union Européenne et avec l'Union Africaine semblent être aussi tendues. Est-ce que cela a un impact sur la situation au pays et met en danger les associations telles que la vôtre ?

AN : Oui, certainement.  Les relations tendues du gouvernement du Burundi avec ces partenaires met en danger la vie de la population burundaise. En effet, ces tensions avec les partenaires internationaux provoquent indirectement une hausse des produits alimentaires de base  à cause du manque de devise que cela engendre. Ceci a pour effet de rendre en général la vie de la population au quotidien très difficile. Pour éviter tout cela, il faut trouver rapidement une solution rapide à la crise burundaise.

L'écrivain britannique Graham Masterton organise un concours de nouvelles pour les détenus polonais

dimanche 15 janvier 2017 à 11:57
A 1945 postcard showing the prison in Braniewo, Poland. Public domain via Wikimedia Commons.

Carte postale de 1945 montrant la prison de Braniewo en Pologne. Domaine public via Wikimedia Commons.

Le célèbre écrivain de romans d'horreur Graham Masterton organise un concours dont le but est de re-socialiser les détenus des prisons polonaises par l'écriture. Masterton a annoncé sur les médias sociaux qu'un prix “Written in Prison” [“Écrit en prison”, NdT] sera décerné aux meilleures nouvelles :

“I came up with the idea after visiting Wołów maximum security prison near Wroclaw in October last year. The prisoners were all very well-read and interested in my books and in writing in general. In fact they were one of the most enthusiastic audiences I have ever had.”

J'en ai eu l'idée après avoir visité la prison de haute sécurité Wołow, près de Wrocław, en octobre dernier. Les prisonniers étaient tous très cultivés et intéressés par mes livres et par l'écriture en général. En fait, ils ont été l'un des publics les plus enthousiastes que j'ai jamais eus.

L'auteur a écrit une lettre à chaque détenu, les encourageant personnellement à libérer leur créativité et leur imagination et à participer à son concours.

Les invitations ont été envoyées aux 71 000 détenus polonais pour participer à un concours de nouvelles pour le Prix Graham Masterton Written in Prison.

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Graham Masterton (à gauche) avec le directeur de la prison de Wołów, Robert Kuczera (à droite). Image prise sur la page Facebook de l'auteur .

Les détenus peuvent soumettre un nouvelle sur le sujet de leur choix jusqu'à la date limite, à la fin du mois de mars 2017. Les histoires seront traduites en anglais ; Masterton choisira personnellement les trois meilleures et se rendra en Pologne en juin pour décerner les prix. Les récompenses incluent une plaque gravée, des paniers de fruits et de friandises ainsi que des livres de Rebis Publishing House. Si le concours est un succès, l'auteur a l'intention de le reproduire au Royaume-Uni et en Irlande.

Le romancier a une connexion avec la Pologne : son arrière-grand-père était polonais et a émigré en Angleterre en 1890 pour éviter l'incorporation dans l'armée impériale russe.

Le roman de Masterton “Manitou” de 1978 fut le premier roman d'horreur occidental à être publié en Pologne après la Seconde guerre mondiale. L'auteur fut tellement impressionné par l'intérêt des détenus de la prison de Wołów dans ses livres et par l'intelligence de leurs questions, qu'il s'est dit qu'ils pourraient non seulement aimer écrire de la fiction eux-mêmes, mais aussi en tirer des avantages considérables :

“Most people have some kind of a story to tell, but prison inmates never get the chance to express their ideas and their emotions to the outside world. By entering the Graham Masterton ‘Written In Prison’ contest, they can feel that their stories are being given attention beyond the walls of their cells.”

La plupart des gens ont une histoire de quelque sorte à raconter, mais les détenus n'ont jamais l'occasion d'exprimer leurs idées et leurs émotions au monde extérieur. En participant au concours “Written in Prison”, ils peuvent se dire que leurs histoires attirent l'attention au-delà des murs de leurs cellules.

Les réactions du directeur de Wołów et de l'agglomération de Wrocław furent immédiates et positives. Le concours bénéficiera également du soutien de l'éditeur de Masterton à Poznan, Rebis, et de la bibliothèque municipale de Wrocław.

Dans une citation charismatique, Masterton déclare :

“The prisoners can write about anything they like. Even though they’re locked up, I want to see them setting their imagination free.”

Les prisonniers peuvent écrire sur tout ce qu'ils veulent. Même s'ils sont enfermés, je veux les voir libérer leur imagination.

Dans la presse polonaise, les réactions au concours de Masterton ont été en très grande majorité positives [po].

Une année stratégique pour Global Voices

dimanche 15 janvier 2017 à 10:08
The Global Voices core team, with Mexico contributor Juan Tadeo and digital security expert GIllo Cutrupi. Photo: Jeremy Clarke

L'équipe dirigeante de Global Voices à Coyoacán, Mexico, avec le contributeur mexicain Juan Tadeo et l'expert en sécurité numérique GIllo Cutrupi. Photo: Jeremy Clarke.

Le mois dernier, l'équipe dirigeante de Global Voices s'est réunie en séminaire de quatre jours à Mexico. Nous parvenons d'habitude à nous retrouver une fois par an, mais la dernière fois que nous avons pu rassembler tout le monde, c'était en janvier 2015, après le Sommet GV de Cebu, aux Philippines. Si nous sommes devenus tout à fait efficaces dans notre travail d'équipe virtuelle, rien ne vaut quelques jours de face-à-face pour plancher sur les problèmes ardus, concevoir des idées neuves, et élaborer des plans pour des projets.

What planning session is complete without a cloud of sticky notes on a wall?

Pas de session de planification sans un nuage de bouts papiers multicolores collés sur un mur !

Notre réunion de Mexico a été centrée sur le rêve et la programmation stratégique, car 2017 promet d'être une année vitale pour l'avenir de Global Voices. Nous sommes face à une prolifération de menaces à la notion de vérité dans les nouvelles et l'information dans de nombreux pays du monde, une tendance accélérée que nous observons et travaillons à combattre depuis notre création il y a plus de dix ans. Dans le même temps, les échanges sur Internet se déroulent désormais de façon prédominante sur des plates-formes de médias sociaux ordonnancées par le filtrage algorithmique des articles et des voix, créant des filtres à nos réalités que nous pouvons ressentir comme totalisants. Il est désolant, mais pas surprenant, de savoir, par exemple que l'Internet en Birmanie est aujourd'hui presque entièrement sur Facebook, et que dans de nombreuses collectivités la couche applicative est la seule partie de l'internet que connaissent les gens.

Certes, l'idée que la sphère de l'internet ait jamais été libre et ouverte est depuis toujours mise en doute par les communautés accoutumées à la surveillance et au filtrage extensifs des gouvernements. C'est vrai là où beaucoup d'entre nous vivent et travaillent, que ce soit en Chine, à Bahreïn, ou sous des pouvoirs devenus récemment plus agressifs comme en Turquie.

Les défis auxquels nous étions confrontés quand nous nous sommes constitués collectivement restent aussi grands qu'alors, mais leur nature a changé. Nous avons moins de visibilité et peut-être moins de connaissance interne des entreprises de médias numériques médiatrices de nos pensées. Ce glissement se voit dans la relation que nos lecteurs nouent avec nous. Ainsi, les pics de trafic sur Global Voices suivaient toujours les événements de la vie réelle. Quand un séisme secoua la province chinoise du Sichuan en 2008, nous avons su que l'intérêt pour nos articles découlait de l'information en chair et en os que transmettaient en ligne des citoyens chinois, traduite et analysée par nos soins. En 2011 la croissance de notre trafic a été directement corrélée à nos reportages sur les soulèvements arabes et au séisme et tsunami japonais ; au long de cette période nous avons pu constater des pointes périodiques de trafic liées aux événements mondiaux : catastrophes naturelles, soulèvements politiques, manifestations et conflits.

Mais, ces dernières années, nous avons observé un glissement dans l'attention et la relation. Désormais les pics de trafic résonnent aussi avec des phénomènes qui sont soit déconnectés soit fortement intermédiés par des phénomènes en ligne. Ce sont des événements d'attention plutôt que des événements réels – conduits et influencés par des algorithmes. Un exemple : l'effet d'un tweet incendiaire de Donald Trump Tweet, qui reçoit davantage de temps et d'attention des organes de médias que d'autres questions, plus importantes, pouvant surgir au même moment. Ces occurrences fondamentales échapperont à la conscience de nombreux publics parce que les articles qui les traitent ne recevront pas la faveur algorithmique prodiguée à des nouvelles plus faciles, plus sensationnelles, intentionnellement ou au hasard.

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Le trafic de Global Voices de 2008 à 2011. Les pics coïncident avec les événements de l'actualité.

Chez Global Voices, la dichotomie cyber-scepticisme –  cyber-utopie ne nous a jamais paru ni intéressante ni utile. Nous nous consacrons d'abord à l'arène souvent désordonnée des relations et discours humains, et reconnaissons que les technologies sont des outils conçus et construits avec des pertinences pouvant servir ou léser les intérêts humains. Il est donc difficile de prédire les effets moraux de la plupart des technologies. Si l'on peut concevoir des technologies sur la base de principes tels que la transparence, le relais, l'empathie, ces bonnes intentions ne sauraient évidemment suffire à elles seules à en garantir le bénéfice aux individus, collectivités ou publics. Pour une raison simple : nous n'avons pas d'accord universel sur les valeurs qui devraient sous-tendre nos sociétés.

Ceci dit, nous sommes pleinement conscients que ce sont les valeurs alignées sur les marchés et le contrôle étatique qui dominent les réseaux internet et mobiles. Certains pensent que ces valeurs sont les moteurs du progrès humain ; les intérêts des marchés et des gouvernements ne coïncident pas forcément. Là où ces intérêts s'entremêlent, c'est dans le désir de comprendre, cataloguer et ordonnancer les activités humaines, avec pour résultat que nos vies en ligne sont largement et continuellement mesurées et surveillées par les entreprises de médias sociaux, par des applications tierces et des publicitaires, et par les administrations publiques. Les gouvernements de trop nombreux pays comprennent l'importance de ce qui se dit en ligne et cherchent à le contrôler, dans leur volonté de gérer, contrôler et gouverner leurs populations, que ce soit dans le cadre de leur autoritarisme organisé, ou pour suivre de près les populations dont ils se méfient. Trop souvent le concept de médias citoyens – la couche numérique de conversations qui accompagne et augmente nos vies – est à leurs yeux une menace à l'ordre, et aux nombreux leviers de pouvoir aux mains des gouvernements, élites dirigeantes, régimes ou encore majorités ethniques, religieuses ou économiques.

En conséquence, il est devenu plus compliqué, plus risqué et parfois tout simplement dangereux de produire la sorte d'articles qui sont les nôtres. Les contributeurs de Global Voices au Bangladesh, en Ethiopie, en Syrie, à Bahreïn, en Macédoine, au Maroc, au Venezuela, à Cuba et maints autres pays ont reçu des menaces personnelles en 2016. Certains ont individuellement décidé de cesser d'écrire ou de contribuer à Global Voices et d'autres plate-formes par craintes pour leur sécurité. D'autres ont préféré s'auto-censurer, voire pour certains, s'installer dans un autre pays.

Nous nous attendons à ce que ce genre de menaces persiste dans le futur. Nous sommes lucides sur la variété et l'efficacité des moyens disponibles pour réprimer l'expression dans trop de pays, depuis les campagnes de désinformation qui distordent et embrouillent, comme l'hystérie actuelle autour des “fake news”, aux menaces sur les systèmes telles que les attaques DDoS ; sans oublier les formes plus directes de pression comme le doxxing, le piratage et le vol d'informations personnelles, les lois répressives utilisées pour museler ou emprisonner, la violence physique et le meurtre.

Entrer et intervenir dans l'arène de plus en plus contradictoire et hostile du discours public paraît désormais intimidant voire dangereux à beaucoup. Et nous savons que même les attaquants peuvent devenir eux-mêmes des cibles dans le cycle suivant de méchanceté. Le modèle chinois du moteur de recherche de chair humaine est disponible pour nous tous, et la notion de foule subit un nouveau glissement, qui la fait revenir à la définition plus atavique employée aux 19e et 20e siècles : nos mois plus obscurs, plus violents englobés dans la dynamique de groupe. Dans ce contexte, les communautés de soutien et de pratiques qui défendent les principes et normes pour le discours en ligne sont une nécessité plus vitale que jamais.

Une pensée qui me ramène à nos discussions de Mexico. Nous avons passé énormément de temps à discuter de langage : des mots capables d'exprimer la raison d'être de Global Voices dans son essence même. Après beaucoup d'essais, nous sommes arrivés à l'esquisse d'une déclaration de principe simple et vigoureuse, qui est, je l'espère, le point de départ de toute stratégie, et peut-être en quelque sorte, une stratégie en soi. Voici :

Nous reconnaissons, pour nous en réjouir, que l'attention à l'individu et la relation sociale sont essentielles pour l'édification de ponts entre pays et langues, sans considération d'origine, de statut ou d'accès au pouvoir.

L'évolution de la langue mapuche à Buenos Aires

samedi 14 janvier 2017 à 18:16

mapudungun

Le projet “Müpüley Taiñ mapudungun” (“Notre essor en mapudungun”) a reçu en 2015 une Microbourse de Rising Voices dans le cadre d'un soutien aux initiatives de militantisme numérique dans les langues indigènes. Ce projet a été exécuté à Buenos Aires et cherche à renforcer le mapudungun, la langue des Mapuches, à travers les renaissances politique et culturelle des Mapuches urbains et l'apprentissage de la radio.

[Les liens de cet article renvoient a des pages en espagnol ou en mapudungun, NdT.]

par Simona Mayo et Francisco Godinez*

Les villes parlent. Avec des conversations, des panneaux d'affichage, des radios, des noms de rues et des gens. Avec le bruit des freins de voitures et celui des klaxons. Elles parlent dans plusieurs langues qui sont venues à elles et s'y sont entremêlées. Située au nord du territoire mapuche historique, Buenos Aires parle également mapudungun et il existe plusieurs projets de revitalisation de cette langue dans la ville. Dans cet article, Simona Mayo et Francisco Godinez, membres de Müpüley taiñ mapudungun, décrivent la situation de la langue mapuche dans la capitale argentine et l'importance de sa renaissance grâce à la radio.

D'après les statistiques du gouvernement argentin, dix mille Mapuches vivent à Buenos Aires et parmi eux, mille sept cent parlent ou comprennent le mapudungun. Bien que nous remettions ces chiffres en question, ils nous fournissent une base à partir de laquelle nous pouvons évaluer à la fois la vitalité de la langue mapuche à Buenos Aires et dans le territoire historique de Puelmapu, et ce qui peut être fait pour faire renaître cette langue.

Quand nous parlons de la vitalité d'une langue, nous nous référons à son usage réel ou à celui d'une variété spécifique dans une communauté de locuteurs. Ainsi, la vitalité du mapudungun n'est pas seulement attestée par des chiffres (combien de locuteurs le parlent et où vivent-ils), mais elle nous informe également des diverses dynamiques et utilisations dans des contexte spécifiques, traditionnels ou contemporains. Ces dynamiques culturo-linguistiques, comme le nütramkan (conversation quotidienne), le üllkantun (chant), la geste d'epew (récits) ou le hip-hop mapuche, reflètent la façon dont les gens ont choisi de parler leur langue, de conserver ses expressions et son utilisation et par-dessus tout, de la revitaliser. Ces pratiques se trouvent dans les grandes villes argentines ou les Mapuches ont migré.

L'une des formidables caractéristiques des langues modernes est leur capacité à changer et à ne pas changer en même temps. Dans un premier temps, le mapudungun a été renforcé culturellement et linguistiquement car sa tradition a été conservée par les longko (chefs) d'une génération entière. Il s'est ensuite maintenu car il a permis aux nouvelles générations de le renouveler, préservant ainsi toujours son héritage culturel.

Défis et stratégies du mapudungun

Le mapudungun se trouve aujourd'hui dans une situation critique, au croisement de deux directions possibles. La première, prédite par de nombreux linguistes, est que malgré le bilinguisme actuel, la langue entre dans un processus de déplacement et qu'elle mourra quand la vieille génération de locuteurs disparaîtra.

La seconde direction est celle prise actuellement par les jeunes générations, descendantes des migrants forcés depuis Wallmapu (le territoire mapuche) et de la désintégration du tissu social mapuche résultant des campagnes de colonisation. Bien que le diagnostic précédent soit reconnu, ce chemin renverse le phénomène de déplacement à travers la revitalisation de la langue et la restructuration des circuits de transmission intergénérationnelle. Il fait appel à la reconnaissance, la mise en valeur et l'apprentissage auprès de l'ancienne génération de locuteurs qui ont conservé la langue comme une forme d'action, malgré les difficultés.

Ce Rüpü (chemin) est en train d'être construit avec succès et est affirmé et consolidé par le Kimün (connaissances) des füchakeche (anciens) et des newen de wechekeche (jeunes). Une langue qui n'est pas mise à jour et qui ne représente plus le monde changeant dans lequel ses locuteurs vivent est une langue envoie de disparition. Ce n'est pas le cas de la langue mapuche. Les nouveaux locuteurs, de jeunes gens qui aujourd'hui ont pris la tête du mouvement de revitalisation du mapudungun, ne sont pas seulement à l'origine du rétablissement de la langue dans des espaces de dialogues fonctionnels, mais ils ont également créé de nouvelles instances pour son développement et sa conservation.

Des organisations telles que la Fédération étudiante mapuche (FEMAE) et le parti Wallmapuwen, des groupes d'éducation mapuche comme Kom kim mapudunguaiñ waria mew à Santiago du Chili ou Wixaleyiñ à Buenos Aires, ainsi que des kimelfe (enseignants) expérimentés ont réussi à créer une place pour leur langue dans la société toute entière, mapuche et non-mapuche, grâce à la destruction des vieux préjugés attribués au mapudungun.

Ainsi, c'est aujourd'hui depuis le coeur du tissu social mapuche que vient la motivation de renforcer l'enseignement et la revitalisation du mapudungun. À Buenos Aires, Il y a un besoin urgent de rendre la langue visible tout en l'enseignant. Buenos Aires est une ville construite dans une tradition européenne qui a caché, supprimé ou réprimé l'héritage indigène du territoire. Ces organisations prennent ce fait en compte et affirment la présence d'un village pré-existant pour expliquer la richesse de la langue et de sa culture et éliminer les préjugés racistes sur les Mapuches.

Les Mapuches de Buenos Aires : à la recherche des sons anciens et modernes

Les seules données disponibles sur le nombre de Mapuches résidant à Buenos Aires viennent de l'Enquête complémentaire sur les peuples indigènes (2004-2005) qui estime cette population à 9 750 habitants. Ce nombre sous-estime grandement la population réelle ; en réalité, après le sondage de nombreuses organisations indigènes ont indiqué que celui-ci commettait un “ethnocide statistique”. Mais ce sont les chiffres officiels.

Au niveau national, l'enquête comptait 17,3 % de gens qui parlent ou comprennent le mapudungun, parmi lesquels 2,2 % le parlent régulièrement, et 3,6 % qui le définissent comme leur langue natale. Il est également pertinent de remarquer que 93,3 % de la population mapuche ne reçoit aucune éducation dans leur langue.

La production et la conception de nouveaux outils d'enseignement et de dissémination de la langue veulent changer ces statistiques. Ainsi, la revitalisation du mapudungun est facilitée par des groupes tels que Wixaleyiñ qui publient des textes et organisent des ateliers, et par de nombreux autres kimelfe (enseignants) qui se sont consacrés à cette tâche ces dernières années dans des espaces aussi divers qu'à l'université, dans des syndicats et des assemblées.

Notre initiative Müpüley Tain mapudungun s'inscrit dans ce contexte et travaille pour la revitalisation du mapudungun à la radio. Nous sommes convaincus que le documentaire audio est un genre qui peut contribuer de façon fondamentale au redressement de la tradition orale, qui existe car nous sommes des êtres qui communiquent par des sons. L'être humain est capable de communiquer de manière sophistiquée grâce à sa langue et à ses capacités de raisonnement. Ils ne peuvent exister sans une communauté, sans exercer leurs aptitudes rationnelles, émotionnelles et linguistiques, c'est-à-dire sans communiquer avec l'autre. Et la communication, c'est avant tout le son : le son qui parle à la raison mais aussi à l'émotion. Le son est à la fois concept et sens.

Le documentaire audio est un genre hybride entre le journalisme et l'art. C'est un genre radio flexible et large, utilisé pour raconter des histoires et parler de problèmes dans le monde entier en mettant l'accent sur le son comme valeur narrative. Le son raconte : une voix ne rend pas seulement compte de ce qui est dit, mais aussi de comment c'est dit. Une langue n'est pas composée que des mots, mais aussi d'intonations, d'inflexions, de silences, d'expressions : des sons qui créent un monde. Ce monde peut parfois n'être décrit qu'avec ces sons-là, et pas avec d'autres.

Ainsi, le documentaire audio est le genre idéal pour parler d'une culture, de l'identité, de la langue et de l'art d'un peuple, eux-mêmes protagonistes avec leurs sons et formes d'expression, sans la médiation d'un journaliste ou d'un expert. Tout d'abord, la culture est racontée par ceux-là mêmes qui s'identifient avec elle et réaffirment leur appartenance grâce à la familiarité, l'intimité et la proximité des sons. Ensuite, le reste de la société peut découvrir et comprendre cette culture ancrée et mélangée à la leur.

Ce genre associe des témoignages, des enregistrements audios, des paysages sonores, des entretiens, de l'art radio, de la fiction, de la musique, ainsi qu'une commentaire sur les choix esthétiques. En résumé, il utilise le langage de la radio pour créer un collage attractif et porteur de sens. Il force les gens à voir avec leurs oreilles, il montre l'association entre l'espace et le temps ainsi que les éléments les plus fondamentaux d'une culture : sa langue, sa poésie et sa musique. Il est aussi essentiel que le son.

Voici donc le chemin que nous prenons avec cette initiative, avec des objectifs spécifiques et concrets tels que la production de trois documentaires audios. Mais elle fait partie intégrale d'un effort plus large de revitalisation de la langue. Nous sommes convaincus qu'il représente le début d'une réponse aux questions posées dans cet article.

* Membres de l'initiative Müpüley taiñ mapudungun. Contactez-nous à : simonna.mayo@gmail.com et francisco@cpr.org.ar