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Nostalgies et réalités prennent vie dans les sombres dessins de Leonardo González

mercredi 22 février 2017 à 09:40

Lost Childhood (Enfance perdue, 2016) de l'illustrateur vénézuélien Leonardo González. Réalisation en référence à la jeunesse marquée par la violence des bandes armées dans les quartiers urbains du Vénézuela. Image utilisée avec autorisation.

Leonardo González est un illustrateur vénézuélien basé à Berlin. Son travail est très particulier dans la mesure où il montre comment son propre pays est vu et subi depuis l'étranger et, dans le même temps, il offre sa propre vision des événements qui le touchent là-bas, dans cette Europe qui est devenue son chez-lui.

Le producteur et écrivain César Elster a décrit son travail ainsi :

(…) a tropical-punk, realistic universe in which carefully written, beautifully drawn-yet-fucked-up characters constantly go through a wide range of gloom emotions.

(…) un punk tropical, un univers réaliste soigneusement écrit dans lequel des personnages déboussolés, bien que magnifiquement dessinés, traversent un large éventail d'émotions négatives.

Illustration de Leonardo González à partir de la Cota Mil, l'artère urbaine qui traverse une importante partie de la ville de Caracas.

Pour González, il est plus facile de créer des personnages inspirés de sa propre réalité que de raconter quelque chose par de simples mots. Comme beaucoup de personnes ayant quitté leur pays, il vit dans un entre-deux : entre le maintenant de celui qui émigre et dans le passé qu'il a laissé derrière lui, comme les amis, la famille et les lieux qui lui manquent. Mais dès qu'il s'agit du Vénézuéla, il faut ajouter à cette nostalgie l'inquiétude liée à la crise profonde qu'affronte le pays actuellement.

Les images de González sont fortes, provocantes, habitées par des êtres connectés par les extrêmes et qui vivent entre précarité, nostalgie et joie fragile qu'il maintient grâce au papier et à l'encre qui les soutiennent. À ce sujet, González a expliqué à Global Voices par e-mail :

Ahora estoy creando sobre mi país porque me afecta personalmente y me duele que mi familia y amigos estén mas flacos que antes, literalmente [Dibujar] es lo mínimo que puedo hacer para darles ánimo. Mucha gente ha encontrado su voz en mis imágenes y [eso] me incita a seguir hablando por ellos.

Je suis en train de créer quelque chose sur mon pays parce que cela me touche personnellement et parce que ça me fait mal de voir ma famille et mes amis plus maigres qu'avant. Littéralement, [dessiner] c'est le moins que je puisse faire pour leur donner du courage. Beaucoup de gens se sont retrouvés dans mes dessins et [cela] m'incite à continuer de parler pour eux.

Illustration de Leonardo González évocant la crise alimentaire du Vénézuéla et la redistribution de produits proposée par l'État.

Si, parmi les illustrations de González, on trouve des œuvres qui reflètent des situations complexes et qui sont racontées par l'artiste en une seule image, on en également d'autres où plusieurs images sont associées pour raconter des histoires plus longues. C'est le cas de son œuvre Night out (2015) qui raconte comment deux jeunes ont vécu les attentats du 13 novembre 2015 à Paris et les conséquences de ceux-ci à Barcelone, en Espagne.

Quand les personnages de González parlent, ils s'expriment aussi bien en espagnol qu'en anglais, comme s'il n'y avait pas pour lui de différences entre une langue et une autre. Ses histoires, ses illustrations sur le Vénézuéla ou l'Europe, se mélangent aussi pour nous montrer comment on vit le monde depuis une fenêtre dessinée et signée par lui-même.

Apprendre le Kwak̓wala en s'amusant à l'aide de mèmes

mardi 21 février 2017 à 13:56

Mème par Pewi Alfred. Traduction : “Il fait froid aujourd'hui ! Vraiment froid.”

Pewi Alfred (Qui lance avec grande force) participe au Défi du mème de la langue maternelle en créant des mèmes dans la langue Kwak̓wala.

Le défi a été une façon supplémentaire pour cette institutrice de faire participer les enfants à qui elle enseigne à l'école T̓łisa̱lagi’lakw d'Alert Bay, dans la Colombie Britannique (Canada). Pewi, membre du peuple Nimpkish, enseigne la langue dans la communauté depuis ses dix-neuf ans. Son propre apprentissage fut conduit entre autres par sa grand-mère, qui l'a guidée et lui a appris à lire et écrire en kwak̓wala, lui faisant ainsi acquérir un large vocabulaire. Pewi contribue au Portail de la communauté kwak̓wala sur First Voices par des enregistrements audios, des entretiens, des mots, livres et chansons depuis plusieurs années. En outre, elle prête son aide au musée local du Centre culturel U'mista.

Dans cet entretien avec Rising Voices, elle parle de la création de mèmes dans son enseignement et du rôle que ceux-ci jouent pour aider ses élèves à aimer leur apprentissage. Pewi croit dur comme fer à la sauvegarde et à la revitalisation des langues, mais elle est convaincue qu'il faut passer s'amuser en le faisant. “Baissons la garde, travaillons ensemble pour sauver notre langue. N'embarquons que dans un seul canoe pour aller là où nous voulons aller”, affirme-t-elle. Pour le Défi #MemeML, elle a surtout publié ses mèmes sur Facebook.

Rising Voices (RV) : Quel est le status de votre langue, dans la vie courante ainsi que sur Internet ?

Pewi Alfred (PA): Kwak̓wala is not used at home, as many do not speak the language. I use language as much as I can when online, sharing songs, dance translations and short conversations with my cousins. We also do our best to text in our language with the words that we know and have learned. For up to 7 hours a day when teaching at our local band school I teach 65 awesome students songs, dances and words using the Total Physical response method. We are going to begin teaching an afterschool class again to help learn, read and write. We hope for dedication and commitment from the community because I feel it’s a need, but also that people are getting more interested and enthused. I feel these memes are a good start for inspiration and encouragement.

Pewi Alfred (PA) : Le kwak̓wala n'est pas parlé à la maison, parce que beaucoup ne parlent pas la langue. Je l'utilise autant que je peux quand je suis sur Internet : je partage des chansons, des traductions de danses et des petites conversations avec mes cousins. Nous faisons aussi de notre mieux pour écrire notre langue avec les mots que nous connaissons et que nous avons appris. Quand j'enseigne dans notre groupe musical scolaire, jusqu'à sept heures par jour, j'apprends à soixante-cinq supers élèves des chansons, des danses et des mots avec la méthode de la réponse physique totale. Nous allons recommencer à donner un cours du soir pour aider à apprendre, lire et écrire. Nous espérons que la communauté s'y investira parce que je pense qu'il y a une demande, un besoin, mais aussi parce que les gens sont de plus en plus intéressés et enthousiastes. Je pense que ces mèmes sont un bon point de depart pour trouver inspiration et encouragement.

RV: Pourquoi avez-vous décidé de participer au Défi du mème de la langue maternelle ?

PA: My boss sent a link for the meme challenge through email. I quickly jumped on the opportunity and feel that it is important to always encourage language use, and to promote others to use it while having fun. It needed to begin somewhere and feel that everyone is enjoying it! This is a bright idea that others quickly took me up on my challenge and began adding right away. I also sent to many other language speakers in our area and they are now creating and adding by the day tagging me in their posts. I am going to begin creating my own memes along with GIFs once I figure that part out with my intermediate students. They are getting really good at speaking and reading and have seen all that I’ve added so far and find humor in it. They have some good ones to add now. I feel that role modeling for them has had a great positive impact on them to share who they are as a Kwakwa̱ka̱’wakw.

PA : Mon patron m'a envoyé un lien vers le défi par email. J'ai sauté sur l'occasion, je pense que c'est important de toujours encourager l'utilisation de la langue et que d'autres l'utilisent en se faisant plaisir. Il fallait commencer quelque part et faire en sorte que tout le monde passe un bon moment ! C'est une idée brillante, et d'autres m'ont rapidement suivie dans le défi et ont participé immédiatement. J'ai également fait suivre le lien à des locuteurs d'autres langues de notre region et ils participent maintenant aussi chaque jour et me mentionnent dans leurs billets. Je vais me mettre à créer mes propres mèmes avec des GIFs dès que j'aurais trouvé une façon de le faire avec mes étudiants intermédiaires. Ils deviennent vraiment bons en conversation et en lecture, ils ont vu tous les mèmes que j'ai publiés jusqu'a aujourd'hui et ils en aiment l'humour. Ils ont les leurs à ajouter maintenant. Etre leur modèle a un impact très positif sur eux et les aide à partager leur identité de Kwakwa̱ka̱’wakw.

RV: À qui aimeriez-vous lancer le défi de créer un mème en karuk ?

PA: As I have said above, that I have shared with other Kwak̓wala language speakers. All of them send their memes to me and we challenge one another daily, some with humor and some serious obvious words that most people love to learn, anyway. It’s a very awesome tool and another way to share our language with others. I am not sure if others are sure they are learning but they sure are having fun reading them. Now that I think of it, I would love to get the elders of our community to add memes along with us, we cannot do it without them.

PA : Comme je l'ai dit plus haut, j'ai partagé le défi avec les autres locuteurs de Kwak̓wala. Tous  m'envoient leurs mèmes et nous nous lancons un défi chaque jour, parfois avec humour et parfois avec des mots sérieux et importants que les gens aiment apprendre de toute facon. C'est un outil fantastique et une autre manière de partager notre langue avec d'autres. Je ne sais pas si les autres apprennent quoi que ce soit mais je sais qu'ils s'amusent à les lire. Maintenant que j'y pense, j'adorerais que les anciens de notre communauté ajoutent leurs mèmes aux nôtres, nous ne pourrions pas faire tout ça sans eux.

Découvrez plus de mèmes participant au Défi dans différentes langues du monde en recherchant le mot-clé #MemeML sur Instagram, Twitter, ou Facebook. Le Défi a aussi son groupe sur Facebook et accueille les contributions du monde entier.

Voyage en Asie grâce à la collection photographique publique du MET

lundi 20 février 2017 à 19:49

Parinirvana du Bouddha. Or, vernis et argent, XVIIIe siècle, Thaïlande. CC0 1.0.

Plus de trois cent mille photographies d'oeuvres d'art et d'artefacts culturels de la collection du Metropolitan Museum of Art de New York (le Met) sont maintenant librement accessibles pour une utilisation sans restriction.

La politique d'accès libre du Met fut annoncée le 7 février 2017 dans le cadre de la stratégie du musée pour toucher un public plus large :

Since our audience is really the three billion internet-connected individuals around the world, we need to think big about how to reach these viewers, and increase our focus on those digital tactics that have the greatest impact. Open Access is one of those tactics.

Puisque notre public réel est composé des trois milliards de personnes dans le monde connectées à Internet, nous devons réfléchir à la façon d'attirer ces visiteurs et nous concentrer sur les tactiques numériques qui ont le plus d'impact. Le libre accès est l'une de ces tactiques.

Nous avons fait une recherche sur l'Asie du Sud-Est dans cette collection et nous avons trouvé 1 023 images d'oeuvres d'art indonésiennes, 397 de Thaïlande et 25 du Myanmar.

Ces ressources ne sont pas seulement importantes pour les chercheurs, mais aussi pour le grand public désireux d'accroître ses connaissances sur l'histoire et la culture. La majorité de ces images fournissent des informations intéressantes sur les diverses cultures, pratiques religieuses et histoire économique de l'Asie du Sud-Est.

Nous reproduisons ci-dessous quelques unes des photographies qui peuvent être librement téléchargées depuis la collection de domaine public du Met.

Indonésie

Nécessaire à écriture portatif. Peau d'ange et ivoire, XIXe siècle. CC0 1.0.

Garuda aux dauphins. Or et joaillerie, XVIIIe siècle. CC0 1.0.

Clochette en forme de tête de Kala. Bronze, XIIe siècle. CC0 1.0.

Myanmar

Bouddha couronné debout. Bois avec des traces de vernis rouge, gesso et feuille d'or, XIIe siècle. CC0 1.0.

Bouddha assis sur une base de lotus double. Bronze incrusté d'argent et cuivre, XIe siècle. CC0 1.0.

Pièces de jeu d'échec, XVIIIe siècle. CC0 1.0.

Thaïlande

Bracelet avec un serpent tricéphale. Or, XVe siècle. CC0 1.0.

Têtes de Hevajra et quatre yoginis dansantes. XIe siècle. CC0 1.0.

Brèves craintes de censure d'une radio russe après un avertissement du Roskomnadzor

lundi 20 février 2017 à 19:41

Le rédacteur en chef de la radio Echo de Moscou, Alexeï Venediktov. Source : Wikimedia Commons

[Les liens sont en russe, sauf mention contraire.]

Le 10 février, une rumeur éclair a couru au sujet d'une nouvelle vague de répression contre les médias russes, quand on a appris que l'organe de censure des médias russes avait averti la radio Echo de Moscou qu'elle pourrait être suspendue si elle ne se mettait pas en conformité avec la loi sur les investissements étrangers dans les médias.

C'est le site web du tabloïd Life News qui a rapporté le premier que la radio Echo de Moscou pourrait être suspendue dans les cinq jours. Les responsables du Roskomnadzor ont aussitôt précisé que leur lettre d'avertissement concernait des dispositions techniques telle que la nécessité de soumettre en temps voulu certains documents, apaisant les craintes quant à la suppression d'un énième média russe.

La lettre du Roskomnadzor stipulait que la radio Echo de Moscou devait se conformer à une loi de 2014 limitant à 20% la part que peuvent détenir des investisseurs étrangers dans un média russe. La loi a pris effet le 1er janvier 2016, et donnait aux compagnies de médias jusqu'au 1er février de cette année pour mettre leur structure de propriété en conformité.

Alexeï Venediktov, le rédacteur en chef de la radio en question, a fait savoir que la radio avait déjà pris l'an passé des mesures pour se conformer à la loi : la société américaine EM-Holding, dirigée par le magnat russe des médias Vladimir Goussinski, a fait passer sa participation de 34 % à 19.9 % dans ce but. Gazprom Media, une filiale du géant national de l'énergie Gazprom, détient 66 % de la station.

Venediktov a répondu à cette lettre via Twitter, indiquant que la radio ferait tout ce qui était en son pouvoir pour se mettre en conformité avec la loi russe.

Nous allons bien évidemment accéder aux demandes du Roskomnadzor, bien que cette interprétation de la loi soit pour nous inattendue. Nos légistes y travaillent.

Bien que la loi ne précise pas que les compagnies actionnaires ne peuvent pas être enregistrées aux États-Unis, certains ont tout d'abord exprimé la crainte que le Roskomnadzor l'ait interprétée dans le sens d'une interdiction de tout investissement étranger dans les médias.

Le rédacteur en chef de la radio Echo de Moscou, Alexeï Venediktov. Source : archive.government.ru

Mais les fonctionnaires du Roskomnadzor ont affirmé que cette lettre n'avait rien à voir avec une éventuelle fermeture de la radio. Un représentant de l'agence, Vadim Apelonski, a déclaré à Life News qu'il ne s'agissait que “d'une lettre technique d'information, rappelant la nécessité de suivre les dispositions légales sur la propriété étrangère dans les médias russes.” Leonid Lévine, le chef du comité de la Douma pour les communications, a ensuite expliqué que cette lettre ne concernait “pas une violation de la loi en ce qui concerne les parts des investisseurs étrangers, mais la nécessité de fournir en temps voulu les pièces” détaillant ces parts.

Ce n'est pas la première fois que la radio Echo de Moscou attire sur elle l'attention du gouvernement russe. En octobre 2014, la station a reçu un avertissement [en] du Roskomnadzor au sujet de sa couverture de la guerre en Ukraine. Quelques semaines plus tôt, le ministre russe des Situations d'urgence avait annoncé son intention de procéder à une inspection des installations de la station, une tactique couramment utilisée pour fermer les entreprises et les agences qui n'ont pas les faveurs du Kremlin.

La station est connue pour présenter un large éventail de points de vue, y compris ceux de militants de l'opposition. Parmi ses invités réguliers, Vladimir Kara-Murza, qui critique ouvertement Poutine, vient d'être victime de gros ennuis de santé [en] pour la deuxième fois en deux ans, peut-être par suite d'un empoisonnement intentionnel. Le blogueur anti-corruption et opposant Alexeï Navalny est aussi un contributeur régulier; un tribunal russe l'a déclaré coupable [en] de détournement de fonds début février, ce qui va l'empêcher de faire campagne contre Poutine pour l'élection présidentielle de 2018.

Enfin, ce n'est un secret pour personne que l'Echo de Moscou prend souvent Poutine à rebrousse-poil. Lors d'une fameuse rencontre avec les médias officiels, en 2012, ce dernier a dit [en] à Venediktov: “Vous me déversez une diarrhée dessus jour et nuit.”

Des indigènes menacés de spoliation à Dourados, Mato Grosso do Sul.

lundi 20 février 2017 à 10:55

 

Maison de prières dans la réserve indigène de Dourados, près de Yvu Vera. Photographie : Marcello Casal Jr. – Agência Brasil CC-BY 3.0

Ce billet a été publié sur le site de l'Instituto Socioambiental, et est reproduit sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu. Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en portugais.

A Dourados, au sud de l'état brésilien du Mato Grosso do Sul [fr], une communauté d'indigènes Guarani Kaiowá et Terena est sur le point d'être dépossédée par décision de justice. Située dans la périphérie urbaine du municipio, elle est l'une des six communautés qui avaient repris possession des zones appartenant à la réserve indigène de Dourados – créée il y a 100 ans par le Service de protection des indiens pour y circonscrire les populations de la région et libérer de la terre pour la colonisation.

Les jugements, qui ont décidé de l'exécution des cinq mandats de restitution de propriété [aux propriétaires fonciers, NdT] contre les indigènes, ont été publiés le 11 janvier par la deuxième Cour de justice fédérale de Dourados mais datent du 14 décembre 2016, date à laquelle un délai de 20 jours a été décidé pour permettre à la Fondation nationale de l'indien (Funai) d'exécuter l'ordre de réintégration. Ce délai est arrivé à échéance hier, et à partir de maintenant c'est à la police fédérale d'exécuter les ordres.

La semaine dernière déjà, les dirigeants des peuples indigènes avaient été informés de l'avancement des opérations par la Funai, et la police fédérale leur avait proposé de se retirer volontairement de la zone. Mais les Guarani Kaiowá et les Terena n'ont pas accepté : “La communauté a décidé de ne pas partir et de se montrer déterminée. Il y a des gens avec des problèmes de santé, des gens qui connaissent bien l'histoire. La terre doit être délimitée”, affirme Russi da Silva Martins, du peuple Terena.

Yvu Vera, près de 20 hectares, a été réoccupée en février 2016 et rassemble une population de 200 personnes qui vivent dans près de 70 cabanes à la lisière de la voie de contournement de la ville. Elle est l'une des quatre zones “réoccupées” proches de Dourados. Elles étaient six l'an dernier, mais deux d'entre elles, Ita Poty et Unati Pokee Huvera, ont été démantelées.

Sous pression

En mars 2016, tout de suite après la reprise, les fermiers et les propriétaires engageaient déjà des actions de réintégration. Les cinq qui ont obtenu des verdicts favorables revendiquent maintenant la propriété des terres du Sítio Bom Futuro, de la Fazenda Bom Futuro et du Sítio São Luiz, mais les indigènes affirment qu'ils ne détiennent pas les titres de ces biens.

Cette zone fait partie d'un groupe de travail d'identification des territoires indigènes de Bacia Douradopegua, travaux que la Funai n'a pas encore achevés. L'entité indigéniste a déposé un recours, dont elle attend le jugement, et les indigènes craignent d'être pris au dépourvu par les forces de l'ordre comme ça a été le cas en d'autres occasions.

A Caarapó, plus au sud du Mato Grosso do Sul, deux autres territoires traditionnels sont eux aussi menacés de réintégration, Jeroky Guasu et Ñamoy Guavira'y, qui font partie du territoire indigène Dourados Amambaipeguá I, identifié comme tel par la Funai l'an dernier.

La réserve indigène de Dourados, de 3 475 hectares, est connue pour présenter l'un des indices de violence et de densité démographique les plus élevés en terre indigène. Sa population dépasse largement celle des autres réserves créées par le Service de protection de l'indien (SPI) au début du XX° siècle : en 2010, les indigènes de la réserve représentaient 6,22 % de la population de Dourados, la deuxième plus grande ville du Mato Grosso do Sul ; en 2014, ils étaient 15 023, d'après les données du secrétariat spécial de santé indigène (Sesai).

Pour l'anthropologue Diógenes Cariaga, qui étudie la réserve, les actions de reprise sont directement liées à la grande pression démographique subie à l'intérieur de la zone et à la vulnérabilité instaurée par le processus historique de confinement.

“A partir du moment où ils reprennent la terre, ils mettent fin au système de la réserve, régi par les tensions entre les groupes familiaux. Cette multiplication de reprises découle directement de la densité croissante de la population”, explique-t-il. D'après lui, les indigènes sont pleinement conscients que les processus de démarcation, et leurs droits territoriaux, peuvent être entravés par la crise politique du pays. “Occuper les terres est une façon de faire pression”.