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Qui était Hatice Ezgi Sadet, l'activiste de 20 ans disparue dans l'attentat de Suruç en Turquie

samedi 1 août 2015 à 13:40
Hatice Ezgi Sadet in an undated selfie.  Credit: Hatice Ezgi Sadet's Instagram.

Hatice Ezgi Sadet sur un selfie sans date. Crédit : compte Instagram de Hatice Ezgi Sadet.

Cet article et le reportage audio de Zeynep Bilginsoy et Jared Goyette pour The World sont apparus  sur PRI.org le 21 juillet 2015, et sont republiés ici dans le cadre d'un accord de partage de contenus.

Avant d'être tuée par un kamikaze, avant que ses photos Instagram ne soient partagées et aimée par des milliers de personnes, Hatice Ezgi Sadet était une étudiante turque en histoire de l'art âgée de 20 ans qui avait hâte de faire une mission de fouilles archéologiques et d'utiliser pour la première fois son permis de conduire.

Hatice Ezgi Sadet avait pourtant repoussé son voyage : elle avait un projet plus urgent. Elle faisait partie d'un groupe d'étudiants et d'activistes en route pour aider à reconstruire la ville siro-kurde de Kobane, détruite durant la guerre entre les forces kurdes et le groupe ISIS l'année dernière. Elle avait pris un selfie avec un groupe de jeunes hommes et femmes dans un bus, tout sourires, suivi de la légende : « En route pour la révolution. » Elle avait commencé à documenter son séjour sur le pseudo Umutlugil sur Instagram (la Famille Optimiste). Elle avait dit à ses amis qu'elle serait de retour d'ici quelques jours.

Les volontaires étaient venus de toute la Turquie, beaucoup d'entre eux appartenaient à  l'Association de la Fédération de la Jeunesse Socialiste ainsi qu'à d'autres groupes politiques de gauche. On pouvait retrouver parmi eux des étudiants, des activistes, des observateurs d'élection, des révolutionnaires, anarchistes, socialistes, objecteurs de conscience et un candidat au poste de Premier Ministre. Hatice Ezgi Sadet était montée dans un des bus d'Istanbul allant à Suruç, une ville principalement kurde en Turquie, près de Kobane. Connue pour son sourire et sa personnalité enjouée, elle était un porte-parole non officiel du projet Rebuilt Kobane (Reconstruisons Kobane), donnait des interviews et communiquait avec des fonctionnaires du gouvernement quand les étudiants ont fait face à la bureaucratie complexe qui régule les permis d'entrée à Kobane.

Hatice Ezgi Sadet is in the brown shirt, to the right, as she travels on the bus to Suruç with fellow activists. Credit: Hatice Ezgi Sadet's Instagram.

Hatice Ezgi Sadet porte le tee-shirt marron, sur la droite, alors qu'elle voyage dans le bus pour Suruç, avec d'autres activistes. Crédit : compte Instagram de Hatice Ezgi Sadet.

Le 20 juillet au matin, le groupe et les locaux se rencontrent afin de parler des projets pour reconstruire Kobane. Ils avaient rassemblé des provisions humanitaires, dont des livres et des jouets pour les enfants. Ils souhaitaient aider à construire une école, une bibliothèque et un parc. Alors que la caméra les filme, ils commencent lentement à chanter, tenant drapeaux et bannières sur lesquelles on pouvait lire « Nous l'avons défendue ensemble, nous la construisons ensemble. » Suivent l'explosion, la panique, les cris, les corps mutilés éparpillés dans les arbres. Un kamikaze.

« Quand j'ai entendu l'explosion à la radio, j'ai pensé “non, ça n'a rien à voir avec elle, elle ne peut pas mourir”» a dit l'amie de Sadet, Zeynep, qui a demandé à être identifiée sous un pseudonyme, par peur pour sa propre sécurité. « Je lui ai demandé de ne pas y aller. J'avais peur de cela car des gens sont constamment tués. »

Le souffle de la bombe s'est propagé dans le Centre Culturel Amara, a tué 32 personnes et en a blessé plus d'une centaine. Les officiels turcs ont parlé de terrorisme et ont dit avoir identifié un suspect qu'ils pensent être lié au groupe ISIS. Cet attentat suit plusieurs éliminations de militants présumés liés à ISIS.

« Vous voyez clairement un motif émerger, où des sympathisants du groupe ISIS ou ISIS lui-même accroît ses attentats, à l'intérieur de la Turquie tout comme à la frontière syrienne voisine » explique Aaron Stein, un doctorant d'Istanbul au Centre Politique de Sécurité de Genève, hôte du podcast Turkey Wonk (Les mordus de politique turque).

Mais le danger évident n'était pas assez pour dissuader Sanet ou ses collègues. « Elle était tellement optimiste. Elle est allée à Kobane en espérant être utile, qu'elle aiderait » a dit Zeynep.

Sadet avait seulement 20 ans, mais elle n'était pas une activiste novice. Elle était une habituée des protestations du parc Gezi de 2013, et avait participé à de nombreuses manifestations depuis. « On travaillait sur beaucoup de projets en dehors de Kobane, tout particulièrement sur la prévention des meurtres de femmes » explique un activiste et camarade de classe de Sadet, Emre Demirel. « Ezgi travaillait beaucoup sur ce projet. Les meurtres de femmes sont un des grands maux de la Turquie. Les droits LGBT, les droits des enfants sont importants pour nous. Nous travaillons là-dessus. Nous accordons une importance nécessaire à tous les droits et aux bons conflits. Nous avons participé à des marches, nous avons fait des conférences de presse, travaillé pour informer le public. »

Hatice Ezgi Sadet stands at the far right of this group selfie, making a peace sign during a Gay Pride rally in Istanbul. Please note that this photo is not a photo of Suruç volunteers or victims, as the photo has widely been misrepresented on social media.  Credit: Hatice Ezgi Sadet's Instagram.

Hatice Ezgi Sadet se trouve tout à droite de ce selfie et fait le signe de la paix durant une Gay Pride à Istanbul. Il faut noter que cette photo n'est pas de Suruç, des volontaires ou des victimes, car cette photo à été largement mal interprétée sur les réseaux sociaux. Crédit : compte Instagram de Hatice Ezgi Sadet.

« Mais il y avait cette réalité, une Kobane qui était détruite et qui était à reconstruire » dit un Demirel de 25 ans sur l'urgence qu'il y avait à venir ici. « C'est une tragédie humaine ici et des enfants ont perdu leurs familles, leurs vies ont été marquées. Nous allions être une lueur d'espoir. Nous allions faire notre possible pour changer la vie de ces enfants. »

Demirel regrette de ne pas avoir été présent avec ses amis et explique que, malgré les attentats, les étudiants ont pour projet de se réunir et de faire un autre voyage. Il se souvient du sourire de Sadet et dit « Nous allons reprendre les sourires de nos camarades. »

« Nous ne laisserons pas tomber les idéaux de nos amis à mi-chemin » dit-il. « Nous ferons tout ce qui est nécessaire. À Kobane, nous construirons cette maternelle, ce parc, cette bibliothèque. »

Zeynep Bilginsoy a écrit et édité depuis Istanbul, Jared Goyette a écrit depuis les bureaux de PRI à Minneapolis.

L'Ouganda réfléchit au bilan des OMD et à la mise en place des objectifs de développement durable

vendredi 31 juillet 2015 à 14:44
Speakers at the Dialogue in Kampala: Photo by UNDP Uganda

Des intervenants de la conférence Dialogue in Kampala: Photo UNDP Uganda.

L'année 2015 est là et avec elle la date butoir des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) [fr], qui ont commencé en 2000. Selon un rapport du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l'Ouganda, un pays de plus de 37 millions de personnes en Afrique de l'est, a atteint deux des 17 cibles des OMD au cours des 15 dernières années: réduire de moitié le nombre de personnes vivant dans la pauvreté absolue et assurer la viabilité de la dette.

Mais dans un pays qui est classé 142ème sur 175 pays en 2014 dans l'Index de perception de la corruption de Transparency International, beaucoup d'observateurs croient qu'on aurait pu faire  davantage.

Comme les autres pays l'Ouganda va maintenant chercher à atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) [fr] – 17 objectifs orientés vers l'action et soutenus par l'ONU, à partir de septembre. Ces objectifs sont illustrés dans l'infographie ci-dessous par Global Daily:

SDGs infograph

Comme l'ont relevé des spécialistes de premier plan, il est irréaliste de s'attendre à ce qu'un pays atteigne les 17 objectifs et les 149 sous-objectifs qui y sont indiqués:

Il n'y a aucun pays qui va réaliser tous les #ODD. Ils doivent tous choisir leurs priorités

L'Ouganda est un pays qui s'est activement impliqué dans les discussions sur le financement des activités pour les objectifs de développement durable. La troisième conférence sur le financement a eu lieu à Addis-Abeba, en  Ethiopie, du 13 au 16 juillet 2015.

Comme le site de l'ONU [fr] indique:

La Conférence a abouti à l'adoption du Programme d'Action d'Addis-Abéba, un cadre global pour orienter les politiques qui permettront de mobiliser des ressources financières, ainsi que le lancement de nouvelles initiatives pour financer la réalisation des objectifs proposés de développement durable, y compris sur la protection sociale, l'accès à l'énergie propre, et une plus grande coopération sur les questions fiscales.

Immédiatement après la résolution d'Addis-Abeba, le bureau du Premier ministre ougandais a organisé une rencontre de haut niveau avec des délégations venues du monde entier pour contextualiser les résultats de la Conférence dans le cadre de la réalisation du NDPII (Programme national de développement II) de l'Ouganda, et réfléchir sur les stratégies de financement du développement durable en Ouganda.

Des discussions clés centrées sur les ressources pour financer le développement durable et comment l'Ouganda pourrait explorer les ressources inexploitées.

Selon S. E. Sam Kutesa [fr], un ancien ministre des affaires étrangères de l'Ouganda et président de la 69e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, l'Ouganda a été le premier pays à organiser un tel débat après la réunion à Addis-Abeba:

“C'est la première encontre de haut niveau jamais organisée par aucun autre pays après la conférence d'Addis”

M. Kutesa a également souligné:

L'Ouganda doit concentrer ses énergies sur la mobilisation des ressources à travers la collecte des recettes intérieures en explorant des potentiels inexploités et la mobilisation des ressources alternatives pour le financement du développement durable ainsi que toutes les mesures nécessaires.

Ses observations ont été relayées par les Ougandais participant à l'événement:

Nous ne devons rien à personne pour vivre, nous menons notre combat tous seuls, ceux qui dérangent le monde avec d'autres choses devraient contribuer

En outre, a-t-il dit, l'Afrique doit lutter contre les flux financiers illicites:

Tout le monde est d'accord pour la lutte contre la corruption, c'est clair que les multinationales font beaucoup d'argent ici et elles l'exportent

Contrairement aux OMD qui avaient été décidés par un groupe restreint de membres du personnel des Nations Unies, sept millions de personnes de partout dans le monde ont été consultées lors de la conception des ODD, dans l'espoir de le rendre mieux adaptés aux besoins du monde en développement.

En Ouganda, le deuxième Plan national de développement qui a été lancé en juin de cette année est aligné sur l'agenda post-OMD. Alors que le gouvernement ougandais a fait preuve d'engagement à promouvoir le développement dans le pays, il a également été accusé d'avoir omis de mettre en œuvre des lois et des politiques séduisantes sur le papier.

En supposant que tous les facteurs soient constants et que les sources alternatives de financement soient exploitées, la question de la transparence et de la responsabilisation seront à prendre en considération. L'histoire a montré que la corruption et la mauvaise gestion des ressources ont freiné le développement:

L'Ouganda perd des ressources par la mauvaise facturation, l'évasion fiscale et le blanchiment de l'argent

Cela affecte des éléments essentiels de la société:

Wow! Ainsi l'absentéisme des enseignants en Ouganda atteint 27%, une étude de la Banque mondiale révèle que 30 % n'étaient même pas en classe

L'Ouganda doit faire plus qu'apposer des signatures pour les engagements pris à Addis. Il doit veiller à ce que toutes les ressources qu'il pourra “mobiliser” soient utilisées comme prévu.

Où en est la Macédoine qui exige un “nouveau départ” ?

vendredi 31 juillet 2015 à 14:30
Skopje, Macedonia. 17th May 2015 -- Tens of thousands of protesters take to the streets of Macedonia's capital on Sunday, waving Macedonian and Albanian flags and calling for the government to resign. Photo by Aitor Sáez. Copyright Demotix

Skopje, Macedonia. 17th May 2015 — Tens of thousands of protesters take to the streets of Macedonia's capital on Sunday, waving Macedonian and Albanian flags and calling for the government to resign. Photo by Aitor Sáez. Copyright Demotix

Sauf mention contraire, tous les liens mentionnés dans cet article renvoient vers des pages en anglais.

La Macédoine semble bouillir de mécontentement, peu après la révélation par des politiciens d'opposition du contenu d'enregistrements secrets. Ces documents audio laissent à penser que les services de renseignement du pays ont mis sur écoute, de manière illégale, des fonctionnaires, des politiciens, des journalistes, des rédacteurs en chef et des représentants diplomatiques étrangers.

C'est Zoran Zaev, le leader du Parti Social-Démocrate, qui a porté à la connaissance du public ces enregistrements, au début du mois de février 2015. Il affirme que les écoutes ont été menées à l'initiative du Premier ministre conservateur Nikola Gruevski et de membres de sa famille.

Les cassettes qui ont fuité porteraient sur quatre ans d'enregistrement et semblent confirmer, entre autres révélations, les soupçons de fraude électorale lors du vote de 2014 – le parti du Premier Ministre, le VMRO-DPMNE en était sorti vainqueur. Les suspicions d'une couverture par le pouvoir du meurtre de Martin Neshkovski, par un policier, en 2011, semblent également validées.

La révélation de possibles malversations dans l'affaire Neshkovski a poussé les Macédoniens à descendre dans la rue un peu partout dans le pays, début mai. Le 5 mai, ce qui n'était qu'une manifestation pacifique à Skopje dégénère lorsque la police commence à disperser la foule à l'aide de canons à eau, de grenades fumigènes et de coups de bâton.

Les manifestations font désormais partie du quotidien des plus grandes villes de ce pays, l'un des plus pauvres en Europe. La Macédoine, qui faisait partie de la Yougoslavie, souffre des effets de l'inégalité sociale, et son gouvernement est habitué aux accusations d'incompétence et de corruption. Mais ces phénomènes violents sont nouveaux, et préoccupants.

Lors d'une seconde journée de protestation, un groupe de femmes a formé un cordon au devant des forces de police ; afin d'apaiser les tensions entre les lignes de forces de l'ordre et des “supporters de football” masqués et lançant des projectiles sur le bâtiment du parlement et la police.

Le journaliste Vlado Apostolov (@apostolov80) a posté une vidéo de l’événement:

Le premier jour de manifestation, une manifestante en particulier a créé la sensation après avoir été prise en photo par un photographe Reuters en train d'utiliser un bouclier de police anti-émeute comme miroir, pour rajouter du rouge à lèvres.

 

“La manifestante au rouge à lèvres”, une activiste et représentante du Comité d'Helsinki pour les Droits de l'Homme en Macédoine, a expliqué à Global Voices ce que les Macédoniens qui descendaient dans la rue espéraient obtenir:

Il y a beaucoup trop de supputations, dans les médias, sur la crise politique qui en serait la cause. Mais ce que la société civile demande, c'est un nouveau départ, reprendre tout à zéro. J'aime comparer cela au fait de formater nos ordinateurs. Vous cliquez sur “formater le disque” et recommencez, cette fois en prenant en compte les demandes des différents mouvements, et l'intérêt des citoyens, que j'ai mentionné dans la première question. Notre peuple mérite un pays construit sur des principes de paix, de justice et de solidarité sociale. Notre peuple a besoin d'une nouvelle chance pour pouvoir vivre en liberté et dans la prospérité. Personne ne sait à quoi s'en tenir concernant la généralisation des manifestations, parce que la crise politique et sécuritaire évolue rapidement. Au moment où je vous parle, les choses changent vite, mais la population doit rester fidèle à ses exigences concernant la démission du gouvernement et de responsabilité de tous.

Des médias menacés

Le Parti Social-Démocrate, qui boycotte les les sessions parlementaires depuis les élections de 2014, déclare que la surveillance du gouvernement a ciblé des dizaines de milliers de membres de l'opposition, de journalistes, d'employés d'ONG, de militants politiques indépendants, ainsi que des employés du Parti Social-Démocrate lui-même. Ces employés étaient officieusement désignés par le gouvernement par le terme de “traîtres”.

La liberté de la presse a longtemps été l'objet de pressions visant à la limiter. Le plus haut responsable du renseignement au sein du Ministère de l’Intérieur, Sasho Mijalkov, accusé d'avoir dirigé les opérations de mise sur écoute, a également joué un rôle central dans les pressions financières sur un magazine hebdomadaire macédonien reconnu, dans le cadre de poursuites pour diffamation en 2014. Cet épisode avait débouché sur la fermeture du magazine et de fortes amendes pour son rédacteur en chef et ses journalistes.

En avril 2015, Borjan Jovanovski, un célèbre présentateur de journal d'information macédonien, avait reçu une couronne funéraire portant le message “Adieu”. Jovanovski travaille pour le site d'information indépendant Nova TV et est un critique connu du gouvernement de Gruevski

Dans une tribune publiée dans Balkan Insight en mars, la journaliste d'investigation Meri Jordanovska raconte son sentiment lorsqu'elle apprend qu'elle est l'une des journalistes ciblées par les écoutes:

Je comprends maintenant clairement que quelqu'un savait sur quel article je travaillais. Suffisamment pour que je puisse en conclure que mes sources étaient en danger. Que les centres de décision avaient la capacité d'agir avant que l'article soit publié. Que certains étaient au courant, même si je l'avais toujours soupçonné, des problèmes de mes plus proches relations, des gens qui avaient partagé des informations personnelles avec moi, au téléphone.

Une crise politique

Une semaine avant la divulgation du contenu des écoutes, le Premier ministre Gruevski avait accusé Zaev et d'autres membres de l'opposition de conspiration avec l'étranger dans le but de renverser le gouvernement. Depuis le début des manifestations, les ministres du l'Intérieur (Gordana Jankuloska), des Transports (Mile Janakieski), et le chef des renseignements Mijalkov ont tous démissionné.

Après une fusillade mortelle entre Macédoniens de culture albanaise et la police, en mai, dans laquelle 22 personnes ont trouvé la mort, des représentants de l'Union Européenne ont servi de médiateur dans des pourparlers entre Zaev et Gruevski, afin de résoudre la crise politique dans ce pays candidat à l'entrée dans l'Union. Mais les négociations n'ont pour l'instant pas permis de résoudre les problèmes politiques de la Macédoine.

La Constitution du pays protège de manière claire le droit à la vie privée, mais suite à des réformes récentes, les autorités ont demandé à ce que les opérateurs télécoms intègrent des “backdoors” dans leurs technologies, pour que le Service de Sécurité et de Contre-espionnage, connu sous le nom d'UBK, puisse écouter les conversations de n'importe quelle personne qu'il choisit de cibler.

Bien que la Constitution exige que l'UGK obtienne un mandat d'un juge avant de procéder à des écoutes, la nouvelle politique et les nouvelles pratiques montrent que cette exigence n'a pas été respectée. Un comité d'analyse de la Commission Européenne a vivement conseillé à la Macédoine de combler “ce fossé considérable entre la loi et les pratiques”.

Pour plus d'informations:

Sur Twitter, les conversations sont à suivre avec les hashtags #протестирам (protestiram, “je proteste”, [tweets en macédonien, NDT]) et #ЗбогумНикола (#zbogumnikola, “Au revoir, Nikola”, [tweets en macédonien, NDT])

 

Lettre ouverte aux chaines nationales russes, restées muettes sur la tragédie d'Omsk

vendredi 31 juillet 2015 à 11:30
Two of these men died hours after this photo was taken in a Russian barracks that partially collapsed. Photo from Sergei Filatov's social media page, via Elena Rykovtseva. Facebook.

Deux de ces hommes sont morts quelques heures après avoir pris la photo dans des quartiers russes qui se sont effondrés en partie. Photo tirée du réseau social de Sergei Filatov, via Elena Rykovtseva. Facebook.

Presque deux douzaines de soldats russes sont décédés le 13 juillet, alors qu'une partie des quartiers de Omsk s'effondrait soudainement. Les hommes qui ont péri dans cette tragédie n'avaient pas plus de 18 ans, et pas un seul d'entre eux n'est né avant 1991. Par le biais de son chargé de presse, le Président Poutine a présenté ses condoléances aux familles des disparus et a promis une aide médicale aux 19 survivants.

A la télévision russe cependant, l'accident est passé relativement inaperçu. Dans les jours suivant, les victimes ont été enterrées à travers le pays et les funérailles ont eu lieu dans leur ville natale. Elles n'ont pas fait les manchettes.

Le 15 juillet, dans un post Facebook qui a été partagé plus de 12 400 fois et “aimé” plus de 16 000 fois, Elena Rykovtseva de RFE/RL poste une attaque cinglante contre les médias d'informations de la télévison russe, prenant les réseaux nationaux en défaut pour avoir ignoré le côté humain de la tragédie. Etant donné la grande popularité du texte et à quel point il semble faire écho chez les internautes russes, nous proposons la traduction suivante du post de Rykovtseva.

LEURS NOMS N'ONT PAS ETE MENTIONNES UNE SEULE FOIS DANS LES RESEAUX NATIONAUX DE TELEVISON

  1. R.Shaihulin, 5 octobre 1994
  2. B.Sudnikovich, 4 janvier 1995
  3. A.Polegenko, 17 janvier 1997
  4. R.Yumagulov, 29 mars 1991
  5. M.Ignatenko, 20 janvier 1996
  6. R.Filyanin, 24 juillet 1996
  7. M.Ivanov, 22 octobre 1996
  8. V.Chemezov, 19 octobre 1996
  9. S.Vahrushev
  10. Filatov, 18 août 1996
  11. R.Altynbaev, 14 juin 1994
  12. D.Kenih, 16 novembre 1996
  13. A.Gritskov, 30 janvier 1996
  14. E.Belov, 3 décembre 1995
  15. B.Nafikov, 21 septembre 1996
  16. O.Kortusov, 16 mars 1996
  17. A.Shokaev, 5 novembre 1994
  18. E.Herman, 30 juillet 1995
  19. F.Mamliev, 2 septembre 1996
  20. E.Reshetnikov, 30 septembre 1996
  21. AM.Igoshev, 6 avril 1996
  22. A.Shingareev, 24 avril 1997
  23. V.Lomaev, 29 janvier 1997

Cinq d'entre eux ont été enterrés aujourd'hui à Omsk. Deux autres ont été inhumés à Novosibirsk. Un jour de deuil a également été déclaré à Orenburg. Les dépouilles arrivent également à Irkoutsk, Bachkiria, et St. Pétersbourg. Les gens pleurent d'un bout à l'autre du pays, mais ce n'est plus le problème des chaines télévision. “[Le groupe nationaliste ukrainien] Pravyi Sektor marche sur l'Europe. Les autorités ukrainiennes sont incapables de contrôler les radicaux.” C'est ainsi que leur fichu journal télévisé commence. Et pas un mot sur nos jeunes garçons décédés.

En ce moment, des funérailles ont lieu à Omsk—déjà pour le deuxième jour consécutif. Mais il n'y a aucune nouvelle provenant de là-bas. Pas une seule émission en direct. Et je me rappelle bien comme Rossiya-24 (Russie-24) diffusait 24 heures sur 24 la couverture médiatique accordée aux funérailles du séparatiste de Lugansk, [Alexey] Mozgovoi. Je me souviens comme c'était diffusé en boucle, alors que le micro était tendu aux familles, puis aux amis, et aux habitants, et comment chacun pleurait en évoquant quel grand et exceptionnel parrain et protecteur il était. Lorsqu'il s'agit de nos garçons de l'armée russe, qui ont juste fanatiquement voulu servir en tant que parachutistes, il n'y a rien à la télévision. Personne ne diffuse les réactions, ou les condoléances d'un seul parent ou ami du défunt—en dehors de la réaction de sympathie de Putin, comme répété par [son attaché de presse Dmitry] Peskov. Et ce n'était que le premier jour.

Hier, le deuxième jour, s'exprimant alors devant un groupe d'étudiants à Klyazma, [Putin] ne se souvient plus de cet autre jeune homme. Il a affiché un large sourire et a félicité la foule pour le beau temps qu'il faisait. C'était comme si ce qui était survenu dans les quartiers de Omsk n'avait jamais eu lieu. Les noms des victimes n'ont jamais été cités dans un seul réseau national de télévision. Ces hommes sont sans nom—les 23 sans exception.

Ce n'est rien de personnel les gars.

Mais chacun de ces garçons a son propre réseau social, avec des photographies. Et il aurait au moins été possible de dire quelque chose—n'importe quoi—à propos de ces hommes, et de leurs familles. Un mot à propos d'Oleg Kortusov, par exemple, qui était un combattant prometteur et dont la fiancée attendait un enfant. Ou quelque chose à propos d'Egor German, un autre originaire d'Omsk, qui laisse derrière lui un bébé d'un an à peine.

Et ne parlons même pas d'aider les personnes qui étaient chères à la victime—les proches des morts et des survivants. Ils ont transféré un autre soldat d'Omsk, Volodya Petrov, à Moscou, et le Ministère de la Défense paie ses soins, mais aucune somme n'a été versée à sa famille pour la dédommager du transport en train ou de son hébergement dans la ville. Et sa mère n'a plus rien. C'est la raison pour laquelle la ville de Omsk s'est regroupée et a collecté des fonds afin de l'aider.

Pour une raison quelconque, il ne veulent pas en parler sur leurs réseaux nationaux de télévision, qui ont pourtant une audience s'élevant à des millions. Pour une raison que l'on ignore, ils ne veulent pas dire ne serait-ce qu'une chose bien concernant ces gars, ou demander au pays, si lui peut-être, aussi, voudrait apporter son aide, en plus de l'aide ponctuelle que leurs familles ont reçue de l'Etat (qu'elles ne recevront pas tout de suite, d'ailleurs)?

Mais je ne veux plus parler de ces gens ni de leurs chaînes de télévision. Laissons-les vivre avec leur honte. Je veux juste dire au revoir à ces garçons. Et aussi en leur mémoire, je voudrais publier cette photo [voir ci-dessus], que j'ai trouvée dans le réseau social de l'un d'entre eux, Sergei Filatov. C'est le deuxième en partant de la droite dans la dernière rangée du fond. A l'avant, c'est Valery Lomaev de St. Pétersbourg. Il est également décédé. La photo date du 12 juillet, quelques heures avant la tragédie, dans les quartiers même.

De plus en plus isolé, le Président de la Gambie libère presque tous les prisonniers

jeudi 30 juillet 2015 à 18:57
Le président gambien Yahya Jammeh. Photo domaine public par la Maison Blanche téléchargées en ligne par l'utilisateur de  Wikipedia  Alifazal.

Le président gambien Yahya Jammeh. Photo du domaine public par la Maison Blanche, téléchargées en ligne par l'utilisateur de Wikipedia Alifazal.

Le Président Yahya Jammeh de Gambie aurait vidé [fr] les prisons notoirement surpeuplées du pays et aurait promis d'ouvrir une nouvelle page. Dans une allocution télévisée à l'occasion du 21ème anniversaire de son renversement [fr] du président démocratiquement élu Dawda Kairaba Jawara le 22 juillet 1994, M. Jammeh a dit qu'il avait accordé la clémence à tous les condamnés entre 1994 et 2013.

La libération des prisonniers de la part de M. Jammeh comprend aussi une amnistie générale pour tous les militants politiques en exil. On ne sait pas combien de détenus sont concernés, mais la proclamation a indiqué que la mesure concernait aussi les détenus dans le couloir de la mort, dont le nombre était estimé à 38 en août 2012.

Voici une vidéo sur YouTube de The Gambia Inquirer (L'enquêteur gambien) du Président Jammeh:

La clémence de M. Jammeh a jusqu'ici généré des réactions mitigées, en particulier de la part de certains de ceux qui sont concernés. Beaucoup de dissidents gambiens vivant à l'étranger ont rejeté la soi-disant magnanimité comme une simple manoeuvre politique.

Jallow Mathew a écrit sur ​​Facebook:

Yahya Jammeh dit qu'il a pardonné à tous les dissidents. Tu rigoles? Nous pardonner de quoi ? De dénoncer ses meurtres, de voler le pays ouvertement, d'emprisonner tout ce qui respire, et beaucoup, beaucoup plus? Yahya Jammeh est dans une situation difficile et il le sait. Il a peur et a recours à une propagande bon marché pour sauver son régime moribond. Mon conseil à Yahya Jammeh est de démissionner immédiatement afin que, de concert avec les partis politiques, nous formions un gouvernement d'unité nationale pendant 18 mois, afin de préparer les premières élections libres en vingt ans. Telle est notre position commune. Elle n'est pas négociable.

Karamba Touray a rejeté l'amnistie du Président Jammeh comme un non-sens:

Tout ça n'a aucun sens. Son sort est scellé et nous allons nous assurer qu'il finira comme tout dictateur et tyran: renversé et expulsé.

Cependant, certaines voix sont d'avis que le Président Jammeh devrait être félicité pour son geste. Bakary Badjie a écrit:

Bravo et merci au Président Jammeh ainsi qu'à ceux qui l'ont convaincu d'étendre ce grand geste aux nombreux prisonniers auxquels il a pardonné. Des coupables de trahison, des condamnés à mort, des trafiquants de drogue et des agresseurs, des violeurs, etc. Cependant, quand on analyse l'annonce du président, le fait demeure qu'elle devrait être bien accueillie et il devrait être félicité pour avoir permis à tous ceux qui font partie des catégories qu'il a mentionnées retournent d'une manière inattendue dans leurs familles. Oubliez la politique, considérez ça sous un angle social. Pouvez-vous imaginer si l'un d'eux était votre fils, frère ou mari.

Il a en outre ajouté:

Depuis de nombreuses années nous, Gambiens, n'apparaissons jamais dans les nouvelles pour une raison positive, dans les prochains jours, nous le ferons. Mon espoir est que ce soit le début d'une nouvelle vie en Gambie, une vie de liberté et de respect des droits humains. Ça devrait également être un moment de réconciliation étant donné que nous étions entrain de devenir une nation socialement et politiquement divisée “.

Sophie Sarr  pense aussi que la nouvelle était digne d'être célébrée. Elle a écrit:

Dieu soit loué! Je ne pouvais pas me retenir, j'ai dû verser des larmes de joie quand j'ai lu l'importante information à ce propos. Bien que je ne sois liée à aucune de ces personnes. Je veux juste la célébrer avec toutes les femmes dont les maris ont été libérés et avec tous les enfants qui ont le privilège d'être réunis avec leurs pères, aujourd'hui. Ceci est la guérison dont nous avons besoin en tant que pays et je prie que Dieu, dans ses pouvoirs, guérisse tous les cœurs aujourd'hui POUR LA GAMBIE NOTRE PATRIE.

Il y a à peine une semaine, le Président Jammeh avait menacé [fr] d'exécuter tous les condamnés à mort en faisant valoir que la criminalité était en augmentation. Dans un geste controversé, M. Jammeh avait révoqué la clémence qu'il avait accordée à 85 prisonniers [fr] à l'occasion du mois musulman sacré du ramadan. Toutefois, les autorités ont plus tard déclaré qu'il y avait eu une erreur d'identité de certains des prisonniers libérés, procédant à de nouvelles arrestations.

SE Alagie Jobe a une question [ce contenu n’est plus disponible] pour le Président Jammeh:

Excellente initiative Monsieur le Président … Mais que dire des détenus illégaux et ceux qu'on a fait disparaître, ils ne méritent pas votre clémence aussi s'ils sont encore en vie Monsieur le Président? “

La prison Mile II, qui abrite également l'aile de sécurité maximale, infestée d'insectes, est l'endroit où la plupart des prisonniers politiques, des condamnés pour trafic de drogue et les condamnés à mort sont détenus. En novembre 2014, le Bureau de l'ONU du Haut-Commissaire aux droits de l'homme (HCDH) a annoncé [fr] que deux de ses rapporteurs spéciaux, Christof Heyns et Juan Méndez, se sont vu refuser l'accès à certaines sections de la prison, déclarées de sécurité maximum.

Le 22 juillet 2015, l'organisation Amnesty International a publié [fr] un rapport détaillé et elle a décrit une forte détérioration des droits humains au cours de la 21e année de M. Jammeh au pouvoir.