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18 magnifiques photos des Rana Tharus, ce peuple du sud du Népal

mardi 18 août 2015 à 23:27
The silver white looks strikingly beautiful on the bright dress and black shawls.

Rana Tharus – The silver white looks strikingly beautiful on the bright dress and black shawls. Image by Solveig Boergen. Used with permission

Riches propriétaires par le passé, les Rana Tharus (peuples premières des districts de Kailali et de Kanchanpur, dans la région Extrême-Ouest du Népal) ont connu pillages, invasions et discrimination.

Leurs villages isolés ont été maintes fois pillés par les dacoïts (bandes armées). Lorsque la réserve faunique de Shukla Phanta a été étendue, les Rana Tharus ont dû partir, et nombreux sont ceux qui ont perdu leurs terres ancestrales suite à une réforme agraire. Dans le district de Chitwan, du DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane) fut pulvérisé autour de leurs habitations dans le cadre d'un programme contre la malaria. Alors que 90 % des lieux étaient occupés par les Tharus, ce chiffre est passé à 14%.

Comme le décrit Bikram Rana dans son blog, il est difficile de trouver des documents écrits sur les Rana Tharus, ces derniers vivant isolés :

En Inde, les Rana Tharus de Khiri et de Nainital font partie des Scheduled Tribes (« tribus répertoriées », historiquement défavorisées, aussi appelées Dalits). Les Rana Tharus du Népal sont originaires des districts de Kailali et de Kanchanpu, et ce depuis le XVIe siècle. Ils ont été les premiers à coloniser les lieux et ont été ensuite rejoints par les Dangauras de Dang. Après l’éradication de la malaria et le plan de relocalisation du régime des panchayats, de nombreuses familles Khassias sont à leur tour arrivées.

Cependant, malgré tous les problèmes rencontrés, ils n'ont pas oublié leur culture et leur tradition. Leur mode de vie leur est propre et leurs vêtements et bijoux traditionnels font la joie des photographes et des créateurs de mode.

Solveig Boergen, une photographe allemande résidant et travaillant au Japon, a voyagé dans le district de Kanchanpur dans l'ouest du Népal afin d'immortaliser le quotidien des Rana Tharus. Voici ce qu'elle a vu.

As the sun peeks from the window of the mud house, an old Rana lady is busy preparing meal. The mighty rays illuminate the surrounding and the dark corner of kitchen turns into a portrait painted in ochre.

Alors qu'un rayon de soleil se glisse par la fenêtre de sa maison en torchis, une vieille dame Rana prépare le repas. La lumière éclatante illumine son intérieur et le coin sombre de la cuisine se transforme en portrait ocré.

 

The morning chores comprise cleaning the premises and taking the cattle out in the open.

Parmi les corvées matinales, il faut nettoyer les locaux et sortir le bétail

 

The morning chores comprise cleaning the premises and taking the cattle out in the open.

Parmi les corvées matinales, il faut nettoyer les locaux et sortir le bétail.

 

The young one is a helping hand in looking after the goats and bringing grass for the animals.

Cette jeune fille aide à garder les chèvres et à rapporter de l'herbe pour les animaux.

 

The lady in her bright blouse sits on a rope cot and makes clay figurines for her grandchildren to play with in the upcoming festival. She draws inspiration from the nature, the tattoos on her arms and the bright colours of her blouse.

Cette dame en blouse éclatante est assise sur un lit de corde et fabrique des figurines en argile avec lesquelles ses petits-enfants joueront lors de la prochaine fête. Elle tire son inspiration de la nature, des tatouages sur ses bras et des couleurs vives de sa blouse.

 

Like William Wordsworth's Solitary Reaper, the lady reaps the paddy alone. Her bright costume stands out in the sea of yellow.

Comme le Moissonneur Solitaire de William Wordsworth, cette jeune femme récolte seule le paddy. Son vêtement coloré ressort sur la mer de jaune.

 

When her friend joins her, it seems like a competition between the traditional dress she is wearing and the modern dress her mate is adorning. Both the colours burn bright in the yellow field.

Quand ses amies la rejoignent, on dirait une concurrence entre la robe traditionnelle qu'elle porte et la robe moderne qu'arbore sa compagne. Les couleurs des deux claquent sur le champ doré.

 

The coming together of the community for a bountiful catch is a moment to watch.

Le rassemblement du village pour une pêche abondante est un moment à ne pas manquer.

 

The joy of working together and sharing the catch – there’s plenty to learn from them.

Joie de travailler ensemble et de partager la prise – ils ont beaucoup à nous apprendre.

 

The catch is enough for everyone.

La prise suffit pour tout le monde.

 

It's the marriage season and the ladies show off their ornaments.

C'est la saison des mariages, et les dames exhibent leurs parures.

 

Mirror! Mirror! Who is the fairest of all?

Miroir, miroir ! Qui est la plus belle de toutes ?

 

Tell me if I don't look good.

Osez dire que je n'ai pas belle apparence.

 

And they don’t even leave the legs. They are laden with the silver ornaments.

Même les jambes n'y échappent pas. Elles sont chargées d'ornements en argent.

 

Like the beautiful patchwork in their dresses, the colours chosen by Ranas form a melange of vivid colours inspired by nature.

Comme le magnifique patchwork de leurs robes, les couleurs choidies par les Ranas forment un mélange de couleurs vives inspirées par la nature.

 

The young ones, careless and carefree, play and roam around the village. Their smiles are precious and innocent.

Les plus jeunes, naturels et insouciants, jouent et courent à travers le village. Leurs sourires sont précieux et innocents.

 

Whether the young ones will follow the footsteps of their forefathers and conserve the rich culture – the future will decide.

Les jeunes suivront-ils les traces de leurs ancêtres en conservant leur riche culture ? L'avenir le dira.

Toutes les photos sont utilisées avec autorisation. Une version de l'article a été publiée sur le blog Voice of Tharus.

Des services secrets serbes surpris à s'informer sur l'achat d'un logiciel de surveillance

mardi 18 août 2015 à 18:15
Capture d'écran de l'un des nombreux courriels de gestionnaire de comptes de l'équipe Hacking équipe adressé à agent de la Serbian State Intelligence Agency (Service d'espionnage de l'état serbe) de 2012. Crédit photo SHARE Défense, utilisée avec permission.

Capture d'écran de l'un des nombreux courriels du gestionnaire de comptes de l'équipe Hacking adressé à agent de la Serbian State Intelligence Agency (Service d'espionnage de l'état serbe) de 2012. Crédit photo SHARE Défense, utilisée avec permission.

L'ONG militante serbe SHARE Defense (PARTAGER Défense) a rapporté en juillet 2015, qu'une fuite de courriels et de fichiers appartenant à la société de logiciels basée à Milan, Hacking Team (HT), publiés sur Wikileaks, révèlent qu'au moins un service de sécurité serbe s'est informé et a négocié l'achat de logiciels de surveillance de cette société en 2012. Il y a également des preuves qu'un ou plusieurs comptes de messagerie du Ministère serbe de la défense ont servi comme cobayes pour tester le logiciel espion fabriqué par la société italienne.

Le logiciel en question est un Remote Control System (système de commande à distance), ou RCS, qui fonctionne essentiellement par la propagation de virus sur les ordinateurs et les téléphones mobiles des personnes sous surveillance. Selon des source de l'ONG SHARE, la plupart des clients utilisant ce logiciel sont des gouvernements du monde entier et leurs services de sécurité.

L'équipe juridique de SHARE Defense a également attiré l'attention sur les organisations qui pouvaient être en mesure d'obtenir la permission et se permettre légalement d'utiliser un tel logiciel:
La Fondation Share a rappelé la législation concernant ce type de logiciels en Serbie depuis 2013 suite à l'affaire “Trovicor”, indiquant que les règles sur l'importation de biens à double usage devaient être appliquées et qu'un permis du Ministère du commerce, du tourisme et des télécommunications était obligatoire. […]

Si nous supposons que certaines organisations peuvent être autorisées à utiliser ce matériel, dans notre système juridique ce ne serait pas possible sans une décision de la justice en conformité avec la loi. Toute autre manière de s'en servir serait une violation flagrante des droits de l'homme qui sont garantis par la Constitution de la République de Serbie et de nombreuses conventions internationales.

 

En Tunisie, l'anti-terrorisme au prix des libertés

lundi 17 août 2015 à 23:54

Le gouvernement tunisien réduit les droits civiques et politiques dans son combat contre l'offensive du radicalisme islamiste, après l'attentat terroriste le plus sanglant de l'histoire du pays.

Le 26 juin, 38 touristes étrangers sont morts après qu'un homme armé, Seifeddine Rezgui, a ouvert le feu sur les baigneurs d'une plage dans la ville de Sousse. Trois mois plus tôt,  21 touristes et un policier avaient été tués dans une attaque au Musée du Bardo dans la capitale Tunis. L'auto-proclamé Etat islamique (EI) a revendiqué les deux attentats.

Depuis 2011, des dizaines de militaires et de policiers ont perdu la vie dans des attaques de groupes affiliés à Al-Qaida au Maghreb islamique, notamment dans la zone montagneuse de Chaambi sur la frontière avec l'Algérie, où la brigade Okba Ibn Nafaa est très active.

Alors que les autres pays de la région sont aux prises avec le chaos, les guerres et la dictature, la Tunisie fait généralement figure de “success story” de ce qu'on appelle le printemps arabe. La transition tunisienne s'est faite jusqu'à perésent en douceur, même si elle reste incomplète, en particulier pour les institutions démocratiques et la justice transitionnelle. En janvier 2014, une assemblée nationale constituante a adopté une constitution avec une déclaration des droits des citoyens. Moins d'un an après, une passation de pouvoir sans heurts a eu lieu lorsque le parti islamiste Ennahdha a cédé la place à son adversaire, le parti laïque Nidaa Tounes, qui avait remporté les élections parlementaires et présidentielle.

Cependant, le processus de démocratisation de la Tunisie et le progrès des libertés publiques sont aujourd'hui menacés par la politique anti-terroriste des autorités.

Cat before being thrown in jail: 'I don't care about human rights! I don't care about freedom! I don't care about the revolution! I just want to be secure!" Jailer: "Satisfied? You're secure now." Cartoon by Nadia Khiari.

Dessin de Nadia Khiari.

Huit jours après l'attentat de Sousse, le Président Beji Caid Essebsi déclarait l'état d'urgence dans tout le pays, donnant à l'administration le pouvoir d'imposer des restrictions aux manifestations et grèves, restreignant la liberté de la presse et renforçant l'autorité de l'armée et de la police. Enfreindre l'état d'urgence, instauré pour plus de 60 jours, était passible de six mois à deux ans de prison. Il n'a pas fallu longtemps pour qu'un tribunal de la région intérieure de Gafsa condamne 13 grévistes à 16 jours de prison pour infraction à l'état d'urgence.

Pour les détracteurs, si les autorités ont imposé l'état d'urgence, c'est plus pour réprimer grèves et manifestations que pour contrer le terrorisme.

L'état d'urgence n'a rien à voir avec la “lutte contre le terrorisme” et tout avec la répression de la démocratie participative

Dans un entretien avec le journal britannique Independent, le Premier Ministre Habib Essid a tenté de justifier cette sévérité : “C'est pour protéger notre jeune démocratie. Ils ne peuvent pas manifester ou se mettre en grève, mais ils ont d'autres moyens de s'exprimer. Les gens peuvent parler ou écrire [à leur guise].”

Les affirmations rassurantes du Premier Ministre n'ont pas empêché les autorités de s'en prendre également à la liberté d'expression.

Le 8 juillet, un procureur a inculpé Noureddine Mabrki, rédacteur en chef du site d'information akherkhabaronline.com, de complicité aux termes de la loi anti-terrorisme tunisienne de 2003 pour avoir publié une photo du tireur de Sousse Seifeddine Rezgui sortant d'une voiture juste avant de commettre son massacre. Publiée le 5 juillet, la photo a été retirée depuis sous l'injonction des autorités, qui en recherchent la source. Mbarki refuse de la révéler, et risque désormais 5 à 12 ans d'emprisonement.

Photo-shopped picture of PM Habib Essid carriying a shovel

Image photo-shoppée du premier ministre Habib Essid portant une pelle

La même accusation a été portée contre Abdelfatteh Saied, un enseignant de mathématiques qui a prétendu sur Facebook que l'attentat de Sousse était un complot des services de sécurité. Si Mbarki n'a passé que quelques heures sous garde policière, Saied est en détention depuis 16 jours. Il est aussi inculpé d'avoir “accusé, sans preuve, un agent public d'enfreindre la loi” aux termes de l'article 128 du code pénal, après avoir partagé et commenté une photo photo-shoppée du Premier Ministre Habib Essid. Cette photo, qui montre Essid tenant une pelle, avait été originellement postée par un autre internaute. Saied a partagé cette photo sur son mur Facebook le 12 juillet avec un commentaire sur la décision du régulateur de l'audio-visuel de fermer un certain nombre de radios et télévisions religieuses.. Il écrivait : “[C'est] comme s'ils [le pouvoir] attendaient et appelaient de leurs voeux le crime de Sousse, pour fermer toutes les sources de l'islam modéré. Comme un don qui leur est tombé du ciel”

Les organisations et militants des droits humains se méfient également des défauts de la nouvelle loi anti-terrorisme, approuvée à l'unanimité par le parlement le 25 juillet. Le texte se substitue à une loi de 2003 adoptée pendant la dictature de Zine el Abidine Ben Ali et qui a permis de poursuivre 3.000 personnes, parmi lesquels des opposants politiques.

La loi de 2015 donne une définition large du terrorisme, étend la limite de la détention préventive de 6 jours sous la loi précédente à 15 jours, et prescrit la peine capitale pour les auteurs reconnus de crimes terroristes ayant pour conséquence mort ou viol. Si la Tunisia n'a jamais aboli la peine de mort, du moins la loi de 2003 ne la prévoyait pas pour punir les crimes liés au terrorisme.

En outre, le texte accorde aux services de sécurité des pouvoirs d'exception pour intercepter en temps réel les communications de suspects (que ce soit par téléphone ou par internet), pour une durée n'excédant pas quatre mois, sur mandat écrit d'un juge d'instruction ou d'un procureur. Pour couronner le tout, un emprisonnement pouvant atteindre cinq ans est prévu contre quiconque trouvé faisant “publiquement et sans équivoque l'éloge” d'un crime terroriste, de son auteur et de groupes terroristes.

Tunisie La loi anti-terrorisme est un puissant outil aux mains d'un système sécuritaire et judiciaire corrompu. Son effet sera dévastateur.

Les mesures anti-terroristes du gouvernement sont aussi entachées d'accusations de torture.

Dans une déclaration publiée le 5 août, la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme a confirmé que cinq gardés à vue sur des charges de terrorisme ont été torturés en détention. Bien qu'un juge ait ordonné leur remise en liberté le 4 août avec deux autres suspects dans la même affaire, des policiers en civil les ont arrêtés à nouveau, sans mandat, à leur sortie du tribunal.

Dans la même semaine, un autre juge ordonnait la mise en liberté de neuf suspects dans l'attentat du Musée du Bardo, dont les aveux avaient été extorqués sous la torture.

La journaliste Yasmine Ryan, basée en Tunisie, a tweeté sur l'affaire :

Les 9 suspects arrêtés pour l'attentat du Bardo ont tous été relâchés, y compris le cerveau présumé. Manque de preuves

Le juge tunisien dit que les aveux supposés, obtenus après l'arrestation de 9 suspects dans l'affaire du Bardo, étaient le résultat de la torture

La pratique de la torture pour obtenir des aveux fait qu'on a arrêté les fausses personnes pour le Bardo, et laissé les vrais coupables libres de préparer un autre attentat.

Sur le blog collectif Nawaat, Hend Chennaoui écrit que les mouvements de la société civile ont relevé un “accroissement considérable des violences policières” depuis que le gouvernement a déclaré la guerre à la terreur. Et d'ajouter :

Meanwhile, the country's decision-makers do not seem to find a balance between democratization and counter-terrorism.

Pendant ce temps, les décisionnaires du pays n'ont pas l'air de trouver le juste milieu entre démocratisation et contre-terrorisme.

Le “quartier coloré” de Gaza crée de l'espoir en Palestine

lundi 17 août 2015 à 19:47

Gaza's Al Zaytoun is known as "the colorful neighborhood." (Source: Institute for Middle East Understanding, IMEU)

Cette histoire réelle a des airs de conte pour enfant. Surnommé “le quartier coloré”, Al Zaytoun à Gaza est peint de couleurs joyeuses.

Mohammed Al Saedi est l'artiste de cette histoire, un homme d'inspiration et visionnaire, qui a mis en place ce projet chez lui cette année. Avec l'aide de bénévoles, les couleurs ont coulé dans les rues, jusqu'à ce que 30 maisons aux alentours soient décorées. Les murs de Al Zaytoun sont couverts de jardins verticaux dans des cadres lumineux, de frises de bateaux au soleil couchant et d'illustrations de plantes grimpantes qui s'enroulent dans les coins des bâtiments.

Al Jazeera explique que des familles se sont mises à planter des jardins urbains, dont de la roquette, des aubergines, des tomates et des pastèques, ajoutant ainsi des nuances de vert, de rouge et de violet à cet arc-en-ciel urbain.

Al Saedi décrit ses motivations :

Les guerres créent la dévastation et en y ajoutant les effets du siège, les nerfs lâchent, ce qui entraîne une souffrance psychologique à long terme. Donc je voulais créer une atmosphère sereine emplie de fleurs et de couleurs pour essayer de guérir la souffrance et le mal-être psychologique dus au siège. Des pierres détruites, si Dieu le veut, nous construirons des jardins et des vases emplis de fleurs et de couleurs apaisantes.

Le reportage de Global Voices sur la guerre de 50 jours entre Israel et Gaza en juillet -août 2014 rapporte qu'environ 40 pour cent des régions urbaines de Gaza ont été détruites, dont 96 000 maisons.

La restauration de Al Zaytoun a été financée par le Tamer Institute for Community Education [l'Institut Tamer pour l'éducation communautaire], basé à Ramallah en Palestine. D'après leur site web, l'ONG travaille à Gaza et en Cisjordanie, elle encourage les projets de renouvellement culturel, l'alphabétisation et le développement d'une enfance saine grâce à l'expression créative.

Habitant ce quartier, Maram et Asmaa, âgées de 9 et 10 ans, ajoutent :

On était vraiment heureuses quand ils ont peint le quartier. Il est devenu très joli et quand on y joue, on a du plaisir, pas comme avant.

Une compagnie nationale serbe d'électricité s'apprête à dépenser 350 000 euros pour un logo

lundi 17 août 2015 à 19:44

15 août 2015, une du quotidien Blic : "Obradović s'apprête à dépenser 42 millions [de dinars] dans un nouveau logo !" Photo de l'auteur.

15 août 2015, une du quotidien Blic : “Obradović s'apprête à dépenser 42 millions [de dinars] dans un nouveau logo ! Photo de l'auteur.

Outre une vague de chaleur et des températures atteignant les 40 degrés celsius dans de nombreuses villes, les Serbes se sont réveillés avec des Unes peu agréables dans les médias nationaux. Selon le quotidien Blic, possédé par le Suisse Ringier Axel Springer Media et souvent qualifié de tabloid en Serbie, le directeur de la compagnie d'électricité publique Elektroprivreda Srbije, Aleksandar Obradović, a donné son accord pour une refonte du logo et de l'identité visuelle de l'entreprise publique qui coûtera 42 millions de dinars, soit presque 350 000 euros.

La compagnie a récemment fait état d'une perte de 86 millions d'euros en 2014. L'entreprise publique affirme que la refonte du logo s'inscrit dans la restructuration de la compagnie et a pour but de faire des économies et de se mettre en accord avec les normes imposées par l'Union Européenne.

La nouvelle refonte du logo a fait des vagues en Serbie, soulevant des questions et suscitant les critiques des utilisateurs locaux des grands réseaux sociaux et des forums de discussion.

Dans un pays vérolé par la corruption à tous les niveaux du gouvernement, et dont le taux de chômage est l'un des plus élevés d'Europe  – plus de 20% – Elektroprivreda Srbije a récemment focalisé le mécontentement de la population.

Après tout, c'est la même entreprise publique financée par l'impôt des contribuables qui a récemment augmenté les prix de l'électricité de 12%, environ six mois après que le gouvernement ait décidé de réduire la plupart des salaires et des retraites des fonctionnaires de 10 à 15%.

La majeure partie des habitants de Serbie parvient à peine à boucler ses fins de mois, et la Banque Mondiale rapporte que plus de 20% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Cette annonce d'une débauche de moyens pour la refonte d'un logo a mis en colère plus d'un Serbe.

Si j'ai bien compris EPS introduit un nouveau logo POUR FAIRE DES ECONOMIES et paie 42 millions de dinars pour ça ? Ce logo passe l'aspirateur ou porte des enfants ou quoi ?

— Mishomorka (@Mishomor) August 15, 2015

EPS change son logo pour “l'optimisation entrepreneuriale et les pratiques européennes” et cela va nous coûter un demi million d'euros. C'est là que va l'argent des hausses de prix.

— Goran Radosavljevic (@Radosav77) August 15, 2015

An article on page 14 of the same August 15 Blic edition states: "EPS hiking prices, creates [financial] loss, while paying for logo". Photo by author.

An article on page 14 of the same August 15 Blic edition states: “EPS hiking prices, creates [financial] loss, while paying for logo”. Photo by author.

La plupart des personnes qui se plaignent et posent des questions sur les réseaux sociaux font référence directement ou indirectement à une possible corruption ou malappropriation des fonds en lien avec la refonte du logo.

En tant qu'entreprise possédée par l'Etat, Elektroprivreda Srbije est dans l'obligation légale de lancer un appel d'offres et de se soumettre à un processus public pour tout achat de biens ou de services, et il semble que les citoyens vont garder un oeil sur le gagnant de l'offre qui sera annoncé à la mi-août.

Comme de nombreuses autres entreprises nationales, Elektroprivreda Srbije est connue pour avoir, dans le passé, lancé des appels d'offres douteux. Au mois de mai de cette année, la compagnie s'est attirée les foudres des Serbes pour avoir empêché les entreprises du pays de conclure un contrat pour remplacer les compteurs d'électricité, une pratique considérée par les activistes anti-corruption comme contrevenant aux normes imposées par la Banque Européenne de Reconstruction et de Développement.

Malgré le caractère récent de l'appel d'offres, la populaire blogueuse et auteure Mirjana Mimica a sarcastiquement demandé si le nom de l'entreprise qui remportera l'offre était déjà connu.

D'autres utilisateurs des médias sociaux ont tout simplement affirmé qu'une firme proche du Parti Progressiste Serbe, parti au pouvoir, remporterait l'appel d'offres.

Bon alors est-ce qu'on sait qui a gagné l'appel d'offres pour créer le nouveau logo d'EPS ?

— Mirjana Mimica (@Mahlat) August 15, 2015

Je parie 150 marks [allemands] qu'une compagnie née il y a deux mois et proche du SNS (le Parti Progressiste Serbe, au pouvoir) va gagner l'appel pour le nouveau logo d'EPS. (Cela me rappelle ce tweet du 15.08.2015)

— Mishomorka (@Mishomor) August 15, 2015

Les agences de création serbes et les designers freelance ont aussi participé à la discussion, bien que d'un point de vue davantage professionnel.

Ces dernières années, de nombreux web designers serbes ont travaillé depuis la Serbie pour des clients étrangers et sont bien au fait des caractéristiques du marché mondial et des prix dans ce secteur.

Alors qu'un représentant de l'agence cité dans l'article du Blic explique que la refonte d'un logo pour de grandes entreprises internationales est souvent beaucoup plus onéreuse — le design de chaque modèle de document utilisé par les grandes entreprises doit être repensé selon la charte d'identité graphique de la compagnie – la plupart des représentants de ce secteur en Serbie ne parviennent pas à comprendre pourquoi la refonte de l'identité visuelle d'une entreprise publique devrait coûter si cher, ni même en quoi elle est nécessaire pour la bonne marche de l'entreprise.

De nombreux professionnels du design et de la publicité en Serbie ont attiré l'attention sur quelques un des logos mondiaux les plus emblématiques et sur leurs coûts, et certains se disent prêts à voir d'ici peu le nouveau logo d'EPS sur cette liste.