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Sénégal & Tchad: Hissène Habré, un procès inimaginable en d'autres temps

lundi 27 juillet 2015 à 16:01
Capture d'écran de la vidéo d'Hissen Habré au tribunal

Capture d'écran de la vidéo d'Hissen Habré au tribunal

Bien que suspendu et renvoyé jusqu'en septembre, après seulement deux jours d'audition, le procès contre l'ancien dictateur du Tchad, Hissène Habré, ouvert le 20 juillet 2015, à Dakar, constitue une première dans la justice internationale, et africaine en particulier. Le dictateur tchadien a comparu devant les Chambres africaines extraordinaires au Sénégal. Il est accusé de crimes contre l’humanité, torture et crimes de guerre.

Tchad : Procès Habré - la justice fait enfin son chemin. Source: makaila.over-blog.com

Tchad : Procès Habré – la justice fait enfin son chemin. Source: makaila.over-blog.com

TRIAL (Track Impunity Always), une association basée à Genève donne quelques éléments qui expliquent la nature impitoyable du régime instauré par M. Hissène Habré après sa prise de pouvoir le 7 juin 1982:

Pendant les huit années du régime d’Hissène Habré, de nombreux témoignages font état d’arrestations collectives, de meurtres de masse, de persécutions à l’encontre de différents groupes ethniques dont il percevait les leaders comme des menaces à son régime, notamment les Sara et d’autres groupes sudistes en 1984, les Arabes, les Hadjaraï en 1987 et les Zaghawa en 1989. Une Commission d’Enquête du Ministère tchadien de la Justice, établie par le Président Déby, a ainsi accusé, en 1992, le gouvernement Habré de 40 000 assassinats politiques et de torture systématique. La plupart des exactions auraient été perpétrées par la police politique de Habré, la Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS), dont les directeurs ne rendaient des comptes qu’à Hissène Habré et appartenaient tous à sa propre ethnie, les Goranes….

Le 1er décembre 1990, après une année de rébellion, le Front Patriotique du Salut, force rebelle menée par le Président Idriss Déby, chasse Hissène Habré du pouvoir. Les portes des prisons de sont alors ouvertes et des centaines de prisonniers politiques qui étaient détenus dans différents centres de détention secrets de la capitale du Tchad ont été libérés.

Le nouveau chef de l'état, qui est toujours au pouvoir, est M. Idriss Déby Itno, qui avait occupé des postes de hautes responsabilités aux cotés du dictateur, dont celui de conseiller pour la défense et la sécurité et de chef d’état major de l’armée.

Pourtant, le Président Idriss Déby institue la “Commission d’enquête sur les crimes et détournements commis par l’ex-Président, ses co-auteurs et/ou complices”. Dans son analyse de ce rapport rendu public en mai 1999, TRIAL relève que:

Ce rapport dénonce la réhabilitation de nombreux membres de la DDS à des postes clefs de l’administration ainsi qu’au sein de l’appareil sécuritaire de l’Etat tchadien….

Cette Commission d’Enquête a été l’une des seules commissions de ce type à s’être intéressée au soutien d’une ou de plusieurs puissances étrangères apporté aux abus commis par un régime national. Le rapport a révélé que les Etats-Unis avaient été le principal soutien financier, militaire, matériel et technique de la DDS. Ce même rapport a établi que certains conseillers américains étaient reçus régulièrement par le directeur de la DDS afin de le conseiller ou d’échanger des informations. Le rapport a également accusé la France, l’Egypte, l’Irak et le Zaïre d’avoir aidé à financer, former et équiper la DDS. La Commission d’Enquête a non seulement inclus dans son rapport les noms des principaux agents de la DDS mais a inséré également leurs photographies.

La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme présente sur son site, de manière détaillée, la chronologie des évènements qui ont abouti à ce procès.

Pour qu'il voit le jour, il a fallu relever plusieurs défis: vaincre le manque de volonté politique et les réticences des dirigeants africains, trouver le financement et un lieu pour sa tenue. Dans une analyse publiée sur lefaso.net, Relwendé Auguste SAWADOGO rappelle les défis d'ordre juridique et politique qui ont provoqué l'enlisement de toute l'affaire, sous la présidence du M. Wade au Sénégal. Il écrit dans son analyse

On a tout l’air que plus l’on s’approche du procès, plus il y a des manoeuvres pour ne pas y arriver. Et l’on ne peut, dans ces conditions, s’empêcher de s’interroger sur la volonté réelle du Sénégal, et partant, des chefs d’Etat africains, de tenir ce procès. L’analyse de cette situation d’impossible procès amène à considérer que le problème réside plus dans une absence de volonté que dans une insuffisance de moyens financiers et juridiques. On a affaire à une justice qui cherche désespérément ses marques et cela s’explique, entre autres, par le fait que beaucoup de dirigeants africains voient leur propre image derrière celle de l’ex-chef de l’Etat tchadien.

En plus de l'opiniâtreté des collectifs des victimes, ce procès n'aurait pas pu voir le jour sans l'entêtement de M. Reed Brody, conseiller juridique et porte-parole de Human Rights Watch, fort de l'expérience acquise dans les affaires d’Augusto Pinochet et de Jean-ClaudeBaby Doc” Duvalier.

Dans un article paru sur le site d’ICTJ puis traduit et publié sur le site Human Rights Watch, Reed Brody décrit les raisons qui confèrent à ce procès une importance particulière:

Avec le procès de Hissène Habré, les tribunaux d’un Etat (le Sénégal) vont, pour la première fois, juger l’ancien dirigeant d’un autre Etat (le Tchad) pour des supposées violations des droits de l'Homme. Ce sera également la première fois que l’utilisation de la compétence universelle aboutit à un procès sur le continent africain. La “compétence universelle” est un concept de droit international qui permet à des tribunaux nationaux de poursuivre l’auteur ou les auteurs des crimes les plus graves commis à l’étranger, quelle que soit sa nationalité ou celle des victimes.

Quelles sont les Chambres africaines extraordinaires (CAE)* devant lesquelles comparait le dictateur? Reed Brody l'explique:

Les Chambres africaines extraordinaires ont été inaugurées par le Sénégal et l’Union africaine en février 2013 pour poursuivre “le ou les principaux responsables” des crimes commis au Tchad quand Habré était au pouvoir, soit entre le 7 juin 1982 et le 1er décembre 1990. Créées au sein des juridictions sénégalaises, les Chambres appliquent le droit pénal international ainsi que le Code de procédure sénégalais. Elles sont divisées en quatre niveaux : une Chambre d’Instruction, une Chambre d’Accusation, une Chambre d’Assises et une Chambre d’Appel.  Habré a été inculpé le 2 juillet 2013 par les quatre juges d’instruction des Chambres africaines extraordinaires puis placé sous mandat de dépôt. Le 13 février 2015, après une instruction de 19 mois, les juges ont conclu qu’il y avait suffisamment de preuves pour que Habré soit jugé.  Le président de la Chambre d’accusation est Gberdao Gustave Kam, du Burkina Faso. Il siègera aux côtés de deux magistrats sénégalais expérimentés, Amady Diouf et Moustapha Ba.

Ce procès qui a couté 7 milliards de FCFA, mobilise un grand intérêt au niveau africain et international. En effet, une semaine avant son ouverture, les CAE avaient reçu 181 demandes d’accréditation de la part de 79 journalistes sénégalais, 97 venus de l'étranger, ainsi que cinq réalisateurs et producteurs de films et de documentaires.

Il est possible de suivre le procès Habré en direct en ligne, sur le site de la CAE.

Il aurait été inimaginable de voir un tel procès en d’autres temps en Afrique. Il démontre que l'accès des citoyens aux NTIC,  le courage de certains magistrats, des groupes de défense des droits humains au niveau national et international, ainsi que l’émergence d’une nouvelle classe de dirigeants politiques africains plus soucieux du respect des constitutions, rendront l'impunité de plus en plus difficile.

*Pour en savoir plus sur les CAE et suivre leurs publications, cliquer ici.

 

Chantez des berceuses pour protéger la langue butchulla

lundi 27 juillet 2015 à 15:01
Fraser Island by EVC2008. Used under a CC BY-NC-ND 2.0 license.

Île Fraser par EVC2008. Photo utilisée sous licence CC BY-NC-ND 2.0.

Les découvertes archéologiques sur l'île de Fraser dans le Queensland en Australie, ont montré que l'île était peuplée par les aborigènes depuis plus de  5000 ans. Ses habitants originels, le peuple Butchulla, inspirés par un environnement naturel d'exception, appelaient l'île K'gari, qui signifie “paradis” dans leur langue.

Avec l'arrivée des colons, les Butchullas traversèrent des moments difficiles, qui prirent fin par leur migration forcée loin de leur île natale.

Île Fraser, Queensland

Durant cette période, la langue butchulla fut également malmenée, puis menacée de disparition au 20e siècle en raison des politiques gouvernementales et des missionnaires qui l'interdirent.

Aujourd'hui, grâce aux efforts de revitalisation effectués dans le cadre du Programme de la langue butchulla, la langue des aborigènes de l'île Fraser reprend vie. Le programme inclut de nombreuses ressources linguistiques comme les dictionnaires, les CD de musique, ainsi que plusieurs activités, dont des cours de langue dispensés dans les bibliothèques locales. Toutes ces initiatives ont pour objectif d'inciter les jeunes générations à s'intéresser à cette langue.

Les supports numériques et Internet ont aussi joué un rôle de premier plan dans ces efforts de revitalisation. Dans le cadre de l’ABC Open projectMother Tongue“, les communautés locales se sont associées aux producteurs de l’Australia Broadcasting Corporation pour réaliser plusieurs vidéos participatives sur le thème de la revitalisation de la langue aborigène.

Une de ces vidéos participatives a été filmée par Joyce Bonner, linguiste de la communauté aborigène travaillant pour la Korrawinga Aboriginal Corporation dans la petite ville d'Hervey Bay, et par Brad Marsellos, le producteur d’ABC Open. Ils ont réalisé ensemble la vidéo ci-dessous pour partager une berceuse traditionnelle en butchulla chantée par la propre mère de Joyce Bonner.

Yunma-n Walabai, Walbai Yunma-n
Bula walalbai mil nhaa Biral
Bula walalbai binang buranga ngunda yaalam
Kalim walalbai dunam yaalam galangoor
Yunma-n walalbai walbai yunman
Yunma-n walalbai walbai yunman
Yunma-n walalbai walbai yunman

Deux petits yeux pour regarder Dieu
Deux petites oreilles pour entendre sa Parole
Une toute petite langue pour dire la vérité
Dors mon tout petit
Dors mon tout petit
Dors mon tout petit

L'équipe s'est réunie à nouveau pour tourner cette vidéo éducative sur l'apprentissage des mots des parties du corps en langue butchulla :

Ces vidéos font partie intégrante de la stratégie de revitalisation de la langue butchulla. Vous pouvez lire l'interview accordée à Joyce Bonner ici sur les origines et la recette du succès du Programme de revitalisation de la langue butchulla.

L'achat du Financial Times par le groupe japonais Nikkei choque la Chine

samedi 25 juillet 2015 à 11:19
Photo from Flickr user: Gareth (CC: NC-AT)

Photo sur Flickr de Gareth (CC: NC-AT)

Le groupe Pearson a annoncé la vente du Financial Times et de ses publications au groupe japonais Nikkei pour 1.32 milliard de dollars US jeudi soir le 23 juillet : la nouvelle a choqué et provoqué de l'inquiétude en Chine.

Cette énorme somme a stupéfait le secteur des médias chinois, qui s'attendait, suite à différentes informations, à ce que le groupe allemand Alex Springer finalise un accord pour l'achat du FT. La nouvelle a aussi consterné Pékin, comme l'a révélé George Chen, un reporter du South China Morning Post de Hong Kong.

Je viens juste de parler à un haut fonctionnaire chinois, à propos de la vente du FT au Nikkei. “Sérieusement ? Non ! Comment cela a-t-il pu arriver ? Laissez-moi avertir mon chef” m'a dit l'officiel.

Le Financial Times est l'un des journaux occidentaux les plus lus et influents en Chine, pour sa couverture de l'économie et des entreprises chinoise. De plus, contrairement à d'autres médias occidentaux, le journal maintient des relations cordiales avec le gouvernement chinois.

Fondé en 1888, le journal a trois bureaux en Chines : Pékin, Shanghai et Hong Kong. Il couvre très attentivement l'actualité de la Chine. Sa version en mandarin, le FT en chinois, a été créée il y a dix ans et ses ventes sont appréciables. En mars dernier, le FT est devenu le premier média étranger à interviewer Li Keqiang, une réussite à souligner étant donné l'antagonisme de Pékin envers les médias étrangers.

En raison des mauvaises relations entre la Chine et le Japon, provoquées par les crimes de guerre des Japonais en Chine durant la Deuxième guerre mondiale et les tensions géopolitiques en Asie, beaucoup se demandent si le changement de propriétaire va affecter l'expansion du FT en Chine et orienter sa couverture de la Chine.

George Chen est pessimiste sur le futur du journal :

L'achat du FT par Nikkei est cohérent, financièrement, mais politiquement, il va y avoir d'ENORMES problèmes en Asie. Et BEAUCOUP de chocs culturels entre cultures d'entreprises aussi !

Qu'il soit permis aux Japonais d'acheter le FT est la dernière chose que la Chine voulait voir. Pékin aura maintenant plus d'excuses pour se plaindre de la couverture de la Chine par le FT.

Mais Zhang Xin, PDG du groupe immobilier SOHO, considère cette vente d'un point de vue d'entrepreneur et estime que le Nikkei ne ruinera pas la crédibilité du journal.

FT卖给Nikkei后还能保持英国新闻的优良传统“新闻独立”吗?当然被操控的媒体是没有读者的,谁会花这么多钱买一个没人读的报纸呢?还是相信买家的智慧吧。但也不能低估文化传承的固执。日本文化的“礼貌和尊重”也是追求真理道路上的障碍。

Le FT peut-il suivre la tradition britannique des médias et rester indépendant après sa vente au Nikkei? Bien sûr. N'importe quel média perdrait son audience s'il est manipulé. Qui achèterait un journal que personne ne lit ? Mieux vaut faire confiance à la sagesse de l'acquéreur. Mais le stress des “bonnes manières et du respect” de la culture japonaise peut être un obstacle quand le journal cherchera à révéler la vérité.

En dépit des propos rassurants du groupe Nikkei, qui assure vouloir maintenir “la qualité, l'impartialité et la crédibilité du journalisme du FT et son point de vue global” , les réactions nationalistes ont inondé les médias sociaux chinois aussitôt la nouvelle connue. Certains ont même appelé à un boycott du journal.

La Chine souhaite élargir son influence sur les politiques régionales et mondiales. Certains  ont donc posé la question suivante : pourquoi les groupes de médias chinois, possédés par l'Etat, n'ont-ils pas acheté le FT ? George Chen a fait ce commentaire peu après l'annonce sur Weibo.

BREAKING:日本經濟新聞社(Nikkei)剛剛正式對外宣布全面收購英國金融時報(Financial Times),交易作價近13億美金。125年歷史的FT易手,結果被日本人拿下,全世界震驚。此交易意義深刻,對日本提升世界軟實力和全球話語權有深遠影響!(人民日報沒有參與投標嗎?才13億美金啊!)

DERNIERE MINUTE : Nikkei vient d'annoncer l'achat du journal britannique le Financial Times pour 1.3 milliard de dollars US. Le FT, un journal qui a 125 ans d'histoire, est maintenant possédé par les Japonais. La nouvelle a choqué le monde entier. L'implication de cet achat est aussi pernicieuse, car ce journal va permettre au Japon d'augmenter son soft power sur la politique mondiale.  (Est-ce que le Quotidien du Peuple a fait une offre ? Le journal ne coute que 1.3 milliard de dollars US)

Un internaute a écrit en commentaire :

13亿美金?还不够中铁一个副总工贪污的呢。

1,3 milliard de dollars ? C'est moins que les pots de vin touchés par le directeur technique adjoint des chemins de fer chinois.

人民日报没有买,这是我国大外宣工作的严重失误!

Le fait que “Le Quotidien du Peuple” n'ait pas réagi et acheté le journal est une grave erreur de la part de la propagande diplomatique de notre pays.

Mais d'autres se moquent du nationalisme ambiant :

人民日报忙着日人民呢

Le ‘Quotidien du Peuple” est trop occupé à b…er son propre peuple

如果人日买了,就不用看了。

Le ‘Quotidien du Peuple” est trop occupé à b…er son propre peuple.

Si “Le Quotidien du Peuple” l'avait acheté, nous ne lirions plus le FT.

希望人民日报买了,把全球变成一家堂 ,省着总出各种谣言。让世界山河一片红。呵呵

J'aurais aimé que le “Quotidien du Peuple” achète tous les journaux, et les transforme en haut-parleurs (ndlt : de sa propagande). De cette façon, nous n'aurions pas tant de “rumeurs”. Colorons toutes les montagnes et tous les fleuves du monde en rouge ! Ahah.

Conversation avec une auteure féministe iranienne, à l'aube du changement en Iran

samedi 25 juillet 2015 à 10:53

jewels of allah_cover

Cet article est le troisième d'une série d'entretiens avec des journalistes et écrivains iraniens qui ont consacré leurs carrières à faire connaître hors de ses frontières les complexités et les contradictions de l'Iran. Retrouvez le premier entretien avec Golnaz Esfandiari, et le deuxième avec Kelly Golnoush Niknejad

C'était le dimanche 12 juillet 2015, dans la soirée qui devait être la dernière avant la date limite fixée pour les entretiens de Vienne. Nina Ansary et moi avions tenté sans succès depuis un bon mois de programmer un entretien au téléphone qui tienne compte des décalages horaires. On avait fini par réussir à se parler la veille de l'expiration du délai fixé aux diplomates pour la fin des négociations de Vienne.

Il y a peu d'études valables sur le genre en Iran -à quelques exceptions près comme le livre de Janet Afary Sexe et politique dans l'Iran moderne et les nombreux articles et écrits de Haideh Poghissi qui analysent le rôle des femmes dans la révolution iranienne. Mais bien que le livre d'Ansary ne soit pas une première,  Les bijoux d'Allah: l'histoire cachée des femmes en Iran, est le premier livre à traiter des mouvements politiques féministes majeurs de la fin du XIXème siècle à nos jours. Le livre s'appuie sur des études de cas et décrit des mouvements comme celui de l'évolution de l'éducation des femmes tout au long de l'ère des Pahlavi et de l'ère islamique, ou celui du journalisme réformiste féministe de la fin des années 90. Les conférences en sociologie de Janet Afary et les études révolutionnaires populistes de Moghissi forment l'histoire des femmes, mais utilisent des méthodologies différentes. Les livre d'Ansary est une introduction sérieuse, pour le lecteur profane qui recherche une vue d'ensemble du féminisme dans l'Iran moderne.

Ce qui est nouveau dans ce livre, c'est la manière dont Ansary met en avant certains moments historiques. Elle consacre tout un chapitre à Shahla Sherkat, le rédactrice en chef activiste qui a lutté pour que Zanan, la publication féministe la plus ancienne d'Iran, ne disparaisse pas de kiosques, malgré les fermetures forcées et les manoeuvres politiques constantes de l'ère réformiste auprès de l'administration modérée actuelle. En donnant de la visibilité au travail de ces femmes iraniennes contemporaines, Ansary démontre que le féminisme peut prendre toutes les formes et toutes les tailles. Il peut prendre, par exemple, la forme d'une seule femme-pompier dans une ville reculée d'Iran, ou -comme dans l'étude de Sherkat- la forme d'une journaliste qui défie tous les tabous sociaux pour partager le travail du mouvement féministe global.

“Chaque femme a le droit d'avoir une définition du féminisme selon sa vision personnelle,” m'a dit Ansary lors de notre entretien. “Elle doit définir le féminisme en fonction de son propre contexte culturel.”

De fait, l'objectif du livre d'Ansary est de nous faire comprendre comment les femmes ont participé à l'histoire récente de l'Iran, et continuent de le faire, tout en travaillant à faire reconnaître leurs droits et leur égalité dans une société qui les a traditionnellement marginalisées.

Ansary elle-même vient d'un milieu investi dans le climat politique iranien. Elle a quitté l'Iran avec sa famille pendant la révolution, alors qu'elle avait 12 ans. Son père a fait partie du gouvernement du Sha renversé. J'ai été surprise, car Les bijoux d'Allah ne tombe pas dans les pièges idéologiques habituels où se laissent entraîner ceux qui étudient l'Iran. Ansary ne soutient ni ne s'identifie au régime au pouvoir depuis la Révolutin Islamique: “Émotionnellement je me sens très attachée à ma terre natale,” me disait-elle, “sauf en ce qui concerne les 40 dernières années… ce régime est une tache noire et un nuage noir sur ce qu'est réellement l'Iran.” Cependant, jamais dans le livre, les contributions de l'ère Pahlavi au féminisme ne sont mises en valeur. En fait, le livre d'Ansary couvre le féminisme d'inspiration islamique d'après 1979.

“Ce que ressentent les femmes aujourd'hui en Iran elles le doivent à de multiples tranches de l'histoire. Ces différentes tranches d'histoire où les femmes ont eu la possibilité de se faire entendre,” explique Ansary.

Pourquoi je rapproche le livre d'Ansary des récentes négociations sur le nucléaires? Nous avons abordé le sujet bien sûr lors de nos discussions dans la soirée qui a précédé la date limite de fin des négociations.

“Je considère cela d'un stricte point de vue humanitaire,” dit Ansary. “Ces négociations n'ont rien à voir avec la violation du droit des femmes, ou des droits humains. Cependant, les sanctions ont grandement affaibli la population, et j'espère que si une porte s'ouvre, les autres portes suivront… cela rendra le régime redevable devant le monde entier, au-delà du seul problème nucléaire. Mais sans parler du régime actuel, je suis heureuse du changement pour le peuple iranien.”

Et que pense-t-elle de l'avenir de l'Iran et de la place des femmes dans le pays?

“Optimiste mais prudente… et cela parce que je vois leur résilience. Car l'activisme des femmes est parvenu à des résultats partiels: les femmes ne pouvaient pas être juges, mais maintenant elles peuvent être juges d'instruction. Les femmes n'étaient pas autorisées à faire certaines études, et avec les années elles ont réussi  à pénétré des secteurs spécifiquement masculins comme la médecine et l’ingénierie. Je suis optimiste mais prudente, mais je crois que les femmes seront en première lignes pour tous les changements en Iran.”

Se promener à Brighton : les bonnes adresses de Global Voices

vendredi 24 juillet 2015 à 09:06

Les vacances d'été approchent à grand pas et nous vous invitons à l’évasion, virtuellement et plus si affinités. Les collaborateurs de Global Voices sont très ‘mobiles’ et vivent ou ont vécu un peu partout, en France comme en Chine ou au Mexique.  Cet été, nous vous faisons profiter de leurs lieux préférés de leur ville actuelle. Nous avons commençé cette série avec Abdelmadjid qui vit à Londres et Claire qui nous présente son Paris. C'est parti pour trois quatre lieux conseillés, parmi de nombreux autres, des choix qui leur sont propres mais toujours avec un regard bien ouvert sur le reste du monde. Aujourd'hui  Gwenaëlle nous fait explorer Brighton

Brighton est une station balnéaire de 275 000 habitants, mouettes et renards sur la côte sud de l'Angleterre, à seulement 1h de Londres. Elle s'est développée à partir des années 1730 sous l'impulsion du Dr Russell, précurseur des traitements de thalassothérapie… mais les siens incluaient de boire l'eau de mer ! Puis vers 1790, le prince régent et futur roi George IV y a installé sa résidence de coeur et sa discothèque privée. La philosophie de la ville n'a pas changé depuis cette époque : à Brighton, on aime bien vivre et bien manger : bienvenue !

Le Royal Pavilion
Le Royal Pavilion, photographie de l'utilisateur de Flickr Luke Andrew Scowen, CC BY-SA 2.0.

Le Royal Pavilion, photographie de l'utilisateur de Flickr Luke Andrew Scowen, CC BY-SA 2.0.

Si c'est la première fois que vous venez à Brighton, vous ne pouvez pas échapper à la visite du Royal Pavilion : le palais indien (dehors) et chinois (dedans) fut la résidence secondaire extravagante et controversée de George IV. Il fut ensuite vendu à la ville par la reine Victoria qui ne le supportait pas. La ville a organisé un travail de restauration de longue haleine pour le rendre aussi proche de son style fantasque original que possible… mais mes explications ne peuvent pas vous préparer à l'explosion visuelle qui vous y attend ! Quant au jardin qui l'entoure, c'est un endroit parfait pour pique-nique et sieste si la plage est trop ventée.

The Lanes et the North Laine
North Laine, photographie de l'utilisateur de Flickr Ed Schipul, CC BY-SA 2.0.

North Laine, photographie de l'utilisateur de Flickr Ed Schipul, CC BY-SA 2.0.

De part et d'autre du Royal Pavilion s'étendent deux quartiers aussi pittoresques que différents l'un de l'autre. Entre le Royal Pavilion et la plage, ce sont les Lanes, un réseau de ruelles commerçantes qui donnent une idée de ce que faire son shopping au Moyen Age devait vouloir dire. Au nord du Royal Pavilion, North Laine est le quartier indépendant : magasins et cafés bio, écologiques et/ou végétariens ainsi que de grands marchés aux puces couverts. On y va pour les couleurs, l'ambiance, et pourquoi pas, pour chercher le café ou pub qui aura la terrasse la plus décalée. Mon préféré n'est pas le plus flamboyant mais peut-être le plus reposant : à Wai Kika Moo Kau, la lumière atteint le fond du café grâce à une véranda intérieure. Les milkshakes et les jus de fruits maisons sont… inhabituels (tentez donc le gingembre dans votre jus de fruits !) et la carte offre un bon choix pour les végétariens, végétaliens et tous les autres.

Où se (re)poser pour un « Afternoon Tea » typique : Metro Deco, Small Batch Coffee Company

Du mobilier à la coiffure des serveurs, tout à Metro Deco est art déco ou vintage… y compris certains clients ! Les thés maisons (MDTea) sont délicieux et les parts de gâteaux sont énormes, et si vous avez un chien avec vous, lui aussi sera accueilli avec le sourire.

Un Afternoon Tea à Metro Deco... photographie de l'utilisateur de Flickr Mike Fleming CC BY-SA 2.0.

Un Afternoon Tea à Metro Deco… photographie de l'utilisateur de Flickr Mike Fleming CC BY-SA 2.0.

Quant au Small Batch Coffee Company, il est à Brighton ce que Starbucks est à Seattle : une chaîne locale, relativement jeune mais qui s'est étendue en quelques années dans toute la ville. Comme son nom l'indique, le café est torréfié chaque matin en petite quantités (douze kilogrammes maximum) de façon à n'offrir que du café frais. En passant, leur chocolat chaud et leurs thés sont également délicieux ! Vous les trouverez facilement car ils comptent maintenant plusieurs adresses réparties dans les endroits populaires de Brighton.