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Global Voices Checkdesk : nous recherchons des informations sur l'état des infrastructures au Yémen

mardi 28 avril 2015 à 20:53

Des centaines des personnes auraient été tuées dans la guerre au Yémen depuis que l'Arabie Saoudite a lancé une opération militaire contre le pays, le 26 mars. Épaulée par ses alliés du Golfe, ainsi que l’Égypte, la Jordanie, le Maroc, le Soudan et le Pakistan, l'Arabie Saoudite à lancé une opération aérienne nommée “Tempête décisive” contre les combattants Houthis qui avaient pris le contrôle du Yémen en janvier.

Des sources sur place rapportent pour le moment que des écoles, des aéroports, un pont, des usines et des maisons ont été détruites.

La blogueuse yéménite Noon Arabia explique :

Ce que 19 jours de frappes aériennes #OpDecisiveStorm [Opération Tempête Décisive] sur le Yémen ont réussi à semer jusqu'ici : la mort, la souffrance, la détérioration des conditions de vie, la destruction des infrastructures

Elle ajoute:

Sanaa est maintenant privée d'électricité, de gaz, d'Internet, et bientôt d'eau et de nourriture, bien qu'à Aden on ait souffert avant, et beaucoup plus. #Yemen #OpDecisiveStorm

A Global Voices Checkdesk, un projet lancé en partenariat avec Meedan, nous recherchons des informations et témoignages sur les dégâts causés par cette guerre sur les infrastructures au Yémen.

Checkdesk est un outil de liveblogging pour les journalistes, avec des outils intégrés pour permettre aux journalistes citoyens comme aux professionnels de rapporter et confirmer des faits. N'importe quelle personne de la communauté peut soumettre un contenu – un Tweet, une photo, une vidéo ou tout autre média –  et apporter des précisions qui enrichissent le contexte des contenus. Les journalistes professionnels peuvent alors ajouter ces éléments à un article plus élaboré.

Pour rejoindre notre équipe, envoyez un mail à Amira Al Hussaini

A la frontière américano-mexicaine, une cuisine chinoise à nulle autre pareille

mardi 28 avril 2015 à 20:37
In the Fortune Garden kitchen in El Centro, California, near the Mexican border, chefs speak to each other in Cantonese, and waiters give orders in Spanish. Credit: Vickie Ly. Published with PRI's permission

Dans les cuisines du Fortune Garden d'El Centro, en Californie, près de la frontière mexicaine, les chefs communiquent entre eux en cantonnais, et les serveurs donnent leurs ordres en espagnol. Crédit: Vickie Ly. Publiée avec la permission de PRI

[Tous les liens sont en anglais]

Cet article et reportage radio réalisé par Lisa Morehouse pour The World est initialement apparu sur PRI.org le 14 avril 2015, et est republié dans le cadre d’un partage de contenu.

Les taquerias et restaurants mexicains sont passés de mode, le long de la frontière entre la Californie et le Mexique.

Mais regardez plus attentivement et vous verrez un autre type de cuisine datant de plus 100 ans – une sorte de cuisine fusion, avant que la fusion ne signifie quelque chose.

Vous la dénicherez ainsi dans un restaurant situé dans la ville californienne d’El Centro, au nord de la frontière mexicaine, où des familles attendent d’être placées à une table, tandis que d’autres font la queue pour emporter leurs plats. Dans un box, la famille Salcedo s’apprête à déguster son premier plat : une énorme portion de piments jaunes frits. Puis un poisson salé et poivré, que la famille décrit comme un « Baja-style », avec beaucoup de poivrons, de piments et d’oignons.

Oui, Baja style. Mais il ne s’agit pas de cuisine mexicaine. Nous sommes à Fortune Garden, un restaurant chinois mélangeant des ingrédients mexicains dans ses plats.

“C’est très différent de n’importe quel autre restaurant chinois, américanisé ou non », explique Marya Salcedo.

Des rumeurs affirment que certains chefs font mariner le porc dans la tequila.

The Salcedo family drives over an hour from Yuma, Arizona, to Fortune Garden restaurant, near the Mexican border. Credit: Vickie Ly. Published with PRI's permission

La famille Salcedo a roulé plus d'une heure, de Yuma en Arizona, jusqu'au restaurant Fortune Garden, près de la frontière mexicaine. Crédit: Vickie Ly. Publiée avec la permission de PRI

Robert Chao Romero, un professeur agrégé de l’Université de Californie, à Los Angeles, analyse la raison de ce tournant culinaire. « Les restaurants que vous voyez actuellement sont le vestige que la population chinoise a utilisé pour remplir les régions frontalières entre les Etats-Unis et le Mexique », dit-il.

Pourquoi ? En raison de la loi d’exclusion des Chinois. Cette loi de 1882 bannissait les ressortissants chinois de l’entrée aux Etats-Unis. Ainsi, des dizaines de milliers d’entre eux arrivèrent à Cuba, en Amérique du Sud et au Mexique. Beaucoup se sont installés le long de la frontière mexicaine, devenant des épiciers, des marchands et des propriétaires de restaurant. D’autres réussirent à pénétrer aux Etats-Unis.

“Les Chinois sont à l’origine de l’immigration sans papiers issue du Mexique”, affirme Romero. « Ils sont arrivés avec de faux papiers, en bateaux et en trains ; cette infrastructure a été inventée par les Chinois. »

De fait, la patrouille frontalière actuelle est née d’un groupe de gardes à cheval, engagés pour stopper l’affluence de migrants chinois.

C’est l’histoire transfrontalière qui a permis à de nombreux restaurants comme Fortune Garden de sortir de terre. Carlos et Jessica Zhou possède l’un d’eux. Il travailla dans quelques restaurants chinois juste de l’autre côté de la frontière, à Mexicali. Originaire du sud de la Chine, elle débarqua aux Etats-Unis et déclare aujourd’hui que même les commandes dénotent un mélange de cultures et de langues. Ses clients sont, pour la plupart, hispaniques.

“Quand ils commandent, ils ne disent pas porc au barbecue », atteste-t-elle. « Ils disent carnitas, carnitas colorada

En espagnol, carnitas signifie porc. Ainsi, vous devez être un peu trilingue pour travailler en cuisine, où les chefs s’adressent en cantonnais, et les serveurs donnent les commandes en espagnol et en anglais.

Cette nourriture est même plus présente du côté mexicain de la frontière, comme je l’ai découvert alors que je me promenais le long de la frontière avec George Lim. Il  vit aux Etats-Unis, mais franchit la frontière à Mexicali, au Mexique, foyer de 200 restaurants chinois. Lim aide à diriger l’un des plus anciens de la ville : El Dragon.

Pourquoi traverser la frontière tous les jours afin de gérer un restaurant ? Lim explique que près d’un million de personnes résident à Mexicali : la population située du côté californien de la frontière paraît alors dérisoire.

“Faîtes le calcul et vous verrez qu’il y a davantage de clients ici, au Mexique, » dit-il. « Et je déteste dire ça, mais les Mexicains sont plus sophistiqués quand il s’agit de cuisine chinoise. »

Le restaurant est un autre monde, distinct des rues sablonneuses de Mexicali, où l’on trouve des nappes blanches, des chandeliers, et une télévision à écran large diffusant du football.

Fried yellow chilies are ubiquitous in restaurants on both sides of the Mexico border. They’re served in a lemon sauce with lots of salt. Credit: Vickie Ly. Published with PRI's permission

Les poivrons jaunes frits sont omniprésents dans les restaurants situés des deux côtés de la frontière mexicaine. Ils sont servis avec une sauce au citron et beaucoup de sel. Crédit: Vickie Ly. Publiée avec la permission de PRI

En cuisine, le père de George Lim, Canuto, est au centre de toutes les attentions. Il est arrivé à Mexicali dans les années 1950 et a développé de nombreux plats inventifs. « La plupart des gens qui ouvrent ou travaillent dans la restauration à Mexicali possèdent une expérience de la cuisine chinoise ou ont servi dans un restaurant chinois », déclare Canuto.

Les cuisiniers travaillent avec les ingrédients mexicains qu’ils ont en main, comme des piments, des jicamas et certaines viandes tranchées. C’est pourquoi vous pouvez commander de rares combinaisons, comme du bœuf aux asperges accompagné de sauce aux haricots noirs. Ce bœuf, Lim l’appelle « arrachera », son nom espagnol. « L’arrachera constitue la meilleure viande pour les tacos, les asperges peuvent être aussi bien chinoises que mexicaines, mais la sauce, aux haricots noirs, c’est chinois », affirme Lim.

Ici, le mélange d’ingrédients demeure surprenant, comme l’avocat au riz frit : on n’aime ou on n’aime pas, mais c’est ainsi. J’ai mordu dans un rouleau d’œuf fourré aux crevettes, à la coriandre et à la crème de fromage. Une combinaison chinoise, mexicaine et américaine présente sur cette petite partie de la frontière.

Vickie Ly a contribué à cette histoire. La série California Foodways, de la journaliste Lisa Morehouse, est en partie financée par Cal Humanities. Elle a écrit cet article dans sa résidence de Hedgebrook.

Cartographie des attributions de terres au Cambodge

mardi 28 avril 2015 à 16:29
Land contracts awarded to foreign companies in Cambodia. Green represents Vietnamese companies, Red areas are Chinese-owned, and Yellow for Malaysian firms. Image from Licadho.

Les titres fonciers accordés à des sociétés étrangères au Cambodge. Les parcelles vertes représentent les sociétés vietnamiennes, les rouges, les chinoises, les jaunes, les malaisiennes. Illustration  Licadho.

Licadho, une association cambodgienne pour les droits humains, a publié ses données sur les concessions de terres approuvées par le gouvernement cambodgien ces dernières années. L'association demande maintenant au gouvernement de publier toutes les données sur les titres fonciers attribués à des sociétés cambodgiennes ou étrangères. Selon l'association, beaucoup de ces terres ont été données au détriment des petits paysans, qui ont été par la suite expulsés de leurs villages.

Les annonceurs déterminent-ils les contenus du journal Süddeutsche Zeitung ?

mardi 28 avril 2015 à 13:11
Süddeutsche Zeitung. Photo by Flickr user Thomas Angermann.

La Süddeutsche Zeitung – Photo de Thomas Angermann, usager de Flickr. CC BY-SA 2.0

Sebastian Heiser, ancien collaborateur du journal allemand Süddeutsche Zeitung, a de sévères reproches à émettre à l'encontre de celui-ci. Sur son blog, il publie ses expériences en tant que collaborateur pour la partie consacrée aux “thèmes particuliers” (les dossiers). Il décrit le fait que les points importants sont fortement influencés par les intérêts des annonceurs. Sebastian Heiser va même plus loin en affirmant que le journal répand des instructions concernant la fraude fiscale.

La Süddeutsche Zeitung est le plus grand journal suprarégional allemand de qualité, avec un tirage à 397 000 exemplaires pour environ 1,3 millions de lecteurs. Voici ce que l'on peut lire sur son site web: “La SZ se caractérise par un journalisme d'opinion indépendant qui attache de l'importance aux critiques des rédacteurs et des lecteurs.” Sebastian Heiser était en charge, entre début janvier et fin mars 2007, de la partie consacrée aux thèmes particuliers, comme les professions, les carrières, l'immobilier, l'énergie ou les finances. Les contenus de cette partie du journal ne font pas référence à un publireportage. Par conséquent, ils devraient également correspondre, tout comme les autres contenus du journal, à des exigences de qualité, comme par exemple l'indépendance des publicitaires.

Huit ans après son licenciement, Sebastian Heiser a publié des procès-verbaux de réunions de rédaction et des enregistrements, secrètement effectués par lui-même.

De son point de vue, il existait deux différences essentielles entre le journalisme qu'il décrit et son propre travail consciencieux, à savoir le choix de thèmes concernant l'argent et une philosophie relativement peu critique. Selon Sebastian Heiser, les sujets abordés dans la Süddeutsche Zeitung ne sont pas sélectionnés en fonction de la pertinence des contenus, mais bien pour l'attrait qui y est exercé par les annonceurs. il accuse même ce journal d'avoir écarté des formulations de critiques de ses articles.

Dans la partie que j'ai gérée, ce simulacre de journalisme ne décide pas de la pertinence des sujets, c'est l'argent qui prime. Les articles mettant en valeur une publicité figurant dans le journal sont publiés. Le principe de base est le suivant: pour toute annonce d'un quart de page (et les frais à cette époque-là s'élevaient environ à 20 000 euros majorés de la TVA), une page consacrée à ce sujet paraît.

Sebastian Heiser voit d'un oeil particulièrement critique le fait que, dans un article, il a donné aux lecteurs des informations au sujet de numéros de compte en Suisse servant à diminuer les charges fiscales. Voici ce qu'il en pense aujourd'hui:

C'était une publicité prônant l'évasion fiscale. La Süddeutsche Zeitung l'a imprimée pour avoir la publicité bien payée de la caisse d'épargne du Tyrol. Et j'étais responsable de la rédaction des textes sur cette page ou de la commande et de la rédaction de ceux écrits par d'autres collaborateurs.  Comment ai-je donc pu en arriver là ?

“La publicité clandestine est une forme de corruption”

Sur les réseaux sociaux, les internautes ont réagi avec le hashtag #szleaks au sujet des révélations de Sebastian Heiser.  Les points de vue sont très divers. Quelques usagers qualifient de “naïf” le fait d'attendre que l'équipe de rédaction d'un supplément fasse son travail de façon objective, en ajoutant que ce phénomène est devenu la plupart du temps monnaie courante.

Qui peut donc être naïf au point d'attendre des recherches politiques brutales de la part des équipes rédigeant les suppléments consacrés aux dossiers ? — ThorstenG.Schneiders (@tgs2001), le 17 février 2015

 

Je défie quiconque de me désigner maintenant une équipe de rédaction de suppléments où il en est autrement. Les suppléments ont toujours été conçus pour les annonceurs. #szleaks — Jannis Kucharz (@netzfeuilleton), le 19 février 2015

D'autres personnes, cependant, s'indignent de ces révélations. Pour Uwe Krüger, usager de Twitter, cet état de choses ne devrait pas être considéré comme normal:

#szleaks La publicité clandestine est une forme de corruption. Si beaucoup de gens pensent que cela est normal, cela ne fait que montrer à quel point cette corruption existe. — Uwe Krüger (@ukrueg), le 20 février 2015

Et il ajoute que beaucoup de lecteurs considèrent que ces suppléments ont des contenus rédactionnels courants:

Selon moi, la Süddeutsche Zeitung pourrait perdre en popularité si le “lecteur rapide lambda” considérait les pages de ce journal comme contraires aux normes de rédaction. — Uwe Krüger (@ukrueg), le 19 février 2015

D'après une interview donnée sur le portail d'information Newsroom, la Süddeutsche Zeitung n'envisage pas de prendre position face aux reproches émis par Sebastian Heiser. Il y est écrit que Wolfgang Krach, directeur adjoint de la rédaction de ce journal, insiste sur le fait que ces reproches ne sont pas plausibles, que ce journal n'a donné aucune instruction au sujet de la fraude fiscale et également que Sébastian Heiser n'aurait jamais dû soumettre ses textes au service des annonces.

Dans l'interview donnée sur le site Newsroom.de, Krach explique clairement que son journal n'a rien à se reprocher. “Pourquoi créer des suppléments, publier des pages spéciales ?  Comme pour tout autre journal en Allemagne, le service des annonces est en contact avec celui de la rédaction pour proposer un sujet. Celle-ci décide de ce que nous pouvons en faire, d'un point de vue journalistique, ainsi que des sujets qui seront abordés dans ces suppléments,” insiste Wolfgang Krach. Il fait également référence aux “écoutes illégales”: “Écoutez donc attentivement les enregistrements, et vous vous rendrez compte que ces reproches sont injustifiés.“

Sebastian Heiser avait également publié sur son blog des enregistrements audio secrets de réunions de rédaction. Selon quelques observateurs, cette attitude ne respecte pas l'éthique. La Tageszeitung, qui emploie actuellement Sebastien Heiser, a accusé ce dernier d'avoir volé la semaine dernière les données de seize de ses collègues féminines à l'aide d'un logiciel espion. Selon un rapport du journal, des poursuites à son encontre sont prévues.

Des reproches semblables de Peter Oborne à l'encontre du quotidien d'information britannique The Telegraph 

Peter Oborne, ancien collaborateur du journal britannique The Telegraph, émet des critiques tout aussi sévères contre celui-ci. Il affirme que les intérêts des lecteurs, de même qu'un journalisme de qualité, ne sont plus au centre des préoccupations. The Telegraph est un grand journal britannique de qualité, tiré à environ 500 000 exemplaires.

Sur le site internet de openDemocracy, Oborne parle de “tromperie envers les lecteurs”. Il évoque en particulier le fait que ce journal a protégé la grande banque HSBC de Londres. Cette dernière fait partie des annonceurs du Telegraph et se serait retirée suite à une recherche critique. Depuis, dixit Oborne, aucun rapport critique au sujet de cette banque n'est sorti.

Dernièrement, la banque HSBC a de nouveau fait l'objet de critiques en raison de son implication dans des évasions fiscales en Suisse. Il en était à peine question dans The Telegraph, alors que d'autres plus grands journaux nationaux en parlaient.

The Telegraph’s recent coverage of HSBC amounts to a form of fraud on its readers. It has been placing what it perceives to be the interests of a major international bank above its duty to bring the news to Telegraph readers. There is only one word to describe this situation: terrible.

Récemment, la banque HSBC a été couverte médiatiquement par The Telegraph, qui a pour ainsi dire trompé ses lecteurs. Ce journal semble mettre en avant les intérêts d'une grande banque internationale, au détriment de l'obligation d'informer ses lecteurs. Il n'existe qu'un seul terme pour qualifier cette situation: effrayante.

Le peu de réactions dans les médias traditionnels et la peur de perdre en crédibilité

C'est surtout sur les réseaux sociaux et quelques portails en ligne qu'il est question de l'affaire concernant la Süddeutsche Zeitung. En revanche, rares sont les réactions des médias traditionnels au sujet des affirmations de Sebastian Heiser. Wolfgang Ainetter, usager de Twitter, fait la remarque suivante:

#szleaks Qu'est-il écrit dans la Süddeutsche Zeitung au sujet des reproches sévères émis par un ancien collaborateur au sujet de publicité clandestine ? RIEN DU TOUT.  #fail pic.twitter.com/0GcBAPvIdk  — Wolfgang Ainetter (@WAinetter), le 17 février 2015

De même, il est peu question, dans les médias internationaux, des accusations à l'encontre du Telegraph. Cependant, les médias allemands en ont nettement plus parlé que des accusations à l'encontre de la Süddeutsche Zeitung. Ironiquement, ce journal, qui, au départ, ne souhaitait pas prendre position face aux reproches similaires lui étant adressés, a publié un rapport concernant Peter Oborne. Il est plus question, en Allemagne, des méthodes de Sebastian Heiser que de la crédibilité des médias ou encore des accusations.

Bien que ces deux cas de figure ne soient pas tout à fait comparables, l'on y retrouve un même thème: celui de la crédibilité. Concernant les manifestations anti-islam en Allemagne, la presse nationale a été qualifiée de presse mensongère et de nombreux partisans du mouvement, ainsi que les organisateurs, ont refusé de s'adresser aux journalistes. Lors des manifestations, le slogan “Presse mensongère, ferme-la” a été scandé par les foules. “Presse mensongère” est le non-mot de 2014, il a déclenché dans le pays un débat autour de la crédibilité des médias, marquée par des critiques plus ou moins sérieuses.

Des accusations à l'encontre d'un grand journal allemand de qualité pourraient apporter un nouveau souffle à la discussion. Stefan Winterbauer écrit ceci sur le portail Meedia:

En même temps, les partisans des théories de complot disposent d'un espace de plus en plus large sur Internet sur lequel l'on peut débattre sans gêne de la question d'une prétendue mise au pas des médias grand public. Les reproches qui y sont émis apportent de l'eau au moulin de critiques médiatiques en visant le bien le plus précieux des journaux, à savoir leur crédibilité.  Mis à part le fait que des personnes à l’ esprit confus crient “Presse mensongère” à la moindre occasion, les lecteurs n'ont plus de raison de payer un abonnement cher à partir du moment où ils ont le sentiment que les journaux caressent les annonceurs dans le sens du poil.

Winterbauer conclut ses remarques en exhortant les médias à mieux gérer de telles critiques. Selon lui, leur crédibilité s'en trouvera ainsi renforcée:

Les journaux auxquels de tels reproches ont été adressés, comme en l'occurrence la Süddeutsche Zeitung et The Telegraph, devraient prendre position d'une manière à la fois résolue, précise et concrète, en faisant  en sorte que leurs méthodes de travail soient aussi transparentes que possible. Par exemple, le fait que la Süddeutsche Zeitung n'ait plus aucun porte-parole est significatif. Il serait judicieux également d'inviter les critiques à débattre publiquement. Oui – shocking ! – aborder ces sujets peut-être aussi dans leurs propres pages ou sur leur propre site Internet. Leur crédibilité pourra même s'en trouver renforcée. Une telle stratégie d'ouverture et de transparence ne pourra bien sûr fonctionner que si les médias n'ont rien à cacher.

Ethiopie : un an après leur arrestation, les blogueurs de Zone9 restent plus déterminés que jamais

mardi 28 avril 2015 à 09:16
Les membres fondateurs de Zone9. De gauche à droite: Endalk Chala, Soliana Shimeles, Natnael Feleke, Abel Wabela. Befeqadu Hailu, Mahlet Fantahun, Zelalem Kiberet, Atnaf Berahane.

Les membres fondateurs de Zone9. De gauche à droite: Endalk Chala, Soliana Shimeles, Natnael Feleke, Abel Wabela. Befeqadu Hailu, Mahlet Fantahun, Zelalem Kiberet, Atnaf Berahane.

Écrit par Ellery Roberts Biddle & Ethan Zuckerman

En avril dernier, tard un vendredi, un email est apparu sur la liste de la communauté Global Voices avec comme sujet de l'email : “Épouvantable”. Un groupe de nos auteurs et leurs collègues blogueurs avaient été arrêtés ce jour là à Addis-Abeba. Six de ces hommes et femmes faisaient partie de Zone9, un blog collectif [fr] qui couvrait les questions sociales et politiques en Éthiopie ainsi que la promotion des droits humains et la bonne gouvernance. Nous avons rapidement appris qu'ils avaient été arrêtés en raison de leur travail en tant que blogueurs.

Les blogueurs de Zone9 cherchaient à favoriser le débat et la discussion politique dans un pays où la plupart des médias tombent sous le contrôle asphyxiant des autorités gouvernementales. Ils voulaient aider leurs concitoyens à mieux comprendre leurs droits, tels qu'ils sont garantis par la constitution. Ils voulaient que plus d'éthiopiens aient leur mot à dire dans la façon dont leur pays est gouverné.

La Corne de l'Afrique. Carte de l'ONU, publiée au domaine public.

La Corne de l'Afrique. Carte de l'ONU, publiée au domaine public.

Ce n'est pas facile de traiter de ces questions en Ethiopie. En tant que deuxième pays le plus peuplé d'Afrique, l'Ethiopie bénéficie d'un important flux d'aide militaire et humanitaire étrangère, en grande partie destinée à renforcer et à maintenir le rôle du pays comme bastion de la sécurité dans la Corne de l'Afrique, où les niveaux de tensions ethniques, la corruption et la criminalité sont élevés.

Le gouvernement fait face à des menaces de groupes militants armés dans la région nord du pays et dans la Somalie voisine, et il bénéfice d'un grand soutien des gouvernements occidentaux, dont les États-Unis, pour préserver la stabilité dans la région. Mais la peur causée par cette situation précaire a des conséquences dans la vie quotidienne, laissant peu de place pour l'activité de la société civile et le débat démocratique. Au cours des dernières années, le gouvernement a développé une tendance inquiétante à étiqueter toute personne qui exprime la dissidence comme un terroriste.

Prenons le cas du journaliste Eskinder Nega [fr]. Le crime de Nega a été de couvrir les manifestations du Printemps arabe et de souligner que l'Ethiopie pourrait faire face à des manifestations similaires si le gouvernement ne s'ouvrait pas et ne procédait pas à des réformes. Il a été accusé de “planifier, préparer un complot, inciter et organiser” des actes de terrorisme. Pour cela, il purge actuellement une peine de 18 ans de prison.

En 2013, craignant de subir le même sort, les membres de Zone9 ont abandonné leur blog pendant plus d'un an. Mais au printemps dernier, ils ont décidé qu'ils ne pouvaient pas garder le silence plus longtemps. Le 25 avril 2014, le gouvernement a réagi en arrêtant six membres de l'équipe du blog, ainsi que trois journalistes qu'il considérait comme “affiliés” aux blogueurs.

Natnael Feleke avec M. John Kerry, en 2013.

Natnael Feleke avec M. John Kerry, en 2013.

Bien qu'ils doivent encore être traduits en justice, les blogueurs ont été inculpés en vertu de la loi contre le terrorisme [fr]. Cela donne une idée de ce que le gouvernement éthiopien combat : la dissidence, pas la terreur. Une grande partie de l'acte d'accusation porte sur le fait que les blogueurs aient reçu une formation pour chiffrer leurs communications, en particulier grâce à l'utilisation de Security in a Box [fr], une boîte à outils de sécurité numérique destiné à aider les militants des droits humains à se protéger contre la surveillance, facilement accessible en ligne. Le gouvernement éthiopien accuse les blogueurs de Zone9 de l'utilisation de ces outils dans une tentative de “renverser, modifier ou suspendre la Constitution fédérale ou de l'état; ou par la violence, les menaces ou la conspiration.” En fait, les blogueurs utilisaient ces outils pour coordonner leur travail de reportage, espérant éviter la détection et l'arrestation par un gouvernement paranoïaque.

Nous sommes en admiration devant la force, la détermination et la combativité dont ces blogueurs ont fait preuve depuis leur arrestation. En août 2014, Befeqadu Hailu, un des membres fondateurs de Zone9 et auteur de Global Voices, a écrit un compte rendu détaillé de ses expériences [fr] derrière les barreaux, un texte sorti clandestinement de la prison et publié sur notre site. Ses paroles ont laissé notre communauté à la fois interloquée et hantée depuis. “Peu importe que” écrit-il, “des limites existent dans ce pays. Les gens qui écrivent sur la réalité politique de l'Éthiopie devront faire face à la menace d'incarcération aussi longtemps qu'ils vivront ici “.

A lire: Journal d’un prisonnier éthiopien: témoignage de Befeqadu Hailu

Plus récemment, ses amis ont pu sortir clandestinement une lettre de Natnael Feleke, un autre membre fondateur du collectif de blogging Zone9 qui étudiait l'économie avant son arrestation. La lettre de Natnael est adressée au Secrétaire d'état américain M. John Kerry. En 2013, Natnael avait conféré avec M. Kerry lors d'une manifestation publique organisée à l'Université d'Addis-Abeba, une réunion qui est présentée maintenant comme une preuve contre lui. Dans la lettre, Natnael demande au gouvernement américain de reconsidérer son soutien au gouvernement éthiopien. Il écrit:

…[Le] temps que je passerai en prison n'est pas la question la plus pressante dans mon esprit en ce moment. Au contraire, je suis inquiet au sujet du sacrifice supplémentaire nécessaire pour que la communauté internationale, en particulier votre gouvernement, puisse adopter une attitude pragmatique pour exiger des progrès fondamentaux dans le processus de démocratisation du pays en échange des milliards de dollars déversés en faveur de ce régime.

Je ne veux pas que vous vous me mépreniez. Ce n'est pas que je n'apprécie pas l'importante assistance déployée dans le processus de développement de mon pays. C'est juste que je crois fermement que le suivi efficace de cette aide ne peut se faire que  là où il y a une gouvernance responsable. C’est ironique que le premier bénéficiaire mondial de l'aide au développement soit sans surveillance et contrôle de comptes efficace.

[…]

Dans son livre The Audacity of Hope, le président Obama déclare que le véritable test de ce que nous valons vraiment est là où nous investissons le temps, l'énergie et l'argent que nous avons. Je comprends la difficulté que vous rencontrez à trouver un équilibre entre le maintien de la sécurité et la stabilité ainsi que la promotion de la démocratisation dans votre politique étrangère. Mais une stabilité durable ne peut être atteinte que par un gouvernement démocratiquement élu et des institutions auxquelles le peuple a confiance. Comme les intérêts nationaux américains sont construits sur les valeurs fondamentales de la liberté et de la démocratie, j'ai l'espoir et la confiance que vous allez adopter une nouvelle position qui puisse forger une relation plus claire entre toute forme d'aide et le processus de démocratisation.

La lettre ne soutient pas seulement un argument politique. Natnael parle aussi de sa propre expérience en prison, décrivant la torture, les mauvaises conditions et l'enquête criminelle que les blogueurs ont subie, qu'il qualifie de “ridicule”.

A lire A Letter to John Kerry from Kilinto Prison, Ethiopia (une lettre à M. John Kerry de la prison de Kilinto, Éthiopie)

La clairvoyance avec laquelle les blogueurs semblaient anticiper leur sort actuel est surprenante. Le blog Zone9  tient son nom de Kality, une prison à la périphérie d'Addis-Abeba, où Eskinder Nega est incarcéré depuis 2011. La prison de Kality est divisée en huit zones différentes, dont la dernière – Zone Huit – est réservée aux journalistes, aux militants des droits de l'homme et aux dissidents. Endalk, l'un des trois membre de Zone9, qui est libre aujourd'hui, a expliqué que lorsque le groupe s'est formé, “nous avons décidé de créer un blog pour la célèbre prison dans laquelle tous les éthiopiens vivent: c'est Zone Neuf.”

Les blogueurs de Zone9 devraient comparaitre en procès à la fin du printemps. S'ils sont condamnés, ils vont se retrouver en compagnie d'au moins dix-huit autres journalistes qui ont subi le même sort.