PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

“Lire le Russe, lire la Russie” : un blog de traductions sur les débats qui agitent la Russie

jeudi 18 février 2016 à 18:57
russianreader

Le blog de Thomas Campbell, The Russian Reader.

Toutes les histoires ne font pas la une des journaux, et nombreuses sont celles qui restent cachées derrière les barrières linguistiques. L'écrivain et activiste Thomas Campbell, à Saint-Pétersbourg, cherche à réduire ce fossé avec son blog “The Russian Reader“. La semaine dernière, Campbell s'est rendu à l'Université de New York pour faire part de son expérience dans la gestion de son site internet et dans la veille sur la blogosphère russe.

Quand Campbell a commencé The Russian Reader, il a d'abord porté son attention sur l'art et la culture underground à Saint-Pétersbourg. Mais au fil des ans, son blog s'est politisé. Campbell cite les manifestations de la place Bolotnaya fin 2011 et leurs conséquences comme le moment charnière dans la transformation de son travail. Il a été particulièrement fasciné par le cas d'Alexeï Gaskarov qui, selon Campbell, a été personnellement visé pour être lié au mouvement activiste de gauche. (En 2014, Gaskarov fut reconnu coupable d'incitation à des manifestations de masse et condamné à trois ans et demi de colonie pénitentiaire.)

Même si The Russian Reader fournit des commentaires politiques sur l'activisme, les mouvements populaires et les débats politiques en Russie depuis 2012, Campbell n'a présenté de feuille de route que très récemment. Son objectif est de “donner aux gens un aperçu de la société russe, qui est intelligente, courageuse, indépendante d'esprit, forte, et prête à prendre quelques coups sur la tête (ou pire) pour construire un pays démocratique, égalitaire, respectueux de la communauté LGBTQI, vigoureusement environnementaliste, urbaine progressiste, anti-xénophobe, pro-immigrants, et beaucoup d'autres bonnes choses.” Pour Campbell, c'est cette face de la Russie qui est souvent omise dans les médias occidentaux et leur description typiquement unidimensionnelle de la Russie.

The Russian Reader est principalement constitué de traductions de textes originellement écrits en russe. Campbell sélectionne des récits dont il pense qu'ils sont trop peu représentés dans les médias occidentaux, ou pas couverts du tout. Certaines de ces histoires sont juste trop insignifiantes pour les grands médias (à la fois pour ceux de Russie et pour ceux des pays occidentaux), mais Campbell insiste sur le fait que même les récits de petite ampleur font partie de l'histoire contemporaine de la Russie. Certains de ces “petits” récits incluent par exemple le cas de Valeri Brinikh, qui fut condamné pour incitation pour avoir écrit une pièce de théâtre intitulée “Le silence de l'agneau” sur les difficultés à convaincre les gens de manifester, et l'histoire d’Oleg Shevkun, le rédacteur en chef aveugle de VOS radio, qui fut licencié pour avoir exprimé son désaccord sur les actions de la Russie en Crimée.

Campbell traduit également des tribunes qui selon lui mettent en lumière les intenses débats qui agitent la Russie, bien qu'ils soient largement méconnus en Occident. Par exemple, il a traduit un ensemble de textes d’Ivan Ovssiannikov sur le thème de la gauche et du nationalisme, ainsi qu'un article sur l'autocensure écrit par Victoria Lomasko. Etant donné le nombre de textes (The Russian Reader a publié 220 posts en 2015),  Campbell demande rarement aux auteurs la permission de traduire leurs textes, les récupérant souvent sur les réseaux sociaux. Il veut mettre en place un noyau d'”éditeurs et chroniqueurs non volontaires” et s'appuyer sur le caractère convaincant de leurs commentaires.

Le travail de Campbell est avant tout éditorial. Ce n'est pas vraiment à travers sa propre écriture qu'il raconte des histoires, mais en organisant l'information déjà disponible. Dans ce qu'il appelle des “pièces de collage”, il capture l'esprit du temps en combinant des articles et des éditoriaux à des captures d'écran de discussions qui se sont déroulées sur les réseaux sociaux — comme ce post sur un jardin d'enfants qui a célébré le Jour de la milice en montrant des photos d'enfants avec des armes, à la façon d'EI.

Campbell rassemble aussi des textes sur des sujets particuliers. Son dossier sur la “sondage-cratie” (poll-ocracie en anglais, dans les études sociologiques) et son utilisation des enquêtes comme outil de propagande cherche à démystifier l'idée que les Russes soutiennent unanimement le gouvernement. Il a aussi traduit un ensemble d'articles sur les travailleurs migrants afin d'humaniser ces personnes qui sont généralement traitées avec beaucoup d'hostilité en Russie. Il y a aussi des textes sur le mouvement populaire de préservation urbaine de Saint-Pétersbourg, où les activistes débattent sur des sujets qui les amènent souvent à devenir des contestataires politiques.

Campbell dit qu'il a cherché à faire grandir ce blog en embauchant d'autres traducteurs, mais qu'il a découvert un “fossé idéologique” avec “des jeunes qui veulent la pluralité d'opinion”. Campbell ne cache pas ses tendances gauchistes et refuse de donner la place aux écrivains et journalistes qu'il considère nationalistes, comme la journaliste Ioulia Laynina et l'activiste anti-corruption Alexeï Navalny. Ici, les choix éditoriaux sont plus forts que l'esprit du temps.

50ème anniversaire de la chute de 4 bombes thermonucléaires américaines en Espagne

jeudi 18 février 2016 à 11:36
Valla que delimita una de las zonas contaminadas de Palomares. El acceso a las zonas de alta radiactividad no se prohibió hasta 2006, 40 años después del incidente. Captura de pantalla del documental «Palomares confidencial» de TVE.

Grille délimitant une des zones contaminées de Palomares. L'accès aux zones de haute radioactivité n'a pas été interdit avant 2006, 40 ans après l'incident. Capture d'écran du documentaire  «Palomares confidencial»  de TVE.

Le 17 janvier dernier, on a commémoré les 50 ans d'un fait peu connu hors d'Espagne : la collision entre deux avions américains avait provoqué la chute accidentelle de 4 bombes thermonucléaires à Palomares, un petit village au sud du pays.

En  janvier 1966, un B-52 en a heurté en vol l'avion qui le ravitaillait en carburant. Sept personnes à bord des avions sont mortes et 4 bombes thermonucléaires Mark 28, de 1,5 méga tonnes chacune sont tombées sur Palomares : une dans la mer et trois autres sur la terre, dont une sur un terrain du village. L'explosif conventionnel qu'elle portait a explosé en diffusant une partie des éléments radioactifs de son noyau. Le nuage radioactif a affecté une zone de 226 hectares.

En pleine guerre froide, la priorité des autorités américaines a été de récupérer les bombes pour qu'elles ne tombent pas en mains “ennemies”. Par la suite, l'armée américaine a installé le campement Wilson sur la plage de Quitapellejos, sur laquelle plus de 6000 personnes ont menés à bien des tâches de décontamination, consistant surtout à éliminer la couche superficielle de la zone affectée. Ils ont retiré quelques 1000 m³ de terre qui ont été transferés à la station de Savannah River en Caroline du Sud (Etats-Unis).

En ce qui concerne les habitants de la zone, selon Ecologistas en Acción (Ecologistes en Action),

la population n'a ni été évacuée, ni été avertie du danger, malgré la radioactivité. Elle n'a ni été indemnisée, ni informée des précautions à prendre.

Dans le documentaire Palomares Stuck Arrow de Hispantv, Francisco Castejón, physicien nucléaire et membre d'Ecologistas en Acción, raconte l'autre aspect de l'opération:

Le plus grave est que tout n'a pas été nettoyé et que l'on a laissé une quantité importante de plutonium. Il est difficile de réaliser une estimation, mais il a pu avoir une livre de plutonium dispersée dans le territoire. C'est beaucoup de plutonium.

Le temps est contre nous, parce que le plutonium se convertit au fil du temps en américium, qui augmente la capacité de contamination externe. (…) Le vent, l'eau, les activités humaines se dispersent et s'étendent sur l'aire contaminé.

La prensa de la época le quitó importancia al incidente, insistiendo en que no había ningún peligro para la población. Captura de pantalla del documental «Palomares confidencial» de TVE

La presse de l'époque a relativisé l'importance de l'incidente, en insistant sur l'absence de danger pour la population. capture d'écran du documentaire  «Palomares confidencial» de TVE

A cause du contrôle féroce du gouvernement de Franco, la presse nationale n'a pratiquement pas parlé de l'accident en Espagne. Mais il n'a pas pu empêcher la presse étrangère de se focaliser sur un accident nucléaire sur les plages d'un pays qui devenait alors une des destinations favorites du tourisme européen. La pression internationale a alors obligé le ministre du Tourisme espagnol de l'époque, Manuel Fraga, et l'ambassadeur des Etats-Unis en Espagne Angier B. Duke, à se baigner sur la plage de Palomares. La mise en scène farfelue souhaitait démontrer aux nombreux journalistes présents qu'il n'y avait aucun danger, alors que le point de chute de la bombe dans la mer était encore inconnu.

Les autorités américaines en sont venues à considérer l'évenement comme une chance pour les habitants de cette zone, à en juger par propos de l'ambassadeur Duke:

«Ces personnes étaient inconnues et aujourd'hui, elles sont célèbres dans le monde entier (…) Nous leur avons probablement permis d'entrer dans notre temps».

Les gens de Palomares, majoritairement agriculteurs, n'étaient toutefois pas si satisfaits d'avoir obtenu autant d'interêt. Ana Márquez, enfant au moment des faits, raconte à Hispantv:

Mes parents, par exemple, ont tout perdu : la récolte de cette année et les suivantes (…) personne n'achetait les produits venant de Palomares»

Dos de las bombas de Palomares en el National Atomic Museum de Albuquerque (Nuevo México). Imagen de Kelly Michals en Flickr, con licencia CC BY-NC 2.0

Deux des bombes de Palomares sont visibles au National Atomic Museum de Albuquerque (Nuevo México). Image de Kelly Michals sur Flickr, licence CC BY-NC 2.0

Après la décontamination, les autorités américaines et espagnoles ont signés deux accords : le Otero-Hall, un projet scientifique qui étudieraient les effets de la contamination dans une zone rurale et le projet Indalo, qui réaliserait un suivi des habitants de la zone affectée, ainsi que les animaux et les plantes destinés à la consommation humaine. Ce dernier projet a été maintenu jusqu'en 2009 et ses résultats sont secrets. Selon un article de Lee Ferran pour le site de ABC News,

A 2006 State Department cable published by the anti-secrecy website WikiLeaks says that the U.S. had spent about $300,000 every year — totaling around $12 million up to that point — to fund the Spanish government’s monitoring of the area and “track the health of local inhabitants.”

Un document de 2006 du Département d'Etat publié sur le site de filtrations de WikiLeaks a révelé que les Etat-Unis ont dépensé 300 000$ par an –un total de 12 millons jusqu'à présent– pour financer le gouvernement Espagne afin qu'il supervise la zone et réalise « un suivi sanitaire de la population locale».

Sur ces projets, l'écrivain Miguel Madueño, « sans vouloir entrer dans une théorie de conspiration », souligne les raisons qui pourraient avoir motivé les autorités américaines à réaliser un nettoyage si peu efficace:

Alors qu'ils n'avaient pas été capables d'employer les fonds et les moyens pour mener à bien le nettoyage, ils ont pu malgré tout enquêter sur les effets de la contamination. Il s'agit bien d'un accident, mais c'était la première fois que l'on avait accès à un laboratoire d'essai dans lequel on pouvait extraire des données des effets secondaires des effets radioactifs sur l'être humain, les cultures, les animaux d'élèvage, sur les sols : en définitive sur tous les domaines.

Actuellement, Palomares est la zone de plus grande radioactivité de la Péninsule ibérique. Même si, selon les études, cette situation ne semble pas avoir eu de conséquence sur la santé de ses habitants, la décontamination définitive de la zone est une vieille revendication. Selon El Confidencial, les gouvernements espagnols successifs ont négocié avec les Etats-Unis depuis 10 ans. Ces négociations ont abouti le 19 octobre 2015 à la signature d'un accord symbolique entre le secretaire d'Etat américain, John Kerry, et le ministre espagnol des Affaires Extérieures, García-Margallo, afin que les Etats-Unis « assument leur responsabilité » et s'engagent à négocier un accord contraignant pour assainir Palomares. Cependant, « ni les détails de nettoyage ni leur financement n'ont encore été déterminés ».

La belle histoire de Mira Rai, d'un village népalais au championnat du monde d'ultramarathon

jeudi 18 février 2016 à 09:14
Mira Rai, Trail Runner from Nepal. Image by Flickr user rpb1001. CC BY-NC-ND 2.0

Mira Rai, trail runner du Nepal. Image sur Flickr de  rpb1001. CC BY-NC-ND 2.0

Le ‘trail running’ est l'un des sports les plus difficiles et qui exige le plus d'endurance. Il n'est pas à la portée de n'importe qui. Et pourtant, c'est une chose naturelle pour Mira Rai, du Népal. Elle a remporté la course de 80 km autour du Mont-Blanc connue comme la course de haute montagne, en France, la plus difficile et la plus technique. Elle a parcouru cette distance en 12 heures et 32 minutes. 

Félicitations Mira Rai pour avoir gagné ce marathon international, après une disqualification autrefois…

En effet, ayant rejoint l'armée des rebelles maoîstes quand elle était adolescente, elle avait été disqualifiée d'office lors d'une d'une procédure d'intégration dans l'armée népalaise.

Initiée au trail running il y a presque deux ans, elle est en train de devenir une des meilleures athlètes jamais connue dans cette discipline. Son aventure sportive a commencé par la course de 50 km du Festival himalayen de plein-air, à Katmandou, en mars 2014. Elle la remporta sans préparation sérieuse et continua dans la foulée en gagnant la  Mustang Trail Race en avril 2014.

Hors du Népal, elle a accumulé ensuite les succès avec le trail de Sellaronda (57 kilomètres) et le trail de Degli Eroi (83 kilomètres) en Italie en septembre 2014.

En octobre 2015, elle a remporté l'ultramarathon de Mountain Race (50 kilomètres) à Hong Kong. Et depuis elle ne fait qu'aller de l'avant.

Lloyd Belcher, photographe et cinéaste à Hong Kong, a tweeté :

“Mira Rai @TrailRunNepal devant les caméras qui l'attendaient après sa victoire au @Skyrunning_com, la course de 50 kilomètres à Hong Kong, ©lloydbelchervisuals pic.twitter.com/qGYQ6hlY7a

Mira  est originaire d'un petit village de Bhojpur, une région de l'est du Népal. Elle attribue ses succès aux rudes conditions de vie qu'elle a connues pendant son enfance.

Pendant un  interview, elle a raconté :

As a young girl I was not very interested in doing household chores, which is why my mother gave me the physical tasks like bringing water from the river, which is two hours down and three hours back home. I also used to carry a bag of rice to the market to sell and bring money home. I grew up running.

Quand j'étais petite fille je n'aimais pas beaucoup faire les travaux du ménage dans la maison, c'est pourquoi ma mère me faisait faire des choses plus difficiles comme remonter de l'eau depuis la rivière en bas, deux heures de marche pour descendre et trois heures pour remonter. Il m'arrivait aussi de porter un sac de riz pour le vendre au marché et rapporter l'argent à la maison. J'ai grandi en courant.

Elle s'entraîne dur, ce qui lui donne forme et  force. Sa journée classique, c'est réveil à l'aube puis une course de 10-12 kilomètres le matin et une autre le soir. Elle pratique également le cyclisme et l'escalade.

Mira, c'est aujourd'hui un nom dans le monde du trail running qui fait rêver les ultra-marathoniens. Il ne faut pas non plus oublier les millions de garçons et de filles pour qui, au Népal, monter et descendre sur les sentiers dangereux des montagnes en portant des charges est chose naturelle. Elle a un petit conseil précieux à leur donner:

‘Opportunity is like a leaf on a river, if you don't grab it fast enough then its gone forever!’ – #MiraRai #YoungBodyOldSoul

— peterj (@peterjohnmoses) July 9, 2015

La chance est comme une feuille qui passe sur l'eau de la rivière, si vous ne la saisissez pas assez vite, elle s'enfuit  pour toujours”! – #MiraRai #YoungBodyOldSoul

Des chaussures abandonnées pour rappeler que la Macédoine est un pays d'émigration massive

mercredi 17 février 2016 à 17:58
Citizens' protest “How many shoes remain unworn.” Photo by Vancho Dzhambaski (CC BC-NC-SA)

Manifestation citoyenne : “Toutes ces chaussures qui ne sont plus portées” Photo Vancho Dzhambaski (CC BC-NC-SA)

Des centaines de citoyens de Macédoine ont déposé les chaussures de leurs proches qui ont émigré devant le siège du gouvernement pour manifester contre l'incapacité des autorités à améliorer la situation du pays.

Un des plus grands mystères de la Macédoine contemporaine n'est autre que le nombre de personnes habitant le pays et combien sont parties en quête d'une vie meilleure hors de ses frontières. La loi exige un recensement décennal de la population mais le dernier a eu lieu en 2002, et a établi le nombre d'habitants à un petit peu plus de 2 millions. En 2011, le gouvernement a interrompu le recensement à mi-chemin, sans donner de motif. Lorsqu'en août 2015, 46 organisations ont rappelé le sujet à l'opinion, pas plus le gouvernement que les partis au pouvoir n'ont réagi. Les médias appuyant le pouvoir ont préféré intensifier leur campagne en cours de diffamation et de discours haineux contre la société civile.

Les chiffres de la Banque Mondiale indiquent que plus de 600.000 ressortissants macédoniens ont quitté leurs foyers dans les dix dernières années, soit presque un quart de la population. Quelle que soit l'exactitude de ce nombre, il est indéniablement commun pour les Macédoniens d'avoir un(e) ami(e), un(e) cousin(e), un(e) ex-petit(e) ami(e) qui vit à l'étranger.

Une ‘tentative d'insulter et humilier la diaspora’

La Macédoine n'est pas en guerre, mais les temps sont durs pour ce pays d'Europe de l'Est. Le taux de chômage se situe entre 25 et 30 % ; le chômage des jeunes approche les 50 %. Le salaire mensuel moyen est de 350 euros, mais plus de la moitié de ceux qui ont un travail gagnent moins de 200 euros. La Macédoine est en tête de l'Europe pour la pauvreté et le chômage.

Mais l'économie en panne n'est pas la seule cause de l'exode des Macédoniens. Selon certains rapports, l'environnement est devenu si politisé et dominé par les partis politiques au pouvoir (VMRO-DPMNE et UDI) que les allégeances politiques peuvent influer sur les possibilités d'embauche des individus. Un jeune homme a raconté sur son blog la nécessité pour lui, selon ses mots, d'adhérer à la VMRO-DPMNE pour obtenir un emploi.

Tandis que la coalition aux manettes ignore officiellement le problème de l’ “exode”, des rouages de sa machine de propagande s'efforcent en même temps de la rationaliser. Ainsi, un des plus éminents chantres du gouvernement, Tania Karakamicheva-Jovanovska, à la fois professeur de droit des universités publiques, expert juridique dans les débats télévisés, animatrice de radio, éditorialiste et aussi fonctionnaire titulaire et déléguée à un comité consultatif du Conseil de l'Europe, a écrit une tribune arguant que la raison de l'émigration n'est pas l'économie, mais “le vide spirituel, la frustration devant leurs insuffisances personnelles, et la sensation du manque d'amour à l'intérieur de leurs familles”.

Beaucoup de Macédoniens concernés ont ressenti ces propos comme une insulte, et ont commenté sous le mot-dièse #Каракамишева (le nom de famille de l'éditorialiste). Le site, basé aux USA, United Macedonian Diaspora a condamné ses propos comme étant une “tentative d'insulter et humilier la diaspora.”

Citizens leaving the shoes of their loved ones in front of the Government in Skopje. Photo by Vancho Dzhambaski (CC BC-NC-SA )

Dépôt de chaussures de proches émigrés devant le siège du gouvernement à Skopje. Photo Vancho Dzhambaski (CC BC-NC-SA )

‘Nous méritons mieux’

Voilà pourquoi, le 13 février 2016, des militants de nombreuses ONG, sous la bannière ”Nous méritons mieux“ ont appelé les citoyens à apporter les chaussures laissées par leurs amis et parents qui ont émigré de Macédoine pour les aligner devant le siège du gouvernement.

Un des organisateurs était le co-auteur du présent article, Vasko Lazarevski. Il a écrit sur son compte personnel :

Il pleuvait, et nous pensions qu'une vingtaine de personnes au plus viendraient, mais les gens n'arrêtaient pas d'arriver, des chaussures à la main, qu'ils posaient sur l'asphalte. la rue n'a pas tardé à être jonchée de chaussures abandonnées par leurs propriétaires. Triste vision. Il nous reste peu de temps pour améliorer la situation afin de garder ici nos jeunes. Que chacun comprenne : Nous méritons mieux.

Les organisateurs ont aussi mis en ligne des images de la manifestation, sous le titre “Ma patrie, je t'aime comme de vieilles chaussures” (une citation de Cervantes):

La manifestation a aussi eu un aspect humanitaire. Séchées et triées, les chaussures collectées seront données aux réfugiés qui traversent la Macédoine en route pour la sécurité relative de l'Europe Occidentale, aux bons soins de l’ONG Legis.

Le médiateur de Serbie demande le renvoi d'un cadre policier pour obstruction au travail des journalistes

mercredi 17 février 2016 à 17:33
Des agents de la police communale faisant obstruction au travail des journalistes à Belgrade en septembre 2015. Photo : Istinomer.rs. Utilisée avec la permission d'Istinomer.

Des agents de la police communale faisant obstruction au travail des journalistes à Belgrade en septembre 2015. Photo : Istinomer.rs. Utilisée avec la permission d'Istinomer.

Le médiateur de la république de Serbie, Saša Janković, appelle au renvoi du chef de police communale Nikola Ristić après avoir découvert en fin d'année dernière que son service avait violé la loi dans plusieurs incidents impliquant des journalistes.

La police communale ne fait pas partie des forces de police régulières ; c'est un corps qui a été créé par l'administration locale afin de résoudre les problèmes liés à la gestion de la ville et à l'ordre municipal. L'enquête de M. Janković a montré que les agents de police communale avaient menacé des journalistes travaillant pour le site internet de vérification des faits Istinomer (Vérité-Mètre) et avaient employé la force contre son caméraman le 25 septembre 2015. (Déclaration : l'auteur de ce texte est employé par Istinomer.)

La police communale est aussi accusée d'avoir détruit des photographies et des vidéos enregistrées par une équipe du Réseau pour la lutte contre le crime et la corruption (KRIK), et d'avoir confisqué leur équipement le 21 octobre 2015.

Ainsi que l'avait rapporté Global Voices Advocacy à l'époque, la police communale a empêché des journalistes d'Istinomer de filmer une interview sur les rives de la Save le 25 septembre, quelques jours avant le lancement officiel du projet controversé de gentrification des rives de Belgrade. Les agents de police ont accusé les journalistes d'essayer de filmer sur un site en construction, bien que les enregistrements de l'incident n'aient pas révélé l'existence de travaux de construction sur cette zone.

Saša Janković. Photo de Medija Centar Beograd. Domaine public.

Selon Janković, le chef de police communale Ristić aurait dû lancer une enquête sur les actes de ses employés dans le cas Istinomer, ce qu'il n'a pas fait. Selon le médiateur, la police communale a commis 30 violations procédurales en seulement 14 minutes.

Environ un mois plus tard, la police communale de Belgrade a confisqué les caméras des journalistes du KRIK et a supprimé une partie des enregistrements. Selon le médiateur Janković, le chef Ristić a personnellement empêché un journaliste du KRIK de filmer l'incident et a ensuite fourni de fausses informations à ce sujet.

Le KRIK a enregistré cet incident avec un téléphone portable et montré le chef de la police communale et son adjoint en train de bloquer physiquement les journalistes qui s'apprêtaient à interroger le Maire de Belgrade Siniša Mali sur l’achat de 24 appartements dans une station balnéaire bulgare par deux compagnies off-shore qu'il dirige. Lors de l'incident, les deux agents de police étaient sans uniforme, alors qu'ils doivent le porter lorsqu'ils sont en service.

Dans l'autre vidéo publiée par Istinomer, la journaliste de KRIK Dragana Pećo a expliqué qu'elle avait réussi à récupérer l'enregistrement effacé par l'officier de police communale qui avait confisqué temporairement son téléphone. L'enregistrement montre le Chef Ristić niant toute malveillance, et montre aussi comment il a pris le téléphone des mains du journaliste.

Bien que plus d'une douzaine de membres de la police communale aient étés impliqués dans les deux affaires, seul un agent a été soumis à des mesures disciplinaires.

“Il ne suffit pas que l'agent de police communale qui a fait quelque chose [de répréhensible] endosse la responsabilité, parce qu'il a agi en présence de ses supérieurs… Il y a eu un usage illégal de la force, il y a eu des menaces… Beaucoup de mauvaises choses ont été commises”, a affirmé le médiateur Janković.

Ristić n'a pas encore commenté les propos de Janković et le Maire de Belgrade a dit qu'il avait besoin de plus de temps pour examiner le problème.

L'Association indépendante des journalistes de Serbie (NUNS) a publié une déclaration en soutien à la requête de Janković, tandis que le Comité des avocats pour les droits de l'homme (YUCOM) a condamné le comportement de la police communale dans un tweet, accusant les agents de police d'avoir fait un usage excessif de la force et d'avoir abusé de leur autorité.

Janković a souligné que la gestion policière musclée de Belgrade menaçait la liberté d'expression et la liberté des médias dans une ville où le pouvoir est déjà dangereusement peu contrôlé. Cette unité, qui a été fondée il y a à peu près cinq ans, est entachée par la controverse en raison d'un emploi répété de la force contre des citoyens ordinaires, principalement ceux qui sont accusés de ne pas payer leurs tickets de transport en commun. Dans la vidéo postée plus haut, le rédacteur en chef du KRIK Stevan Dojcinovic explique que durant l'incident d'octobre les agents de police communale avaient servi de “sorte de garde du corps privé du Maire”, sans uniforme et sans s'identifier.

Un nouveau projet de loi soulève aussi des inquiétudes. La législation donnerait encore plus de pouvoir à la police communale et n'imposerait que peu de restrictions aux agents de police. Par exemple, la police aurait le droit d'amener des personnes en détention directement au juge au lieu de traiter le dossier dans un bureau de police. Cette initiative pourrait aussi augmenter les effectifs de police en autorisant plus d'agents à patrouiller en civil dans les villes.