PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

Azerbaïdjan : le mouvement de protestation des mères du Haut-Karabagh, une épine dans le pied du gouvernement

jeudi 3 janvier 2019 à 20:38

Des mères rassemblées sur l'allée des Martyrs à Bakou exigent la libération de Torgul Godjaev, le fils d'un martyr arrêté par la police et condamné à une peine de détention administrative. Photo Meydan TV, reproduite avec autorisation.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient à des pages en azéri.]

Le malheur et les pertes humaines causés par le sanglant conflit qui a opposé le Haut-Karabagh et l'Arménie à l'Azerbaïdjan occupent une place centrale dans la propagande politique du régime autoritaire azerbaïdjanais.

Le conflit sur la question territoriale a éclaté alors que l'Union soviétique était en train de s'effondrer, et il n'est toujours pas résolu. Plus d'un million d'Azerbaïdjanais ont été déplacés. Le président de l'Azerbaïdjan Ilham Aliyev a promis à plusieurs reprises de reprendre les territoires qui appartenaient à l'Azerbaïdjan à l'époque soviétique.

Mais pour ce qui concerne une indemnisation, le président Aliyev a visiblement fait une promesse que son riche État pétrolier ne peut pas, ou plutôt ne veut pas tenir.

Cela fait déjà deux mois qu'une centaine de mères de soldats tués lors de la guerre dévastatrice qu'a connue le Haut-Karabagh s'adressent à diverses instances gouvernementales pour obtenir l'indemnisation promise par Aliyev au cours de l'année 2018. Partout elles n'ont reçu qu’humiliations, ou bien on leur a dit d'attendre ou d'aller demander de l'aide ailleurs.

Le 18 décembre, ces mères ont décidé de tester un autre moyen d'action.

Au lieu d'aller manifester devant les bâtiments gouvernementaux, elles se sont rassemblées sur l'allée des Martyrs, cimetière et mémorial consacré aux soldats qui ont péri pendant la guerre au Karabagh. Elles portaient des masques noirs chirurgicaux avec l'inscription «sus» — «chut» en langue azérie.

Ces mères estiment qu'elles ont droit à percevoir 11.000 manats azerbaïdjanais (environ 6.450 dollars, soit 5.670 euros) en vertu d'un décret signé par le président Aliyev le 19 avril 2018. Le décret régit l'indemnisation des familles des soldats tués ou portés disparus avant le 2 août 1997.

L'une des cent et quelque mères qui demandent à percevoir une aide. Photo Meydan TV, reproduite avec autorisation.

Le nombre de personnes qui attendent d'être indemnisées est estimé à environ 3.000. Le ministère du Travail et de la Protection sociale a commencé à traiter leurs dossiers en octobre 2018.

Mais la compagnie d'assurance nationale Azersigorta, qui est censée effectuer les paiements, est en difficulté.

Azersigorta a déclaré que certaines de ces familles avaient déjà reçu de l'argent dans les années 90, peu après la fin de la guerre.

Même si c'était vrai — ce que nient ces femmes — les sommes versées alors n'auraient pas dépassé les 20 dollars, soit une part insignifiante de ce qui a été proposé par le président.

Les manifestations ont commencé en octobre, après que plusieurs familles réclamant leur indemnisation ont vu leur demande rejetée.

L'une des mères, interviewée sur la chaîne Meydan TV, a dit avoir adressé sept lettres à différentes instances du gouvernement, et 20 autres aux députés du parlement. Mais selon elle, personne n'a répondu à ses questions.

Compte tenu de l'importance du Haut-Karabagh dans le récit national, il n'est pas étonnant que ces manifestations mettent le gouvernement dans une situation délicate.

Le député pro-gouvernement Hadi Radjabli, qui a parlé aux familles le 24 octobre, leur a enjoint de «ne pas ternir les avancées accomplies par notre président dans cet important dossier».

Des propos qui ont mis très en colère l'une des parentes de martyr, citée par Meydan TV: «Nous ne ternissons rien du tout, ce sont les fonctionnaires qui font ça.»

Une autre mère, dans une interview sur la page Facebook de Hamam Times, demande que les employés du gouvernement cessent de mentir.

Why are they lying?! They have cars worth millions, they have wedding halls, they make money from construction and sale of lands, how do you think they do all of that?! By stealing people's money. State money isn't for them, it is for the people. People should be able to remove them from their seats.

Pourquoi mentent-ils ? Ils ont des autos qui coûtent des millions, des salles de mariage, ils font de l'argent avec la construction et la vente de maisons et de terrains. D'où est-ce qu'ils tirent leurs moyens ? En volant l'argent du peuple. L'argent du gouvernement n'est pas pour eux, mais pour le peuple. Le peuple doit avoir la possibilité de les révoquer de leurs postes.

Un autre député, Fazil Mustafa, a pris parti pour les familles:

Some of these people received negative responses from Azersigorta. They are told they have been paid already in the 90s. But the families say they have never received this kind of assistance. So they are demanding proof from the insurance company showing that they have indeed received this assistance while the insurance company demands from the families to provide the same proof showing they have never received this kind of assistance. Why do these families need to provide this kind of proof? […] Because institutions are unable to carry out their duties, people come to the members of the parliament.

Certains de ces gens ont essuyé un refus d'Azersigorta. On leur dit qu'ils ont déjà touché une aide financière dans les années 90. Mais ces familles affirment qu'elles n'ont jamais perçu cet argent. Les citoyens exigent donc des documents qui confirment que la compagnie d'assurance leur a effectivement versé la somme due, tandis que la compagnie elle-même leur réclame de prouver qu'elle ne l'a pas fait. Pourquoi est-ce aux familles de fournir des preuves ? […] C'est parce que les instances gouvernementales sont incapables de remplir leurs obligations que les gens s'adressent aux députés du parlement.

Un troisième parlementaire, Fazail Agalami, a proposé de mettre en vente les biens de Jahangir Hajiyev pour réunir les fonds de l'indemnisation due aux familles.

Hajiyev, l'ex-directeur de la Banque internationale d'Azerbaïdjan, purge actuellement une peine de quinze ans pour avoir escroqué l’État à hauteur de plusieurs milliards de dollars.

La femme de Hajiyev, Zamira, a fait la une [en.] des journaux britanniques en octobre 2018 : elle aurait dépensé plus de 21 millions de dollars chez Harrods, le grand magasin londonien, en réglant ses achats avec différentes cartes de crédit.

Le porte-parole du parlement Oktaï Assadov a signé une ordonnance pour créer une commission d'enquête sur les problèmes de versement de cette indemnisation. C'était en octobre 2018, et pour le moment rien n'a changé.

La police d'Azerbaïdjan, réputée pour son agressivité envers les manifestants, a laissé ces mères tranquilles.

Pour les hommes, cependant, les règles du jeu habituelles sont restées en vigueur.

Le 11 décembre, Torgul Godjaev, le fils d'un martyr, a été arrêté et accusé de trouble à l'ordre public quand il a exigé de pouvoir parler aux autorités. Torgul a été condamné à 30 jours de détention administrative.

La condamnation a été réduite à 15 jours lors de l'audience du 14 décembre.

Des prisonniers de conscience syriens annoncent une grève de la faim dans la prison centrale de Hama

jeudi 3 janvier 2019 à 12:02

“Nous nous en remettons à votre humanité pour mettre fin à notre douleur et soulager nos souffrances” – Capture d'écran de la chaine Youtube de SY Plus. Source.

(Article d'origine publié le 30 novembre 2018) Lundi 12 novembre 2018, des prisonniers de conscience syriens ont envoyé un message à tous les Syriens et au monde entier depuis la prison centrale de Hama en diffusant une courte vidéo.

Leur message est clair : ils entament une grève de la faim.

Au premier plan, trois hommes s'identifient comme chrétien, alaouite et sunnite et portent ensemble ce message téméraire.

A l'arrière-plan, plusieurs détenus tiennent des pancartes qui disent “oui au pluralisme et à la laïcité” et rejettent le sectarisme et le populisme. D'autres affiches s'adressent au monde et aux ONG de défense des droits humains qui ferment les yeux sur leur souffrance.

Les trois leaders lisent un message qui implore les Syriens de toutes religions, de tous milieux et le monde entier, leur demandant de prendre en compte leur douleur et d'agir pour apaiser leurs souffrances :

We've been languishing for years in the whirlpools of detention cells, we inhale agony and exhale moans. We have a right to live and for our issue to be taken seriously.

Cela fait des années que nous croupissons au fond de nos cellules, agonisant à chaque inspiration, gémissant à chaque expiration. Nous avons le droit de vivre et que notre problème soit sérieusement pris en compte.

Cette grève de la faim marque leur volonté de protester contre leurs détentions injustes et condamnations arbitraires. Elle marque leur volonté d'être entendus.

Cet appel fait suite à la délivrance par Feras Dunia – un juge choisi par le tribunal militaire – et d'autres représentants officiels du gouvernement d'un arrêt selon lequel 11 détenus doivent être transférés à la prison de Saïdnaya. Au total, 68 personnes – parmi lesquelles des mineurs – doivent comparaître devant le tribunal militaire dans le cadre de procès, avec assurance qu'ils ne recevront pas de condamnations trop lourdes.

Pourtant, les détenus affirment que ces assurances ne sont que de vaines promesses.

Saïdnaya est décrite par Amnesty International comme un véritable “abattoir humain” où le régime syrien envoie ses prisonniers pour les exécuter. Amnesty estime qu'entre mars 2011 et décembre 2015, près de 13 000 personnes y sont mortes – en détention ou suite à des exécutions extrajudiciaires.

Sachant pertinemment ce qui les attend à Saïdnaya, les prisonniers ont donc refusé l'ordre de Dunia de livrer leurs codétenus et ont exigé plus de détails sur leurs condamnations.

Le juge leur a donc transmis une liste de 68 verdicts, parmi lesquelles 11 condamnations à mort, de multiples condamnations à perpétuité, ainsi que des condamnations à 12 ans de prison et 29 jugements en attente pour lesquelles aucune condamnation n'avait été déclarée.

La plupart des 260 prisonniers de conscience de la prison de Hama ont été incarcérés par le régime syrien aux premières heures de la révolution, en 2011 et 2012. Dans leurs témoignages sincères diffusés par cet enregistrement audio, ils se décrivent comme des manifestants pacifiques n'ayant rien fait de mal, si ce n'est entonner des “chants pour la liberté”.

Quand Global Voices s'est adressé à l'un d'entre eux via une application téléphonique, celui-ci a expliqué :

I had no political or partisan background, I just had a dream of a different Syria, so I joined the ranks of my fellow Syrians who took to the streets in peaceful protests, we did not carry arms. Our dream was a difficult one to attain.

Je n'avais pas de passé politique ou partisan, je rêvais simplement d'une autre Syrie, donc j'ai rejoint les rangs de mes compatriotes syriens qui sont allés manifester pacifiquement dans la rue, sans armes. C'était un rêve difficile à atteindre.

La prison centrale de Hama

La prison centrale de Hama est passée sous le contrôle des détenus dès mai 2016, à la suite d'une révolte provoquée par l'exécution de deux détenus. Ces deux détenus avaient été transférés à Saïdnaya dans l'attente de leur procès – puis assassinés. Leurs familles avaient alors informé leurs camarades de la prison de Hama de la situation à Saïdnaya, et les détenus restants avaient commencé à se révolter contre le transfert prévu de quatre autres personnes.

La désobéissance des prisonniers continue à ce jour.

Durant les premiers jours de la rébellion, le gouvernement a tenté de reprendre le contrôle de la prison via des raids aériens menés par le service de renseignement de l'armée de l'air syrienne, réputé pour sa brutalité.

Mais la forte couverture médiatique de cette riposte a forcé la Russie à intervenir, à garantir que la prison ne serait plus bombardée et que le gouvernement syrien travaillerait à un accord prenant en compte les exigences des prisonniers.

A la suite de cet accord, le régime syrien a donc formé un comité se réunissant à l'intérieur de l'établissement pénitentiaire dans le but d'atténuer les sentences des 400 prisonniers. Depuis, certains détenus ont effectivement été relâchés. Mais ce processus a été stoppé puis interrompu en avril dernier, après la libération de 40 personnes.

Une petite portion des prisonniers de conscience syriens sont toujours retenus pour divers motifs dans des prisons civiles telles que celle de Hama. La majorité a cependant été envoyée vers des prisons militaires ou des centres de détention secrets utilisés par plusieurs services de sécurité. Le Réseau syrien des droits de l'homme estime que plus de 95 000 individus sont aujourd'hui victimes de disparition forcée, parmi lesquels 85% sont entre les mains du régime syrien.

“Un coup de chance”, dit un prisonnier de la prison de Hama lorsqu'on lui demande pourquoi lui a fini dans une prison civile :

When they were done with me after four months of torture and interrogation, all the military prisons were full, so I ended up here.

Quand ils en ont eu fini avec moi après quatre mois de torture et d'interrogatoires, toutes les prisons militaires étaient pleines, donc j'ai fini ici.

Malgré les circonstances compliquées de la prison centrale de Hama, cette situation n'est pas représentative de l'expérience de la plupart des prisonniers syriens. Un autre détenu de Hama décrit les conditions dans les centres de détention comme pires encore – “un véritable holocauste” :

The real tragedy isn’t here, the real tragedy is the prisoners who are kept under the ground, who cannot tell day from night, who die each day a thousand deaths, who are being tortured and mutilated every day. I do not know what to tell you, even Caesar photos are a small portion of the reality. For those prisoners, they wish for death, because death is a lot more merciful than their suffering.

La véritable tragédie n'est pas ici, la véritable tragédie est celle de ceux qui sont prisonniers sous terre, qui ne peuvent distinguer le jour de la nuit, qui souffrent chaque jour mille morts, qui sont constamment torturés et mutilés. Je ne sais que vous dire, même les photos de Cesar ne sont qu'une petite portion de la réalité. Ces prisonniers espèrent la mort, car la mort serait plus douce que leurs souffrances.

Depuis de nombreuses années, les prisonniers de conscience syriens sont négligés par la communauté internationale. Devant l'urgence accrue de la situation, ce détenu questionne :

Where is this world that claims to be civilized? Where are human rights bodies? Where is the United Nations? Where is everyone? The world’s conscience, where is it?

Où donc est le monde qui se dit civilisé ? Où sont les instances des droits humains ? Où sont les Nations unies ? Où sont-ils tous ? La conscience du monde, où est-elle ?

Brésil : un avion disparaît en forêt amazonienne avec sept indigènes à bord, et personne n'en parle

jeudi 3 janvier 2019 à 00:46

La région où l'avion a disparu, dans l'Amapá, au nord du Brésil | Carte/Google Maps

Le 2 décembre, un petit avion a décollé de Matawaré, un petit village au coeur de la forêt amazonienne, dans l'état d'Amapá, au nord du Brésil. À son bord se trouvaient une indigène de l'ethnie Akuriyó, son gendre, ainsi qu'une famille de l'ethnie Tiriyó [fr] – un professeur, sa femme et leurs trois jeunes enfants. Le pilote de 61 ans, Jeziel Barbosa de Moura, était un pilote expérimenté et connaissait bien la région.

Les indigènes de cette région ont l'habitude d'affréter des vols depuis les villages les plus reculés pour rejoindre Laranjal do Jari, d'où une voiture les conduit en quatre heures à la capitale de l'état, Macapá. Une heure de vol peut coûter jusqu'à 3000 R$ (près de 770 dollars). Vingt cinq minutes après le décollage, Jeziel a annoncé par radio qu'il devait atterrir en urgence. C'était le dernier contact avec l'avion. D'après les informations fournies par le site G1, il volait illégalement, sans avoir donné d'itinéraire.

Après quinze jours, et 128 heures de vols de recherches, la Force aérienne brésilienne a annoncé qu'elle suspendait  les recherches de survivants. Deux avions et un hélicoptère ont quadrillé une zone de 12 000 kilomètres carrés, environ 12 000 terrains de football. Cependant, la forêt vierge n'a pas facilité les recherches.

D'après Agência Brasil, les amis du pilote et des indigènes de quatre ethnies – Apalai, Akuriyó, Tiriyó e Waiana – continuent les recherches au sol à titre personnel. L'Articulation des peuples et des organisations indigènes de l'état de l'Amapá et du nord du Pará a publié une note condamnant la décision des Forces aériennes de suspendre les recherches.

Le groupe y rappelle que la demande de régularisation des pistes d'atterrissage des communautés indigènes est une revendication très ancienne. Et que leur absence ne facilite pas les secours. Toujours selon G1, le Ministère public fédéral déclare qu'il y a 249 pistes d'atterrissage non régularisées sur des terres indigènes dans tout le Brésil. Rien que dans l'Amapá, “il y a 17 pistes illégales utilisées pour le transport de membres du personnel de santé, du personnel éducatif et des indiens eux-mêmes”.

Bien qu'elle soit traitée sur quelques sites web et dans quelques journaux nationaux, l'affaire n'a pas fait la une. Huit personnes ont disparu dans la plus grande forêt du monde et la majorité du pays ne l'a même pas remarqué.

Le point de vue des familles

Le site d'informations G1, qui suit l'affaire, a entendu les membres des familles des indigènes et du pilote. Tous se sont déclarés “désespérés” et attendent que l'armée les aide à rechercher les disparus dans la forêt vierge. La crainte augmente, car c'est une course contre la montre.

La fille du pilote, Flávia Moura, raconte:

Meu pai conhece a região, já voa há bastante tempo, então a gente sabe que ele deu o jeito dele de pousar em algum lugar, só que na selva é difícil encontrar. A gente sabe a dificuldade no resgate aéreo, mas queremos encontrá-lo, por isso a gente reuniu alguns garimpeiros e índios amigos do meu pai, que estão na mata. Só que a gente quer ajuda do Exército que tem preparo pra isso.

Mon père connaît la région, il vole déjà depuis longtemps, alors on sait qu'il a trouvé un moyen de se poser quelque part, sauf que c'est difficile à trouver dans la forêt. On connaît les difficultés des secours aériens, mais nous voulons le trouver, c'est pour ça que nous avons fait appel à quelques garimpeiros [fr] et des indiens amis de mon père, qui sont dans la forêt. L'armée est bien préparée et nous voulons l'aider.

Sataraki Akuriyó, le fils de la passagère la plus âgée, déclare :

Minha mãe não vou ver mais, por isso queria encontrar ao menos o avião ou o corpo falecido. Desde que eles caíram estou sofrendo muito.

Ma mère, je ne vais plus jamais la revoir. C'est pour ça que je voudrais trouver au moins l'avion ou son corps. Depuis qu'ils sont tombés, je souffre le martyre.

Le silence

Le jour où les recherches ont été suspendues, le président élu Jair Bolsonaro, qui prend ses fonctions de président du Brésil en janvier, a annoncé son intention de revoir la démarcation de la réserve indigène Raposa Terra do Sol [fr], pour l'exploiter “de manière rationnelle”.

17 000 km², sur lesquels vivent quelque 17 000 autochtones appartenant à cinq groupes ethniques – Macuxi [fr], Wapixana, Ingarikó, Taurepang et Patamona. L'avocat Lucio Augusto Villela da Costa rappelle également que l'endroit est “réputé pour sa richesse en minéraux comme l'étain, le diamant, l'or, le niobium, le zinc, le kaolin, l'améthyste, le cuivre, la diatomite, la barytine, le molybdène, le titane et le calcaire, sans oublier la deuxième plus grande réserve d'uranium de la planète”.

Selon les spécialistes, l'idée d'exploiter cette terre est “inconstitutionnelle”  au sens du droit brésilien. Ce programme irait contre l'article de la Constitution qui garantit aux indigènes le droit de préserver leurs terres, leur mode de vie et leurs traditions”.

Quelques jours auparavant, le site De Olho nos Ruralistas (Gardons un oeil sur les Ruralistes), qui signale les conflits de terre et politiques du Brésil, a interviewé l'anthropologue Denise Fajardo, enquêtrice pour l'Institut Iepé au sujet de l'avion disparu. Pour elle, la politique actuelle du Brésil et la façon dont l'affaire est traitée au niveau de l'information ne sont pas nouvelles :



Não se fala sobre o assunto porque a vida dos indígenas não importa nesse momento, vivemos um período anti-indígena e eles são considerados um obstáculo para o desenvolvimento do país. Podemos traçar paralelos até com os meninos perdidos em uma caverna na Tailândia, que teve mais a atenção da imprensa.

On n'en parle pas parce que le sujet n'intéresse personne en ce moment. Nous sommes en train de vivre une époque qui stigmatise les indigènes. Ils sont considérés comme des obstacles au développement du pays. On le voit en faisant un parallèle avec l'histoire des enfants bloqués dans une grotte en Thaïlande, qui a retenue toute l'attention de la presse.

Elle explique, en outre, que les indigènes ont l'habitude de quitter leurs villages pour régler des questions personnelles et aussi parce qu'ils s'y sentent isolés.



O Parque Nacional Montanhas do Tumucumaque é uma pequena área que pertence à eles e foi onde o Estado os colocou, ou melhor, onde o Estado os isolou. A região é de difícil acesso e não se fornecem meios de locomoção a essa população, que fica confinada lá na Aldeia.

Le Parc national des montagnes de Tumucumaque [fr] est une petite zone qui leur appartient et où l'État les a mis, ou plutôt, où l'État les a isolés. La région est d'un accès difficile et on ne fournit aucun moyen de locomotion à cette population, qui reste confinée là dans le village.

Le village Matawaré, d'où s'est envolé l'avion disparu, n'est accessible qu'en canoë ou en avion. Dans la nuit du lundi 17 décembre un autre avion avec des indigènes à bord a eu un accident en Amazonie, près de la frontière péruvienne. Les trois personnes ont été retrouvées en vie par l'armée de l'air.

Escola sem partido : le projet de loi qui tourne à la “chasse aux sorcières” contre les enseignants au Brésil

mercredi 2 janvier 2019 à 19:09

Des manifestants pour le projet de loi sur l'École sans parti (Escola sem Partido) protestent pendant une réunion de la Commission spéciale parlementaire chargée du sujet. | Photo: Marcelo Camargo/Agência Brasil.

Depuis les élections, le paysage politique brésilien reste agité. En plus des menaces qui pèsent sur le droit de manifester [fr] dans les universités, le pays poursuit activement la discussion sur le projet Escola Sem Partido (École sans parti) qui pourrait rendre officielle la “chasse aux sorcières” qui vise les professeurs.

D'après ses défenseurs, ce projet mettrait fin à “l'endoctrinement” des élèves par des enseignants dits “de gauche”. Dans un article publié sur le propre site de “Escola Sem Partido”, l'explication donnée par un des auteurs de la proposition aide à mieux comprendre le point de vue du groupe :

A coloração marxista de nosso ensino hoje está infiltrada em todas as disciplinas. Em recente prova de matemática, de uma escola religiosa particular em Brasilia, a tarefa envolvia o cálculo de crianças mortas de inanição, por hora, no mundo. Nas entrelinhas uma condenação ao sistema capitalista.

La coloration marxiste imprègne aujourd'hui toutes les matières de notre enseignement. Récemment, lors d'une épreuve de mathématiques dans une école religieuse privée à Brasilia, il fallait calculer le nombre d'enfants morts d'inanition par heure dans le monde. Une condamnation à peine voilée du système capitaliste.

Un sondage effectué par la BBC Brasil, début novembre, montre que même si elle n'est pas encore votée, la proposition affecte déjà le quotidien des salles de classe dans tout le pays.

Ses partisans pensent que les professeurs ne devraient parler que de sujets préalablement approuvés par les familles. Dans la pratique, cela reviendrait à interdire les cours d'éducation sexuelle ou des prises de position sur ce qu'était l'esclavage.

Loi du bâillon = Escola Sem Partido – Journalistes libres

Cette loi fédérale qui permettrait d'appliquer Escola Sem Partido à tout le pays, bien que son vote ait été reporté, est actuellement en cours d'examen au Congrès national. En outre, un incident qui s'est produit début novembre, l'affaire de la députée fédérale [fr], Ana Carolina Campagnolo, membre du même parti que Jair Bolsonaro, a enflammé une fois de plus le débat.

L'appel de la députée

Au lendemain des élections, le 29 octobre, Campagnolo a posté sur les réseaux sociaux un numéro WhatsApp, appelant les élèves de l'état de Santa Catarina où elle a été élue, à dénoncer “les professeurs idéologues” critiques envers Bolsonaro.

Affiche de campagne de dénonciation créée par Ana Caroline Campagnolo. Capture écran de @Escolasempartid, 29 août 2018.

La propre Ana Carolina, professeur d'histoire, a d'ailleurs été dénoncée par un ancien élève qui a divulgué des photos où elle apparaissait en t-shirt arborant la photo du président élu, en classe et en présence de ses élèves.

voici ana campagnolo, mon ancienne professeure actuellement députée fédérale qui soutient et fait de la propagande pour “escola sem partido”. Vous vous souvenez, professeur ana, du jour où vous êtes arrivée en classe avec un t-shirt de Bolsonaro ?? Parce que moi, oui ! Et en plus, pour couronner le tout, posant sur des photos avec les élèves, tss, tss…

Quand ces faits ont été dévoilés, un groupe d'enseignants a lancé une campagne de contestation contre la députée. En conséquence, le Ministère public de Santa Catarina a condamné la députée à verser une indemnisation de 70 000 R$ à titre de préjudice moral collectif, d'après le journal O Estado de São Paulo. De plus, la justice a estimé qu'elle devait supprimer le message encourageant les “dénonciations” de tous les réseaux sociaux.

Il y a quelques mois, Ana Carolina a perdu le procès qu'elle avait engagé contre la professeure Marlene Fáveri, de l'Université de l'État de Santa Catarina. Selon ses dires, elle aurait fait l'objet de discrimination pour ses positions “antiféministes” et “chrétiennes”. Les poursuites ont été abandonnées faute de preuves.

Escola Sem Partido, qu'est-ce que c'est ?

Le concept du projet n'est pas nouveau. Son fondateur et leader, l'avocat Miguel Nagib, propose “une loi contre les abus de la liberté d'enseigner”.

Globalement, le projet aborde des thèmes liés à l'éducation sexuelle, avec interdiction d'utiliser le mot “genre” ou l'expression “orientation sexuelle”, cette directive ayant été ajoutée dans le texte le plus récent. Les autres restrictions s'appliquent à la politique et aux faits historiques, notamment ce qui concerne un prétendu “endoctrinement de gauche”.

D'après le reportage du journal Folha de São Paulo, aussi bien Escola Sem Partido que ce que l'on appelle “l'idéologie du genre” prennent leurs racines dans la religion et ne concernent pas que le Brésil.

Há iniciativas em ao menos 50 países, dos EUA à França, em consonância com agendas religiosas como a oposição ao aborto, ao casamento homossexual e a um suposto risco de destruição da família.

Il existe dans au moins 50 pays, des États-Unis à la France, des initiatives en totale cohérence avec les lignes d'action religieuses comme l'opposition à l'avortement, au mariage homosexuel et à un prétendu risque de destruction de la famille.

La proposition a été un des principaux chevaux de bataille de Bolsonaro durant des années. Il est allé jusqu'à diffuser sur les réseaux sociaux un modèle “d'acte extrajudiciaire” pour que les familles puissent dénoncer les professeurs. Alors que lorsqu'une école militaire publique de Manaus a enregistré en 2017 une vidéo montrant des élèves l'appelant le “salut de la nation“, il n'a pas eu l'air de trouver cela problématique.

Le facteur Bolsonaro

Cinq jours après son élection, en présentant les premiers ministres de son gouvernement, Bolsonaro a déclaré sur son compte Twitter que “les établissements d'enseignement étaient sous l'emprise d'idéologies nocives”.

Pendant très longtemps nos établissements d'enseignement ont été sous l'emprise d'idéologies nocives et de l'inversion des valeurs, par des personnes qui haïssent nos couleurs et notre hymne. Hisser le drapeau brésilien n'a rien à voir avec la politique, c'est lié à la fierté d'être Brésilien et à l'espoir d'une vie meilleure.

Bien qu'il cite le marxisme chaque fois qu'il parle de son projet, Bolsonaro n'a jamais défini précisément ce que c'était. Dans un tweet de 2016, par exemple, il accuse “d'endoctrinement idéologique” des enseignants qui ne disent pas clairement que Adolf Hitler (1889-1945) et le nazisme étaient “socialistes”. Une théorie à laquelle les Brésiliens ont pleinement adhéré [fr] cette année.

Empêcher les enseignants de travailler en faisant preuve d'esprit critique ou de parler de sexualité peut être très inquiétant dans le contexte brésilien. Actuellement, le Brésil détient le record et voit augmenter le nombre de violences contre les personnes LGBTQ. Il enregistre un nombre de grossesses chez les adolescentes supérieur à la moyenne de l'Amérique latine (68,4 jeunes enceintes sur mille) et il subit une explosion du nombre de transmissions du virus VIH chez les jeunes de 15 à 24 ans.

Finalement, comme le dit l'historien Leandro Karnal, ce que tendent à prouver les défenseurs de Escola Sem Partido c'est que “toute opinion est politique, y compris celle [exprimée dans ce projet]”.

Eu gostaria de uma escola que suscitasse o debate. Eu gostaria de uma escola que colocasse para o aluno, no século XIX, um texto de Stuart Mill falando do indivíduo, da liberdade de mercado, ao lado de um texto de Marx. E que o aluno debatesse os dois textos. Se o professor for militante de um partido de esquerda? Isso não é ruim, faz parte do processo. A demonização da política é a pior herança da ditadura militar, que além de matar seres humanos, provocou na educação um dano que vai se arrastar por mais algumas décadas.

J'aimerais une école qui suscite le débat. J'aimerais une école qui propose à l'élève, sur le XIX° siècle, un texte de Stuart Mill qui parle de l'individu, de la liberté de marché, à côté d'un texte de Marx. Et qu'un élève discute les deux textes. Le professeur est militant d'un parti de gauche ? Ce n'est pas grave, ça fait partie du processus. La diabolisation de la politique est le pire héritage de la dictature militaire qui, en plus de tuer des êtres humains, a causé des dommages à l'éducation que nous allons traîner pendant encore des années.

 

Note de l'éditeur :  après de nombreux ajournements, l'actuel président de la commission spéciale du Parlement, Marcos Rogério (DEM) [fr], a décidé de classer le projet de loi Escola sem Partido. Le mandat de l'actuelle législature se termine en 2019. Il sera alors possible de relancer les débats sur le sujet. 

Révisé par Nina Jacomini

Explorer l'identité indo avec le photographe néerlandais Armando Ello

mercredi 2 janvier 2019 à 12:12

Le projet Hoezo Indo explore l'identité des personnes ayant un patrimoine mêlé indonésien et européen. Photo : Armando Ello, reproduite avec son autorisation.

Le photographe Armando Ello fait partie des deux millions d'Indos aux Pays-Bas qui ont grandi dans une large ignorance de leur identité indo.

Un Indo est une personne aux racines indonésiennes et européennes (notamment hollandaises). Quelque deux millions d'Indos vivent aux Pays-Bas, le pays qui a colonisé l'Indonésie (appelée à l'époque Indes orientales néerlandaises) du XVIIe siècle jusqu'en 1945. On trouve aussi des Indos dans d'autres pays, comme l'Australie, les USA, et ailleurs encore.

La mère d'Ello est une Indonésienne de Kupang, Timor occidental, et son père est Indo. Dans les années 1970, ses parents ont immigré dans la partie nord des Pays-Bas, où il est né et a grandi.

Sa passion pour l'histoire et la photographie l'a amené à explorer pour y sensibiliser le patrimoine et l'identité indos, à travers la préparation d'un ouvrage appelé Twijfelindo (“dubitativement Indo” en néerlandais), publié en 2016 et mis en vedette par National Geographic Netherlands. ‘Twijfelindo’ présentait des photos et interviews de 277 Indos.

Inspiré par les échos qu'il a reçus de ce livre, il s'est embarqué dans un nouveau projet photographique appelé Hoezo Indo, qui vise à présenter des Indos vivant dans diverses parties du monde.

Global Voices s'est entretenu par courriel avec Ello, à propos de ce projet et de ses explorations de l'identité Indo.

Global Voices (GV): Que veut dire Hoezo Indo et qu'est-ce que cela représente ?

Armando Ello (AE): Hoezo Indo project is about exploring further what it means to be Indo. The project name literally means: ‘What do you mean when you say Indo?’ It is the question that young people have regarding their so-called roots. Very often they say they are only partially Indonesian, which is true in a sense, but the word Indo itself signifies descendants of European and indigenous people who live in the Dutch East Indies (how Indonesia was previously known). With this in mind, nobody can claim one part of his mixed heritage but deny the other, because that is not possible. Second of all, Indo is a term that predates Indonesia as a nation; it's the term for the people who were born from European and non-European (indigenous) parents. My project title may sound odd because [it] also serves as a question. Being an Indo is often interpreted as being Indonesian, but this notion is incorrect, at least not for the first generation Indo-Europeans who came to the Netherlands. When we worked on the project's website 10 years ago, we heard a debate about what being Indo is all about. I think people and the younger generations of Indo find it refreshing to question the meaning of Indo as the word was increasingly becoming the status quo.

Armando Ello (AE): Le projet Hoezo Indo consiste à explorer plus avant ce que c'est que d'être Indo. Le nom du projet signifie littéralement ‘Comment ça, Indo ?’ C'est la question qu'ont les jeunes vis-à-vis de leurs soi-disant racines. Très souvent ils disent qu'ils ne sont que partiellement Indonésiens, ce qui est vrai dans un sens, mais le mot ‘Indo’ lui-même signifie descendant d'Européens et d'autochtones vivant dans les Indes orientales néerlandaises (le nom antérieur de l'Indonésie). Avec ceci à l'esprit, nul ne peut revendiquer une part de son héritage mêlé en reniant l'autre, parce que c'est impossible. Ensuite, Indo est un terme qui précède l'Indonésie comme pays ; c'est le terme qui désigne ceux qui étaient nés de parents européens et non-européens (indigènes). Le titre de mon projet peut paraître bizarre parce qu'il aussi une question. Être Indo est souvent compris comme être Indonésien, mais cette idée est erronée, du moins pas pour la première génération d'Indo-Européens arrivée aux Pays-Bas. Quand nous avons travaillé au site web du projet il y a 10 ans, nous avons entendu un débat sur ce que c'est que d'être Indo. Je pense que les gens et les jeunes générations d'Indos trouvent rafraîchissant de remettre en question le sens d'Indo quand le mot devient de plus en plus figé.

Autoportrait, par Armando Ello. Reproduction autorisée.

GV: Indo, métis, créole, etc… Que pensez-vous de ces appellations d'usage courant dans la société ?

Here in the Netherlands, almost everyone has Indo connections, but most people do not know anything about where they come from, including among the Indos themselves.

I have first-hand experiences throughout my whole life. We live in a society that is still centered around colonial perspectives on history: our school curriculum does not elaborate on decolonization and how colonization of Indonesia affected both Indonesia and the Netherlands.

That’s why I see more and more people trying to discover and doing research on this issue nowadays, mostly based on their own family history. The younger generations of Indo are more aware and critical in debates. They're becoming advocates of issues surrounding colonization and decolonization thanks to work of historians, veterans, and others.

Not only that we need to decolonize our education system, but more importantly we need a shift in our own mindset. Because of the growing awareness, we need to change our own mindset.

We can not expect society to know what terms like Indo mean, so we have to explain and educate it ourselves. Here in the Netherlands, we live in society that pivots around European-centric history and school curriculum with a narrow view on colonial history, often to preserve the Dutch reputation. So we discover and research it ourselves through our own family history. Today, we can see the trend of younger generation being critical about decolonization debates and advocate for more awareness within the society in regards of decolonized mindsets and way of life.

AE: Ici aux Pays-Bas, presque tout le monde connaît des Indos, mais la plupart des gens ne savent rien de là d'où nous venons.

J'en ai eu des expériences directes toute ma vie. Nous vivons dans une société qui reste centrée autour de points de vue coloniaux de notre histoire ; nos programmes scolaires n'étudient pas la décolonisation et comment la décolonisation de l'Indonésie a affecté tant l’Indonésie que les Pays-Bas.

C'est pourquoi je vois de plus en plus de gens s'essayant à découvrir et faire des recherches aujourd'hui sur le sujet, la plupart du temps à partir de leur histoire familiale. Les jeunes générations indo sont plus conscientisées et critiques dans les débats. Ils deviennent militants dans les questions autour de la colonisation et de la décolonisation grâce au travail d’historiens, d’anciens combattants et autres.

Non seulement nous devons décoloniser notre enseignement, mais, plus important, il nous faut un changement de notre état d'esprit. A cause de la prise de conscience croissante, nous devons changer notre état d'esprit.

Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que la société sache le sens de termes comme Indo, c'est donc à nous d'expliquer et d'éduquer. Ici aux Pays-Bas, nous vivons dans une société qui a pour pivot une histoire européocentrée et des programmes scolaires à vision étroite de l'histoire coloniale, souvent pour préserver la réputation hollandaise. Nous la découvrons et l'explorons donc à travers notre histoire familiale. Aujourd'hui, on voit une tendance de la jeunesse à être critique dans les débats sur la décolonisation et à plaider pour plus de prise de conscience dans la société autour des mentalités et des genres de vie décolonisés.

GV: De quoi s'agit-il dans votre prochain projet (un livre de photographies qui n'a pas encore de titre) ?

AE: My next project is about spreading the idea of being of individuals of mixed blood who live in different countries and societies. Share the stories about where you come from, so people learn to better understand. That is why I’m now photographing Indo-European people all over the world that share the same history.

AE: Mon prochain projet veut diffuser la notion d'être des individus de sangs mêlés vivant dans différents pays et différentes sociétés. Communiquer les récits d'origines, pour que les gens apprennent à mieux comprendre. C'est pourquoi je photographie à présent des personnes indo-européennes à travers le monde qui partagent la même histoire.

GV: Parlez-nous de vos espoirs et attentes pour ce nouveau projet.

AE: I hope that this project will raise awareness about our roots. Someone once told me that roots of humanity are like the roots of a tree — without them, the tree will fall. Yes, we should focus on building our future, but we cannot ignore the past. Our present and future are built upon our past. We should let others see who we are and that we have interesting histories to share. I’m taking this project to the next level by photographing and interviewing various Indos that live all over the world. I have started a crowdfunding campaign this December that runs until the end of the year. At the moment, we've raised more than 3,400 Euros out of the 10,000 Euros expected. This will fund my upcoming book and photography trips to meet the individuals who will be featured in the book.

The project will feature portraits accompanied by short stories. Other than that, I'm planning a traveling photo exposition and made a documentary that centers around this upcoming project. I really hope to find more Indo-Europeans, preferably in countries where I least expect it.

AE: J'espère que ce projet suscitera une prise de conscience de nos racines. On m'a dit une fois que les racines de l'humanité sont comme celles d'un arbre : sans elles, l'arbre tombe. Oui, nous devons nous concentrer sur la construction de l'avenir, mais nous ne pouvons ignorer le passé. Notre présent et notre avenir sont construits sur notre passé. Nous devons faire voir aux autres qui nous sommes et que nous avons des histoires intéressantes à partager. Je porte ce projet au niveau supérieur en photographiant et interviewant des Indos variés qui vivent dans le monde entier. J'ai démarré une campagne de financement participatif en décembre et qui dure jusqu'à la fin de l'année. Pour le moment, nous avons levé plus de 3.400 euros sur les 10.000 attendus. Cela financera mon prochain livre et les voyages photographiques pour rencontrer les individus présentés dans le livre.

Le projet montrera des portraits accompagnés de textes courts. A part cela, je prépare une exposition de photos itinérante et ai réalisé un documentaire centré sur ce projet en cours. J'espère réellement trouver plus d'Indo-Européens, de préférence dans des paus où je m'y attends le moins.

Voici quelques portraits du projet photographique 2016 d'Ello :

Le projet Hoezo Indo explore l'identité des personnes ayant un patrimoine mêlé indonésien et européen. Photo : Armando Ello, reproduite avec son autorisation.

Le projet Hoezo Indo explore l'identité des personnes ayant un patrimoine mêlé indonésien et européen. Photo : Armando Ello, reproduite avec son autorisation.

Le livre de photographies Twijfelindo a été publié en 2016. Photo : Armando Ello, reproduite avec son autorisation.