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Birmanie : Bannir le mot “Rohingya” n'améliorera pas la situation de cette minorité

dimanche 5 juin 2016 à 12:12
Loading a truck with Rohingya refugees. Photo by Steve Gumaer. Source: Flickr, CC License

Chargement d'un camion de réfugiés Rohingya. Photo de Steve Gumaer. Source: Flickr, CC Licence.

Pour les organisations étrangères de défense des droits humains, les Rohingya font partie des minorités ethniques les plus persécutées dans le monde. Mais les autorités birmanes et les nationalistes bouddhistes se comportent à leur égard comme s'ils étaient des immigrants clandestins vivant dans l'Etat d'Arakan dans l'ouest du pays.

Le ministre des Affaires étrangères du Myanmar demande aux gouvernements des pays tiers de s'abstenir d'utiliser le terme rohingya car il est jugé insultant par de nombreuses personnes dans le pays.

Le mois dernier, l'ambassade des Etats-Unis au Myanmar a pourtant publié un communiqué pour exprimer ses condoléances aux familles des réfugiés rohingya ayant pris la mer qui ont péri lors d'un naufrage.

…we extend our condolences to the families of the victims, who local reports state were from the Rohingya community. Restrictions on access to markets, livelihoods, and other basic services in Rakhine State can lead to communities unnecessarily risking their lives in an attempt to improve their quality of life.

… nous présentons nos condoléances aux familles des victimes, qui selon les témoignages sur place appartenaient à la communauté rohingya. Des restrictions concernant l'accès aux marchés, aux moyens de subsistance, et autres services de base dans l'Etat d'Arakan peuvent amener des communautés à risquer inutilement leur vie pour tenter d'améliorer leur qualité de vie.

Ce communiqué a provoqué la colère des nationalistes bouddhistes qui ont organisé une manifestation devant l'ambassade des Etats-Unis. Ils portaient des banderoles avec des messages comme « Ceux qui utilisent le terme rohingya sont nos ennemis ! » et « Ne vous mêlez pas de nos affaires internes ! » .

Ils insistent sur le fait que les Rohingya devraient être appelés « Bengalis » puisque ce sont des « immigrants clandestins du Bangladesh ».

La majorité des Rohingya sont des musulmans qui vivent à la frontière entre la Birmanie et le Bangladesh depuis des siècles. Mais le gouvernement birman refuse aux Rohingya le statut de minorité ethnique nationale.

Depuis 2012, plusieurs affrontements entre groupes radicaux bouddhistes et musulmans ont entraîné le déplacement des Rohingya de leurs communautés. Certains ont fui en bateau vers les pays voisins d'Asie du Sud-Est tandis qu'un grand nombre d'entre eux a trouvé refuge dans des camps de fortune.

Dans un discours au Parlement britannique, le tout premier cardinal de Birmanie Charles Maung Bo a décrit les Rohingya comme étant « parmi les peuples les plus marginalisés, déshumanisés et persécutés dans le monde ».

Ses propos ont été rapportés par le site web World Watch Monitor :

They are treated worse than animals. Stripped of their citizenship, rejected by neighbouring countries, they are rendered stateless. No human being deserves to be treated this way.

Ils sont traités pis que des animaux. Déchus de leur citoyenneté, rejetés par les pays voisins, ils se retrouvent apatrides. Aucun être humain ne mérite d'être traité de la sorte.

Scot Marciel, le nouvel ambassadeur des Etats-Unis au Myanmar, a reconnu la position du gouvernement birman sur le terme rohingya mais a souligné que les communautés avaient le droit d'être appelées par leur nom.

La déclaration de Marciel a suscité des commentaires irrités d'internautes dans le pays bien que l'appellation rohingya n'ait pas été mentionnée par le représentant états-unien.

The Irrawaddy, un site d'information indépendant, a publié un éditorial sur le sujet.

Plutôt que de se disputer pour un terme, il a invité au dialogue entre bouddhistes et musulmans :

…rather than arguing over terminology, it is crucial to initiate a dialogue between the Buddhist majority and Muslim minority in Arakan State and negotiate a lasting solution, which would alleviate the everyday suffering of all communities in the impoverished state.

… plutôt que de se disputer autour d'un terme, il est crucial d'engager le dialogue entre la majorité bouddhiste et la minorité musulmane dans l'Etat d'Arakan et de négocier une solution durable, ce qui allégerait les souffrances quotidiennes de l'ensemble des communautés de cet Etat pauvre.

Les marchés flottants de goyaves au Bangladesh, un régal pour les yeux

dimanche 5 juin 2016 à 11:59
Kuriyana, Swarupkathi, Bangladesh | 2015 © Md. Moyazzem Mostakim, Timur Photography. Used with permission

Kuriyana, Swarupkathi, Bangladesh | 2015 © Md. Moyazzem Mostakim, Timur . Photo utilisée avec autorisation.

Dans le sud du Bangladesh, fleuves et canaux s'entrecroisent, dessinant un paysage luxuriant. On peut admirer, depuis les embarcations qui naviguent sur les canaux, des vergers de goyaviers au vert éclatant. Des milliers de paysans gagnent leur vie par la vente de goyaves. Paysans et grossistes se rassemblent dans de très nombreux marchés flottants dans une région qui fait penser aux marchés de la Thaïlande.

La goyave est un fruit apparenté aux baies souvent appelé “pomme des tropiques”. Bien que ce fruit soit originaire de l'Amérique tropicale (entre Mexique et Pérou), il constitue aujourd'hui l'une des plus importantes arboricultures fruitières du Bangladesh. On trouve des goyaviers dans tous le pays. Le sud, en particulier les districts de Barisal, Pirojpur et Jhalbokathi concentrent l'essentiel de la production de goyaves.

Shamsheer décrit sur Somewhereinblog les marchés flottants qu'il a visités :

কুড়িয়ানা বাজার, আটঘর আর ভীমরুলি বাজারে বসে পেয়ারার হাট। চাষীরা বাগান থেকে পেয়ারা সরাসরি ছোট ছোট নৌকায় করে এসব হাঁটে নিয়ে আসে, পাইকাররা এখান থেকে সংগ্রহ করে পৌঁছে দেয় সারা বাংলাদেশে।

Les marchés flottants spécialisés dans la vente de goyaves se trouvent à Kuryana, Atghor ou Vimruli. Les paysans des environs y viennent en barques vendre leurs goyaves à des grossistes pour une distribution dans tout le Bangladesh.

Personne ne peut dire avec certitude de quand datent ces marchés flottants, mais cette activité traditionnelle aurait au moins un siècle. Le marché de Bhimruli sur le canal Kirtipasha est le plus grand. Ces marchés ont évidemment lieu pendant la saison des goyaves en juillet et août. D'autres fruits comme les mombins, noix de coco et bananes sont en vente toute l'année sur les marchés. Les paysans ne disposent pas de moyens appropriés pour stocker ou transporter les récoltes, les prix sont donc très bas. Mais la prolifération des téléphones mobiles commence à changer la donne.

“Journey to Bangladesh” (Voyage au Bangladesh) a posté  une video sur YouTube montrant les marchés flottants et les vergers de goyaves autour de Barisal :

Le photographe Md.Moyazzem Mostakim a posté des dizaines de photos magnifiques de marchés flottants sur sa page facebook, Timur Photography, où elles ont eu beaucoup de succès. Avec l'autorisation de Mostakim, voici quelques unes de ses photos :

Collecting Guava from orchards. Vimruli, Jhalokathi, Bangladesh | 2015 © Md. Moyazzem Mostakim, Used with permission

Cueillette des goyaves dans les vergers à Vimruli, Jhalokathi, Bangladesh | 2015
© Md. Moyazzem Mostakim. Photo utilisée avec autorisation.

On the way to the market. Atghor, Swarupkathi, Bangladesh | 2015 Md. Moyazzem Mostakim, Used with permission.

En route pour le marché. Atghor, Swarupkathi, Bangladesh | 2015
©Md. Moyazzem Mostakim. Photo utilisée avec permission.

Guava Sellers arriving via canals. Atghor, Swarupkathi, Bangladesh | 2015 Md. Moyazzem Mostakim, Used with permission

Vendeurs de goyaves arrivant par la rivière. Atghor, Swarupkathi, Bangladesh | 2015
©Md. Moyazzem Mostakim. Photo utilisée avec autorisation.

Guava Sellers arriving via canals. Atghor, Swarupkathi, Bangladesh | 2015 Md. Moyazzem Mostakim, Used with permission

Vendeurs de goyaves arrivant par la rivière. Atghor, Swarupkathi, Bangladesh | 2015
©Md. Moyazzem Mostakim. Photo utilisée avec autorisation.

Floating Guava Market in Full flow. Vimruli, Jhalokathi, Bangladesh | 2015 © Md. Moyazzem Mostakim, Used with permission

Marché flottant de goyaves. Vimruli, Jhalokathi, Bangladesh | 2015
© Md. Moyazzem Mostakim. Photo utilisée avec autorisation.

Hoards of Tourist entering the village market in Vimruli, Jhalokathi, Bangladesh | 2015 © Md. Moyazzem Mostakim. Used with permission

Groupe de touristes arrivant au marché de Vimruli, Jhalokathi, Bangladesh | 2015
© Md. Moyazzem Mostakim. Photo utilisée avec l'autorisation.

A casual chat between sellers. Vimruli, Jhalokathi, Bangladesh | 2015 © Md. Moyazzem Mostakim, Used with permission.

Conversation entre vendeurs. Vimruli, Jhalokathi, Bangladesh | 2015
© Md. Moyazzem Mostakim. Photo utilisée avec autorisation.

Sold to a wholesaler - Vimruli, Jhalokathi, Bangladesh | 2015 © Md. Moyazzem Mostakim, used with permission.

Vente au grossiste – Vimruli, Jhalokathi, Bangladesh | 2015
© Md. Moyazzem Mostakim. Photo utilisée avec autorisation.

Beaucoup d'autres photos des marchés flottants de goyaves sont disponibles sous ce lien.

Raciste, la publicité pour la lessive Qiaobi ? Des Chinois disent que non

samedi 4 juin 2016 à 21:27
Screen capture from the Ad. Via Hong Kong Free Press.

Capture d'écran de la publicité pour la lessive Qiaobi. Via Hong Kong Free Press.

Un clip publicitaire de lessive devenu viral, montrant un homme noir fourré dans un lave-linge par une jeune femme chinoise, et qui en ressort  “lavé” en beau jeune homme chinois à la peau claire, a provoqué cette semaine un tollé hors de Chine pour son racisme sans complexe.

Le fabricant de lessive, Qiaobi, a promptement présenté des excuses et retiré la publicité, mais son communiqué a accusé les critiques de l'étranger de réagir de façon excessive. Une défense soutenue par de nombreux internautes chinois, qui ont dit que la publicité reflétait des différences culturelles et non du racisme, et proclamé qu'il était impossible pour les Chinois d'être racistes envers les noirs.

在国外,可能是会被认为种族歧视,但是在中国,可能就不是这样,只是一则广告而已!这是每个国家的文化不同,所以会有不同的看法!

Hors de Chine on pourrait trouver cette publicité raciste. Mais en Chine, c'est autre chose. Ce n'est qu'une publicité. Chaque pays a sa culture, et les points de vue sont aussi différents.

可以再拍一个浑身毛茸茸的白人塞进洗衣机洗一洗。告诉美国人,我们不仅歧视黑人,也歧视白人,你满意了吧。

L'entreprise peut produire une autre publicité et fourrer un blanc velu dans le lave-linge. Dites aux Américains que nous discriminons les blancs et les noirs. Vous êtes contents ?

没觉得有什么问题,请不要把种族歧视政治正确强行引进中国

Cette publicité ne pose aucun problème. Merci de ne pas importer en Chine le politiquement correct sur le racisme.

黄种人没有搞过黑人奴隶制,没搞过强迫黑人奴隶劳动,没搞过大规模贩卖黑奴,也没有三K党,更没有种族隔离制度。所以,冤有头债有主,白人歧视黑人才是种族主义,黄人歧视黑人不过是文化差异。 白人才是天然种族主义者。

Les gens à peau jaune n'ont jamais réduit en esclavage les gens à peau noire, ne les ont jamais contraints au travail forcé, ni vendus au marché. [Nous] n'avons pas le Ku Klux Klan ni la ségrégation raciale. Prenez-vous en à votre vrai ennemi. Seule la discrimination des blancs contre les noirs est du racisme. La discrimination contre les gens à peau noire par les gens à peau jaune est seulement de la différence culturelle. Les blancs naissent racistes.

Pour empêcher l'avalanche de presse négative de tourner à la crise diplomatique, le porte-parole du Ministère des Affaires étrangères Hua Chunying a souligné que le spot publicitaire était un incident isolé et que les Chinois sont “frères avec les pays africains”.

Si cette publicité est certes une production isolée, la négation du racisme existant en Chine contre les noirs et les protestations de “fraternité” des Chinois avec eux sont inexactes, ont argué deux étudiants en anthropologie sur la plate-forme de journalisme d'investigation The Initium.

En fait, expliquent-ils, ce racisme s'est tellement banalisé que beaucoup de Chinois ne le perçoivent même plus.

Le Parti Communiste chinois, quand il a pris le contrôle de la Chine en 1949, a bien essayé de s'unir avec ses “frères africains opprimés” contre l'impérialisme occidental. Les responsables chinois ont aussi ranimé la rhétorique “fraternelle” pour décrire l'actuel plan de “Nouvelle Route de la Soie” destiné à développer le commerce chinois en direction de l'Eurasie et de l'Afrique de l'Est.

La Chine n'en connaît pas moins une émergence du racisme anti-noirs depuis que le pays a commencé à ouvrir son économie et à modérer un peu son nationalisme, écrivent les deux étudiants. Tout au long des années 1980, de nombreux incidents racistes ont ciblé les étudiants africains dans les universités chinoises, expliquent-ils :

80年代的中國在今天令許多人心生嚮往,然而那個時代也有它被遺忘的黑暗一面。其中一例,便是驅趕非洲學生的校園運動。對「劣等民族」的偏見,加上對非洲人獲得留學生優惠的不滿,對愛滋病傳播的恐懼,和保護本民族「純正性」的呼籲一起,激起了綿延80年代的中非學生衝突。

1979年7月3日,上海的一名馬里學生被中國學生毆打,並因為膚色較淺而被後者一邊喊着「太淺了」,一邊不斷潑墨水。雙方在宿舍門口爆發鬥毆,導致50名外國學生和24名中國學生受傷。在此之後,一百多名非洲學生聚集到天安門廣場遊行,呼籲停止送非洲留學生到中國,因為中國「反非洲傾向非常嚴重」。而中國政府僅承諾加強上海學生的「國際主義」教育,否認事件與種族歧視相關。

1979年後,中非學生之間的衝突不但沒有停止,反而繼續擴大。1979到1989年的10年間,南京、合肥和杭州等地,陸續有反黑人事件發生,每次均有數百人涉及。如1988年12月29日,華中科技大學的300名中國學生向留學生宿舍扔石頭,並砸傷了一名斯里蘭卡學生。中國學生給校方寫信,要求驅逐非洲學生。因為「非洲學生和中國女生的交往破壞了中國社會的穩定」。類似這些事件,往往以女性和非洲黑人交往為導火索。與非洲學生交往的中國女生,也被污名化成了「漢奸」和「妓女」。

Beaucoup de gens voient les évolutions positives des années 1980 mais en oublient les ombres. Un exemple en a été la mobilisation des campus contre les étudiants africains. Les bagarres entre étudiants chinois et africains des années 1980 étaient motivées par le préjugé contre la “race inférieure”, le mécontentement à propos des bourses payées aux étudiants africains, la crainte de la propagation du SIDA et la volonté de protéger la pureté de la race chinoise.

Le 3 juillet 1979, un étudiant malien a été battu par un groupe d'étudiants chinois. Ceux-ci ont dit que la peau de leur victime était trop claire et l'on arrosé d'encre. La bagarre à l'extérieur de la résidence universitaire a dégénéré en bataille rangée avec 50 étudiants étrangers et 24 étudiants chinois blessés. Ensuite, une centaine d'étudiants africains ont manifesté sur la place Tiananmen pour exhorter leurs gouvernements à ne plus envoyer d'étudiants africains en Chine à cause des très graves sentiments anti-africains de ce pays. La Chine a promis d'améliorer l'éducation “internationaliste” des étudiants de Shanghai et nié que l'incident fût raciste.

Les heurts entre étudiants chinois et africains n'ont pas disparu après 1979. Entre 1979 et 1989, des incidents similaires ont eu lieu dans des villes comme Nankin, Hefei et Hanzhou. A chaque fois des centaines de personnes étaient impliquées. Ainsi, le 29 décembre 1988, 300 étudiants chinois de l'Université de Sciences et de Technologie Huazhong de Wuhan ont jeté des pierres sur leurs condisciples étrangers, blessant un étudiant du Sri Lanka. Les étudiants chinois ont écrit des lettres exigeant que l'université expulse les étudiants africains parce que “les étudiants africains qui sortent avec des jeunes filles chinoises ont rompu la stabilité de la société chinoise”. Le déclencheur usuel de tels incidents était les histoires d'amour entre Chinoises et Africains, les étudiantes chinoises étant étiquetées “traîtres aux Chinois Han” et “prostituées”.

Les autorités chinoises ont serré la vis aux campus universitaires après le mouvement étudiant démocratique de Tiananmen de 1989, avec pour effet la disparition des campagnes racistes. Mais la répression de ces étalages très ouverts n'a pas éradiqué le racisme, défendent les auteurs :

然而枱面上種族歧視的消失,讓公開的反思變得更不可見。中國的種族觀念,不但沒有得到指出和討論,反而變本加厲地發展成了對「劣等民族」的鄙夷。

La disparition de la discrimination raciale ostentatoire a marqué une absence de discussion publique, de débat et de réflexion sur le préjugé racial chinois, qui s'est maintenant normalisé en discrimination contre la “race inférieure”.

Ils soulignent de plus que l'internet a joué un rôle important dans cette discrimination banalisée :

中國網民們,則激進地傳播反黑文章,把子虛烏有的黑人移民視為中國21世紀最大的危險——甚至上升到「亡國滅種」。在「小粉紅」發源的「晉江論壇網友交流區」裏,年輕女性為主的網民經常討論廣州「黑人圍城」的主題,熱度也不下政治討論。

中國民族主義也和種族階序的想象結合在一起。著名的民族主義動漫《那年那兔那些事》,就在第二季中用動物形象描述了非洲人——好吃懶做愚蠢不堪的河馬。中國援非的歷史也被簡化成了「第一世界不和我們玩」的無奈。而性和帶着生殖意味的種族想像,也仍然是排斥黑人的核心焦點。在百度貼吧,微信朋友圈裏傳播的反黑言論,乃至今天這則廣告中,黑人都像是目的不純,只想睡中國女人的渣滓;與黑人交往的中國女性被污名化為「重口味」或者「窮,沒受過教育」。

Les internautes chinois ont radicalement diffusé en ligne les opinions anti-noirs. Ils écrivent que l'immigration noire en Chine est le plus grand danger du 21ème siècle et en parlent comme d'une “question de vie ou de mort pour la nation et pour la race”. Sur le forum en ligne Jinjian, une communauté virtuelle pour les sympathisants du parti communiste chinois, la ville de Guangzhou [où existe une population africaine assez importante] “envahie” par les noirs est un sujet brûlant de premier plan pour les jeunes internautes féminines.

Le nationalisme chinois est bâti sur un ordre racial. La web-animation nationaliste Year Hare Affair [qu'on pourrait traduire par ‘L'affaire du lièvre de cette année’] représente dans sa saison deux l'Africain sous les traits d'un hippopotame — animal paresseux et stupide. L'aide de la Chine à l'Afrique a aussi été simplifiée comme un dernier recours parce que “le premier monde a refusé de jouer avec nous”. Le sexe et la reproduction sont au centre du sentiment anti-noir. Sur le forum en ligne Baidu, dans les cercles WeChat et la publicité dont nous traitons aujourd'hui, les noirs sont dépeints comme des ordures qui veulent seulement coucher avec les femmes chinoises. Les femmes qui sortent avec des noirs sont dites amatrices de “sensations fortes” ou “pauvres et incultes”.

La culture populaire chinoise depuis les années 1980 a aussi consolidé le “côté jaune” des Chinois par contraste avec les progrèss scientifiques et la modernisation. Dans le documentaire chinois “River Elegy” [Elégie du fleuve], par exemple, le Fleuve Jaune sert à représenter la civilisation chinoise figée et fermée, tandis que le bleu de l'océan symbolise la société occidentale “démocratique et ouverte”, écrivent les auteurs.

Tout cela a contribué au racisme d'aujourd'hui contre les noirs en Chine, disent-ils :

而到了「走向中華民族偉大復興」的今天,之前還是階級兄弟的亞非拉同胞已經被拋諸腦後,黃種人略差於白種人的自我歧視也被放棄,中國人開始要求和白人平起平坐。這一切如兩個世紀以前的白人們一樣,依然要騎在黑人的頭上來完成。

Aujourd'hui, alors que le pays approche de “la grande renaissance de la nation chinoise”, l'histoire des frères africains est dépassée et le complexe d'infériorité de la peau jaune devant la peau blanche n'a plus cours. Les Chinois se veulent égaux aux blancs, mais comme les blancs, ils doivent pour asseoir ce statut se placer au-dessus des noirs.

Un jour de la vie de Tião, vendeur de hot-dogs dans les rues de São Paulo

samedi 4 juin 2016 à 20:09
tiao

Tião et son hot-dog, le responsable de files d'attente dans le centre d'Osasco . Photo avec autorisation.

Ce texte de Paulo Talarico a été initialement publié le blog de Agência Mural.  Il est reproduit ici dans le cadre d'un accord d”échange de contenu.

“Bienvenu au restolanche”. Du mercredi au samedi, on trouve la nuit sur la place Padroeira do Brasil, au centre d'Osasco, une ville du Grand São Paulo, une file d'attente devant une carriole où l'on prépare, vite et bien, le “lanche” typique de São Paulo.

“Dans la “baguete” ou le  bagnat” ? C'est la question rituelle de Sebastião Figueira, 68 ans, sur le type de pain qui devra recevoir le hot-dog (cachorro quente = littéralement “chien chaud” dans la langue brésilienne). Réponse possible du client : “ Un complet, sans tomates”. Il lui en prépare alors un pendant que son assistante se tourne déjà vers le client suivant du ‘Dogão do Tião’.

C'est le train-train quotidien de cet homme qui a trouvé depuis 22 ans ce moyen de rester dans la vie active. “J'étais routier, je me suis retrouvé sans emploi, et pour ne pas rester à la maison à dormir, j'ai commencéà vendre des hot-dogs. A mon âge, vous savez bien qu'on ne peut se faire embaucher nulle part”.

Enquanto comem, fregueses se divertem com bom humor do vendedor. Foto: Divulgação

Pendant qu'ils mangent, les clients profitent de la bonne humeur du vendeur. Photo avec autorisation.

Il n'a aucune idée de la quantité qu'il fabrique chaque nuit, mais le travail de préparation commence bien avant son arrivée. En plus de la purée et des frites, il ne faut pas oublier la crème de mil et la sauce”.

Habituellement ce qu'il fait le plus, c'est un sandwich bien garni, demande habituelle sur cette place et sur l'avenue Maria Campos, un choix possible pour celui qui sort un peu tard du travail ou veut seulement se promener.

La file d'attente visible devant cette carriole alors qu'on peut être servi juste à côté s'explique de différentes manières. Pour Tião, c'est une histoire de qualité, le fait qu'il ne travaille qu'avec des viandes et des produits de premier choix. Il lui arrive de préparer 100 à 150 kg de purée, par exemple. L'autre atout est la bonne humeur du propriétaire de la carriole : “Les gens viennent par vingt à la fois pour commander des hot-dogs en rigolant beaucoup”  affirme un cliente.

“C'est ma manière de travailler” dit-il,” toute ma vie  j'ai été obigé d'avaler des sandwichs “gonflés”, élastiques, aujourd'hui, je veux faire mieux”. Il nous ressort pendant l'interview les arguments qu'il utilise pour conquérir ses clientes: ” C'est le seul hot-dog qui ne fait pas grossir, sauf à partir du cinquième, alors tu peux commencer à chauffer un peu. “Si tu n'en manges qu'un seul tu risques de grossir..!” plaisante-t-il.

Enquanto comem, fregueses se divertem com bom humor do vendedor Foto: Divulgação

Le vendeur et ses aides au “Dogão” de Tião. Photo avec autorisation

En réalité, comme ils sont costauds, en reprendre un autre est déjà un exploit. Tião vend des “lanches” depuis qu'il a abandonné son ancienne profession. Venu du Nordeste, il a passé pratiquement sa vie entière dans cette ville. Aujourd'hui il demeure à Jaguaribe, dans la banlieue sud. “J'aime ce coin, mon berceau est Osasco”. Il est marié, son épouse et deux filles l'aident au travail.

“Quand j'ai commencé ici, j'ai d'abord appris à faire les sandwichs avec un vieil homme qui m'a donné ses recettes. Je m'efforce d'offrir la meilleure nourriture. Le secret est de faire les choses avec amour et la propreté est la condition de départ” insiste-t -il.

Dans la ville, on estime que quarante mille “lanches” de hot-dogs sont faits chaque jour. Il y a 324 licences de vendeurs qui emploient habituellement deux ou trois personnes. L'endroit le plus renommé est la rue Antônio Agu, le boulevard où se concentre ce type de commerce avec des prix entre 3 et 5 reais. Ensuite il y a Maria Campos, où les “lanches” sont améliorés à des prix allant de 6 à 8 reais, avec des hot-dogs proposés dans des assiettes. La majorité des stands acceptent les cartes de crédit.

Tião pense que ce type de vente est une caractéristique intéressante de cette ville, et revient sur le problème de l'âge. “Il faut remercier la mairie qui a permis ces installations parce qu'en dehors d'ici vous ne verrez pas toutes ces carrioles au milieu de la rue” affirme-t-il, “ça donne des opportunités au gens de mon âge qui n'ont pas de travail. On peut les remercier d'avoir fait ça pour leur permettre de gagner leur vie”.

Un roman sur les « anonymes qui tous les jours vivent, aiment, résistent et luttent » pour la Syrie

samedi 4 juin 2016 à 19:50
Leila Nachawati Rego

Leila Nachawati Rego. Photo fournie par Leila.

Leila Nachawati Rego, journaliste et activiste syrio-galicienne, choisit de raconter des histoires différentes, celles que nous ne lisons pas, ne voyons pas, qui n’arrivent pas jusqu’à nous. La Syrie, l’un de ses pays d'origine pour lequel elle se passionne, est ravagée par une guerre horrible et sanglante. Toutefois, sur cette terre, fleurissent l'amour et la résistance, qui composent, entre autres, le thème de son premier roman : Cuando la revolución termine (« Quand la révolution se terminera »).

Dans une discussion en ligne, Leila (@leila_na) s'est confiée à Global Voices, un autre projet qui la passionne et auquel elle  collabore comme rédactrice. Elle s'exprime à propos de son roman, de la littérature, de ses multiples identités et de ses souvenirs d'une autre Damas.

Global Voices (GV) : Pourquoi penses-tu que cette histoire se raconte mieux par la littérature que par le journalisme ?

Leila Nachawati (LN): Llevo años escribiendo artículos y ensayos sobre Siria y oriente medio, y cuanto más pasaba el tiempo más me parecía que la región no se entiende, se interpreta en claves geostratégicas y religiosas/identitarias. Creo que una novela puede llegar a un público más amplio y hacer que la gente empatice con un contexto que consideran lejano y en realidad no lo es tanto. Las críticas de la novela hasta el momento han destacado el hecho de que la novela muestra cómo era Siria antes de 2011, cómo se vivía, qué se comía, cómo se divertía la gente… y luego qué reivindican a partir de las protestas de 2011, qué reclaman… y eso es importante porque acerca y facilita la empatía, algo que no siempre se da con análisis y coberturas de medios de comunicación de masas.

Leila Nachawati (LN) : Cela fait plusieurs années que j'écris des articles et des essais sur la Syrie et sur le Moyen-Orient. Plus le temps passe, plus je réalise que cette région reste incomprise. Elle est interprétée en termes de religion, d’identité ou de géopolitique. Je pense qu’un roman peut toucher un public plus large et faire comprendre aux gens un contexte qui leur semble lointain, mais qui ne l’est pas tant que ça. Jusqu’à présent, les critiques du roman ont souligné le fait qu’il dépeint la Syrie avant 2011 : comment les gens vivaient, ce qu’ils mangeaient, comment ils s’amusaient… puis, quelles ont été leurs revendications depuis les manifestations de 2011. C’est important, cela permet de susciter une empathie, quelque chose que la couverture et les analyses des médias ne rendent pas toujours possible.

Cuando la revolución termine by Leila Nachawati Rego

Cuando la revolución termine par Leila Nachawati Rego

GV : Ton roman est politique, mais il raconte également une histoire d’amour ; l’amour pour les enfants, les amis, les conjoints, les pays, les villes. Depuis longtemps, les seuls récits concernant la Syrie qui nous parviennent sont des histoires d’horreur, des récits de mort et de désolation. Qu’est-ce que nous ne lisons pas à propos de la Syrie ? Quelles sont les autres histoires qui doivent être contées ?

LN: Leemos a diario historias en las que los protagonistas son los que destruyen (ya sea Asad o ISIS /Daesh, y escuchamos poco a los que resisten, a los que construyen y reconstruyen en un contexto cada vez más difícil. Mi novela es un homenaje a esa gente anónima que día a día vive, se enamora, resiste y lucha por su país, por una sociedad mejor aunque todos los vientos soplen en contra.

LN : Chaque jour, nous lisons des récits dont les protagonistes sont ceux qui détruisent la Syrie, qu’il s’agisse de Bachar el-Assad ou de Daech, mais nous n’entendons que très peu parler des personnes qui résistent, construisent et reconstruisent le pays, dans un contexte toujours plus difficile. Mon roman rend hommage à ces anonymes qui tous les jours vivent, aiment, résistent et luttent pour leur pays, pour une société meilleure, contre vents et marées.

GV : Tu es d’origine syrienne et galicienne. Comment navigues-tu entre ces identités ?

LN: Creo que quienes vivimos a caballo entre dos culturas tenemos esa doble visión que nos permite ser una especie de puente, de traductores de entornos distintos que en realidad tienen mucho en común. La “distancia media” de la que hablaba Aristóteles.

LN : Je pense que les personnes qui vivent à cheval entre deux cultures possèdent un double point de vue qui leur permet de servir de pont, d’être traducteurs de différents environnements qui ont en fait beaucoup en commun, d’être une sorte de « juste milieu » tel que l’exprimait Aristote.

GV : Peux-tu nous partager quelques-uns de tes souvenirs de Damas ?

LN: Damasco para mí es ruido de tornos, de obras sin acabar, de bocinas de coche en el tráfico en hora punta, de olor a arguile de dos manzanas, de cebolla friéndose en mantequilla, de naranjas y jazmín. De sonrisas y miradas cómplices, de silencios que hablan más que cualquier grito, de susurros, de deseo reprimido de cambio.

LN : Pour moi, Damas c'est le son des tours à bois, les constructions qui n'en finissent jamais, les klaxons du trafic à l’heure de pointe, l’odeur du narguilé aux deux pommes, des oignons frits dans le beurre, des oranges et du jasmin. Des sourires et des regards complices, des silences qui expriment plus que n’importe quel cri, des chuchotements, du désir refoulé de changement.

Leila señala un cartel que pide la libertad del desarrollador de software sirio, Bassel Khartabil. Foto cortesía de Leila.

Leila  devant une affiche réclamant la libération du développeur syrien Bassel Khartabil. Photo fournie par Leila.

GV : Dans quelle mesure ton appartenance à la communauté de Global Voices a influencé ta vie ? La protagoniste de ton roman est également une collaboratrice de Global Voices.

LN: Global Voices marcó un antes y un después en mi vida, me permitió conocer a toda una generación de activistas que me abrió los ojos a unas luchas y deseos de cambio, de justicia social, que parte de lo local y a la vez es muy global, basada en unas redes de solidaridad muy fuertes y unos vínculos que se crean más allá de las diferencias culturales. En la novela, Global Voices marca un punto de inflexión en la trayectoria de la protagonista, que dice: “Antes de 2011, en todos mis viajes a Siria, no había conocido a un solo activista. Conocería a muchos a partir de entonces”

LN : Dans ma vie, il y a un avant et un après Global Voices. Cette communauté m’a permis de rencontrer toute une génération d’activistes qui m’ont ouvert les yeux sur des luttes et des envies de changement, de justice sociale, qui naissent à l’échelon local, mais sont à la fois très internationales, et reposent sur des réseaux solidaires très forts et des liens qui se tissent au-delà des différences culturelles. Dans le roman, Global Voices marque un tournant dans la trajectoire de la protagoniste qui dit « Avant 2011, lors de tous mes voyages en Syrie, je n’avais rencontré aucun activiste. Depuis, j'en ai connu beaucoup. »