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Non, tous les Houthis du Yémen ne sont pas chiites et autres approximations trompeuses

lundi 6 avril 2015 à 19:04
Houthis Logo

Le logo de Ansar Allah communément appelé Houthis. Photo  de leur compte Twitter officiel où l'on peut lire ” Ô vous qui croyez! Soyez les alliés d'Allah (Ansar Allah) – Dieu est grand, mort à l'Amérique, mort à Israël, malédiction sur les Juifs, victoire à l'Islam ” La première partie est extraite du Coran (Sourate Ranks – Verset 14 ”

Durant la dernière décennie, et depuis plus longtemps encore, les Houthis ont fait les gros titres depuis leur soulèvement contre le gouvernement du Yémen. Depuis  2004, les forces armées gouvernementales se sont battues contre cette milice tribale du nord du pays, qui dit se défendre de l'oppression.  

Ce conflit long d'une décennie s'est envenimé ces derniers mois quand les Houthis n'ont pas respecté leur partie d'un accord appelé ‘Accord de paix et de partenariat national” et ont pénétré dans la capitale, Sana'a. Aujourd'hui, alors que l'Arabie saoudite a lancé une offensive militaire au Yémen pour repousser les Houthis, l'attention des médias s'est tournée vers la situation au Yémen. 

Les Houthis ont pris des villes telle qu'Amran et ont avancé vers Sana'a, violant leurs engagements pris lors de l'Accord national, où ils ont occupé les ministères et le palais présidentiel, retenant le président Hadi en otage, aux arrêts dans la résidence présidentielle.

Avec d'un côté l'Iran, à majorité chiite, soutenant les Houthis, tandis que l'Arabie saoudite, à majorité sunnite, les bombardent, les médias ont adopté une vue simpliste d'un conflit qui se réduirait à des conflits inter-religieux entre les deux plus grandes communautés de l'islam. Jusqu'à la chaine en ligne, AJ+, qui a décrit les Houthis comme étant chiites.

La réalité est cependant plus complexe que 42 secondes de reportage peuvent le laisser croire. 

Tous les Houthis ne sont pas chiites 

Houthi était à l'origine le nom d'un clan du Yémen, et non d'une appartenance ou mouvance religieuse. Plus tard, un mouvement rebelle armé, appelé Ansar Allah (signifiant les aides de Dieu ou les soutiens de Dieu), ont adopté ce nom, d'après leur fondateur et principal leader Hussein Badreddin al-Houthi, tué en 2004, ce qui a d'une certaine façon provoqué ce qui a été appelé le ‘soulèvement des Houthis'. Des controverses existent sur leur nombre effectif ou sur l'origine des personnes qui se battent à leurs côtés. La blogueuse yéménite Atiaf Al Wazir dans un post titré “Ce n'est pas un conflit entre sunnites et chiites, idiot !” souligne que tous les Houthis n'appartiennent pas aux Zaïdites, une mouvance de l'islam chiite, comme on a pu le dire. 

Bien qu'aucune statistique n'ait été faite sur la composition de Ansarullah, couramment connu sous le nom de Houthis, on pense que beaucoup de leurs membres sont zaïdites, mais qu'ils proviennent également de différentes écoles de pensée chiites et sunnites, ainsi que des Ismaïlites, Shafi'i et Jaafari. Beaucoup de tribus sunnites et de soldats ont également rejoint les Houthis pour combattre à leurs côtés. Des dirigeants de premier plan comme Saad Bin Aqeel, un moufti de la ville de Taiz, sont parmi les leaders des Houthis : il a fait le prêche du vendredi durant l'un de leurs sit-ins, avant leur avance dans la capitale. 

Badreddin al-Houthi, mort en 2004, appartenait aux Zaïdites. Tout comme l'ancien président yéménite Ali Abdullah Saleh, au pouvoir quand les Houthis se sont soulevés pour la première fois en 2004. Al Wazir précise aussi que “tous les Zaidïtes ne sont pas Houthis. La position d'érudits zaïdites et de leurs centres d'études religieuses diverge.” Le journaliste britannique-yéménite Abubakr al-Shamahi explique plus en détails ce qu'est le zaïdisme.  

Le zaïdisme (de Zaydiyyah) est une école de pensée au sein de l'islam chiite. Il tient son nom de l'Imam zaïdite Bin Ali, tué dans un soulèvement contre les Omeyyades. Bien qu'il ait été pratiqué autrefois dans des endroits comme l'Iran et l'Afrique du Nord, on trouve aujourd'hui des zaïdites en nombre important uniquement au Yémen. Un imamat zaïdite a gouverné de  nombreuses régions du nord du Yémen pendant 1000 ans, jusqu'au dernier Imam, renversé en 1962. Traditionnellement, des endroits comme Sana'a, Dhamar, Hajja et Amran sont zaïdites, et le cœur du zaïdisme se trouve dans la région de Saada. Un dicton se référant aux zaïdites dit qu'ils sont “les sunnites des chiites, et les chiites des sunnites”, indiquant par là qu'il n'y a pas une énorme différence de doctrine entre les zaïdites et les sunnites (ou du moins, c'est ainsi qu'ils sont perçus).

Arab News Blog donne davantage de contexte, sur la proximité du zaïdisme et du sunnisme. 

Ils sont appelés en anglais les “Fivers” (cinq) parce qu'ils reconnaissent les quatre premiers imams reconnus par les duodécimains et les Ismaéliens ainsi que Zayd comme le successeur légitime de son père ‘Ali Zayn al-Abidin, tandis que d'autres groupes reconnaissent son frère Muhammad al-Baqir. Ils n'exigent pas que tous les imams légitimes descendent de Zayd. En fait, la doctrine de l'Imamat zaïdite diffère énormément de celles des autres chiites. L'école juridique zaïdite est très similaire à celle d'Abou Hanifa dans le sunnisme, et certains ont décrit la loi zaïdite comme une “cinquième école” du sunnisme (sauf pour la doctrine de l'Imamat).

 

Les zaidites représentent environ un tiers de la population du Yémen.

Mass demonstration in the province of Dali in the south of Yemen, calling for disengagement from the north on February 19, 2010. Photo by rashad1. Copyright Demotix

Tribus, ou mouvances religieuses ?

L'ancien président Ali Abdullah Saleh, contre lequel la rebellion des Houthis a commencé, appartient à une tribu appelée Al Ahmar. La tribu Al Ahmar compte parmi ses membres des chiites et des sunnites. Ceci dit, feu l'ex-leader des Houthis Badreddin al-Houthi comme le président Saleh sont techniquement des chiites. Ce qui signifie que les conflits tribaux ont beaucoup à voir avec ce conflit. Michael Collins Dunn, rédacteur en chef du Middle East Journal, explique sur son blog:

Le Président Ali Abdullah Salih est lui-même zaïdite, comme l'est une partie importante de sa base de partisans. Il vient d'une petite tribu de la plus grande confédération tribale, le Hached. Le Hached et l'autre grande confédération zaïdite, le Bakil, étaient désignées comme les “ailes de l'Imamat”, quand les imams zaïdites statuaient encore dans ce qui était alors le Yémen du Nord.

Al-Shamahi semble aller lui aussi dans ce sens :

D'abord, les al-Ahmars sont traditionnellement zaïdites, comme les Houthis. Je ne peux pas garantir la confession religieuse de chaque Ahmar individuellement, mais je dirais que beaucoup de leurs combattants tribaux s'identifieraient, tout au moins vaguement, comme zaïdites. Ali Abdullah Saleh, qui a fait six guerres contre les Houthis, était aussi zaïdite. Donc, s'agit-il d'un conflit entre zaïdites ? D'une guerre civile entre zaidïtes ? 

Al Wazir explique :

[...] si c'était un problème religieux, le président Saleh (qui est techniquement zaïdite) n'aurait pas fait six guerres contre les Houthis entre 2004 et  2010. Il semble que les anciens ennemis aient forgé une alliance temporaire. Ceci indique que ces conflits sont de nature politique.

Al Wazir fait allusion au fait que l'ex président Saleh, qui a été démis après plus de trois décennies au pouvoir durant la révolution de 2011 au Yémen, est  soupçonné d'appuyer ses anciens adversaires dans leur campagne pour renverser le gouvernement actuel. Il se trouve que Al-Houthi a des liens personnels avec la République islamique d'Iran, ce qui a rajouté un angle religieux au conflit au Yémen. 

En résumé

Voici ce que l'on peut retenir. Une partie du conflit au Yémen est un conflit entre les Houthis, une tribu et non une mouvance religieuse, et la tribu Ahmar. Les deux comprennent des membres et alliés sunnites tout comme chiites. Deux des dirigeants de premier plan de ces tribus sont chiites, la différence étant que l'un a des liens étroits avec l'Iran tandis que l'autre a des liens étroits avec l'Arabie saoudite. Idéologiquement, les chiites du Yémen sont plus proches du sunnisme d'Arabie que du chiisme iranien. Aujourd'hui, l'ex président Saleh et les Houthis dirigés par Abdul-Malik al-Houthi semblent agir d'un commun accord, ce qui fait apparaitre des alliances entre différentes tribus et obédiences religieuses, pour le moment. Et pour le moment, le sang des Yéménites, de toutes confessions et tribus, coule.

Le Yémen, Vietnam de l'Egypte – pour la deuxième fois ?

dimanche 5 avril 2015 à 23:49
Decisive Storm artillery rocks a Yemeni neighbourhood in the capital Sanaa. Photograph shared by Alaa Al-Eryani on Facebook. "This was in Faj Attan near our house. Can't imagine the terror my family and friends are going through right now.." she explains.

Tirs d'artillerie de l'opération Tempête Décisive sur la capitale du Yémen Sanaa. Photo partagée sur Facebook par Alaa Al-Eryani. “C'était à Faj Attan près de notre maison. Je ne peux pas imaginer combien ma famille et mes amis sont terrorisés en ce moment même..” explique_t_elle.

Les Egyptiens disent sur les médias sociaux leur refus de tout engagement de leurs troupes terrestres dans une guerre contre le Yémen.

L'Egypte, membre de la coalition à direction saoudienne qui bombarde le Yémen depuis le 26 mars, a annoncé être prête à envoyer des troupes terrestres dans ce pays ravagé par la guerre. Avec l'appui de ses alliés, Emirats du Golfe, Egypte, Jordanie, Maroc, Soudan et Pakistan, l'Arabie Saoudite a lancé une opération de frappes aériennes, baptisée Tempête Décisive, contre les combattants houthistes qui ont pris depuis janvier le contrôle de larges pans du Yémen.

De nombreux internautes égyptiens ont évoqué un enregistrement révélé par une fuite, dans lequel le président égyptien Abdel Fattah Al Sissi aurait dit des Arabes du Golfe qu'ils ont ”l'argent comme du riz” — autrement dit, en abondance — laissant entendre que l'Egypte s'était engagée dans la guerre contre finances.

Ils ont même poussé la comparaison, disant que les soldats égyptiens étaient sacrifiés dans la guerre saoudienne contre le Yémen en échange de riz.

La blogueuse égyptienne Nawara Nagm enfonce le couteau dans la plaie en écrivant à ses 759.000 abonnés:

Si vous n'avez pas de problème moral avec la guerre et le meurtre d'enfants, vous n'en aurez pas non plus si vos soldats meurent en échange de riz

Elle ajoute :

Nous allons y mourir et au final ils se moquent de nous avec le riz qui n'ira pas dans la poche des enfants qui seront impliqués dans la guerre terrestre

Dans un autre tweet, Negm se demande pourquoi le Parlement n'est pas consulté dans la décision :

Tant que la conscription dans l'armée est obligatoire et que les gens y sont impliqués avec leurs enfants, ils ont donc le droit d'exprimer à travers le Parlement leur avis sur la vie ou la mort de leurs enfants ou tout au moins d'avoir en référendum

Puis elle décrit la scène en Egypte, avec le battage des médias soutenus par le gouvernement en faveur de la guerre :

On connaît la méthode : une préparation médiatique, et ceux qui désapprouvent sont marqués comme des traîtres, des agents [de l'étranger] et des espions. Il arrêtera quelques individus puis agira à sa guise

Il s'agit de Sissi, dont Negm ne cite pas le nom, comme l'indique son tweet suivant :

Il a émis des décrets et contracté des emprunts que nous devrons rembourser encore après sa mort ; et est entré dans une guerre sans le conseil de quiconque ; et maintenant il va envoyer des gens à la mort sans leur avoir demandé la permission

avant de conclure :

Il n'a pas le droit de prendre leurs enfants aux gens et de les jeter au Yémen sans l'accord du Parlement voire un référendum

Adel Zidane qualifie l'intervention égyptienne au Yémen de “pétrole contre sang”. Il tweete :

Non à une guerre motivée par la perspective de pétrole en échange de sang

La présence de troupes égyptiennes combattant au Yémen ranime les mauvais souvenirs de la guerre civile du Nord-Yémen, (1962 -1970), pendant laquelle l'Egypte et l'URSS soutenaienl la République arabe du Yémen nouveau-née, tandis que l'Arabie Saoudite et la Jordanie, avec l'appui de la Grande-Bretagne, combattaient aux côtés de l'Imam Muhammed Al Badr, mis hors jeu et qui avait fui en Arabie Saoudite chercher de l'aide. Des milliers de soldats égyptiens ont péri dans cette guerre.

Le Yéménite Ammar Al Aulaqi nous rappelle :

“Le Yémen est mon Vietnam, j'y ai envoyé une compagnie et pour finir 70.000 hommes en renforts” Gamal Abdel Nasser 1967

Negm rappelle ce même souvenir :

Le Yémen est connu dans l'histoire comme le Vietnam de l'Egypte. Que ferons-nous au Yémen quand nous ne savons même pas que faire avec le Sinaï ?

L'armée égyptienne est enlisée au Sinaï dans une guerre contre les “terroristes”, parmi lesquels l'Etat du Sinaï, un groupe djihadiste précédemment dénommé Ansar Bayt Al-Maqdis (ABM) avant qu'il annonce son allégeance au groupe radical Etat Islamique.

D'Egypte, Carmen se demande pourquoi de nouveaux fronts s'ouvrent dans la région :

Non à l'incursion terrestre au Yémen. Le Sinaï regorge de terrorisme et l'EI est en Libye. Pourquoi ouvrent-ils un nouveau front de guerre qu'ils sont incapables de gérer ?

Elle ajoute :

N'alourdissez pas la facture de sang que ce pays acquitte chaque jour. Nous avons le droit d'être inquiets pour notre armée.

L'Egyptien Hamdy Mansour ajoute :

Ils vous disent qu'ils sont contre l'incursion terrestre au Yémen pour que les pauvres soldats égyptiens ne se fassent pas tuer ! Et les bombardements aériens et les pauvres civils yéménites tués ? Pour sûr c'est normal et qu'un pays vive ou meure n'est pas un problème.

Depuis le Liban, Riena Jalal, résume ironiquement la situation dans le même sens. Elle tweete à ses 13.100 abonnés :

L'intervention aérienne est normale
Et les gens qui meurent à la suite des bombardements aériens c'est aussi normal ?
Mais une incursion terrestre signifiera la mort de soldats égyptiens. Quelle honte !

Et de Bahreïn, @lbanna74 rappelle à ses 2.000 abonnés :

Quand les Egyptiens reviendront dans des cercueils, ne les appelez pas des martyrs. Ils sont partis au combat en échange de l'argent du Golfe.

Plus de réactions sous le hashtag #لا_لتدخل_مصر_البري_في_اليمن qui se traduit par Non à l'intervention terrestre égyptienne au Yémen.


 A lire aussi (en anglais) :

Egypt's Vietnam: Lessons from the last time Cairo waded into war in Yemen

Les médias sociaux francophones disent #JesuisKenyan

vendredi 3 avril 2015 à 18:40
Twitter users show support for Garissa victims via Arnaud Seroy on twitter

Soutien pour les familles et victimes de l'université de Garissa au Kenya, sur Twitter, via Arnaud Seroy

Le  2 avril 2015, au moins 147 personnes ont été tuées sur le campus de l'université de Garissa au Kenya par des terroristes, selon le KRCS, le Centre national kenyan des opérations de secours. Le centre signale aussi que  79 personnes ont été blessées et que 587 personnes ont été évacuées de l'université actuellement. Les soupçons sur les commanditaires de cet attentat se portent sur le mouvement Al-Shabaab,  basé en Somalie, qui a de fait depuis revendiqué l'attentat. Les témoignages terribles des survivants ont provoqué une vague de solidarité mondiale. Le monde francophone, toujours marqué par l'attentat de la rédaction de Charlie Hebdo, a réagi par des marques de solidarité envers les victimes de Garissa sur les médias sociaux, avec le hashtag  #JesuisKenyan , qui fait miroir au #JesuisCharlie du 7 janvier dernier. Ce sujet se place en seconde position dans les Trending Topics de Twitter le 3 avril. Voici quelques un de ces tweets. 

 

 

La crise humanitaire du Yémen exacerbée par la guerre

vendredi 3 avril 2015 à 18:06

Cela fait trente ans que le Yémen, le pays le plus pauvre du Moyen-Orient, ploie sous le sous-développement chronique et la crise socio-économique. Plus de 60 % des 25 millions de Yéménites dépendent de l'aide humanitaire, les enfants et les femmes étant les plus affectés. La précarité de la situation humanitaire s'est encore exacerbée pendant les quatre années d'instabilité politique qui ont suivi la révolution de 2011 et le renversement du Président Ali Abdullah Saleh. Bien avant l'éclatement de la guerre le 25 mars, les Nations Unies et les organisations internationales mettaient en garde contre la crise humanitaire imminente.

L'UNICEF requiert 60,1 millions de dollars pour répondre aux besoins humanitaires des enfants les plus vulnérables du Yémen en 2015. Lire (…)

La population du Yémen est l'une des plus mal-nourries du monde. Comment nous aidons :

[Chiffres de la faim : plus de 10 millions de personnes soit 41 % de la population du Yémen en insécurité alimentaire]

YEMEN : Plus de 800.000 enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition aiguë 

L'instabilité au Yémen enfonce les pauvres plus profond dans la malnutrition et le désespoir

Yémen : 61 % de la population ont besoin d'une forme ou d'une autre d'assistance humanitaire en 2915 – appel révisé

Distribution des conflits et des besoins humanitaires au Yémen. Via le Bureau de la Coordination des affaires humanitaires de l'ONU

Le Yémen au bord de la guerre civile – les défis humanitaires s'approfondissent

La situation humanitaire désespérée s'est encore aggravée avec le conflit entre les rebelles houthistes soutenus par le Président renversé Saleh et la coalition dirigée par l'Arabie Saoudite avec le soutien des USA, des Etats du Golfe, de l'Egypte et de la Turquie. Si les frappes aériennes de la coalition ont cibé principalement les camps militaires et les dépôts d'armes (certains situés dans des zones résidentielles), elles ont aussi visé les aéroports à Sana'a, Aden, Hodeida et Sada'a.

Lundi, le camp d'Al Marzaq, un camp de déplacés internes, aurait été bombardé par la coalition à direction saoudienne, au moins 40 réfugiés internes ont été tués et 200 blessés. Le coordinateur humanitaire de l'ONU pour le Yémen Johannes Van Der Klaauw a déploré l'attaque dans un déclaration et appelé toutes les parties à respecter le droit international humanitaire. Selon l’UNICEF :

Au moins 62 enfants ont été tués et 30 blessés pendant les combats au Yémen la semaine dernière.

Pendant ce temps, les troupes fidèles à Saleh et les miliciens houthistes avançaient au Sud-Yémen, attaquant brutalement les civils et bombardant agressivement les immeubles d'habitation. Les villes du sud sont ravagées depuis des semaines, ce qui n'a fait qu'empirer la situation humanitaire. Médecins Sans Frontières (MSF) rapporte avoir reçu plus de 550 patients depuis le 19 mars, à la suite des combats à Aden, Lahj et d'autres endroits dans le Sud. Rien que le 26 mars, 111 patients sont arrivés à l'hôpital.

Hussain Al-Yafi et Yemen Updates qui suivent la situation dans le Sud-Yémen ont tweeté :

Ce n'est pas Homs ! Ce n'est pas Gaza ! C'est Aden ! C'est le bombardement des houthistes sur des quartiers d'habitation !

Horreur partout à Aden où les houthistes/Saleh utilisent les chars pour cibler les combattants sudistes. Sanglante bataille de rue en ce moment à Khor Maksar.

Dans un communiqué, Amnesty International a accusé la coalition d'indifférence aux les morts et souffrances des civils.

Après plusieurs jours de bombardement souvent intense dans plusieurs régions à travers le Yémen, il est de plus en plus patent que la coalition menée par l'Arabie Saoudite ferme les yeux sur les morts et souffrances civiles causées par son intervention armée

Le droit international humanitaire interdit de lancer des attaques susceptibles de provoquer des pertes collatérales de civils ou une destruction de biens non proportionnée à l'avantage militaire concret et direct attendu.

Confrontées à la zone d'exclusion aérienne imposée au Yémen par la coalition arabe, les organisations internationales ont demandé la levée urgente des obstacles pour leur permettre d'envoyer les fournitures médicales et le personnel de santé qualifié dont le Yémen a un besoin urgent.

[La Croix-Rouge] Yémen : nous appelons à une levée urgente des obstacles à la fourniture de matériel médical alors que la guerre totale continue

[Médecins sans Frontières] Extrêmement difficile et dangereux pour MSF Yémen d'évaluer les besoins au Yémen à cause des combats, des frappes aériennes. Le respect de l'accès humanitaire est primordial

[L'OMS] Le conflit au Yémen tue et blesse par milliers, met le système de santé sous pression majeure

A cause de la zone d'exclusion aérienne générale imposée au Yémen, de nombreux Yéménites se retrouvent bloqués dans divers pays du monde, ce qui a amené des internautes yéménites comme Khaled al-Hammadi à lancer le mot-dièse #Stranded_Yemenis [Yéménites bloqués].

Des milliers de Yéménites bloqués dans la région nécessitent une aide urgente… Le Conseil de Coopération du Golfe fait la guerre mais oublie les aspects humanitaires

Beaucoup au Yémen n'ont pas accès à l'eau potable, peinent à se nourrir, manquent d'infrastructures appropriées, de soins médicaux de base et d'écoles. La jeune génération du Yémen a connu de nombreuses guerres dans sa courte vie et est lasse de leurs horreurs et de leur coût humanitaire. D'où la création du mot-dièse disant “assez” à la guerre #KefayaWar, à toutes les parties au conflit.
Ammar Al-Aulaqi s'adresse à eux tous en un tweet :

Kefaya veut dire “assez”. Les Yéménites le disent à tous : coalition tempête décisive, Houthistes, Saleh, Iran, Hadi, sans exception !

Ruba Aleryani souligne la situation difficile du Yémen :

#Ca suffit la guerre parce que près de 43 % des Yéménites sont déjà en insécurité alimentaire et 60 % vivent dans la pauvreté

D'autres militants et journalistes yéménites ont souligné le fardeau humanitaire et les épreuves dont cette guerre charge le Yémen.

Hisham Al-Omeisy ajoute :

La moitié environ de la population du Yémen en insécurité alimentaire AVANT le conflit actuel. Désormais bouclé et gardé en otage, le pays entier affrontera bientôt la crise humanitaire.

Yemen updates commente :

La crise humanitaire au Yémen vient de se manifester sous diverses formes : pénurie soudaine de combustible, farine et blé à Sanaa et ailleurs

Amel Ahmed tweete :

90 % du blé du Yémen est importé. L'aide humanitaire est bloquée. Les gens vont mourir de faim. C'est une guerre contre les gens du Yémen. via @lga2

Des journalistes, arabes ou non, ont aussi dit leur inquiétude.

Le journaliste Mohammed Jamjoom, ex-envoyé spécial de CNN au Yémen, a tweeted sa tristesse :

Déprimé pas seulement par la situation au Yémen, aussi par le peu d'attention reçue ici par les souffrances des Yéménites et la crise humanitaire

Louisa Loveluck ajoute :

L'ONU dit que le Yémen approche “l'effondrement total” alors que la crise humanitaire enfle et que le pays est coupé des livraisons d'aide

Global Voices couvre depuis des années la crise humanitaire au Yémen :
Yémen : La crise alimentaire touche des millions de personnes
Yemen: Pressing Humanitarian Needs and Deteriorating Economic Situation [Yémen : Besoins humanitaires pressants et détérioration économique, non traduit en français]

Pourtant l'aspect humanitaire de la guerre semble laisser indifférents les médias traditionnels et n'y fait pas les grands titres. IRIN [Les réseaux régionaux d'information intégrés du Bureau d'aide de l'ONU] a mis en garde que la situation humanitaire sera transformée en catastrophe par la guerre.

La situation humanitaire au Yémen est désespérée, une guerre civile ne pourra qu'approfondir une crise déjà aiguë.

Résumons-nous : la crise humanitaire annoncée par les organisations internationales vient d'être exacerbée par une semine de guerre au Yémen et cela va continuer. La question est maintenant : que fera le monde, et quand ?

Six dessinateurs de presse qui se moquent d'Assad et que vous devez connaître

vendredi 3 avril 2015 à 15:34
One of Akram Ruslan's cartoons that outraged Assad regime. Source: Cartoon Movement Blog. Used under CC BY 2.0

Un dessin de Akram Ruslan qui a scandalisé le régime d'Assad. Source: Cartoon Movement Blog. Utilisation sous  CC BY 2.0

De tout temps et partout dans le monde, se moquer d'un dictateur est un grand tabou qui menace la liberté d'expression et met en danger la vie des dessinateurs de presse. Les dessinateurs syriens ne font pas exception et ont subi la torture et les attaques des fidèles du régime, sans parler de ceux qui sont morts pour avoir osé s'exprimer haut et fort. Malgré cela, leurs dessins touchent des millions de Syriens et d'Arabes et ont trouvé leur place en ligne durant les 4 années de soulèvement contre le régime du Président Syrien Bashar Al Assad, grâce aux réseaux sociaux.

Les agissements d'Assad contre son peuple ont inspiré nombre de dessinateurs arabes et étrangers qui ont inondé de milliers de dessins les supports médiatiques imprimés et digitaux ainsi que les réseaux sociaux. Dans cet article, nous vous présentons, sans ordre particulier, le travail de 6 artistes syriens qui ont osé s'exprimer haut et fort.

Souvenons-nous également des deux artistes syriens qui ont souffert le plus: Ali Farzat, artiste récompensé internationalement, qui a été gravement tabassé pour s'être moqué d'Assad dans les premiers jours de la révolution syrienne, et Akram Ruslan qui a été emprisonné et laissé pour mort pour les mêmes raisons.

1. Hussam Sara

C'est l'un des premiers activistes de la révolution et il poste ses dessins sur sa page Facebook. Il a travaillé pour différents journaux arabes de Barhain. C'est le fils de Fayez Sara, l'un des leaders de l'opposition, et le frère de Wisam Sarah, activiste pacifiste qui a été torturé à mort dans les prisons d'Assad en février 2014.

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Assad vu par Hussam Sara  Page Facebook. Utilisation autorisée.

2. Kamiran Shemdin

Né à al-Qamishli en 1974, Kamiran Shemdin publie ses dessins sur le site d'Al Jazeera et dans le magazine Ge P au Kurdistan Irakien. Lors d'un entretien avec SyriaUntold il dit: “Voir des milliers de Syriens marcher dans la rue sans crainte pour demander la chute du régime m'a mis du baume au coeur et m'a donné une sensation de liberté. Bien qu'exilé, j'étais de tout coeur avec eux.”

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Assad vu par Kamiran Shemdin page Facebook. Utilisation sous CC BY 2.0

3. Amer M. Zughbi

Amer a travaillé pour plusieurs journaux arabes. Il travaille régulièrement avec le journal Al Bayan et la presse des Emirats Arabes Unis et publie son travail sur le site d'Al Jazeera. Il a gagné trois fois le prix du meilleur dessinateur de presse arabe de l'Arab Journalism Award, en 2007, 2009 et 2013.

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Assad vue par Amer M. Zohbi Page Facebook. Utilisation sous CC BY 2.0

4. Firas Bachi

Né à Damas en 1979, Firas Bachi a une maîtrise en économie, mais reste très attaché à l'art et au dessin. Il est dessinateur de presse, caricaturiste et directeur artistique dans la publicité. Sur sa page Facebook il explique que ses dessins sont : “contre toutes formes de dictature politique, contre l'injustice humaine, contre la répression et l'oppression, contre le racisme et la discrimination. Mes dessins cherchent à montrer les aspects troubles d'un monde d'injustice où renoncer est rapidement devenu une habitude et soutenir l'injustice est devenu admirable”. D'autres informations sur son travail peuvent être consultées sur FirasBachi.com

 

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Assad en Pharaon, Personne ne l'arrête. Source: page Facebook de Firas Bachi. Utilisation autorisée.

5. Ahmad Jalal

Vous vous rappelez des habitants tristement célèbres de “Kafranbel libérée” qui brandissaient des dessins très créatifs? C'est Ahmed qui est derrière. Son passe-temps d'avant la révolution l'a transformé en “dessinateur de Kafranbel”. Il travaille avec un groupe de jeunes gens pleins d'humour et de créativité dans le village d'Idlib, en Syrie.

Assad and ISIS via Ahmed Jall Facebook Page. Used under CC BY 2.0

Assad et l'EI vu par Ahmed Jalal page Facebook Page. Utilisation sous CC BY 2.0

6. Saad Hajo

Né à Damas en 1968, Saad Hajo est diplômé des Beaux Arts. Il travaille pour les journaux “An-Nahar” et “Al-Safir” de Beyrouth au Liban. Il a publié plusieurs livres, dont un a pour titre “بلاد العنف أوطاني” (Les pays de violence sont ma terre natale). Il a gagné le “Prix du dessin humoristique de Gabrovo”, lors de la biennale de 2005 en Bulgarie.

Assad as eye doctor via Saad Hajo Facebook Page. Used under CC BY 2.0

Assad en oculiste vu par Saad Hajo Page Facebook. Utilisation sous CC BY 2.0