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Le candidat éthiopien à la tête de l'Organisation mondiale de la santé étale son ignorance

mercredi 9 novembre 2016 à 10:23
 Tedros Adhanom. Creative Commons image b y Russell Watkins/UK Department for International Development.

Tedros Adhanom. Photo en Creative Commons  de Russell Watkins/UK Department for International Development.

Le candidat éthiopien au poste de directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhano [fr], a choqué de nombreux observateurs quand il a fait preuve d'un manque total de connaissances sur les stratégies globales de santé au cours d'un forum des candidats le 2 novembre 2016. Bien que M. Adhanom ait servi dans le gouvernement éthiopien comme ministre de la santé et aussi des affaires étrangères, il n'a pas répondu à une question fondamentale sur ses affirmations qu'il mène sa campagne en faveur des besoins en santé du monde en développement.

“Je regrette votre question n'est pas claire” a-t-il répondu, lorsqu'un représentant du Brésil lui a demandé [la question commence à la minute 1:12:00] d'expliquer pourquoi il prétend représenter le monde en développement, alors que l'ordre du jour qu'il préconisait dans son exposé adoptait le programme de santé des pays développés..  Maladroitement, le modérateur est intervenu, pour essayer d'aider M. Adhanom à comprendre la question.

M. Adhanom a également trébuché sur une autre question au cours du même forum, quand on lui a demandé au sujet de la coopération technique des Etats membres de l'OMS :

Le gentleman du Brésil pourrait avoir mis fin à la candidature de @DrTedros pour être le Directeur général de l'OMS en posant une question simple.

Cette performance embarrassante pourrait nuire à la campagne politique actuelle de M. Adhanom pour le poste de chef de l'organisme mondial de la santé. Récemment, il a été relevé de ses fonctions ministérielles dans le gouvernement éthiopien, à la suite d'un remaniement Au cours de sa présentation, la semaine dernière, M. Adhanom a déclaré que le gouvernement éthiopien l'a remplacé par un nouveau ministre des Affaires étrangères, afin qu'il puisse se concentrer sur la campagne.

Je remercie le gouvernement éthiopien de m'avoir permis de me concentrer sur ma candidature au poste de Directeur général de l'Organisation mondiale de la santé.

Bien qu'il bénéficie du soutien de l'Union africaine, M. Adhanom est soumis à l'assaut continu de membres éminents de groupes de la société civile et de l'opposition éthiopienne, qui affirment que ses liens avec le régime éthiopien devraient le disqualifier pour la direction de l'OMS. Ces groupes ont également lancé une pétition en ligne.

Lorsque M. Adhanom a lancé sa campagne en avril 2016, l'Ethiopie était en proie à des manifestations anti-gouvernementales. Citant une répression violente du gouvernement contre les manifestants, 20 organisations politiques et civiles éthiopiennes ont signé une lettre déclarant M. Adhanom inapte à diriger l'Organisation mondiale de la Santé, en disant qu'il était le visage du régime.

Cette lettre dit : «M. Adhanom n'a pas mérité de la confiance par son action en santé publique lorsqu'il a servi en tant que ministre de la santé en Éthiopie. […]. Son mandat à la tête du Ministère fédéral de la santé a été marqué par la mauvaise gestion et l'incompétence.

La lettre fait référence à une vérification effectuée par le Bureau de l'Inspecteur général, qui a été motivée par des rapports de “mauvaise gestion de l'argent et d'incompétence.” Des recherches ultérieures disponibles sur l'Internet ont confirmé que la vérification a découvert des preuves détaillées de mauvaise gestion financière .

Dans une lettre séparée, un militant a décrit les raisons, à son avis, pour lesquelles M. Adhanom ne devrait pas être autorisé à approcher de quelque façon que ce soit l'Organisation mondiale de la Santé.

Le site des droits humains “Al Mariam” présente également une forte dénonciation de la candidature de M. Adhanom à l'OMS:

La superficialité et l'ignorance de M. Adhanom en matière de politique étrangère et de diplomatie sont tout simplement incroyables.

Ses discours et ses déclarations publiques manquent généralement, non seulement, de substance et de cohérence, mais sont tout simplement absurdes. En juillet 2015, M. Adhanom a dit que l'Ethiopie était une démocratie à cent pour cent! (Bien sûr, M. Obama l'a également fait deux fois. Deux “absurdités” ne font pas une vérité !)

Les discours diplomatiques de M. Adhanom sont pleins à craquer de platitudes, de clichés, de slogans et de niaiseries. Il a une nette propension à aborder des questions complexes avec des phrases usées et tirées des jours de l'activisme étudiant de son ancien maitre en tricherie Meles Zenawi.

Adhanom manifeste peu de compréhension de la diplomatie internationale et semble manquer même d'une compréhension élémentaire du droit international, des traités et des conventions.

Pendant ce temps, M. Adhanom a fait valoir qu'il apporterait une nouvelle perspective au leadership à l'OMS. En plus de l'Union africaine, des groupes de la diaspora pro-gouvernementaux ainsi que des personnalités étrangères apportent également leur soutien à sa candidature.

M. Adhanom s'est largement appuyé sur les médias sociaux pour bâtir sa “marque” en Éthiopie – un pays où l'accès aux médias sociaux est très limité. L'accès n'est pas si restreint, cependant, au point d'empêcher les gaffes de M. Adhanom au forum du 2 novembre de fleurir en ligne, où les critiques ont aimé se moquer de sa surprenante ignorance.

Sur Twitter, le hashtag #NoTedros4WHO a gagné en popularité, avec de nombreuses utilisations pour faire valoir que M. Adhanom est incapable d'occuper une position quelconque à l'OMS.

Tedy avez-vous dit, l'anglais est ma première langue? Objectifs de développement durable dans mon esprit :-)

Pour les internautes chinois, la loi sur la protection de l'enfance sur Internet est une violation des droits de l'Homme

mardi 8 novembre 2016 à 14:07
China released the draft of cyber security law on 6 July. Remix image.

La Chine a dévoilé son projet de loi sur la sécurité informatique le 6 juillet. Image créée par Oiwan Lam.

L’Administration du cyberespace chinois (CAC) est en train de lancer un nouveau projet de loi qui exigerait que les fabricants de matériel informatique installent à l’avance des logiciels de surveillance sur les appareils de communication et qui légaliserait certaines démarches pour gérer l'addiction à Internet, dans le but de protéger les enfants.

Les réglementations encouragent les secteurs industriels et sociaux à s’investir davantage sur les problèmes liés à la protection de l'enfance sur Internet. Elles le font par le biais d’avertissements, de coupures, de logiciels de censure et de surveillance installés à l’avance, par la légalisation et la promotion des traitements de l’addiction à Internet et par la vérification de l’âge pour les jeux en ligne. Publiées le 30 septembre, les réglementations sur la protection des mineurs en ligne étaient ouvertes aux commentaires du public jusqu’au 31 octobre 2016.

Beaucoup s’inquiètent que les possibilités de surveillance introduites dans le matériel informatique ou installées à l’avance soient utilisées à d’autres fins. D’après les articles 11 et 12 des réglementations :

    第十条 国家鼓励并支持研发、生产和推广未成年人上网保护软件。
国家网信部门会同国务院工信等部门组织制定未成年人上网保护软件研发、生产和推广的政策并组织实施。

第十一条 学校、图书馆、文化馆、青少年宫等公益性场所为未成年人提供上网设施的,应当安装未成年人上网保护软件,避免未成年人接触违法信息和不适宜未成年人接触的信息。
第十二条 智能终端产品制造商在产品出厂时、智能终端产品进口商在产品销售前应当在产品上安装未成年人上网保护软件,或者为安装未成年人上网保护软件提供便利并采用显著方式告知用户安装渠道和方法。

Article 11. Tous les services d’accès à Internet des écoles, librairies et centres culturels et de jeunesse doivent installer des logiciels pour protéger les mineurs et les empêcher d’accéder à des informations illégales ou inappropriées.

Article 12. Les fabricants et les importateurs de tout équipement informatique doivent s’assurer que des logiciels pour la protection des mineurs sont installés sur leurs produits, ou fournir des instructions claires quant à l’installation de ces logiciels pour la protection des mineurs, ce avant que les produits ne soient mis sur le marché.

Un blogueur installé à Guangzhou, qui a choisi de ne pas dévoiler son identité, craint qu’après le passage de la législation tous les téléphones portables et ordinateurs fabriqués en Chine soient équipés de logiciels de surveillance pré-installés et qui ne pourront plus être désinstallés.

Ces logiciels pourraient être utilisés pour espionner toutes sortes d’activités, en ligne ou hors ligne, sur l’appareil de l’utilisateur. Ils pourraient aussi servir à perturber le fonctionnement des outils de contournement. Le blogueur a aussi indiqué que par le passé, les technologies de surveillance trouvées dans le matériel informatique fabriqué en Chine possédaient des portes dérobées, les laissant vulnérables aux pirates malveillants.

« Green Dam-Youth Escort » est-il de retour ?

En 2009, le gouvernement chinois avait tenté de forcer les constructeurs d'ordinateurs chinois et étrangers à installer à l’avance un logiciel de filtrage connu sous le nom de « Green Dam-Youth Escort » [Barrage vert, protecteur de la jeunesse, NdT], qui bloquait l'accès à des sites interdits en connectant chaque appareil à une base de données. Comme les internautes chinois trouvaient de plus en plus de failles dans le logiciel, le programme fut interrompu.

La règlementation actuelle ne spécifie pas quels types de logiciel pourraient être installés afin de pouvoir empêcher efficacement les mineurs d’accéder aux « informations illégales et inappropriées » telles que définies par la loi chinoise. Mais elle explique bien que tous les logiciels seront tôt ou tard reliés à une base de données centralisée et contrôlée par le gouvernement ou les autorités du parti. L’article 10 dit clairement que la CAC et le Ministère de l’industrie des technologies et de l’information seront responsables du développement, de la fabrication et de l’implémentation du logiciel et de ses règles. C’est pour cette raison que de nombreux internautes ont déclaré le retour du « barrage vert ». Toutes les discussions sur le sujet ont été effacées par les censeurs du web chinois.

Sur l’ « addiction à Internet »

Les discussions en ligne sur la légalisation des traitements de l’addiction à Internet ont été moins censurées. Alors que la communauté psychiatrique internationale continue de débattre pour décider si l’addiction à Internet est un vrai problème, le gouvernement chinois semble prêt à développer un système d’évaluation et de soumettre les mineurs concernés à un traitement dit de « conversion ». D’après le projet de règlement :

第二十条 教育、卫生计生等部门依据各自职责,组织开展预防未成年人沉迷网络的教育,对未成年人网络成瘾实施干预和矫治。
县级以上人民政府及其教育行政部门应当为中小学校配备专门教师或提高教师专业水平,增强对未成年人沉迷网络的早期识别和干预能力,并可以通过购买服务等方式提供预防和干预未成年人沉迷网络的教育或服务。
国务院卫生计生部门会同有关部门推动出台网络成瘾的本土化预测和诊断测评系统,制定诊断、治疗规范。

Article 20 : Les départements de l’éducation et de la santé doivent s’organiser et implémenter des programmes d’éducation et de traitements médicaux pour empêcher les mineurs de tomber dans l’addiction à Internet, ainsi que de convertir les mineurs déjà dépendants.

Le gouvernement du peuple et les autorités éducatives au niveau du comté et au-dessus doivent munir les écoles primaires et secondaires d’enseignants spécialisés dans ce domaine ou améliorer les compétences professionnelles des enseignants afin de détecter et d'intervenir sur le problème de l’addiction à Internet chez les mineurs au plus tôt. Les écoles peuvent aussi acheter des services aux organisations spécialisées dans la prévention et l’intervention contre l’addiction à Internet chez les mineurs.

Le Ministère de la santé et du planning familial travaillera avec les autres autorités pour développer une détection et un système d’évaluation de l’addiction à Internet et pour développer un code dans le but de diagnostiquer et de traiter de l’addiction à Internet.

En Chine, certains psychologues cliniques sont devenus très actifs dans la promotion du traitement de l’addiction à Internet. Yang Yongxin en est une figure emblématique, car il a promu un test pour évaluer l’addiction à Internet et utilise les électrochocs pour soigner ses patients. En 2006, Yang a établi le premier Centre de traitement de l’addiction à Internet du pays à l’Hôpital psychiatrique de la ville de Linyi, dans la province de Shandong.

Depuis que la Chine a reconnu l’addiction à Internet comme un trouble clinique en 2008, des centaines de camps de redressement ont été mis en place pour traiter le problème de l’addiction. La majorité de ces camps force les enfants à accomplir des exercices physiques extrêmement pénibles. Il y eu quelques cas d’enfants décédés soudainement pendant leurs séjours. En 2014, une jeune fille de 19 ans fut torturée à mort pendant un séjour dans un camp de redressement organisé par son école dans la province de Henan.

Bien que la législation puisse être perçue comme un effort pour « standardiser » le traitement contre l’addiction et pour prévenir les morts durant le traitement, la plupart des internautes chinois s’attendent à ce qu'elle cause encore plus de tort aux mineurs.

Sur Twitter, @acgtyrant affirme :

J’ai regardé le projet de règlement sur la protection des mineurs en ligne, il ne met pas l’accent sur le devoir des institutions médicales de garantir la sécurité personnelle des mineurs. Si cette loi passe, il est très probable que davantage de mineurs mourront [durant ces traitements], c’est vraiment ironique.

Sur un site similaire à Twitter, Sina Weibo, de nombreux internautes se sont exprimés contre le traitement de l’addiction à Internet dans les commentaires d’un fil d’information, certains se référant aux traitements par électrochocs de Yang Yongxin :

杨永信要合法了?领导是不是有山东临沂人?

Yang Yongxin sera légal ? Je me demande si les dirigeants sont de la ville de Shandong Linyi ?

网瘾是关乎青少年精神的问题,但是如此粗暴草率的议案还不知道会引发什么样其他的重大问题。当然了这样一个对杨永信这么久视而不见的政府能做出来什么样的事情我们也不知道,让我们拭目以待。

L’addiction à Internet est un problème qui concerne la santé psychologique des mineurs, mais une législation si brutale va sans doute conduire à d’autres problèmes plus sérieux encore. Nous n’avons aucune idée de ce qu’un gouvernement qui a laissé agir Yang Yongxin pendant si longtemps est capable de faire. Il faudra voir.

谁起的草案让杨永信电一年我就同意你们谁敢?

Si les rédacteurs se font passer à l’électrochoc par Yang Yongxin pendant un an, je les laisserai faire.

我小学就开始玩电脑,现在才成年了,所谓的网瘾还是没见识过,出去一个月不碰电脑一点事都没有,什么叫瘾?烟瘾算吗?怎么治?电击啊

Je joue aux jeux vidéos depuis l’école primaire. Je suis maintenant adulte et n’ai aucun problème d’addiction. Je pourrais me passer d’ordinateur pendant un mois. Comment définit-on l’addiction ? Et l’addiction au tabac ? Comment la traite-on, à l’électrochoc ?

Dans un autre fil, les internautes ont soulevé la question des droits de l’homme :

干预、限制人的自由,其法律依据是什么?认定为疾病、需要戒瘾的依据是什么?

Quelle est la base juridique pour une telle restriction de la liberté personnelle ? Quelle est la base [médicale] pour définir [l’addiction à Internet] comme une maladie qui requièrt un traitement ?

所以说网瘾怎么治,电击?打? 这是想怎么地阿,人权还有吗?为了保护下一代,真的,还是不要生了

Comment traiter cette addiction, à l’électrochoc ? Au tabassage ? Avons-nous encore des droits ? Pour protéger la génération suivante, il faudrait arrêter de se reproduire.

最重要的是,你怎么证明你没有网瘾?我可不想以后走路上莫名其妙被以有“网瘾”的名义被拉去进行所谓的“治疗”!

Le problème, c’est comment prouve-t-on que l’on est dépendant ? Peut-être qu'un jour, on me déclarera accro à Internet et on me détiendra de force pour un « traitement ».

Une nouvelle constitution pour la Côte d’Ivoire

lundi 7 novembre 2016 à 20:00
Maison des députés à Yamoussoukro (Côte d'Ivoire) CC-BY-30

Maison des députés à Yamoussoukro (Côte d'Ivoire) CC-BY-30

Les ivoiriens ont largement voté en faveur d’une nouvelle constitution, malgré les appels au boycott de l’opposition. Le nouveau texte modernise les institutions ivoiriennes, et fait le pari du vivre ensemble – un pari qui reste cependant tributaire de l’opposition, dans un pays encore divisé par des rivalités ethniques et religieuses.

Dimanche 30 octobre, 6,3 millions d'électeurs ivoiriens étaient appelés aux urnes afin de se prononcer sur la réforme de la constitution proposée par le Président fraichement réélu, Alassane Ouattara. Lors de sa campagne, ce dernier avait fait de la proposition d’une réforme de la loi fondamentale du pays une des principales promesses électorales. Un engagement réitéré en novembre lors de son investiture : « Les modifications que nous comptons apporter vont tenir compte de notre histoire, notre culture et des valeurs que nous voulons promouvoir pour la Côte d’Ivoire nouvelle ». Au terme d’une élection bien organisée et largement apaisée, pas moins de 93,42% de suffrages ont été exprimés en faveur du projet. Le président de la Commission électorale indépendante (CEI), Youssouf Bakayoko, a officialisé la victoire prévisible du « oui », le 1er novembre dernier.  C’est désormais à la Cour constitutionnelle qu’il revient de valider le texte, afin d’ouvrir la voie à la 3ème république ivoirienne.

Si l’adoption du texte voulu par le président Ouattara ne faisait que peu de doutes, c’est le taux de participation qui était le principal enjeu de ce scrutin. L’opposition avait en effet appelé à boycotter ce vote – une stratégie adoptée après la réélection de Ouattara pour un second mandat avec pas moins de 83,66 % des suffrages. Il était effectivement très improbable qu’un vote si proche du plébiscite présidentiel donne tort au chef d’état ivoirien. L’idée était donc de saper la portée de ce texte, en en faisant une victoire de la majorité et non de la nation. Avec un taux de participation qui s'élève à 42% – avec les taux les plus bas dans le sud du pays –  on peut dire que le boycott est un échec. Rappelons que traditionnellement, la participation est peu élevée en Côte d’Ivoire, et que pour la présidentielle, elle avait été de 54,63 %. A voir l’écart, on est loin du désaveu national planifié par l’opposition. Joël N’Guessan, porte-parole du Rassemblement des républicains (RDR), le parti du Président a d’ailleurs estimé qu’il s’agissait d’un score « honorable ».

Mais cette victoire dans les urnes ne fera pas taire les opposants. Certains sont en effet très remontés. Pascal Afffi N’Guessan, président du Front populaire ivoirien (FPI – principal parti d’opposition) avait eu des propos très durs avant le vote : « En décidant de nous retirer, nous vidons cette Constitution de toute sa substance démocratique. Nous sonnons son échec en termes de procédure pour réconcilier les Ivoiriens, pour fonder des institutions démocratiques. » Considérant la tournure des évènements, ce dernier a perdu son pari, et n’a pas su instaurer ce soupçon d’illégitimité. Les 154 pages, que le Parlement a approuvé le 11 octobre dernier, ont également recueilli un soutien important lors du referendum, et toute opposition sérieuse au procédé d’adoption du texte devient difficile. Restent les attaques de fond, dont l’opposition ne s’est pas privée. « Cette constitution concrétise la colonisation d'une grande partie de notre pays par les gens qui viennent d'ailleurs », a ainsi déclaré mercredi Innocent Anaki Kobena, ministre de Laurent Gbagbo.

Et pourtant, ce texte tourne la page d’une décennie de divisions internes et de crises politiques, en mettant en œuvre les mesures préconisées par les accords de Linas-Marcoussis. Pour rappel, il s’agit du texte de sortie de crise rédigé par l’intégralité des forces politiques ivoiriennes, sous supervision de l’ONU et l’Union Africaine, au lendemain de la première guerre civile, en janvier 2003. Elles avaient été mises de côté par M Gbagbo, le prédécesseur d’Alassane Ouattara. Ainsi, la nouvelle constitution place l’éducation obligatoire et l'égalité entre hommes et femmes au centre des priorités nationales. Elle met aussi un terme au concept « d'ivoirité », mesure confligène posée par l’article 35 de l’actuelle constitution. Il dispose que sont exclus tous candidats à la présidentielle n’étant pas « ivoirien d’origine, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d’origine ». Cette disposition avait par le passé largement divisé les Ivoiriens, et orienté le débat vers des questions identitaires délicates dans un pays sortant d’une guerre civile.

La nouvelle constitution ivoirienne instaure aussi des changements structurels. Ainsi, elle crée un poste de vice-président. Ce dernier sera élu avec le président de la République, sur un bulletin bicéphale, et assurera un double rôle de continuité de l’exécutif. Ce nouveau poste vise, d’une part, à renforcer la séparation des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif, avec la rupture de la succession provisoire, en cas de vacance de la présidence de la République, par le président de l’Assemblée nationale.

La nouvelle constitution prévoit également la création d’un Sénat. La « chambre basse » ainsi instituée doit accueillir les représentants de la société civile, des ensembles régionaux, des partis politiques, de la Chefferie traditionnelle, des guides religieux, des femmes, des jeunes, ect. Le Sénat serait alors la voix des minorités dont la visibilité est réduite à l’assemblée, où la majorité fait loi – un choix de laïcité intéressant dans un pays où de profondes divisions religieuses persistent. L’objectif affiché est de faire entendre une voix alternative afin d’enrichir le débat législatif, tout en assurant que le dernier mot soit une prérogative de l’Assemblée Nationale, car elle est l’émanation directe du peuple ivoirien dans son ensemble. « Toutes ces réformes ont pour but ultime de doter la Côte d’Ivoire d’une Constitution moderne et de mettre en place des Institutions cohérentes, fortes, respectueuses de la diversité et protectrices des libertés », expliquait Alassane Ouattara en amont du vote. Un pari de vivre ensemble, donc, qui ne sera cependant possible qu’avec l’aval – et la bonne foi – de l’opposition.

Monténégro : plus de questions que de réponses après les élections législatives

lundi 7 novembre 2016 à 17:28
Vue générale de Podgorica. CC-BY-20

Vue générale de Podgorica. CC-BY-20

Avec 40 % des voix, le Parti des démocrates socialistes devance largement le Front démocratique, principal parti d’opposition. Mais la formation du Premier ministre ne pourra pas gouverner seule et Milo Djukanovic, au pouvoir depuis 1991, pourrait être lâché par ses soutiens.

Au Monténégro, le résultat des élections législatives pourrait annoncer l’instabilité plutôt que la continuité. Si le Parti des démocrates socialistes (DPS), formation du Premier ministre sortant, a remporté 40 % des voix, il aura besoin du soutien des petites formations des minorités ethniques pour atteindre la majorité. Mais les trois principaux partis d’opposition, qui totalisent 39 sièges sur 81 (contre 36 pour le DPS), pourraient également attirer ces petites formations, lassées de la discrimination dont certaines communautés sont victimes au quotidien, ainsi que des niveaux alarmants atteints par la criminalité organisée et la corruption.

Les élections de dimanche se sont déroulées dans un contexte tendu qui renforce les doutes sur la transparence du scrutin exprimés par l’opposition. En plein vote, les autorités ont annoncé avoir déjoué « un mystérieux complot » contre la personne de Milo Djukanovic. Vingt ressortissants serbes ont été arrêtés et plusieurs réseaux sociaux ont été bloqués alors qu’une manifestation organisée par l’opposition se préparait. Un malheureux hasard pour cette dernière qui se pose une question : le pouvoir aurait-il tout orchestré afin d’éviter de voir se reproduire le scénario d’octobre 2015 ? A l’époque, un millier de sympathisants des partis d’opposition ont manifesté à Podgorica, capitale du Monténégro, pour réclamer la démission du Premier ministre. D’abord pacifique, la manifestation s’est transformée en émeute lorsqu’elle s’approchait du Parlement. La police a alors envoyé du gaz lacrymogène sur les quelque 5 000 manifestants. Un chef de l’opposition a été arrêté.

69 % des Monténégrins désapprouvent le Gouvernement

Les raisons de manifester ne manquent pas dans ce petit pays balkanique de 640 000 habitants. Selon l’Eurobaromètre, enquête de la Commission européenne diffusée en mai dernier, 69 % des Monténégrins désapprouvent la performance du gouvernement dans la gestion de l’économie, tandis que 50 % d’entre eux ne font confiance ni au gouvernement ni au parlement. Seuls 35 % des sondés estiment que leur pays va dans la bonne direction, tandis que la grande majorité se déclare inquiète face à la hausse des prix et la montée du chômage.

A l’étranger, la situation du pays suscite également des inquiétudes. Candidat à l’adhésion à l’Union européenne depuis 2012, le Monténégro est confronté à la présence d’un crime organisé puissant. A Kotor, haut lieu touristique du Monténégro, les habitants constatent que « les narcotrafiquants ont ouvert des restaurants et des boîtes de nuit », et dénoncent le recrutement de leurs enfants « pour vendre de la drogue ». Même le maire de la ville, Aleksandar Stijepcevic, regrette que Kotor soit « devenu le théâtre des affrontements entre gangs ».

Pays du crime organisé et la corruption

Le crime organisé s’est considérablement répandu au Monténégro depuis une trentaine d’années, en partie grâce à la corruption qui gangrène les plus hautes sphères du pouvoir. Dans les années 1990, l’Etat monténégrin organisait le trafic de cigarettes à une échelle européenne, un business estimé à des dizaines de milliards de dollars qui alimente les mafias et même les réseaux terroristes d’Al-Qaïda et Daech.

En 2011, le Parlement européen observait qu’il était particulièrement difficile d’obtenir des informations qui pourraient révéler des cas de corruption au Monténégro, en particulier dans les domaines de la privatisation et des marchés publics. Une situation qui ne semble pas avoir changé radicalement depuis. Dans son rapport 2015-2016, Amnesty International accuse le gouvernement de ne pas faire le nécessaire pour lutter contre la pauvreté, la criminalité et la corruption. L’ONG rappelle également que les lacunes constatées par l’ONU dans le traitement des affaires de crimes de guerre peuvent être une source d’impunité et s’inquiète des agressions dont sont régulièrement victime les journalistes dans le pays.

De son côté, Human Rights Watch rappelle dans un document récent que le journaliste Jovo Martinovic est maintenu en détention provisoire depuis plus d’un an « à la suite d’accusations peu crédibles de trafic de stupéfiants ». Le journaliste est surtout connu pour ses enquêtes et rapports portant sur la corruption, la criminalité organisée et les crimes de guerre perpétrés dans les Balkans.

Amnesty International condamne également le recours excessif à la force lors des manifestations de l’opposition, les mauvais traitements réservés aux membres de l’opposition arrêtés par les forces de l’ordre et les agressions et discriminations subies par les minorités sexuelles, les réfugiées et les migrants.

C’est dans ce contexte que les Monténégrins se sont rendus aux urnes dimanche dernier. S’ils ont décidé de renouveler leur confiance au parti de Milo Djukanovic, la mauvaise gestion de l’économie, les atteintes aux droits de l’homme et la corruption pourraient sonner le glas d’un gouvernement usé après 25 ans au pouvoir.

Au Ghana, les militants du parti d'opposition créent le buzz sur Internet autour d'une brique de jus

dimanche 6 novembre 2016 à 20:01
Image: YouTube

Image: YouTube

Le Ghana est un pays africain relativement pacifique, surtout en périodes électorales. Les politiciens y ont trouvé un moyen de transmettre le pouvoir pacifiquement. Les Ghanéens sont également connus pour leur capacité à prendre à la légère les problèmes socio-politiques difficiles et trouver à s'amuser là où la plupart des autres ne le pourraient pas.

Plus récemment, des critiques ont ridiculisé Nana Akuffo Addo, le principal candidat de l'opposition à l'élection présidentielle en diffusant une photo le présentant entrain de siroter le jus d'une brique de Kalyppo, une boisson populaire parmi les écoliers.

L'utilisateur de Twitter Chris Vincent a partagé la photo en ligne, pour se moquer d'Addo pour son choix de boisson :

Voulez-vous rejoindre le #KalypoChallenge? – La photo de Nana Addo sirotant une boisson lance la dernière tocade des médias sociaux

Le dénigrement pourrait avoir eu l'effet inverse, cependant, avec les partisans d'Addo qui l'ont transformé en un défi viral : le #KalypoChallenge (orthographié avec un “p” de moins dans le nom réel de la marque), dans lequel les internautes devaient se photographier avec des boîtes de jus Kalyppo et d'autres produits fabriqués localement.

Umaru Sanda, un journaliste de la radio locale CitiFM, s'est émerveillé récemment de la façon dont les partisans d'Addo ont réussi à exploiter la photo de la brique de jus :

J'adore quand les gens tournent leur “malheur” en un grand succès. C'est ce que le #NPP a fait avec ce #KalypoChallenge. Maturité

Le défi en ligne a également inspiré des adaptations particulièrement créatives. Mainprince Essuman a partagé le spin suivant sur juice-box selfie:

Le compétition en ligne a attiré beaucoup de gens, y compris l'un des plus célèbres musiciens du Ghana, A Plus. Il a publié une photo le montrant avec une brique jus de fruit Kalyppo tout en mâchant de la viande :

Une des réponses les plus populaires au KalypoChallenge montre un jeune homme exécutant une chanson gospel locale en utilisant le mot Kalyppo dans les paroles :

Les fabricants du jus Kalyppo ont remercié les Ghanéens pour leur soutien sur leur page Facebook :

Certains blogueurs ont profité de l'occasion pour montrer aux responsables des médias sociaux comment créer des campagnes comme le #KalypoChallenge. Dans son blog, JB Klutse a remarqué:

Par conséquent, en tant que spécialistes du marketing des médias sociaux / stratèges, nous devons nous efforcer de trouver et de soutenir la cause majeure derrière les campagnes que nous gérons. Trouver une bonne cause pour soutenir votre produit fera long chemin et obligera votre auditoire à s'y engager. Par exemple, une cause pour aider les petites entreprises avec vos produits ou pour promouvoir la paix à l'approche d'une élection.

Le blogueur Ameyaw Debrah a remarqué comment les partisans d'Addo ont réussi à renverser ce mème :

La boisson Kalypo aux fruits doit être le produit le plus chaud du marché en ce moment ! Le paysage des médias sociaux du Ghana a été inondé de photos de personnes partageant des photos de leurs moments avec Kalypo après que le porte-drapeau du New Patriotic Party (NPP), Nana Akufo Addo a été photographié sirotant son Kalypo. Même si beaucoup pensent que la photo a été initialement publiée pour se moquer du leader du NPP, ses partisans ont réussi à faire accepter l'argument selon lequel l'ancien procureur général faisait la promotion de produits locaux avec cette simple gorgée.

Jemila Abdulai, une des principales blogueuses du Ghana, a souligné la nécessité de promouvoir les produits fabriqués au Ghana à l'aide des médias sociaux:

Si toute cette excitation peut être créé autour du #KalypoChallenge – imaginez ce que nous pouvons faire avec #MadeInGhana; Un produit chaque mois. #GHLivin

Gavivina Okudzeto, quant à elle, a demandé au chef de l'opposition de se concentrer sur la campagne à la place de la polémique #KalypoChallenge:

Vos collègues font campagne jour et nuit pendant que vous êtes assis à Accra pour faire le #Kalypochallenge. Ça vous apportera-t-il des voix?

Le buzz autour du #KalypoChallenge est encore en expansion, avec des célébrités locales comme l'ancien Président John Kufuor qui s'invitent à la fête.