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Le rapatriement des réfugiés rohingyas par le Bangladesh, remis à plus tard, aurait encore empiré leur situation déjà désespérée

lundi 10 décembre 2018 à 15:38

Lombasia, un quartier du camp de réfugiés de Kutupalong. Image de l’auteur sur Instagram.

[Article d'origine publié sur GV en anglais le 15 novembre 2018] L’année 2018 a été le témoin d'événements mettant continuellement en lumière la situation désespérée des Rohingyas. En mars, le rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme au Myanmar (nom officiel de la Birmanie) a décrit la crise comme portant les « caractéristiques d'un génocide ». Cinq mois plus tard, la mission internationale d’enquête indépendante a accusé le Myanmar d’avoir « un projet de génocide ». Elle l'a reconnu aussi coupable de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Et en octobre, la Birmanie a connu un autre revers lorsque la Cour pénale internationale a décidé qu’elle pouvait exercer sa compétence à l’égard du crime de déportation des Rohingyas de Birmanie au Bangladesh.

Les groupes de défense des Rohingyas, confiants, s'autorisèrent à estimer que ces évolutions étaient un signe de progrès. Puis soudainement, en l’espace d’un mois, pour 1,1 million de réfugiés rohingyas au Bangladesh, les perspectives ont changé. Brusquement, mais sans surprise lors d'une année électorale, le gouvernement du Bangladesh a décidé d'appliquer l'accord sur le rapatriement qu'il avait signé avec la Birmanie en janvier 2018.

Le rapatriement des réfugiés rohingyas devait initialement commencer le jeudi 15 novembre. Mais apparemment des manifestations de réfugiés dans un camp près de la frontière entre le Bangladesh et la Birmanie ont conduit au report du projet. Face à la possibilité d'un retour forcé en Birmanie, les réfugiés ont été très inquiets et affolés. Car des informations constatent en effet que la Birmanie n'est pas encore prête à les accueillir. La décision a été qualifiée de dangereuse à la fois par le Haut commissaire pour les droits de l'homme et plusieurs organisations humanitaires venant en aide aux réfugiés.

Le commissaire à l'assistance et au rapatriement des réfugiés du Bangladesh a déclaré que deux camps de transit ont été créés à Kerontali et à Ghumdum, Naingkongchori. Ils se préparent au rapatriement des Rohingyas.

Avant le rapatriement des Rohingyas, la sécurité des personnes, les droits de citoyenneté, les droits de l'homme et les autres droits basiques doivent être garantis.

Si les musulmans rohingyas retournés au Myanmar sont internés dans des camps, l'organisme des Nations Unies pour les réfugiés ne fournira pas d'aide humanitaire. Il suit en cela la circulaire interne diffusée des jours avant le début du rapatriement initial.

Ce n'est pas la première fois que le rapatriement involontaire a été envisagé et mis en œuvre dans un tel contexte. L'année dernière, des centaines de milliers de Rohingyas ont fui l'État de Rakhine. Les conditions ne sont donc pas favorables. L'article que nous reprenons ci-après, publié par le Dhaka Tribune le 6 juillet 2017 et toujours d'actualité, résume quarante longues années d'histoire.

Tolérance face à l'injustice

En traversant à pied le camp de réfugiés de Kutupalong vous pouvez avoir envie de démanteler l'ensemble des institutions, des pratiques, et des associations qui ont construit le site. Car il vous sera impossible de comprendre comment des personnes peuvent tolérer le genre d'incohérence et d'injustice que vous constatez autour de vous. Si vous êtes Bangladais(e) et que vous réalisez que ce camp fait partie de votre pays, vous trouverez difficile de concevoir que des motivations ou des incitations puissent pousser les pouvoirs et autres forces variées à créer et maintenir un tel lieu. Même si vous voyez Kutupalong comme une étape du drame qui s'est déroulé dans l'histoire récente, vous questionnerez le sens de telles opérations répétitives et coûteuses.

Mares fétides, eau stagnante parsèment les camps de réfugiés rohingyas au Bangladesh. Image de l'auteur sur Instagram.

Les crimes contre l'humanité du Myanmar [nom officiel de la Birmanie] et les crimes contre la paix peuvent ne pas avoir encore été correctement débattus au sein des enceintes internationales. Mais qui prendra en compte et soutiendra que les crimes perpétrés par le Mynamar se sont multipliés dans des endroits comme Kutawpalong—un lieu qui est supposé fournir un refuge à une population vulnérable ?

Ici, au Bangladesh, oublier, ignorer ou contourner ce qui est soit désagréable soit difficile, au profit de tout ce qui va à l'encontre des principes fondamentaux de l'humanité et du droit international est une faculté ahurissante. Remontons à la fin des années 70 avec le premier exode massif de plus de 200 000 réfugiés. Human Rights Watch déclarait dans son rapport de 1996 :

Expecting to find protection, these refugees only found further persecution by a (Bangladeshi) government that was as keen to see the back of them as their own. Over 12,000 refugees starved to death as the Bangladesh government reduced food rations in the camps in order to force them back, and following a bilateral agreement between the two governments, the majority of refugees were repatriated less than 16 months after their arrival.

Espérant obtenir une protection, ces réfugiés trouvèrent uniquement une nouvelle persécution par un gouvernement (celui du Bangladesh) qui était aussi désireux de les voir partir que le leur. En effet, le gouvernement bangladais a réduit les rations de nourriture dans les camps afin de les forcer à repartir. Plus de 12 000 réfugiés sont alors morts de faim. Ainsi, suivant un accord bilatéral entre les deux gouvernements, la majorité des réfugiés étaient rapatriés moins de 16 mois après leur arrivée.

On voit un camp de réfugiés où se développent la pauvreté, l'apatridie, le racisme, l'égoïsme, la criminalisation, l'exclusion, la radicalisation, la contradiction. Et le déni ! Image de l'auteur sur Instagram.

En 1991, un autre grand exode s'est produit depuis le Myanmar. Puis en 1992 et 1993, de nombreux rapatriements forcés eurent eu lieu, tout aussi impitoyables. Il y a eu des affrontements entre les réfugiés et les autorités bangladaises, et même des morts. Les quelques 50 000 réfugiés qui ont été rapatriés ne pouvaient pas être suivis par le UNHCR trois ans après. Un peu plus d'une décennie plus tard, en novembre 2004, de nombreux réfugiés rohingyas sont morts et des dizaines ont été blessés durant un autre épisode de rapatriement forcé depuis les camps du Bangladesh.

Pour justifier ce plan d'action à l'égard de l'opinion et du monde, la première défense du gouvernement bangladais était la suivante : un pays pauvre, comme le Bangladesh, ne pouvait pas s'en sortir convenablement avec un si grand nombre de réfugiés. Et même si la couleur politique du gouvernement a changé depuis, la substance du discours, de la réflexion et des déclarations politiques, elle, n'a pas évolué en quatre décennies. Le gouvernement bangladais est résolument déterminé à renvoyer tous les réfugiés rohingyas. Au fil des années, ce gouvernement a trompé l'UNHCR. Car il effectuait ses demandes en classant les Rohingyas en « migrants économiques » et non en demandeurs d'asile. Il s'ensuit alors que les besoins et les vulnérabilités des individus dans les camps n'entrent pas en ligne de compte. Ces personnes ont uniquement vocation à être renvoyées.

15 Rohingyas qui ont quitté Sittwe ont été arrêtés à Ann Tsp par les autorités pendant qu'ils se rendaient à Yangon le 12 novembre 2018. Source- Le gouvernement du Bangladesh doit stopper le rapatriement des Rohingyas vers le Myanmar car rien n'a changé dans l'État de Rakhine.

À maintes reprises nous avons vu que rapatrier les Rohingyas n'a jamais fonctionné, et pourtant dans 48 heures le rapatriement des Rohingyas du Bangladesh va commencer. Le rapatriement forcé et involontaire n'est plus un rapatriement, mais un refoulement. C'est illégal et un crime contre l'humanité.

A coup sûr, l'incapacité à encourager une prise de conscience des défaillances de cette méthode représente une des contre-performances insignes dans les annales de l'histoire des réfugiés. Il est incompréhensible que [en juillet 2017, le gouvernement de Sheikh Hasina] puisse encore voir le rapatriement comme un objectif, alors que tout prouve que ces afflux cycliques au Bangladesh sont ancrés dans la persécution pernicieuse par le Myanmar et dans le refus de la citoyenneté aux Rohingyas alors qu'ils vivent dans le pays depuis des générations. S'ils sont renvoyés, les réfugiés rohingyas subiront une série d'exactions : meurtre, viol, torture physique, déménagement forcé, enfermement dans les camps, confiscation de la terre et de la propriété, travail forcé, limitations de l'accès à l'éducation, à l'emploi, et aux services publics, restrictions au mariage, limitation de la pratique religieuse, destruction des mosquées,  etc…

Saut à la corde au crépuscule. Il y a un terrain de jeu situé à une hauteur élevée dans le camp de réfugiés de Kutupalong. C'est toujours plein d'activités. Alignés sur un côté avec leurs petites boutiques vendant des boissons pétillantes, collations, cigarettes et paan. Image de l'auteur sur Instagram.

Pendant ce temps, des générations d'enfants apatrides grandissent dans les camps, dans la pauvreté, sans opportunités, sans aucune possibilité d'ascension sociale, et à la condition qu'aucune image ne pourra être transmise. Il faut vraiment visiter ces « camps » pour se rendre compte de l'ambiance exacte.

Il existe une différence entre le deuil et la mélancolie. Le deuil c'est accepter qu'une personne disparaisse et passer à autre chose. Avec la mélancolie, on n'accepte pas la perte, qui se trouve alors incorporée en soi au point de s'en souvenir constamment.

En traversant à pied Kutupalong, on ressent de la mélancolie, car cela convient parfaitement au gouvernement du Bangladesh.

Un camp de réfugiés n'est pas un endroit pour éduquer un enfant. À tout âge, tout se révèle très difficile dans les camps de Rohingyas. Les afflux cycliques au Bangladesh s'expliquent par le refus du Myanmar d'accorder la nationalité aux Rohingyas et la persécution incessante qui leur est infligée. Image de l'auteur sur Instagram.

Au Mozambique, le plus long pont d'Afrique est un investissement chinois qui coûtera cher aux usagers

lundi 10 décembre 2018 à 12:28

Le pont Maputo-Catembe. Photographie d'Alexandre Nhampossa, reproduite avec autorisation.

Le Mozambique a inauguré le 10 novembre le pont Maputo-Catembe, un pont de quatre kilomètres permettant de joindre le centre de la capitale Maputo au quartier sud de la baie, Catembe.

Il devient ainsi le plus long pont suspendu d'Afrique, l'un des soixante plus longs au monde et un symbole de l'investissement chinois au Mozambique.

Construit par la China Road and Bridge Corporation pour 785 millions de dollars américains (environ 690 millions d'euros), ce projet d'infrastructure est le plus coûteux jamais réalisé au Mozambique depuis son indépendance en 1975. La banque chinoise EXIM a financé 95 % des emprunts à un taux de 4 % que le Mozambique devra rembourser sur une durée de 20 ans, les 5 % restants sortant directement des caisses de l'État.

Plus de neuf cent familles ont dû être relogées suite aux travaux. Selon les autorités, leur relocalisation a contribué à repousser l'inauguration du pont initialement prévue au 25 juin, anniversaire de l'indépendance.

Le gouvernement espère que le pont servira aux centaines de résidents du quartier de Catembe, qui se rendent dans le centre de Maputo en navettes et ferrys pour leurs études et leur travail.

Catembe fait officiellement partie de l'agglomération de Maputo, mais les deux zones sont très différentes : la moitié nord de Maputo est un centre urbain de deux millions d'habitants, tandis que Catembe manque d'infrastructures et possède encore de nombreux terrains inutilisés.

Les autorités espèrent également stimuler les échanges économiques et le tourisme avec l'Afrique du Sud : le trajet depuis la côte est de ce dernier jusqu'à Maputo se fera dorénavant en une heure et demi en voiture, contre six heures auparavant.

Le pont, qui par ailleurs n'a pas de voie piétonne, facture sa traversée entre 160 et 1 200 meticals (entre 2,30 et 17,20 euros), avec une réduction allant jusqu'à 75 % pour les utilisateurs réguliers. Actuellement, la traversée en bateau coûte entre 10 et 1 050 meticals (entre 0,15 et 15 euros).

Cérémonie d'inauguration du pont. Photographie d'Alexandre Nhampossa, reproduite avec autorisation.

Toutefois, des Mozambicains ont critiqué le pont pour le coût élevé des emprunts qui en ont financé la construction, ainsi que le prix élevé du péage.

Sérgio Wiliamo, étudiant à l'université, s'exprime sur Facebook :

Há aqui uma grande falha do governo na determinação das tarifas a serem aplicadas. Neste tipo de empreendimentos as tarifas aplicadas não visam recuperação do investimento, mas a sua manutenção para conferir-se-lhes longevidade. Ao que me parece, e tendo em conta os valores altos que vi, há ganhos que se pretendem obter acima da simples operacionalização e manutenção da infraestrutura.

C'est un échec du gouvernement que de décider de telles charges. Dans des projets comme celui-ci, les frais n'ont pas pour but de rembourser l'investissement initial, mais d'entretenir l'infrastructure. Il me semble, et prenant en compte les valeurs élevées que j'ai vues, que des profits sont attendus au-delà de la simple opération et maintenance de l'infrastucture.

Également sur les péages, le philosophe et professeur à l'université Eduardo Mondlane, Ergimino Muscale, écrit sur Facebook :

A essência de uma ponte é ligar, unir, (r)estabelecer contacto. Moçambique apresenta-se, desde já, como o primeiro país, na história, a falsear o sentido tradicional do conceito ponte. É que a bela e das maiores pontes suspensas de África, Maputo-KaTembe, nasceu para estabelecer ou desvelar, dolorosamente, fosso entre os endinheirados e os miseráveis de uma mesma nação. Já não são as poucas milhas que separam os munícipes de Maputo entre os de cá e os de lá, são os muitos meticais de tarifa das futuras portagens.

L'essence même d'un pont est de connecter, d'unifier, de (r)établir le contact. Le Mozambique est maintenant le premier pays de l'Histoire à fausser la définition traditionnelle du concept d'un pont. Un des plus grands ponts suspendus d'Afrique, le beau Maputo-Catembe, est né pour douloureusement installer, ou dévoiler, l'écart entre riches et pauvres d'une même nation. Ce ne sont plus quelques kilomètres qui séparent les résidents de Maputo d'ici et de là-bas, mais les meticals des péages annoncés.

Cérémonie d'inauguration du pont. Photographie d'Alexandre Nhampossa, reproduite avec autorisation.

Elvino Dias, collaborateur de l'organisation non-gouvernementale de développement World Vision, espère que le pont aidera les habitants de Catembe, mais exprime ses réserves quant aux charges :

Quando todos aplaudíamos que a ponte Maputo KaTembe marcava o fim do sofrimento dos munícipes daquela parcela de Maputo, bem assim seria de todos, nunca imaginei que seria o início de mais uma escravatura, e desta vez, sem um fim à vista.

Não me importa saber de onde veio o dinheiro para a construção da ponte ou estrada, porque sei que pago impostos que supostamente deviam construir tais infraestruturas. Por isso mesmo, por vezes me questiono para onde vai o dinheiro dos nossos impostos. Caros Irmãos, se eles persistirem em tais preços, temos que dizer não à elitização de um bem público.

Lorsque nous applaudissions le fait que le Maputo-Catembe marquait la fin d'une ère de souffrance pour les habitants de cette partie de Maputo, je n'imaginais pas que ça serait le début d'une nouvelle forme d'esclavagisme, et cette fois-ci sans fin en vue.

Je me moque d'où vient l'argent pour la construction du pont ou de la route, car je sais que j'ai payé des impôts pour soi-disant construire de tels ouvrages. C'est pourquoi je me demande parfois où l'argent du contribuable va. Mes chers frères, s'ils persistent avec de tels prix, nous devons dire non à l'élitisation [sic] d'un bien public.

Les autorités mozambicaines prévoient que le pont accueillera une moyenne quotidienne de quatre mille véhicules, soit une augmentation significative sur les deux cent véhicules qui traversent la baie en bateau aujourd'hui.

Au Brésil, un défilé pour vaincre la peur et manifester pour les droits des immigrés

lundi 10 décembre 2018 à 08:37

Banderole en tête du défilé de la 12e Marche des immigrés| Photo : Rodrigo Borges Delfim/MigraMundo

Des mots de révolte plein la bouche et sur le thème “ne me jugez pas sans me connaître”, les immigrés de plusieurs régions du monde ont défilé le 2 décembre à la 12° Marcha dos Imigrantes (Marche des immigrés) à São Paulo. La manifestation, qui a lieu tous les ans depuis 2007 et depuis trois ans sur l'avenue Paulista, a rassemblé des membres de collectifs, d'institutions, de communautés d'immigrants et des sympathisants.

Selon les estimations de la police fédérale, sur les 1,8 millions immigrés vivants au Brésil, 385 000 se trouvent à São Paulo. Ce chiffre inclue les réfugiés et les demandeurs d'asile.

L'avenue la plus célèbre de São Paulo accueille pour la troisième fois la Marcha dos Imigrantes.
Crédit photo : Pâmela Vespoli/MigraMundo

Se battre pour leurs droits

Au micro, les immigrés ont exprimé leur ressenti par rapport aux préjugés qu'ils affrontent au quotidien, comment ils aimeraient que les Brésiliens les considèrent, et comprennent leur combat pour leurs droits. Entre autres, le droit de vote, une réglementation humaine et démocratique de la loi sur l'immigration, la fin de la déportation, du travail esclave et de l'exploitation des immigrants et des réfugiés.

Lassana Kone, un Mauritanien de 34 ans, réclame un travail digne de ce nom et le droit d'obtenir des papiers. Il survit en travaillant illégalement en vendant des “esfihas”, sortes de petites bouchées à la viande, car il n'arrive pas à régulariser sa situation auprès de la bureaucratie brésilienne. “Je suis venu montrer que j'existe”, déclare-t-il.

D'après la conseillère municipale Juliana Cardoso (PT)[fr], la Commission des droits de l'homme, dont elle est aussi membre au sein du Conseil municipal, a débattu sur la question des immigrants arrivant à São Paulo. “On voit bien qu'il n'y a pas de budget pour ce dossier des droits de l'homme, et encore moins pour la coordination des immigrés”, cite-t-elle.

Juliana raconte que le CRAI (Centre de référence et d'accueil des immigrants) de São Paulo a peu de ressources pour réaliser ses objectifs. La Commission, dans son rapport final, a demandé que la politique des immigrants soit inscrite au budget général.

Double représentativité

“Nous sommes aussi des personnes qui contribuons à la société, nous aussi nous payons des impôts, nous travaillons très, très dur. Nous travaillons dur, pour un pays meilleur, parce que c'est notre nouvelle patrie”, explique Remberto Suaréz Roca, connu aussi comme drag-queen sous le nom de Florência, venu de Bolivie il y a quatre ans.

Comme Florência, Remberto fait passer son message à des publics différents. En août dernier, il est sorti vainqueur du 7° Festival de musique et de poésie de l'immigré. “Un immigrant, ce n'est pas seulement de l'esclavage, ce n'est pas seulement de la souffrance, c'est aussi de la joie, de la diversité. Nous sommes ici pour donner de l'amour et de la joie, et mon personnage en est la preuve”.

Remberto Suaréz Roca participe pour la première fois au défilé. | Photo : Pâmela Vespoli/ MigraMundo.

En parlant du futur président Jair Bolsonaro – qui avait déjà traité les immigrants de “déchets” -, il ne manque pas d'afficher un grand sourire pour manifester son opposition. “Avec le nouveau gouvernement, on ne sait pas ce qui va se passer. En tant qu'immigré LGBT, j'ai peur deux fois”, conclut Remberto.

Pour la Colombienne Maria Paula Botero, âgée de 29 ans, ça n'est pas le moment d'avoir peur. “La peur, ça fout les gens par terre. Nous devons être fiers de ce que nous sommes et nous devons défendre notre dignité”, affirme-t-elle. Maria Paula est une des représentantes du collectif Réseau de femmes immigrantes lesbiennes et bisexuelles.

Elle explique qu'elle a participé à la Marche parce qu'elle veut de la visibilité. “Normalement, ce sont des espaces d'hommes avec des voix d'hommes. On n'a pas besoin de cela. Nous avons de la voix et nous avons toutes les compétences et les capacités du monde pour faire ce que nous pouvons”.

Partager leurs cultures

Vêtue d'un costume traditionnel nicaraguayen, Ana Carolina Hidalgo Torai a remercié le pays où elle vit depuis 36 ans grâce à la danse. D'après elle, la culture de son pays est riche, riche de paix, d'amour et d'union, ce qu'elle souhaite aux Brésiliens. “Ce merveilleux défilé nous permet d'exprimer nos sentiments pour le Brésil et de le remercier”.

Ana Carolina Hidalgo Torai présente une danse folklorique du Nicaragua pendant le défilé | Photo : Pâmela Vespoli/MigraMundo

Le jeune Bolivien Christian Jhoel Acho Aliaga perpétue lui aussi ses traditions par la danse. Même s'il avoue avoir peu de souvenirs de son enfance (il est arrivé au Brésil à l'âge de 11 ans), il dit être très fier de ses racines et souhaiterait les faire partager aux autres Boliviens arrivés très jeunes ici.

“Certains enfants ont honte de dire qu'ils sont Boliviens parce qu'ils ignorent combien leur pays est riche. Chaque pays possède une richesse, ils sont tous beaux, c'est pourquoi nous devons en être fiers”, déclare-t-il .

Pour Christian, qui a fêté ses 19 ans le jour du défilé, c'est un anniversaire encore plus spécial. Son prénom d'origine indigène, “Acho”, signifie “une fleur qui vient au monde”. Il étudie pour être avocat et utiliser les lois pour aider les migrants. Il dit planter ainsi ses racines qui produiront leurs fruits au Brésil.

La marche, c'est aussi l'occasion d'attirer l'attention des Brésiliens sur la situation d'autres pays. Comme c'est le cas pour la dictature en Guinée où Alga Umaru Balde est né. Alga a acquis sa double nationalité de haute lutte et aujourd'hui, il est Brésilien. Il nous déclare, très ému : “Nous ne sommes pas dangereux pour le Brésil. Nous sommes là pour aider à le construir aussi”.

Analyse

Selon Roque Patussi, Brésilien et coordinateur du Centre d'appui au migrant (CAMI), un des organisateurs du défilé, la marche est allée au-delà des attentes du public. Surtout grâce à l'implication des propres immigrés qui se sont approprié la marche comme moyen d'occuper l'espace public pour se faire entendre.

“La marche est de plus en plus prise en charge par les communautés d'immigrés. Avant, nous organisions tout. Aujourd'hui, ce sont eux qui s'occupent de tout, qui organisent et font la promotion. Notre rôle est d'aider à guider et assister la marche dans ses déplacements”, explique Patussi.

Parmi tous les obstacles que les organisateurs ont dû contourner, les pires sont venus des autorités qui ont retardé les autorisations et ont limité la manifestation à un espace très restreint.

Pour la représentante de l'équipe de base Warmis-Convergence des cultures, Elvira Riba Hernandez, la marche est un événement extrêmement important, mais les immigrants ne doivent pas se limiter à se réunir à cette occasion. Ils doivent rechercher des espaces de mobilisation pour faire face à l'avenir car actuellement ils sont inexistants.

“Nous sommes à un tournant politique très délicat. On sait que des gens se sont déjà fait agresser dans la rue au nom d'un discours de haine très fortement marqué”, affirme Elvira qui est Costaricaine.

Elvira Riba Hernandez enseigne très tôt à son fils l'importance de revendiquer les droits de ses ancêtres | Photo : Pâmela Vespoli/MigraMundo

Ce texte, publié à l'origine sur le site MigraMundo, est publié ici par Global Voices dans le cadre d'un partenariat.

En Inde, une marche géante des paysans contre les inégalités extrêmes

dimanche 9 décembre 2018 à 13:15

Des agriculteurs manifestent à la #KisanMuktiMarch, le 30 novembre 2018 à Delhi. Photo sur Flickr de Joe Athialy. CC BY-NC 2.0

Le soir du 29 novembre 2018, au moins 100.000 paysans de toute l'Inde ont convergé, par trains et tracteurs, à New Delhi, la capitale. Le lendemain, ils ont été des centaines de milliers de plus à marcher en cortège vers le parlement pour attirer l'attention du gouvernement central sur la crise agraire de plus en plus profonde, et les suicides dans la paysannerie indienne.

Les paysans de L'INDE ENTIÈRE marchent pour exiger leurs droits, des équipements et des prix minimum d'intervention pour les récoltes. La Marche des paysans est une triste réalité de l'Inde. Nous citoyens de l'Inde, soutenons nos paysans et leurs revendications.

Entre autres choses, les paysans demandent des abandons de créances et de meilleurs prix pour leur production.

La manifestation sur deux jours, appelée la Kishan Mukti March (La marche pour la liberté paysanne), était menée par le All India Kisan Sangharsh Coordination Committee (AIKSCC, Comité de coordination du Kisan Sangharsh de l'Inde entière), une plateforme fédérant environ 150 organisations paysannes, formée en juin 2017. Un communiqué de presse publié sur le site web Dilli Chalo (Allons à Delhi) expliquait que les gouvernements successifs ont échoué à satisfaire les revendications de millions de paysans. Le collectif accuse les autorités d'ignorer la détresse des paysans, et écrit que l'apathie de ceux-ci s'est transformée en antipathie de plus en plus violente.

Des paysans de diverses parties de l'Inde à la #KisanMuktiMarch de Delhi le 30 novembre 2018. Photo sur Flickr de Joe Athialy. CC BY-NC 2.0

Le cahier de revendications des paysans comprend le vote de deux projets de loi au parlement qui sont susceptibles d'alléger leur situation intenable : le projet de loi de 2018 ‘sur la libération des agriculteurs du surendettement’, et le projet de loi de 2018 sur le ‘droit des agriculteurs à des prix de soutien minimaux rémunérateurs garantis pour les produits agricoles’.

Ils réclament aussi que le Prix minimum de soutien (en anglais MSP), une forme d'intervention de l’État pour garantir les producteurs agricoles contre toute chute des prix, soit fixé au taux du marché. Le MSP actuel, tel qu'il est déterminé par le budget de l'Union de 2018-2019, est de 40 % inférieur au prix recommandé.

Lors d'une manifestation en mars, 35.000 paysans avaient marché 182 kilomètres, pieds nus, de Nashik à Mumbai, pour réclamer le droit à la terre et le juste prix pour leurs productions.

Au cours des vingt dernières années, des centaines de milliers de paysans se sont donné la mort en Inde. Les facteurs d'incitation suspectés sont la pauvreté, le changement climatique, la hausse des coûts médicaux (en l'absence d'assurance), et l’endettement après de mauvaises récoltes.

Par solidarité, des photographes ont commencé une campagne de soutien innovante : sous le hashtag #PhotographersForFarmers (Photographes pour les Paysans), ils ont encouragé les gens à partager des images des manifestations pour sensibiliser aux difficultés des paysans.

‘Un paysan du Tamil Nadu exhibe les crânes de confrères qui se sont suicidés, pendant une marche de paysans à New Delhi en Inde. Des dizaines de milliers de paysans marchent vers le parlement en exigeant des annulations de dettes et des prix rémunérateurs pour les récoltes’

Le fait que les paysans aient dû venir jusqu'ici ou recourir à une théâtralisation montre une seule chose : l'insensibilité de la société et de la classe politique indiennes.

Apathie envers le secteur agricole

Près de la moitié des 1,3 milliards d'Indiens, notamment dans les zones rurales, travaillent dans l'agriculture, qui pourtant ne contribue que pour 17 % au produit intérieur brut du pays (PIB). Depuis 2014, pendant le mandat du présent gouvernement, l'Inde connaît une période de faible inflation de l'alimentation, grâce à une gestion préventive de l'offre et des prix alimentaires. Mais cette politique a pour revers une baisse des revenus ruraux et un endettement accru des paysans.

Dans une protestation symbolique le mois dernier, Sanjay Sathe, un producteur d'oignons du district de Nashik dans l'Etat du Maharashtra (dans l'ouest de l'Inde), a envoyé le produit de la vente de 750 kg d'oignons — à 1,40 roupies indiennes le kilo, cela faisait à peine 1.064 roupies (13 euros) — au fonds de secours du Premier Ministre Narendra Modi.

C'est ça que Modi entend par prendre soin des paysans ? Scandaleux et douloureux. Après 4 mois de labeur un paysan reçoit 1.064 roupies pour 750 kg d'oignons ! Furieux il en fait don entièrement plus 54 roupies par mandat au Fonds de secours pour les catastrophes du Premier ministre

D'autres cultivateurs d'oignons ont bientôt créé leur propre mode de protestation :

N'ayant même pas reçu de quoi couvrir leurs frais de production, le mercredi 28 novembre les producteurs d'oignons de Devala dans le district de Nashik ont protesté en déversant des tonnes d'oignons sur la route, paralysant la circulation

Les paysans du district de Nashik dans le Maharashtra déversent des remorques d'oignons sur la route.
L'information n'est pas passée dans les médias. C'est dans le Maharashtra que la situation des paysans est la pire. Les dirigeants du Maharashtra s'intéressent plus à la question du RamMandir qu'à accorder le MSP déclaré par le gouvernement

Ces prix bas se reflètent-ils au moins sur les marchés de consommation ailleurs en Inde ? Dans une tribune sur le site News Laundry, l'auteur Vivek Kaul écrit :

Le supermarché de Mumbai où j'achète les oignons les vend à 28 roupies le kilo alors que le cultivateur à Nashik n'arrive même pas à vendre sa production à 2 roupies le kilo. Quelqu'un quelque part fait une marge énorme de 1.900 % sur la transaction. Ce n'est évidemment pas le paysan.

Il poursuit :

La capacité de l’État à influer sur les prix des produits agricoles (même ceux qu'il achète) est dans le fond très limitée. [..] Au long des années, en ne diversifiant pas les opérations d'approvisionnement des cultures commerciales, l’État a essentiellement fini par favoriser les inégalités dans tout le pays.

Coûts de production en hausse

Les prix des intrants agricoles ont gonflé dans la dernière décennie. Les coûts des postes de dépenses comme les produits chimiques, les semences, le matériel agricole, et même la main d’œuvre, ont tous augmenté.

Qui plus est, quasi 60 pour cent des agriculteurs vendent leur production en-dessous du prix de vente minimum fixé par l'administration, ce qui n'est pas suffisant pour couvrir leur coût de production total.

Tel est notre destin… nous mourrons en luttant pour assurer un repas à notre famille” : Girdhari Lal (55 ans), paysan du Madhya Pradesh qui a vendu ses oignons 1,2 roupies le kilo, soit 1/5e du coût. “Ça ne couvre même pas ce que je dois à mes ouvriers, sans parler des dépenses de ma famille”.

Espoir face à la montée des dettes ?

Qu'on ajoute l'endettement croissant à la mixture, et la situation devient intenable. Siddharth Tiwari, qui écrit sur Youth Ki Awaaz, explique :

According to the data from All India Debt and Investment Survey (AIDIS), more than 70% of the rural population has one or more standing loans. Decreasing farm income, the rising cost of production, and uncertainty of the market has led to the crippling debts in the farm sector.

Selon les chiffres de l'Enquête sur la dette et l'investissement dans toute l'Inde (acronyme anglais AIDIS), plus de 70 % de la population rurale a au moins un emprunt en cours. La baisse du revenu agricole, la hausse du coût de production, et l'incertitude du marché ont conduit à l'endettement à outrance du secteur agricole.

Pourtant, en 2018, les agriculteurs ont organisé et réussi à mettre en œuvre deux vastes manifestations, et leur dernière marche a gagné le soutien de quelques leaders de partis d'opposition.

[Image : Nous sommes des agriculteurs. Notre intention n'est pas de vous gêner. Nous sommes en colère. Nous sommes venus de loin pour vous faire entendre nos voix ainsi qu'au gouvernement.]

La manifestation des agriculteurs : Les excuses pour la “gêne” présentées par les agriculteurs

La question demeure, néanmoins : cela fera-t-il vraiment changer l'avenir des paysans en Inde ?

La France recherche trois responsables syriens de haut rang pour le meurtre de binationaux franco-syriens

vendredi 7 décembre 2018 à 10:01

Mazen Dabbagh (à droite) et son fils Patrick (à gauche). Image largement partagée sur les réseaux sociaux, utilisation autorisée.

Dans une rare décision saluée comme le signe avant-coureur d'une nouvelle ère de justice pour les victimes de crimes de guerre et crimes contre l'humanité en Syrie, des juges français ont émis des mandats d'arrêt en novembre 2018 à l'encontre de trois responsables de haut rang du renseignement syrien, sur des charges de ‘complicité de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité’.

Les trois fonctionnaires sont recherchés en lien avec la détention et la disparition subséquente de deux ressortissants franco-syriens : Mazen Dabbagh et son fils Patrick. Ceux-ci ont été arrêtés par des agents des services de renseignement de l'armée de l'air syrienne en novembre 2013 et détenus à la base aérienne de Mezzeh. La famille Dabbagh a été informée officiellement par la suite que Mazen et Patrick étaient morts en détention respectivement en novembre 2017 et janvier 2014.

La guerre en Syrie laisse un sillage sinistre de mort et de destruction. Les estimations chiffrent les disparus depuis mars 2011 à plus de 95.000, dont plus de 80.000 que l'on croit disparus de force par le régime syrien. Beaucoup sont morts en détention sous la torture brutale dans les tristement célèbres prisons et centres de détention de l’État.

Les magistrats français ont émis des mandats d'arrêts contre le Major général Ali Mamlouk, Abdul-Salam Mahmoud, et Jamil Hassan.

Le Major général Ali Mamlouk est né à Damas en 1946. Mamlouk est un nom familier de la répression utilisée pour mater le soulèvement populaire syrien de 2011. Il a été le directeur des renseignements de l'Armée de l'air de 2003 à 2005 après avoir gravi les échelons pendant le règne de feu Hafez Assad et l'ascension au pouvoir de son fils Bachar Al-Assad.

En 2005, Assad [fils] l'a nommé à la tête du Département de sécurité générale pendant la période politiquement chargée qui a suivi l'assassinat de l'ancien Premier Ministre libanais Rafik Hariri, généralement attribué au régime syrien.

Les organisations de droits humains lui prêtent la supervision de l'arsenal chimique de la Syrie, et de son utilisation contre les prisonniers politiques détenus à Palmyre entre 1985 et 1995.

A la suite de l'attentat à la bombe contre la ‘cellule de crise’ à Damas en juillet 2012, Mamlouk fut nommé directeur du Bureau national de sécurité, en remplacement de Hisham Bakhtiyar décédé des suites de ses blessures lors de l'attentat.

Un ancien ministre libanais de l'Information, Michel Samaha, a reconnu avoir été payé par Mamlouk pour faire assassiner des personnalités politiques libanaises. Des juges libanais délivrèrent un mandat d'arrêt contre Mamlouk le 4 février 2013.

En 2015 des rumeurs affirmaient qu'il projetait de faire défection, et avait été placé aux arrêts domiciliaires. D'autres rumeurs le disaient malade et mourant dans un hôpital de Damas. Des rumeurs qu'il infirma en se rendant à Djeddah (Arabie saoudite), et à Mascate (Oman). Il est aussi allé à Rome, en Italie fin février 2018, au mépris des sanctions de l'Union européenne (UE) de mai 2011 qui lui imposaient une interdiction de voyager et un gel de ses avoirs en lien avec des accusations d'orchestrer les violences contre les contestataires du pouvoir syrien.

Abdul-Salam Mahmoud a été nommé directeur de la branche des renseignements de l'Armée de l'air en 2010. Il est impliqué dans les tueries de civils syriens, entre autres des victimes du massacre de Saïda en avril 2011, parmi lesquels Hamza al-Khatib, un garçon de 13 ans dont le corps mutilé après son arrestation devint ensuite un symbole de la révolution syrienne et le visage de la brutalité du régime contre les contestataires. Mahmoud est sous sanctions de l'UE depuis 2012.

Jamil Hassan est né à Qarniya, dans la campagne de Homs, en 1952. Il a été nommé directeur du renseignement de l'armée de l'air en 2009. Auparavant, il gérait la branche Syrie de l'Est des renseignements de l'Armée de l'air pendant l'année 2009 et était l'officier du renseignement de l'Armée de l'air de l'a base aérienne de Mezzeh depuis 2007.

Le nom de Hassan est étroitement lié à la répression violente des manifestations en 2011. Il a été cité une fois suggérant dans un rare communiqué de presse  que Bachar aurait dû copier la tactique brutale utilisée par son père dans le massacre de Hama dans les années 1980.

En juin dernier, l’Allemagne a également émis un mandat d'arrêt international à l'encontre de Hassan. Le magazine allemand Der Spiegel a rapporté que les procureurs l'accusaient de superviser les crimes commis par la sécurité syrienne, soit la torture, le viol et le meurtre de centaines de personnes entre 2011 et 2013.

Des mandats d'arrêt symboliques ?

Mohammad Al-Abdullah, un militant des droits humains et directeur général du Syria Justice and Accountability Centre (Centre pour la justice et la reddition de comptes en Syrie), a dit à Global Voices que ces mandats sont des outils de pression sur les agents du régime :

These warrants are symbolic up to a point. They serve more as a tool of pressure than a means of criminal prosecution, as the possibility of the three officials visiting Europe is very unlikely. Some opine that the warrants would diminish their role in Syria’s future and spell an end for their political life, and that negotiations shall exclude them from security posts during the interim phase. There are no guarantees that this would be the case, though. Until now, these opinions are mere wishful thinking.

Ces mandats sont symboliques à un certain degré. Ils servent plus d'outil de pression que de moyen de poursuite pénale, puisque l'éventualité que ces trois responsables se rendent en Europe est très improbable. Certains font remarquer que les mandats vont réduire leur rôle dans la Syrie future et annoncent la fin de leur vie politique, et que les négociations les excluront de postes sécuritaires pendant la phase intérimaire. Rien ne garantit cependant que ce pourrait être le cas. Jusqu'à présent, ces opinions restent des vœux pieux.

La Syrie n'est pas signataire du Statut de Rome, et pour cette raison, les tentatives de saisine de la Cour pénale internationale se sont heurtées à chaque fois au veto de la Russie et de la Chine, deux puissances disposant du droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU, et alliées fidèles d'Assad. Ce qui fait obstacle à la possibilité d'une enquête sur les crimes de guerre en Syrie et de la traduction en justice de leurs auteurs.

Il ne reste alors  guère d'autre choix aux familles de victimes que la juridiction extra-territoriale, définie comme la capacité d'un État à exercer une compétence juridique au-delà de ses frontières nationales. Des activistes syriens et des familles de victimes ont entrepris des actions en justice hors de Syrie dans leurs pays de résidence, en Allemagne, Suède et France.

En août 2010, le parlement français a adopté une loi donnant aux tribunaux français la juridiction sur les crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis dans un autre pays. Aux termes de la loi française, tout suspect trouvé sur le territoire français peut être poursuivi et jugé en France sur des charges de torture. C'est pourquoi les victimes de torture et de disparition forcée peuvent saisir un procureur français d'une plainte quel que soit leur pays de résidence.

Toutefois, l'espoir s'amenuise d'obtenir justice et réparation. En juillet 2018, le gouvernement syrien a publié des avis de décès de détenus politiques à un rythme sans précédent, invoquant pour causes des décès des “crises cardiaques”.

Ces mandats d'arrêt secoueront peut-être l'apathie sur le sort de dizaines de milliers de victimes de guerre syriennes. Rendre des comptes est essentiel pour raccommoder la Syrie déchirée par la guerre, et beaucoup espèrent que les mandats seront un pas courageux dans cette direction.