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L'énorme incendie d'un dépôt de carburant près de Kiev excite les spéculations des internautes ukrainiens

jeudi 11 juin 2015 à 13:57
People watching the fire near Vasylkiv, Ukraine, on June 8, 2015. Image by Maksym Kudymets from Demotix.

Des gens observent l'incendie près de Vasylkiv, Ukraine, le 8 juin 8, 2015. Photo Maksym Kudymets sur Demotix.

Un énorme incendie fait rage depuis lundi soir dans un dépôt de produits pétroliers près de Vasylkiv, une agglomération proche de Kiev, la capitale ukrainienne, et fait monter les craintes de pollution de l'air et les spéculations des internautes quant à l'origine du sinistre. Lors de l'écriture de cet article [mercredi soir], quatre personnes étaient mortes en combattant le brasier, et au moins quatorze blessées, ou intoxiquées par les émanations.

L'installation compte 17 réservoirs de stockage, d'une contenance chacun de 900 mètres cubes d'essence ; quatre au moins ont totalement brûlé. Selon les services d'urgence ukrainiens, le feu a débuté lundi soir dans une des cuves, et s'est rapidement propagé aux réservoirs voisins. Pompiers, sauveteurs et garde nationale sont sur les lieux et combattent l'incendie.

Mardi matin, le ministre ukrainien de l'Intérieur Arsen Avakov tweetait qu'une explosion s'était produite pendant l'intervention, tuant plusieurs pompiers.

Explosion au dépôt pétrolier de Vasylkiv. Gigantesque. Des pompiers tués… Les services d'urgence mettent tous les moyens. La Garde Nationale est en alerte. Nous travaillons.

Les premières vidéos sur les lieux de l'incendie montraient d'énormes panaches de fumée noire et un brasier, des installations et équipements de stockage anéantis.

L'incendie documenté par les internautes sur les médias sociaux
Dès que la nouvelle de l'incendie s'est propagée, les internautes des environs se sont mis à poster des photos et vidéos saisissantes du brasier et de la fumée autour des installations.

Pour étayer les informations que le feu menaçait de se propager à une base militaire voisine et à d'autres dépôts de carburant, des utilisateurs ont créé une carte contextuelle de la zone. Le dépôt est situé dans le village de Kryachki, district de Vasylkiv, à près de 40 km de la capitale ukrainienne.

En rouge : dépôt d'essence BRSM – orange : périmètre de tir – vert : dépôt de l'armée – bleu : dépôt d'essence KLO

Les drones, vite devenus des outils précieux de reportage pour ceux qui couvrent le conflit en Ukraine, ont été utilisés pour enquêter sur les dommages causés par l'incendie.

Tout ce que vous vouliez savoir sur l'incendie à Vasylkiv, vu du ciel. Les drones, ce n'est pas que pour la guerre )

Les services d'urgence ukrainiens ont également publié une multitude de photos sur Facebook dépeignant les efforts pour éteindre l'incendie.

Craintes de risques sanitaires
Les sauveteurs ont évacué les habitants du voisinage immédiat jusqu'à plusieurs kilomètres autour de l'incendie, bien que les derniers communiqués officiels indiquent que le foyer principal a été “localisé” et est sous contrôle. Le conseil municipal de Vasylkiv, la petite ville la plus proche de l'installation, a dit aux habitants de fermer leurs fenêtres et d'éviter de sortir, faisant craindre une émission de particules toxiques. Les services de l'environnement ont eu beau affirmer que les niveaux de particules dans l'air restaient à l'intérieur des normes de sécurité, les internautes n'en partagent pas moins trucs et conseils pour minimiser les dommages possibles.

Une de mes connaissances, chimiste du pétrole, conseille aux Kiévains de manger des pommes séchées (la pectine élimine les métaux lourds), de se laver les cheveux chaque jours et de ne pas se faire mouiller par la pluie.

Qu'est-ce qui a provoqué l'incendie ?
Les responsables publics ont déclaré qu'une origine terroriste de l'incendie était peu probable, une enquête a été toutefois ouverte pour rechercher la possibilité d'une intervention extérieure. La plupart des spéculations tournent jusqu'ici autour de l'entreprise de stockage pétrolier et ses propriétaires.

Le dépôt de pétrole en feu appartient à l'ex-ministre de l'Energie de Ianoukovitch, pas d'enquête sur les attentats précédents. Une odeur d'oligarques.

Certaines sources ont insinué que des concurrents du propriétaire seraient les commanditaires. Pour sa part, l'homme politique de Kharkiv Guennadi Korban suspecte une fraude à l'assurance et affirme que Stavitsky (le propriétaire supposé) a pu vouloir dissimuler des pratiques commerciales opaques. Le journaliste d'investigation Dmytro Gnap, citant ses propres sources, a expliqué que le stockage de carburant était connu pour produire une essence diluée, et qu'une erreur dans le processus de fabrication avait pu déclencher l'incendie.

Ces théories du complot et d'autres encore, ont énervé certains utilisateurs de médias sociaux qui ont ironisé sur l'arrivage soudain d'experts de salon, récurrent en temps de crise.

Les astrologues ont annoncé une semaine de spécialistes en extinction de réservoirs de pétrole. La quantité d'analyses et [d'accusations] de traîtres a augmenté de 154 %.

[NdT : Ce jeudi, le feu n'était toujours pas maîtrisé.]

Le culte des “saints voyous” au Venezuela, reflet de la violence dans le pays?

jeudi 11 juin 2015 à 10:44

Effigies de «saints voyous» devant une de leurs tombes. Photographie prise sur le profil Facebook de El Malandro Ismael Sánchez. Figure principale de la Cour Malandra.

La croyance dans la continuité de la vie après la mort existe dans différentes sociétés et leur mode de pensée. C'est ainsi que les rites funéraires marquent le début d'une relation particulière entre les vivants et les morts. Cela est visible en Amérique Latine à travers la croyance dans les morts miraculeux, une figure magico-religieuse vénérée dans plusieurs pays de la région.

Pour Francisco Franco, historien vénézuélien et référence dans le domaine des études sur la religiosité populaire au Venezuela, les “morts miraculeux” désignent les personnes qui, après leur mort, rendent service aux vivants et accomplissent des miracles. Ces figures furent en général des personnages singuliers sans pour autant être extraordinaires ou se distinguer particulièrement des autres. Ceux qui sont aujourd'hui des morts miraculeux étaient auparavant essentiellement des gens ordinaires:

Los muertos milagrosos en América Latina van a ‘subvertir’ el modelo de los anacoretas y santos medievales, pues sus vidas, sus leyendas y la mayoría de sus rasgos no corresponden con este modelo de ascetismo, sino que, por el contrario, han tenido una vida llena de excesos.

Les morts miraculeux en Amérique Latine vont «subvertir» le modèle des anachorètes et des saints médiévaux car leur vie, leurs légendes et une grande partie de leurs caractéristiques ne correspondent pas à ce modèle d'ascétisme, bien au contraire, ils ont connu une vie pleine d'excès.

La Cour Malandra, ou Cour Calé, fait partie du culte de María Lionza, l'une des expressions populaires des croyances magico-religieuses les plus répandues au Venezuela. Ces pratiques reposent sur la vénération d'esprits miraculeux et sont divisées en groupes, qui sont classés selon une certaine hiérarchie et sont connus sous le nom de «cours». María Lionza forme avec Felipe le Noir et le Cacique Guaicaipuro les «Trois Puissances» qui sont la base fondamentale d'un ciel de déités que l'on suppose représenter également les bases du métissage entre les Blancs, les Africains et les indigènes au Venezuela.

Les cours peuvent être composées de personnages politiques, historiques ou religieux. Ainsi, par exemple, la Cour Libératrice est constituée de héros de l'indépendance du Venezuela, comme Simón Bolívar [fr], principal instigateur de ce mouvement historique. La Cour Céleste est quant à elle organisée autour des images de la tradition catholique. Le blog Spiritisme María Lionza présente une classification des cours et de ceux qui les composent.

La Cour Calé est constituée de «malandros», terme sous lequel on désigne les délinquants au Venezuela. Ces cultes sont plus visibles dans les quartiers urbains, qui ont connu depuis les années 70 une augmentation alarmante du nombre de morts violentes et dont les habitants ne se sentent pas protégés par les autorités. Pour les adeptes de ce culte, l'esprit des délinquants fait office d'intermédiaire entre les croyants et les faveurs divines. D'après les chercheurs qui se consacrent à ce phénomène, ces délinquants ont certaines caractéristiques en commun: ils étaient d'une certaine manière considérés de leur vivant comme des héros qui volaient pour le bénéfice de leur communauté.

Les disciples de ce culte peuvent se rendre sur les tombes, ériger des autels dans leur maison ou communiquer lors de cérémonies spéciales. Certains criminels se confient à ces esprits avant de commettre un délit. On les prie également pour qu'ils rendent plus accessibles des biens matériels comme des armes ou des motos. Les manières de vénérer ces esprits varient en fonction des disciples et des circonstances. Les délinquants ne sont pas les seuls à faire appel à eux. Les mères de famille cherchent par exemple à mettre leurs enfants sous la protection de ces esprits, en particulier la nuit, lorsque rentrer chez soi présente des risques importants dans les quartiers sensibles. De la même façon, elles se tournent vers les esprits lorsque leurs enfants sont en prison dans l'attente d'un procès. L'une des raisons pour laquelle les gens croient en ces médiateurs est l'idée que seuls ceux qui connaissent le monde de la violence et des balles sont capables de protéger les personnes qui y vivent.

Dans ce documentaire de Avila TV [en espagnol], les éléments clés du culte et ses origines sont exposés. Gonzalo Báez, président de ASOIFA (Association Civil Culturelle des Disciples d'Ifá) y raconte que, bien que les origines du terme «calé» soient peu claires, on pense que c'est un mot d'argot issu du milieu carcéral et utilisé par les prisonniers pour tromper leurs geôliers. Le documentaire explore aussi l'histoire de nombreux personnages centraux du culte et explique qu'une partie de la mission de ces esprits est d'éviter que d'autres s'engagent dans la même voie qu'eux.

Ofrendas

Pour obtenir des privilèges, on offre des armes blanches, de l'anis, du tabac et certaines drogues. Ces ex-voto[fr] comprennent des bougies qui permettent d'éclairer le passage des esprits à des niveaux supérieurs. La Cour Malandra est considérée comme une cour «de faible luminosité», contrairement à la Cour Céleste par exemple, qui se rapproche beaucoup plus de l'idéal spirituel chrétien. Capture d'écran du documentaire diffusé par Avila TV et disponible sur YouTube.

 Des hommages rendus à la Cour Malandra au cours desquels les esprits sont remerciés pour les faveurs accordées sont partagés sur les réseaux sociaux. Par exemple, cette vidéo partagée par Enrique Jiménez présente une séquence de photographies qui illustrent la vie quotidienne des quartiers et les espaces dans lesquels ce culte et ses pratiques font sens. La vidéo réunit nombre de symboles propres à la Cour Malandra. On y retrouve des ex-voto (ou offrandes), des autels, les statues des morts miraculeux et la musique qui accompagne généralement ces hommages : la salsa.

Sur Facebook, certains ont investi des espaces qui reflètent aussi ce culte. El Malandro Ismael Sánchez, la figure principale de cette cour a son profil Facebook. De nombreux fans y laissent des commentaires et des remerciements pour les privilèges accordés et la protection reçue. Sont également partagées sur ce profil des photographies de leurs tombes dans les cimetières et les rituels qui s'y tiennent. Les histoires de ces idoles populaires circulent aussi sur d'autres pages Facebook consacrées au culte de María Lionza et au spiritisme au Venezuela.

Certains adeptes de la Cour Calé partagent sur les réseaux de la musique composée par une autre de ses figures emblématiques, dans ce cas el Pavo Freddy [Freddy le Simplet], à qui Alma de Barrio a écrit cette chanson:

Y no te preocupes, que si tienes un problema, pónle ahí un cigarro, y le pones una cerveza. Cuéntale el problema, no te quedes tu dilema… Ese te resuelve, ese no te deja […] ¿Quieres que te indique el camino del bien? Invoca al Pavo Freddy, Corte Calé

Et ne t'en fais pas, si tu as un problème, mets lui un cigare et donne lui une bière. Raconte lui ton problème, ne garde pas pour toi ton dilemme… Il le résout, ne t'abandonne pas […] Tu veux qu'il t'indique le chemin du bien? Invoque Freddy le Simplet, Cour Calé

D'autre part, dans le documentaire Holy Thugs [Voyous Miraculeux, en anglais et diffusé par Vice], le sociologue Tulio Hernández, interrogé, donne à voir le sens profond de la popularisation de ce culte des morts miraculeux:

Los santos malandros son básicamente la manera que tienen los sectores populares directa o indirectamente involucrados con el momento trágico que vive Venezuela, [en el que] los que mueren fundamentalmente son los pobres; y entre los pobres los jóvenes, y entre los jóvenes, los hombres. Es una manera de cicatrizar [la] profunda herida que [representa] la pérdida de un sector importante de su juventud.

Les saints voyous sont tout simplement le moyen qu'ont les secteurs populaires directement ou indirectement concernés par la période tragique que traverse le Venezuela, [où] ceux qui meurent sont surtout les pauvres; et parmi eux les jeunes, et parmi les jeunes, les hommes. C'est une manière de cicatriser [la] blessure profonde que [représente] la perte d'un secteur important de la jeunesse.

Les histoires qui s'inscrivent dans le culte de la Cour Malandra et ses pratiques se sont également frayées un chemin dans le monde du cinéma et de l'art vénézuélien. On ne peut alors que constater que la culture de la violence est présente dans les expressions contemporaines du Venezuela. Dans le même temps, l'enracinement de cet imaginaire nous invite à questionner les éléments de base de ces pratiques populaires. Quelles sont les valeurs [promues] dans un contexte où l'on identifie des figures du crime comme protectrices? Peut-on y voir une conséquence directe de l'absence de l'Etat dans la vie quotidienne des classes populaires? Voilà en tout cas un exemple de la manière dont des groupes marginalisés sont contraints de chercher des voies de protection parallèles plus cohérentes avec le monde qui les entoure; et, pour beaucoup, il est à craindre que ces expressions ne se limitent pas aux pratiques religieuses mais trouvent un écho dans la construction des structures du pays, de ses pratiques sociales et de ses représentants.

Alexeï Navalny, leader moscovite de l'opposition en visite en Sibérie

jeudi 11 juin 2015 à 09:57
Navalny in Novosibirsk, June 7, 2015. Photo by Alexey Konstantinov. Navalny.com.

Navalny à Novosibirsk, 7 juin 2015. Photo Alexey Konstantinov. Navalny.com.

Alexeï Navalny, un des leaders de l'opposition russe, quitte rarement Moscou. Dimanche 7 mai, il s'est rendu dans la ville sibérienne de Novosibirsk, où la “coalition démocratique de Russie” tiendra des primaires le week-end prochain. L’alliance politique toute neuve de Navalny y organise des opérations de vote, ainsi que dans plusieurs autres villes, pour sélectionner ses candidats aux élections régionales et de district en septembre.

Navalny a été soumis à de strictes restrictions de déplacement ces dernières années, tout en se battant contre l'avalanche de procès qui lui étaient intentés depuis que les manifestations de masse d'il y a plus de trois ans l'ont fait accéder à la notoriété. Son collègue opposant Ilya Yachine a rejoint Navalny à Novosibirsk pour un débat public sur le programme de la coalition. Yachine, un dirigeant du parti RPR-Parnas, co-fondateur de la coalition, a donné le coup d'envoi de la réunion en affirmant la nécessité du changement politique par les élections, parce qu'il faut à la Russie “un vrai parlement qui représente les intérêts de tous les citoyens, et pas seulement d'un petit groupe de bureaucrates et d'oligarques.”

Un débat ouvert

Monté sur le podium devant un auditoire de plusieurs centaines de personnes, Navalny a commencé par une plaisanterie sur la chaleur étouffante de cet après-midi d'été sibérien. “J'ai dit à ma femme que quand tout ça sera fini, on irait quelque part au chaud—et nous voilà. Ioulia, tu es contente ?” Navalny a ensuite prononcé ce qu'on pourrait caractériser comme un discours de campagne. Martelant des thèmes familiers, il a dénoncé la corruption du pouvoir et plaidé pour une plus grande décentralisation, moins d'armée et plus de dépenses sociales, et dit que l'Etat devait être plus réactif aux besoins des gens ordinaires.

Ensuite, Navalny a répondu aux questions de l'auditoire. Quelqu'un lui a demandé ses idées sur la politique économique, un autre, ce qui lui donne la force de continuer son combat, malgré tout le harcèlement puis le meurtre de son collègue Boris Nemtsov. A cette question, Navalny a répondu : “je crois à ce que disait Léon Tolstoï, un mensonge reste toujours un mensonge, même s'il est répété mille fois”. “Mon frère m'a écrit depuis la prison”, a continué Navalny, “‘Ne cesse pas, on m'a emprisonné pour te faire cesser, tu dois continuer'”. Mais la plupart des questions posées par l'assistance étaient nettement hostiles.

En treillis militaire et brassard “Novorossia” appuyant la revendication de la Russie sur les territoires d'Ukraine de l'Est, un homme dans l'assistance a déclaré “j'aimerais rappeler à tous ici qui est allé à l'ambassade américaine”, s'en prenant aux contacts de Navalny avec des diplomates américains. “Vous vous souvenez comment la Russie a été trahie dans les années 1990 ?”, a-t-il continué. “Il veut faire pareil ?”

Une habitante s'est alors approchée du micro et a accusé les démocrates de Russie de déchirer le pays, ajoutant que cela donnait une mauvaise image de Navalny. Ensuite, quelqu'un se disant spécialiste d'économie a contesté la décentralisation de Navalny et sa politique fiscale, disant qu'il anticipait un éclatement du pays si les régions cessaient d'envoyer le produit des impôts à Moscou. Pour finir, un adolescent a demandé comment être sûr que tout ce qu'avait dit Navalny n'était pas que des “mots creux”, avant de douter que Navalny prenne vraiment le métro (par contraste avec la classe dirigeante russe caractérisée par celui-ci).

Navalny a écouté les critiques, avant de répondre à chaque membre de l'auditoire, répliquant aux attaques contre son patriotisme en se présentant, lui et son programme anti-corruption, comme véritablement patriotes à l'inverse des dirigeants actuels de la Russie. “Je vais faire l'union autour du développement de l'infrastructure gazière de la région de Novosibirsk, et non autour de Gazprom [le géant gazier d'Etat]”, a défendu Navalny.

Perturbateurs

Outre la réception inamicale de ceux qui ont manifesté contre la réunion publique, Navalny et ses collègues ont aussi reçu des oeufs en chemin vers une conférence de presse à Novosibirsk. Sans surprise, le média pro-Kremlin Life News a mis ces perturbateurs au centre de son reportage sur la tournée de Navalny.

Pendant son déplacement, Navalny a aussi pris le temps de rencontrer une célébrité locale, l'artiste performeur Artyom Loskoutov, connu dans toute la Russie comme l'animateur de la fête annuelle de l'absurde à Novosibirsk, la Monstration, et venu à la réunion publique de l'après-midi. Fidèle à lui-même, Loskoutov a partagé une incongruité sur Twitter :

J'ai volé la femme du président [Ioulia Navalnaya], et l'ai emportée sous la #ЛоскутовоОдеяло [#CouvertureLoskoutov]

En Uruguay, une prison à ‘visage humain’

mercredi 10 juin 2015 à 11:31

Portique d'entrée de la prison de Punta de Rieles, à Montevideo, Uruguay. Les détenus y vivent comme dans un village. Capture d'écran d'une vidéo publiée sur YouTube.

En Uruguay se trouve une prison du nom de Punta de Rieles (“La fin des rails”) dans un quartier du même nom, qui était le terminus des premiers tramways de Montevideo, la capitale du pays. C'est aussi un endroit où la vie des détenus diffère peu de celle de l'extérieur, car Punta de Rieles relève d'une “approche humaine” spéciale de l'incarcération.

Vu du dehors, l'établissement ressemble aux autres installations pénitentiaires avec ses barbelés et ses gardes armés. Mais c'est à l'intérieur que le contraste est total : y travaillent quelque 200 agents pénitentiaires, en majorité des femmes non armées, dans les métiers du travail social, de la psychologie et des droits humains.

Les détenus de Punta de Rieles ont été condamnés pour toutes sortes de délits et crimes, à l'exception des agressions sexuelles et du trafic de drogue.

Rolando Arbesún, le directeur de l'établissement, dit que l'idée est de gérer la prison à la manière d'un village :

Nos gusta pensarla más como un pueblo, que tenga una dinámica de vida lo más parecido posible al exterior. Eso implica un volumen de trabajo bastante importante, actividades muy importantes, pero también mucha presencia del afuera, del mundo externo de la prisión dentro de Punta de Rieles. Porque si uno está preparando a estos hombres para que vivan en libertad, hay que prepararlos en un escenario que se parezca lo más posible dentro de las limitaciones de lo que se pueda hacer en una prisión.

Il nous plaît de la penser plus comme un village qui aurait une dynamique de vie aussi proche que possible de celle de l'extérieur. Cela implique un assez important volume de travail, des activités très importantes, mais aussi beaucoup de présence du dehors, du monde extérieur à la prison à l'intérieur de Punta de Rieles. Parce que si on prépare ces hommes à la vie en liberté, il faut les préparer dans un contexte qui paraisse bien plus proche [de la liberté] que ce qui peut se faire dans une prison.

Ouverte en 2010 sur le site d'une prison traditionnelle préexistante, Punta de Rieles est le premier établissement pénitentiaire d'Uruguay jamais géré par un personnel non militaire. A l'intérieur de la prison, des travailleuses sociales côtoient les détenus, qu'elles aident à résoudre leurs difficultés. Le but n'est pas seulement de préparer les détenus à la vie hors de la prison, mais aussi d'humaniser le temps qu'ils passent derrière les barreaux.

Le site web Cosecha Roja l'appelle une anti-prison, et décrit les particularités de l'établissement :

Puntas de Rieles alberga a unos seiscientos hombres: no tienen comisiones internas ni delegados, eso establecería una distancia, un “ellos” y un “nosotros”. La relación es directa y horizontal. Aquí no hay intentos de evasión, no existe el aislamiento para sancionar a los que transgreden las reglas de convivencia y no se hacen requisas sin su expresa autorización, cuando existen datos puntuales y concretos de alguna irregularidad, y está prohibido hacerlas de noche.
[algunos reclusos] se acercan al director, lo saludan con un beso (esta costumbre moderna que interpela a cierta masculinidad) y palmadas en el hombro, se llaman por el nombre de pila.

Puntas de Rieles abrite environ 600 hommes : ils n'ont ni commissions internes ni délégués, ce qui établirait une distance, un “ils” et un “nous”. La relation est directe et horizontale. Ici il n'y a pas de tentatives d'évasion, pas d'isolement pour punir ceux qui transgressent les règles de convivialité et pas de confiscations d'objets personnels sans leur autorisation expresse, en cas d'informations ponctuelles et concrètes sur une irrégularité, et c'est interdit d'y procéder de nuit. [Certains détenus] approchent le directeur, le saluent avec une bise (cette coutume moderne qui interpelle une certaine virilité) et des tapes dans le dos, ils s'appellent par leur prénom.

L'établissement dispose d'une bibliothèque, d'une salle informatique, d'une boulangerie, et d'une confiserie. Les détenus font du pain et le vendent au public, et il y a aussi une briquetterie où les détenus apprennent ce métier utile. Il y a même un atelier de yoga. La vidéo ci-dessous présente quelques-unes de ces activités, ainsi qu'une compétiton sportive.

A Punta de Rieles, 85 % des détenus travaillent dans une ou plus des 22 entreprises existantes à l'intérieur de l'établissement pénitentiaire. Le taux de récidive est très faible, avec seulement 2 % de prisonniers commettant de nouveaux crimes ou délits après leur libération. (Le chiffre est de 50 % dans le reste du système pénitentiaire du pays.) L'année dernière, 201 hommes ont recouvré la liberté et seulement quatre d'entre eux ont rechuté.

Sur Twitter, des avis sur les réussites de ce système innovant :

Prison de Punta de Rieles, entreprises de détenus, poterie, fabrication de panneaux, cafétéria jardin

L'étudiant (mon ancien étudiant d'algèbre linéaire I), incarcéré à la prison de Punta de Rieles. Une grande histoire.

Une année de beau travail avec les détenus de Punta de Rieles ! Yoga et valeurs !

Pendant la dictature militaire de 1973 à 1985 en Uruguay, la vieille infrastructure de Punta de Rieles était un centre de détention pour hommes. A l'ouverture d'une autre prison, les détenus y ont été transférés, et le site est devenu une prison de femmes où ont été enfermées plus de 700 prisonnières politiques.

Damián Barbosa rappelle ce passé dans le tweet suivant :

La prison Punta de Rieles actuelle a sa propre MÉMOIRE…

Le cas de Roy Vitalis, un détenu de Punta de Rieles, démontre les résultats de l'approche “alternative” de l'établissement :

Roy Vitalis, de 36 años, está preso en la cárcel de Punta de Rieles. Cada día, pasadas las 9:00 de la mañana, emprende viaje en bicicleta hasta la Facultad de Ingeniería, donde cursa sus estudios.

Incluso, en un principio se le había dicho que tenía que asistir con grilletes y custodios armados, pero finalmente logró esquivar esas trabas. […] Actualmente ya no requiere de autorización especial. Va y vuelve en bicicleta; recorre alrededor de 30 km por día, de lunes a viernes.

Roy Vitalis, 36 ans, est détenu à la prison de Punta de Rieles. Chaque jour, juste après 9 heures du matin, il se met en route à bicyclette pour l'Ecole d'Ingénieurs, où il poursuit ses études.

Au début, on lui avait dit qu'il devait y aller avec menottes et gardiens armés, mais il a réussi à s ces entraves. […] A présent il n'a plus besoin d'autorisation spéciale. Il va et vient en bicyclette et parcourt une trentaine de kilomètres par jour, du lundi au vendredi.

Les activistes brésiliens anti-Coupe du Monde 2014 se sentent justifiés par les arrestations à la tête de la FIFA

mardi 9 juin 2015 à 15:39
Ato no Rio de Janeiro contra a Copa. Foto: Mídia Ninja/Flickr, CC-BY-NC-SA

Manifestation contre la Coupe du Monde en 2014 à Rio de Janeiro. Photo: Mídia Ninja/Flickr, CC-BY-NC-SA

En plein scandale de corruption impliquant la FIFA, des activistes brésiliens rappellent, sur Facebook et Twitter, l'alliance entre les plus hautes instances du football mondial et le gouvernement du Parti des Travailleurs (PT) dans la réalisation de la Coupe du Monde de 2014 ainsi que les effets néfastes qu'elle a pu avoir sur la population — évacuations musclées, répression des manifestations, arrestations arbitraires et détournements de fonds publics.

Au cours des poursuites judiciaires menées par le FBI, sous la supervision de la Procureur Général des Etats-Unis Loretta Lynch, plusieurs responsables de la FIFA ont été arrêtés en Suisse et aux États-Unis, dont l'ex-président de la Confédération Brésilienne de Football ou Confederação Brasileira de Futebol (CBF) José María Marín.

Marín a été député de São Paulo pendant la dictature militaire sous la bannière de l'Alliance pour la Rénovation Nationale ou Aliança Renovadora Nacional (ARENA), le parti qui soutenait la dictature militaire qui a gouverné le Brésil de1964 à 1985, et il faisait alors des discours enflammés contre la gauche. L'un de ces discours est pointé du doigt comme étant l'une des principales causes de l'arrestation, de la torture et du décès qui en a suivi, du journaliste Vladimir Herzog en 1975. Il s'est aussi rendu célèbre pour avoir dérobé la médaille d'or d'un athlète après la finale de la Coupe Junior de São Paulo sous l’œil des caméras de TV.

Le professeur et militant Marcelo Castañeda commente sur Facebook :

Não dá para comemorar a prisão do Marin/CBF sem fazer referência ao Igor Mendes, jovem lutador que continua preso em Gericinó por conta da fraudulenta Copa do Mundo; aos 23 ativistas que estão respondendo a processos por conta de serem considerados uma ameaça a este megaevento corrupto; e a todos os “pessimistas” que ousamos manter o grito ‪#‎NãoVaiTerCopa‬. Justiça que tarda sempre não é justiça.

On ne peut pas célébrer l'incarcération de Marin/CBF sans avoir une pensée pour Igor Mendes, le jeune manifestant arrêté à Gericinó au nom de sa lutte contre cette Coupe du Monde entachée de fraudes ; aux 23 activistes en attente de leurs procès, accusés d'être une menace à ce méga-événement corrompu ; ainsi qu'à tous les “pessimistes” qui ont osé maintenir allumée la flamme ‪#‎NãoVaiTerCopa‬. Justice qui tarde à être rendue n'est jamais justice.

Castañeda fait référence aux 23 activistes arrêtés à la veille de la finale de la Coupe du Monde, l'année dernière,  et accusés d'avoir encouragé les manifestations violentes de 2013 et 2014. Certains d'entre eux ont été arrêtés avant même de manifester, afin, selon la police, de les empêcher de susciter des actes de violence pendant la finale du Mondial.

Grito de protesto mais usado durante as manifestações por ativistas de todo o país

Mot d'ordre des manifestations anti-Coupe du Monde en 2013 et 2014

Plusieurs entités de défense des droits de l'homme soulignent les différentes lacunes du procès et la totale absence de preuves contre les 23 accusés.

Le procès a été temporairement suspendu la semaine dernière par le juge Siro Darlan, mais la décision n'annule en aucun cas l'ordre d'arrestation de trois des activistes — Eliza Quadros, mieux connue sous le surnom de Sininho, Karlayne Moraes Pinheiro,  sous celui de Moa, et Igor Mendes da Silva. Ce dernier est le seul, parmi les 23, a être encore détenu, puisque Sininho et Moa sont actuellement en fuite.

Scènes de violence contre les manifestants opposés à la réalisation de la Coupe du Monde à São Paulo

À propos de l'arrestation d'Igor Mendes, l'Agência Pública a rapporté l'événement dans un reportage répercuté par Global Voices:

Contra Igor Mendes, existe apenas o testemunho de Felipe Braz: quando os policiais foram à sua casa para detê-lo no dia 12 de julho, não encontraram nada que o comprometesse. Levaram um livro, um boné e um celular velho. Ficaram quatro horas com a mãe dele, que estava sozinha em casa (Igor tinha saído), interrogando-a de forma totalmente ilegal.

Contre Igor Mendes, il n'existe guère que le témoignage de Felipe Braz : quand les policers se sont présentés chez lui pour procéder à son arrestation le 12 juillet, ils n'ont absolument rien trouvé de compromettant. Ils sont repartis avec un livre, une casquette et un vieux téléphone portable. Ils sont restés quatre heures avec sa mère, qui était seule au domicile (Igor était sorti), à l'interroger de manière tout à fait illégale.

L'activiste Helena Palmquist rappelle aussi les huit travailleurs qui ont laissé la vie dans la construction des stades du Mondial — certains de ces sites devenus des éléphants blancs, sans utilité aucune. L'un d'entre eux, qui a coûté la bagatelle d'1,6 milliard de Réaux (NdT: Presque 454 millions d'Euros) sert actuellement de parking à autobus.

E o Rafael Braga Vieira, preso por porte de Pinho Sol num protesto contra a Copa, será solto? E o processo sem pé nem cabeça, pura perseguição política, contra 23 ativistas por protestarem contra a Copa, será extinto? E os direitos dos trabalhadores brasileiros violados durante a construção dos elefantes brancos da Copa, serão indenizados?

Et Rafael Braga Vieira, arrêté pour port de désinfectant ménager dans une manifestation contre la Coupe du Monde, sera-t-il libéré ? Et le procès sans queue ni tête, pure persécution politique, contre les 23 activistes accusés d'avoir manifesté contre le Mondial, sera-t-il annulé?  Et les droits des travailleurs brésiliens foulés aux pieds pendant la construction des éléphants blancs du Mondial, seront-ils indemnisés ?

Rafael Braga Vieira, à qui Palmquist fait allusion, est un ancien SDF, accusé de fabriquer des bombes artisanales pendant les manifestations de juin 2013, où il avait été arrêté avec une bouteille de désinfectant (NdT : antidote très efficace contre les projection de gaz lacrymogène). Jugé de manière sommaire, il purge aujourd'hui sa peine de quatre ans et huit mois de prison. Certains activistes soutiennent que Rafael n'avait aucun rapport avec les manifestants .

Le stade de la Coupe du Monde ont été presque intégralement payé grâce à l'argent public, et les dessous de table qui vont avec. 30 millions de réaux (8,5 Millions d'Euros) en achat de matériel d'armement ont aussi été dépensés dans la répression des manifestations.

L'activiste Juçara Viana confie:

Quando lembro o quanto fui criticada, ironizada e classificada por vários adjetivos por aqueles que defendiam, com muito amor e emoção, o grande evento que traria muitos benefícios aos país…e agora o silêncio ensurdecedor.Quando lembro das milhares de famílias que perderam suas casas, arbitrariamente e desumanamente desapropriadas…

Quand je me rappelle comment j'ai été critiquée, traitée par l'ironie avec des adjectifs des plus variés, par ceux qui défendaient avec tant d'amour et d'émotion, le grand événement qui apporterait tant de bénéfices pour le pays… et maintenant ce silence assourdissant. Quand je me rappelle les milliers de familles qui ont perdu leur maison, expulsées de manière si arbitraire et inhumaine…

PRotsto contra a COpa em São Paulo. Foto de Raphael Tsavkko Garcia, uso livre.

Manifestation contre la Coupe à São Paulo. Photo: Raphael Tsavkko Garcia, libre de droits.

Et la professeure Esther Solano conclut :

Uma perguntinha inocente e sem querer provocar. As pessoas que desprezaram os protestos contra a Copa e o “FIFA go home” como se os ativistas fossem um bando de loucos que dizem agora? Que tal um “vocês tinham toda razão”?

Une petite question innocente et sans provocation aucune. Les personnes qui ont traité par le mépris les manifestations contre la Coupe du Monde et le slogan “FIFA go home” comme si les activistes étaient une bande de dingues, que disent-ils aujourd'hui ? et pourquoi pas “vous aviez raison”

L'ex-président de la CBF (Confédération Brésilienne de Football), Ricardo Teixeira, qui vit actuellement au États-Unis, est rentré au Brésil pour éviter une possible arrestation, tout comme l'actuel président de la CBF, Marco Polo Del Nero, qui, lui, était en Suisse. Ils courent, cependant, toujours le risque d'être arrêtés, puisque la Police Fédérale brésilienne a ouvert une enquête de son côté contre la FIFA.