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Argentine: “Le repas de famille” : une expérience anthropologique

samedi 28 mars 2015 à 16:59

 Après avoir fait l'expérience d'un “repas de famille” du dimanche midi dans la maison de son fiancé argentin, la caricaturiste nord-américaine Sarah Glidden fait son enquête et tente de répondre à des questions sur les différences culturelles entre l'Argentine et les États-Unis d'Amérique. Pour beaucoup d'Américains du Nord, il est difficile de comprendre que la famille puisse se réunir chaque semaine… et que tous se réjouissent de le faire ! En Argentine,  ”même les dimanches ont une odeur différente“, celle de milliers de grillades familiales.

Historieta Supper Sunday publicado en el blog The Nib, imagen utilizada con autorización

caricature Supper Sunday (repas du dimanche) publiée sur le blog The Nib (la plume). Image utilisée avec autorisation

Comme je l'ai découvert assez vite, la famille de Fran n'est pas unique. Le repas de famille du dimanche midi est quelque chose d'habituel ici. La majorité des gens que je connais m'ont dit qu'ils se réunissaient pour manger avec leur famille au moins plusieurs fois par mois.

Se pourrait-il que la famille soit le territoire offrant la stabilité à un pays où la crise représenterait plutôt la normalité ?  Les Américains du Nord n'aimeraient ils pas suffisamment leurs familles ? Ou simplement la mobilité géographique les empêcherait-elle de se réunir régulièrement ? Toutes ces questions sont abordées par la caricaturiste.

Historieta Supper Sunday publicado en el blog The Nib, imagen utilizada con autorización

 Caricature Supper Sunday, publiée sur le blog The Nib,  Image utilisée avec autorisation

Mais, peut-on vraiment dire que les Américains du Nord haissent leur famille ? Est ce seulement un autre stéréotype de la culture nord-américaine que des gens comme moi répètent sans se poser de questions ?
Les Américains : individualistes, matérialistes, patriotes, égoïstes, inexplicable manque d'orgueil pour le beurre d'arachide , ont horreur de passer du temps en famille !

Ce post a participé à la 46ème édition du #LunesDeBlogsGV (Lundi des blogs de GV) du 9 mars 2015.

Les vidéos publicitaires d'un assureur allemand mettent en scène des femmes passives et dépendantes

samedi 28 mars 2015 à 16:50
Screenshot from a video, showing how a women cooks the favorite meal for her husband. A scene that seems to belong to the 1950s.

Capture d'écran d'une des vidéos, montrant une femme cuisiner un bon petit plat à son mari. Une scène qui semble appartenir ayx années 1950.

Les femmes s'indignent en allemagne des vidéos d'une compagnie d'assurance qui, pour expliquer différents types de contrats, décrivent les femmes comme passives e naïves — une image plus conforme aux attentes des années 1950 que de 2015.

Birte Vogel écrit sur son blog Thea – Frauen in Sprache, Medien und Gesellschaft (Thea – Les femmes dans la langue, les médias et la société) :

Die Rolle der Frau in den Augen der Alten Leipziger ist die der passiven Mutter und Tochter, des Mädchens, das selbst nicht Skateboard fährt, sondern den Jungen anhimmelt und ihn fotografiert, der gut situierten Ehefrau, die keinen Job hat und deshalb den lieben langen Tag am Gartenzaun stehen und tratschen kann, die keine Ahnung hat von Versicherungen, die sich gerne vom altväterlichen Gatten aufklären und belehren lässt und aus Sorge vor einer Scheidung gleich zurück an den Herd rennt, um dem Herrn etwas zu kochen. Eine Frau, die vollkommen abhängig ist vom Mann – wenn der sich scheiden lässt, bleibt ihr gar nichts mehr. Ganz klar: 50er Jahre.

Le rôle de la femme vu par l'assureur Alte Leipziger est celui de la mère et de la fille passives, de la petite fille qui ne fait pas elle-même de la planche à roulettes mais dévore des yeux le garçon et le photographie, de l'épouse aisée qui ne travaille pas et peut donc passer toute la sainte journée à la clôture du jardin à papoter, qui n'a aucune idée des assurances et se laissera volontiers expliquer et instruire par son époux paternaliste, et qui de peur d'un divorce court vite à ses fourneaux préparer le repas de son maître. Une femme complètement dépendante de l'homme — s'il divorce, elle perd tout. Pas de doute : les années 50.

Devant le tollé, la compagnie a retiré les vidéos. 

Sigi Lieb a réagi à la polémique par un tweet avec le mot-dièse #aufgewacht (#RéveillezVous) :

#RéveillezVous en 2015. Une vidéo publicitaire d'une rare bêtise représente les femmes en servantes niaises, et passives

Une iconothèque sous licence libre Creative Commons à la Landesbibliothek de Dresde

samedi 28 mars 2015 à 12:22
Capture d'écran de la page d'accueil de la colletion numérique de la SLUB

Capture d'écran de la page d'accueil de la colletion numérique de la SLUB de Dresde.

La bibliothèque nationale de Saxe, [Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek (SLUB)] de Dresde donne désormais accès à une partie importante de sa collection numérique, qui passe désormais sous licence CC-BY-SA.4.0.

Les licences Creative Commons sont des instruments simples permettant à un auteur d'accorder au public des droits d'utilisation particuliers sur ses oeuvres. Les licences Creative Commons sont soumises à différentes conditions : la licence CC-BY-SA-4.0 de la SLUB de Dresde autorise l'utilisation et la modification, y compris à des fins commerciales, de la collection, sous réserve de citer la source et de la mettre à disposition, sous la même licence.

La collection de la SLUB compte 72 365 titres ou 88 268 ouvrages ainsi que plus de 1,5 millions de documents iconographiques. Près de 75 pour cent des objets seront désormais régis par la licence Creative Commons. Sont exclus les objets numérisés des institutions tierces ou les objets qui ne peuvent pas être libérés car soumis à d'autres dispositions légales et accords. 

La SLUB de Dresde est l'un des principaux centres publics de numérisation. Elle propose des contenus importants à la Deutsche Bibliothek et à la Bibliothèque numérique europénne (Europeana). La SLUB de Dresde explique [en allemand] sur son blog les raisons ayant motivé ce projet. 

Wir sind davon überzeugt, dass das kulturelle und wissenschaftliche Erbe der Bibliotheken am besten genutzt werden kann, wenn es möglichst frei im Internet verfügbar ist. Auch die SLUB selbst profitiert bei der Entwicklung neuer Dienste von offenen Lizenzen (…). Entsprechend sollen die digitalisierten Bestände der SLUB ebenfalls offen und für innovative Projekte optimal verwertbar sein. Künftig sind unsere Digitalen Sammlungen einschließlich der Bilddatenbank der Deutschen Fotothek daher so weit als möglich unter einer Lizenz veröffentlicht, die der Definition für Offenes Wissen (Open Definition) entspricht.Wir sind uns sicher, dass sich die gleichermaßen berechtigten Interessen nach größtmöglicher Offenheit wie nach angemessener Vergütung schöpferischer Leistungen im Bereich von Wissenschaft und Forschung gut miteinander vereinbaren lassen.

Nous sommes convaincus que le meilleur moyen d'utiliser le patrimoine culturel et scientifique des bibliothèques est de le rendre disponible sur Internet avec le maximum de liberté. La SLUB profite elle-même des licences ouvertes en développant de nouveaux services (…). Les fonds numériques de la SLUB doivent être, à leur tour, ouverts et pouvoir être exploités de manière optimale pour des projets innovants. A l'avenir, nos collections numériques, y compris la banque de données iconographiques de la Deutsche Fotothek, doivent être publiées, autant que faire se peut, sous une licence répondant à la définition des connaissances ouvertes (Open Definition). Nous avons la certitude qu'il est possible de concilier les intérêts pareillement justifiés en faveur d'une ouverture maximum et d'une rémunération appropriée des travaux créatifs dans les domaines de la science et de la recherche.

 

Perspectives d'utilisation commerciale

Le site Web Flurfunk Dresden [en allemand] spécule désormais sur la manière dont la collection pourrait être utilisée à l'avenir : 

Darunter findet sich zum Beispiel die “Bibliotheca Gastronomica”, eine Sammlung alter Kochbücher. Mit der neuen Lizenz könnte man diese problemlos selbst zu einer Publikation machen und das fertige Produkt auch verkaufen – vorausgesetzt, man bietet die Inhalte unter den gleichen Lizenzbedingungen an (und wehrt sich also nicht, wenn jemand die Idee kopiert oder weiterentwickelt). Da es sich um digitales Material handelt, wäre z.B. auch möglich, aus den alten Rezepten eine kostenpflichtige Smartphone-App zu machen. Denkbar wäre auch, den Dresden Codex als eBook mit Übersetzung herauszugeben. Oder das Wagner-Material zu nehmen und…

On y trouve par exemple la “Bibliotheca Gastronomica”, une collection d'anciens livres de cuisine. La nouvelle licence pourrait permettre de réaliser sans problème une publication à partir de cette collection, voire de vendre le produit fini – à condition de proposer le contenu sous des conditions de licence identiques (on ne s'oppose donc pas à ce que l'idée soit copiée ou transposée). Ces documents étant disponibles sous forme numérique, on pourrait également imaginer réaliser une application payante pour smartphone basée sur les anciennes recettes. On pourrait également imaginer publier le Codex de Dresde sous forme de livre électronique assorti d'une traduction. Ou bien d'exploiter les documents du fonds Wagner, etc.

Voici quelques exemples de la collection numérique de la SLUB de Dresde sous licence CC-BY-SA-4.0 :

/mnt/goobi/processing-codedrm_280742827/codedrm_280742827_tif/jp

Page du manuscrit Maya appartenant à la collection numérique de la SLUB de Dresde. CC-BY-SA-4.0

Il existe un unique manuscrit maya accessible publiquement dans le monde entier, connu sous le nom de “Codex Dresdensis”, correspondant à 39 doubles pages d'une longueur totale de 3,96 m. Ce manuscrit contient des calendriers de rituels et de prédictions, des calculs sur les constellations des étoiles, sur les éclipes de la lune et du soleil ainsi que des prédictions sur les conditions météorologiques et les récoltes.

Les ouvrages disponibles numériquement comptent également des manusrits orientalistes. Cette collection comporte essentiellement des manuscrits ottomans, arabes et perses. Elle comprend par ailleurs de nombreux documents en tibétain, en mongol et en hébreu.

La collection comporte en outre des documents sur l'histoire allemande, comme le Sachsenspiegel, un recueil juridique du 14ème siècle, ou des documents appartenant à l’histoire des techniques.  La musicologie n'est pas en reste, notamment avec les oeuvres de Richard Wagner, comme le manuscrit original de l'Oratorio La Cène des Apôtres, la première édition de la partition de Tannhäuser ainsi que différents livrets, textes théoriques, lettres manuscrites ainsi que les voix de la première représentation du Hollandais volant de Richard Wagner, à l'opéra de la Cour (Hofoper) :

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Richard Wagner “Le Hollandais volant”. Collection numérique de la SLUB de Dresde. CC-BY-SA-4.0

La Deutsche Fotothek compte de nombreuses photographies, cartes, esquisses, etc. réalisées sur plusieurs siècles par des photographes de renom :

Hulda Hanisch dans sa chambre. CC-BY-SA-4.0 von

Rosswein en 1928 : Hulda Hanisch dans sa chambre. Deutsche Fotothek de la SLUB de Dresde. CC-BY-SA-4.0

 

 

Les Tunisiens contre la désinformation sur ‘l'occupation par l'EI des lieux de tournage de la guerre des étoiles’

vendredi 27 mars 2015 à 23:20
No trace for ISIS at the second edition of Les Dunes Électroniques music festival held in February this year at the Star Wars filming site in Nefta, Tunisia. Photo by the festival's facebook page

Pas trace de l'EI lors de la seconde édition du fesival de musique électronique les Dunes Electroniques qui a eu lieu cette année en février sur le site de Nefta, Tunisie,  où a été tournée la Guerre des Etoiles. Photo de la page Facebook du festival

Les Tunisiens ridiculisent des reportages inexacts des médias qui prétendent que le lieu de tournage de la Guerre des Etoiles dans le le sud de la Tunisie est contrôlé par les extrémistes violents du groupe Etat Islamique.

Le 24 mars, CNN a publié un article sur la ville de Tataouine, dans le sud de la Tunisie, qui a donné son nom à la planète imaginaire Tatooine dans le  film. L'article prétend qu'elle est une ‘base pour les djihadistes’ . Depuis, d'importants journaux grand public dont le Huffington Post, le Washington Post et le Guardian ont repris cet article.

A few headlines on ISIS taking over Tatooine as they appear on Google News

Quelques unes sur le contrôle d'EI sur Tataouine trouvées sur Google News

Comment ces médias internationaux et prétendus professionnels ont-ils pu en arriver là ?

Pour preuve de son récit, CNN a utilisé des informations sur l'arrestation de trois jeunes gens de Tataouine qui tentaient de traverser la frontière pour rejoindre en Libye un groupe de militants, et sur la découverte de caches d'armes et de munitions dans la ‘région’ (sans préciser le lieu exact).

Les caches d'armes auxquelles CNN fait référence, avaient cependant été découvertes plus tôt en mars à Ben Gardane, ville située à la frontière libyenne dans la région de Médénine, à près de deux heures de route de Tataouine.

Nazanine Moshiri d'Al Jazeera en anglais explique à Ben beaumont-Thomas, assistant du rédacteur en charge au Guardian :

Tataouine est une vraie ville. Le site de la Guerre des Etoiles n'est pas par ici. Il n'y a aucune preuve que la ville de Tataouine soit utilisée comme base par EI.

EI n'a pas de base en Tunisie. Il est vrai que des armes ont été trouvées à Ben Gardane près de la frontière. Mais pas près de Tataouine ou du site de la Guerre des Etoiles.

Il n'y a pas non plus de lien prouvé entre les armes trouvées à Ben Gardane et l'Etat Islamique.

De plus, le fait que des jeunes gens se rendent en Lybie et en Syrie pour rejoindre des groupes militants ne veut pas dire que les villes et les villages dont ils sont originaires soient des bases pour EI ou pour tout autre groupement militant. Mais, parce que cela se passe à Tatooine (je veux dire Tataouine), l'histoire (si tant est qu'il y en ait une) était trop sensationnelle pour que les médias et journalistes à l'affût de milliers de pages vues passent à côté.

De fait, le site où s'est passé le tournage de la Guerre des Etoiles n'est pas à Tataouine, même si la planète imaginaire en tire son nom. Le site de tournage est dans la ville de Nefta, dans la région de Tozeur, à cinq heures de route de Tataouine.

Google Maps shows the actual distance between Tataouine and the spaceport of Mos Espa on the fictional planet of Tatooine

Sur les cartes Google on voit la distance qui sépare Tataouine de la base spatiale de Mos Espa sur la planète imaginaire de Tatooine.

Sur Medium.com, AJ+ discrédite l'article de CNN :

Pour des journalistes c'est une histoire séduisante. Une planète déserte dans une galaxie très très lointaine devient le refuge de combattants qui sont passés du côté obscur de la Force. Malheureusement (du moins dans cette histoire), les films de la Guerre des Etoiles n'ont pas été tournés à Tataouine, même si le nom de la planète imaginaire Tatooine s'en inspire. Le lieu de tournage du film le plus proche est à Ksar Ouled Soltane, et c'est l'un des sites utilisés pour le quartier des esclaves où vivaient Anakin Skywalker et sa mère dans l'épisode 1 de la Guerre des Etoiles  la Menace Fantôme.

Sur Twitter les commentaires sont ironiques:

Yamine Thabet, présidente de L'Association Tunisienne de Soutien aux Minorités, twitte:

Hedi twitte:

R2D2 sur le point d'être décapité par C-3PO

URGENT:  La Tunisie investit des millions de milliards dans de nouvelles armes pour combattre l‘EI

Le journaliste Frédéric Gedhof, basé à Tunis, twitte pour montrer ce qui se passe à Nefta sur le lieu où a été tournée la Guerre des Etoiles :

En réalité, le mois dernier, l'endroit où a été tourné la Guerre des Etoiles s'est transformé en une gigantesque piste de danse pour les touristes et les jeunes Tunisiens qui participaient au festival de musique électronique Les Dunes Electroniques.

Youth partying at the Star Wars set in Southern Tunisia. Photo by the Facebook Pages of the Electronic Dunes Festival

Les jeunes font la fête sur le lieu du tournage de la Guerre des Etoiles dans le Sud de la Tunisie. Photo des pages Facebook du festival Dunes Electroniques

Les lieux de tournage de la Guerre des Etoiles sont des attractions touristiques très fréquentées. Alors que le tourisme, secteur essentiel de l'économie tunisienne, traverse de grosses difficultés après l'attentat mortel du Musée du Bardo, cette affaie de la Guerre des Etoiles a scandalisé la Tunisienne Wafa Ben Hassine qui twitte à Ishaan Tharoor du Washington Post :

Cet article est gravement inexact. Il prétend qu'il y a des armes sur les lieux de tournage du film. Ce qui est faux. Cet article n'est qu'une atteinte supplémentaire au tourisme.

Vous avez conscience de l'impact de votre article sur les moyens de subsistance d'un pays ?

A la suite de la colère provoquée sur les réseaux sociaux, le Guardian et le Huffington Post ont posté des rectificatifs. Mais c'est trop tard. Une recherche en anglais sur Google News sous ‘ISIS Star Wars set’ montre l'étendue des dégâts déjà causés.

Des idées folles, mais peut-être le seul espoir pour sauver le rhinocéros africain

vendredi 27 mars 2015 à 19:42
Northern white rhino

En plus grand nombre que le rhinocéros blanc du nord en danger d'extinction, le rhinocéros blanc du sud subit les assauts destructeurs des braconniers. Photo sur Flickr d'Elizabeth Haslam. CC-BY-NC-SA 2.0

Ce post d’Adam Welz a été tout d'abord publié sur Ensia.com, une revue en ligne qui met en valeur des actions écologiques internationales, il est republié ici en vertu d'un accord de partage de contenu.

En 1909, à l'issue de son second mandat comme président des USA, Theodore Roosevelt se lança dans une ambitieuse expédition à travers l'Afrique de l'est pour tuer des spécimens de rhinocéros pour les plus grands musées de son pays, accompagné de son fils Kermit et d'une poignée de naturalistes. Il collecta plusieurs milliers d'animaux, depuis les éléphants jusqu'aux musaraignes, depuis les grands prédateurs jusqu'aux petits oiseaux chanteurs. Le butin de l'expédition fut conservé grâce à 4 tonnes de sel et transporté au travers des vastes savanes par de grandes équipes de porteurs africains dont certains  trouvèrent la mort en chemin.

La capture la plus emblématique de cet épique safari scientifique de Roosevelt fut le rhinocéros du Nil, une espèce mystérieuse à lèvres carrées que l'on trouvait sur le cours supérieur du Nil, dans les régions situées aujourd'hui au Sud Soudan et dans le nord de l'Ouganda. Les zoologistes notèrent la remarquable similarité avec celui que l'on appelait le rhinocéros d'Afrique du sud, mais de taille plus petite et, bien sûr, séparé de lui par des millers de kilomètres. S'agissait-il de la même espèce, les experts ne pouvaient l'affirmer. Teddy et Kermit ne tuèrent que 9 rhinocéros du Nil alors qu'ils en avaient vu 10 fois plus. Roosevelt écrivit à ce sujet : “ On en connaît trop peu sur ces rhinocéros du Nord à bouche carrée pour être sûr qu'il ne soient pas en évolution vers l'extinction,  nous ne voulons pas les tuer uniquement comme des trophées”. 

La prudence de  Roosevelt était justifiée. Le rhinocéros du Nil, après des décennies de chasses au trophée et de braconnage, est réellement au bord même de l'extinction. Appelé souvent aujourd'hui rhino blanc du nordil n'en existe plus que cinq spécimens, tous en captivité et incapables de se reproduire. Les rhinos blanc du sud eux, subissent les attaques meurtrières des braconniers, bien qu'ils soient les plus nombreux parmi les espèces de rhino dans le monde, leurs défenseurs estiment que si la tuerie continue à ce rythme, tous les rhino blancs sauvages du sud auront disparu dans les douze ans qui viennent. 

L'importance de la crise qui touche ces espèces très proches a fait surgir un nombre ahurissant de solutions proposées, dont  beaucoup soulèvent de sérieux problèmes d'éthique, des risques imprévus, de conséquences préoccupantes ou s'appuient sur des technologies non éprouvées. Nous avançons tête baissée dans une zone dans laquelle de nouvelles  technologies peuvent maintenant nous permettre de sauver des espèces autrefois considérées comme condamnées, mais aussi où les menaces surviennent sous des formes inimaginables auparavant que les protecteurs habituels de la faune ne peuvent pas gérer.

 La cryo-conservation

Au temps de Teddy Roosevelt, sauver une espèce ne demandait pas plus que déclarer sa chasse illégale et protéger une zone où elle pourrait vivre.  Cette méthode a bien fonctionné pour le bison américain mais a échoué pour le tétras des prairies, un oiseau nord-américain qui vit au niveau du sol et dont l'extinction en 1932 a résulté d'une série de facteurs (incluant des problèmes de croisements génétiques), les conservateurs n'avaient, à l'époque,  ni la connaissance suffisante, ni les outils pour les gérer. 

Northern white rhino cells

 Parmi les prélèvements cellulaires congelés stockés à l'institut de San Diego pour les Recherches sur la conservation des espèces “Frozen Zoo”,  on trouve des échantillons provenant de 12 rhinocéros blanc du Nord . Photo  du zoo de San Diego.

Si le rhino du Nil avait été dans sa situation difficile actuelle il y a un siècle, l'espèce aurait déjà certainement disparu. Mais aujourd'hui ceux qui veillent sur lui estiment qu'on peut encore la sauver en poussant à ses extrêmes limites la science de la reproduction. 

Trois des cinq derniers rhino du Nil sont deux femelles et un mâle qui vivent au Kenya dans le Ol Pejeta Conservancy. Ces animaux n'ont pas réussi à se reproduire pour différentes raisons.  Des chercheurs allemands et sud-africains  voudraient maintenant expérimenter les techniques d'insémination artificielle sur un groupe de rhinocéros blancs en Afrique du Sud dans l'espoir de l'appliquer dès que possible aux derniers rhinocéros du Nil du Kenya, ultime tentative pour obtenir une reproduction.

L'Institut pour la conservation des espèces de San Diego héberge un “Zoo congelé” ou des cellules d'animaux menacés de disparition, incluant 12 spécimens de rhinocéros du Nil, sont conservées dans l'azote liquide. Travaillant en collaboration avec les équipes allemandes et sud-africaines, l'équipe du “Zoo congelé”  se propose d'utiliser une technique développée par l'institut de recherche Scripps pour transformer les cellules congelées de rhinocéros du Nil en cellules souches qui théoriquement pourraient être utilisées pour développer un embryon mis en incubation dans le zoo. Bien des pièces du puzzle restent à comprendre, mais l'équipe de San Diego vient de recevoir une aide financière pour cartographier les différences génétiques qui existent entre le rhinocéros du Nil et le rhinocéros blanc du sud, c'est un élément essentiel de l'opération. 

Certains défenseurs de l'environnement craignent que si les scientifiques réussissent à recréer un animal à partir de cellules stockées à bon marché dans une bouteille, les fonds publics seront retirés des opérations de préservation de la faune pour aller vers ces opérations beaucoup plus spectaculaires. Certains craignent également qu'un jeune rhinocéros du Nil élevé par des rhinocéros blancs du sud en captivité, pourrait ne jamais apprendre les comportements vitaux pour sa survie en liberté. Pourrons-nous réellement dire que nous avons sauvé le rhinocéros du Nil s'il se comporte comme les rhinos blancs pensionnaires de zoo ? 

Expériences de transferts

Les pas en avant pour sauver les rhinos blancs du sud des attaques incessantes de braconniers et de trafiquants toujours mieux organisés qui vendent leurs cornes, pour un prix extraordinaire en Asie, à des consommateurs croyant qu'elles permettent de guérir des cancers et d'autres maux, et à des hommes d'affaires à la recherche du symbole de leur statut social, sont extrêmement incertains. 

Des opérations de déplacement à grande échelle sont maintenant organisées sur des centaines de rhinocéros du parc national Kruger et d'autres grandes réserves à risque. La plus grande  population de rhinocéros blancs du Sud (environ 7000 animaux), se trouve dans le Parc national Kruger  en Afrique du Sud. C'est l'épicentre du braconnage mondial de rhinos : 827 carcasses y ont été comptabilisées en 2014, et le nombre actuel pourrait dépasser 1000 individus. Malgré le renforcement des Rangers par des unités militaires et l'amélioration de la connaissance des gangs de braconniers, les autorités du parc ont été incapables d'endiguer le massacre. Des déplacements à grande échelle sont donc organisés vers d'autres réserves en Afrique du Sud ou dans des pays voisins comme le Botswana —  leurs destinations exactes sont gardées secrètes parce que les gangs de contrebandiers sont connus pour attaquer les camions qui les transportent et y tuer les rhinos. Il existe même un projet d'installation de ces populations de rhinos africains en Australie.

En Afrique du Sud, beaucoup de défenseurs de l'environnement sont lassés de ces déplacements de rhinos à large échelle. Elles sont  en effet très chères et les braconniers sont maintenant extrêmement mobiles, utilisant des hélicoptères et des équipements de vision nocturne pour trouver les animaux dans les zones les plus reculées. Ces grands transferts de population peuvent même attirer des braconniers dans des zones auparavant tranquilles. La fierté nationale entre également en jeu :  envoyer les rhinos vers d'autres pays c'est, pour les sud-africains, admettre la défaite. 

Pourtant les transferts soigneusement sélectionnés sont une méthode éprouvée de protection et ont été utilisés pour stimuler la population de rhinos et sauver d'autres espèces dans le passé. Il est certain que l'importance de ces transferts doit être limitée dans le contexte actuel, compte tenu aussi du risque d'attirer de nouveaux braconniers (ces deux problèmes peuvent être résolus en ne déplaçant que de petits groupes soigneusement choisis d'animaux)

Par ailleurs une fierté nationale déplacée a été la cause de la disparition de la population sauvage des rhinocéros du Nil qui vivaient dans le Parc national Garamba  dans la République démocratique du Congo. Au début des années 2000, des protecteurs de l'environnement avaient prévu un transfert de la trentaine d'animaux qui restaient encore en vie vers le Kenya pour garantir la survie de cette espèce. Des hommes politiques à sensibilité nationaliste au Congo ont annulé ce transfert, le braconnage s'est intensifiée et une enquête réalisée en 2008  n'a retrouvé dans ce parc aucun rhinocéros survivant.

Briser le charme

Certains envisagent de les sauver en rendant leurs cornes sans intérêt : un groupe de Sud-Africains amoureux des rhinocéros a commencé à injecter des toxiques fortement colorés  dans les cornes de rhinocéros vivants. Leur but: rendre ces cornes inutilisables pour les braconniers et dangereuses pour les consommateurs. Une approche également controversée, les empoisonneurs de cornes pourraient être déclarés responsables du dommage causé aux consommateurs  même si ces derniers participent à une action totalement illégale. Des scientifiques pensent également que le mélange toxique ne saturant pas totalement la corne, ce serait du temps perdu !

Un groupe influent d'éleveurs sud-africains prend la position inverse : si les consommateurs asiatiques ne cessent pas de payer un prix absurde pour des cornes de rhinocéros braconnées illégalement, les Africains pourraient changer la donne de ce commerce international illégal en créant un commerce légal de cornes provenant de rhinocéros d'élevage ! (les cornes de rhinocéros peuvent être coupées au bout d'un certain nombre d'années, avec précautions, sans blesser l'animal, il arrive même qu'elles repoussent) ; puis d'inonder le marché avec des cornes légales, rendant sans intérêt un trafic criminel, et générant des revenus pour la protection des rhinocéros.

L'opposition internationale à un trafic légal des cornes est très élevée, rendant extrêmement peu probable la possibilité que les traités internationaux puissent être modifiés dans un temps significatif pour la survie des rhinocéros. La proposition peut paraître séduisante dans un premier temps, pourquoi ne pas gagner des dollars pour le bien-être des rhinocéros sans les tuer ? Pourtant, des esprits critiques connaissant bien le marché asiatique estiment que le commerce légal de produits de la faune sauvage doperait la demande et légitimerait leur usage au yeux des consommateurs, créant de nouveaux réseaux au travers desquels les braconniers pourraient blanchir leurs produits. 

C'est ce qui se passe actuellement avec le commerce légal de l'ivoire des éléphants et les produits issus des tigres d'élevage en Chine. Loin de réduire la pression sur les éléphants et les tigres sauvages ce procédé a rendu ces produits plus visibles et désirables pour la société chinoise, accentuant encore plus le braconnage. Il n'y a plus maintenant aucun moyen de discerner ce qui vient  de l'élevage légal et ce qui vient du braconnage, rendant beaucoup plus facile la vente de tous les produits sur le marché légal. Les cornes de rhinocéros venant du braconnage ou légalement récoltées seront identiques rendant très difficile une application plus stricte de la loi.

Il serait également très difficile, peut-être impossible, pour  les éleveurs de rhinocéros  d'atteindre leur double objectif :  générer d'importants profits pour la protection de ces animaux et inonder le marché pour faire disparaître les trafiquants. Générer des ressources pour la protection signifie vendre les cornes à un prix élevé, couper l'herbe sous le pied de cette industrie criminelle signifie les vendre bon marché, comment faire les deux à la fois ?  

Des solutions de type militaire

Le braconnage des rhinocéros se produit souvent dans des zones vastes, difficiles d'accès est donc difficiles à contrôler. Le parc Kruger, par exemple, est à peu près de la taille de l'Etat d'Israël, d'autre parcs africains sont encore plus grands. Néanmoins quelques sociétés de surveillance sont en train de réorienter des technologies militaires pour améliorer les possibilité de contrôler de telles superficies. Une panoplie vertigineuse de drones, caméras à longue portée, microphones hypersensibles, stations de surveillance de téléphone portables et logiciels de pointe, est en place dans le but de trouver les braconniers avant qu'ils ne frappent.  

Bien des équipes anti-braconnage en sous effectif sont en faveur de l'utilisation d'une technologie militaire. Néanmoins des critiques mettent en avant le coût d'un tel matériel, soulignant que des milliards dépensés dans des buts similaires  n'ont pas permis  de stopper le flot d'immigrants illégaux et de drogues au travers des frontières américaines. D'autres se demandent si les touristes continueront à visiter des parcs ressemblant de plus en plus à des camps militaires.

Des cornes de culture

Si ce qui intéresse les clients est uniquement la corne du rhinocéros, pourquoi ne pas laisser ces animaux en paix et la faire pousser en laboratoire? Une société basée à Seattle, Pembient, se propose de faire pousser des cornes de rhinocéros identiques aux naturelles et par la suite d'autres produits dérivés de la faune sauvage,  en utilisant des biotechnologies de pointe et ….une bonne dose d'optimisme technologique de type Silicon Valley ! 

La critique ici il vient de ce que, comme pour la vente de cornes provenant de fermes d'élevage légal, cette méthode pourrait avoir un effet inverse dévastateur. Elle pourrait dissociéer dans l'esprit de certains consommateurs l'image de la corne du grossier commerce de braconnage, rendant son usage plus acceptable socialement. Cela pourrait également avoir un effet contre-productif en augmentant la demande des cornes braconnées qui serait vues comme des  cornes véritables plus authentiques et efficaces.

C'est ce qui est déjà arrivé avec le ginseng américain, une plante  poussant naturellement sur les sols forestiers dans le nord-est des USA et très recherché par la Chine pour usage médical. La création d'une culture industrielle de cette plante a fait apparaître le ginseng sauvage de meilleure qualité et plus attirant, les prix de ce dernier ont monté et la pression sur la population sauvage s'est accrue encore plus. De petite activité saisonnière, la collecte du ginseng est devenue une activité très lucrative dans des endroits comme les Appalaches. La récolte illégale s'est largement répandue et de violents conflits se produisent maintenant au sein de communautés autrefois paisibles sur des sites naturels de croissance de cette plante.

Dissuader la demande

La dernière solution au braconnage et au commerce illégal de produits issus de la faune sauvage est, évidemment,  de persuader les gens de ne pas les acheter— une approche existe connue sous le nom de “réduction de la demande”.  La plupart des groupes écologistes ont accordé très peu d'attention à cette approche dans le passé, mais des organisations comme celle que je représente, WildAid, ont fait des avancées sensibles en orientant l'attitude du public contre ce type de produit, en provoquant une baisse de la consommation à l'aide de techniques mis au point par Hollywood et l'industrie de la publicité.

Il y a toujours le risque pour une campagne d'avoir des conséquences inattendues. Par exemple, WildAid s'est associé avec la superstar du basket-ball chinoise Yao Ming  et d'autres vedettes dans une campagne contre le cruel et inutile abattage des requins pour la soupe d'ailerons de requins, un plat dont la consummation a explosé en Chine du fait de la santé florissante de ce pays.

Les campagnes télévisées, les annonces et panneaux d'affichage ont été vus par des centaines de millions de Chinois, l'année dernière au moins 85 % des personnes ayant accepté de répondre à une enquête publique dirent qu'elles avaient abandonné la consommation de ce plat dans les trois dernières années, le motif le plus habituellement cité étant la prise de conscience provoquée par les campagnes. Les grossistes chinois constatèrent une chute massive des ventes, et les pêcheurs en Asie furent privés du commerce des ailerons de requins du fait d'un effondrement des prix.

Des groupe de protection de la faune sont actuellement en train de mettre en place par bouche-à-oreille, sur les médias et les téléphones portables des campagnes contre le commerce de l'ivoire et des cornes de rhinocéros en Asie, des sondages ont montré que l'attitude du public avait commencé à évoluer contre ces produits. Il y a néanmoins encore beaucoup à apprendre et il existe toujours un risque qu'une campagne développe des conséquences inattendues. Beaucoup de groupes de protection de la nature refusent ainsi de proposer un chiffre pour le prix d'une corne de rhino d'élevage atteignant des niveaux astronomiques dans la rue, de crainte d'encourager encore plus le trafic.

Au delà de l'imagination

Dans un passé récent la préservation d'une espèce en danger consistait principalement à comprendre sa biologie, la protéger, gérer son habitat et militer pour la mise en place de lois adéquates. Aujourd'hui sauver des espèces très précieuses comme les rhinocéros et les éléphants signifie déjouer les manœuvres d'habiles braconniers et de réseaux de trafiquants, tous étonnamment  bien financés, capables d'utiliser des technologies de pointe et peu menacés par une juridiction complexe et inefficace. 

Les protecteurs de la faune doivent, pour leur part,  devenir des experts en manipulation génétique, en criminologie, en technologies militaires, et en marketing.  Ils doivent affronter des problèmes pratiques et éthiques que la génération précédente n'aurait pas pu imaginer ! Il n'y a évidemment pas de solution magique. Ils n'ont d'autre choix que de s´agripper au futur et se colleter avec des technologies hasardeuses pour que les rhinocéros et des milliers d'autres espèces continuent à exister dans des conditions de vie proches de leurs conditions ancestrales.

Adam Welz  est un écrivain, cinéaste, ornithologiste passionné, orateur convaincu et convaincant. Il est le représentant de WildAid en Afrique du Sud, une ONG qui se bat pour que cesse la demande des produits illégaux issus de la faune sauvage.

Son tweet: @AdamWelz and @WildAid_SA.