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“Pourvu que la mort soit rapide !” Le témoignage depuis la Ghouta orientale du dentiste Aous Al Mubarak

mardi 6 mars 2018 à 16:30

Photo Samir Al Doumy. Utilisation autorisée. Source.

Ce qui suit est le témoignage de Aous Al Mubarak, un dentiste de Harasta, une ville dans la zone syrienne assiégée de la Ghouta orientale, où le régime syrien et ses alliés sont en train de mener une campagne de bombardements intenses. Contrôlée par les rebelles anti-régime, la Ghouta orientale est soumise au siège du régime syrien et de ses alliés depuis la fin de 2013.

Plus de 120 personnes ont été tuées entre le 6 et le 8 février seulement, et le 19 février, ce sont plus de 110 personnes qui sont mortes en une seule journée. Certaines estimations chiffrent à un millier le nombre total de civils tués dans les trois derniers mois. Depuis le 18 février, plus de 650 personnes ont été tuées, dont plus de 150 enfants. Les infrastructures civiles sont aussi gravement endommagées, avec plus de 25 hôpitaux et centres de santé bombardés, certains plus d'une fois en quatre jours.

Cet article a été originellement publié en arabe le 1er mars 2018.

J'écris ceci après dix jours des pires souffrances que j'aie vues depuis sept ans. Je retiens mon souffle, comme chacun ici, et ma poitrine est remplie du chagrin des horreurs continuelles dont je suis témoin, car le pilonnage est incessant. Le bombardement des civils a diminué, mais dans l'ensemble il s'est intensifié et les combats se poursuivent toute la journée, sur tous les fronts de la Ghouta que les forces d'Assad et ses supplétifs veulent prendre d'assaut.

Je ne voudrais pas que mes lecteurs pensent que j'ignore la vérité dans ce que j'écris, notamment après la résolution 2401 du Conseil de Sécurité, approuvée à l'unanimité y compris par la Russie, et après l'annonce par le gouvernement russe d'une trêve quotidienne de cinq heures pour évacuer les civils en contradiction avec la résolution du Conseil de Sécurité. Nous nous sommes accoutumés aux déclarations des grandes puissances qui contredisent leurs actes. La réalité est qu'il n'y a pas même eu de trêve de cinq minutes ces dix derniers jours.

J'ai du mal à décrire l'épuisement, la catastrophe et les horreurs, et leur effet cumulé des sept dernières années, mais pour placer ma description de la réalité d'aujourd'hui dans son contexte, une récapitulation est nécessaire.

La révolution syrienne a commencé au printemps 2011, inspirée par les révolutions du printemps arabe qui l'ont précédée, et qui cherchaient à mettre fin à la tyrannie et à la dictature et à rendre le pouvoir au peuple. Des manifestations pacifiques ont éclaté dans la plupart des villes et villages de Syrie. A ces manifestations Assad, qui a hérité le gouvernement de la république de son père, a riposté par la répression, les tueries, l'emprisonnement et les tortures à mort, car il refusait de donner des droits au peuple.

Un an en gros après le début de la révolution, des milliers de martyrs et des dizaines de milliers d'emprisonnements plus tard, après l'absence de réponse du régime à aucune des revendications, si minimes soient-elles, et sa poursuite d'une répression brutale, les protestataires ont commencé à s'armer. La révolution était en marche vers une militarisation. Les groupes radicaux, avec les encouragements du régime Assad, ont exploité la situation sous les auspices d'une protection des civils et du droit légitime à l'auto-défense, brouillant leurs programmes radicaux et prétendant, au contraire, prendre ces dispositions par altruisme et sens du sacrifice. A mesure que leurs milices augmentaient en nombre, ils affichaient leur idéologie extrémiste et leurs violations des droits humains, sans que nl n'ose les défier pour ne pas légitimer la propagande indiscriminée du régime contre tous. Car le régime n'a jamais cessé de bombarder les zones dont il avait perdu le contrôle, y ciblant quotidiennement les civils.

Telle était la situation dans la plupart des zones qui n'étaient plus sous le contrôle du régime au bout des trois premières années, dont la Ghouta orientale, proche de Damas. En 2013, cependant, la Ghouta orientale connut deux événements majeurs, qui ont eu une forte incidence sur la région.

Le premier événement était le deuxième plus grand massacre à l'arme chimique depuis la deuxième guerre mondiale (dépassé seulement par le massacre de Halabja de Saddam Hussein en 1988). 1.500 personnes ont péri, en majorité des femmes et des enfants, et des dizaines de milliers d'autres ont été intoxiquées. Une journée d'horreur, comparée par les témoins aux descriptions du Jugement Dernier. Le régime Assad s'en est tiré impuni après avoir accepté de renoncer à ces armements. Mais en réalité, le régime ne livra pas la totalité de son arsenal d'armes chimiques, qu'il a utilisé des dizaines de fois depuis, l'exemple le plus étendu étant Khan Sheikhoun, attribué par le Mécanisme conjoint d'enquête de l'OPCW-ONU [l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques] au régime Assad.

Le deuxième est le siège imposé par le régime Assad à la Ghouta orientale, qui a entraîné la famine et a coupé l'approvisionnement en médicaments, combustible, électricité, eau et autres biens de première nécessité, contraignant les habitants à recourir à des méthodes primitives pour subvenir à leurs besoins. Des centaines de personnes sont mortes de faim et de manque de médicaments, s'ajoutant aux milliers de morts dans les bombardements quotidiens des civils. Le siège continue aujourd'hui, alors que le régime laisse entrer quelques provisions dans la zone, accessibles à des prix dix fois plus élevés qu'à Damas, et bloque les marchandises pendant des mois d'affilée, ce qui fait des prix dans la Ghouta les plus élevés du monde.

Après cinq ans, les 450.000 habitants de la zone ont oublié ce qu'était vivre non assiégés, et des enfants sont nés qui n'ont jamais vu un fruit, qui ne connaissent pas les terrains de jeu, l'électricité, ou la télévision, et qui ne savent pas ce qu'est vivre en sécurité. 

Des combats ont éclaté entre groupes radicaux, et entre modérés et radicaux, causant des divisions internes à la Ghouta orientale. Mais l'extrémisme a diminué avec l'étiolement de l'EI et la réduction de Nosra à moins de 1.000 [combattants].

Je ne dirai pas que tout ce que nous avons vécu était horrifique, car la société a réussi à faire de grands pas vers l'auto-gouvernance démocratique, le plus important étant l'élection de conseils locaux ouverts à la participation de tous et toutes, y compris les femmes—quelque chose qui ne s'était jamais produit en cinquante ans de pouvoir des Assad père et fils. Nous avons aussi vu le développement de nombreuses initiatives civiles pour renforcer l'idée des droits humains et du développement social.

Mais tout ceci subit les coups de boutoirs constants des attaques du régime Assad. Le nombre des morts dans la Ghouta atteint les dizaines de milliers, parmi lesquels ceux dont les demandes d'évacuation médicale ont été refusées par le régime Assad. Malgré tous les discours sur les accords de désescalade et de trêve, les crimes du régime n'ont jamais cessé. Les habitants de la Ghouta écoutent les informations et les déclarations, puis regardent leur réalité pour seulement trouver que rien ne change.

On ne nous a pas crus quand nous disions que le régime ne connaissait rien à la politique, à part régurgiter sa propagande sur les forums internationaux et appliquer sa solution militaire, rejetant l'idée de négocier sur les droits de la population. Aucune solution politique ne peut être atteinte, parce que le régime refuse  de renoncer à la moindre part de sa “propriété” du pays, et en est peut-être incapable.

Dans la continuité de sa politique, le régime a lancé une opération d'une brutalité sans précédent sur la Ghouta dans la nuit du 18 février 2018. Nous avons survécu à des centaines de massacres et de bombardements, mais nous n'avions jamais vu rien de tel.

Chaque jour des dizaines de milliers de bombes, d'obus et de barils d'explosifs sont largués. A tout moment, les avions de chasse et les hélicoptères peuvent commencer à pulluler au-dessus de la Ghouta, et les tirs d'artillerie et les lance-roquettes pilonnent les quartiers résidentiels sans relâche. La Ghouta est désormais totalement paralysée, et les habitants forcés à chercher abri dans les sous-sols. Les rues sont désertes et les magasins fermés.

Les avions utilisent un type de bombe hautement explosive que nous n'avons jamais vue avant : une seule d'entre elles est capable de faire tomber un immeuble de six étages. Des dizaines d'immeubles se sont écroulés sur leurs occupants, et les abris souterrains se sont effondrés sur les femmes et les enfants, écrasés sous les décombres.

Les bombes nous entourent de tous les côtés, les roquettes nous assourdissent et nous font craindre que notre tour soit venu. Nous sommes tous d'accord sur une chose : si cela doit arriver, que la mort soit rapide pour nous et nos enfants. Une mort sans souffrance, pas une mort lente sous les décombres.

Les hôpitaux de campagne souterrains débordent de morts et de blessés, et les médecins n'arrivent plus à travailler jour et nuit. Les hôpitaux sont continuellement bombardés pour empêcher que les blessés soient soignés, comme le régime l'a fait pour les contestataires en 2011, quand il les empêchait d'être soignés et les arrêtait à la porte des hôpitaux.

Quant aux Casques Blancs, ce sont les gens les plus nobles que j'aie rencontrés depuis le début de la révolution. Ils sont de vrais héros, qui se précipitent immédiatement dans les zones bombardées, malgré la densité et l'intensité du pilonnage, pour sauver les blessés et retirer les victimes de sous les décombres. Les abris souterrains effondrés sont une nouveauté pour les Casques Blancs, mais cela ne les a pas empêché de creuser des tunnels depuis les rues voisines pour les atteindre.

Certains d'entre eux sont morts en martyrs dans l'exercice de leur noble mission, et leurs centres ne sont pas épargnés par la concentration de bombes qui cherche à les mettre hors service et à tuer le plus de monde possible. On ne s'étonnera pas que le régime Assad et ses soutiens les haïssent et répandent les mensonges sur eux. Le dernier en date est qu'ils prépareraient une attaque chimique sur les civils dont ils accuseraient ensuite Assad.

Malgré les efforts admirables des mouvements civils pour atténuer la souffrance et l'horreur, le cataclysme est simplement trop vaste pour que ses effets puissent être amoindris autrement qu'à la marge. Beaucoup d'abris souterrains ne sont pas équipés de toilettes ou des commodités les plus basiques. Les gens passent la plus grande partie de leurs journées dans l'obscurité totale, à attendre la fin de l'irrépressible pilonnage. Beaucoup d'entre eux ont perdu leurs logements sous les bombes. Il n'y a rien à acheter à l'extérieur et ils n'ont pas l'argent nécessaire pour partir, parce qu'ils vivent au jour le jour, et que le travail est très rare.

Même si le pilonnage a diminué ces deux derniers jours, alors qu'il s'est intensifié sur les lignes de front de la Ghouta, attaquées de toutes les directions par le régime, tout reste paralysé, car nul n'ose retourner à la vie normale du fait de la possibilité d'être tué dans le bombardement.

Je veux rappeler à tous qu'il y a des pays qui combattent en Syrie par procuration du côté du régime et de l'opposition, laissant les civils payer le prix ; et que ces mêmes pays se sont excusés pour les massacres perpétrés par leurs ancêtres contre les Amérindiens, les Africains et les Juifs. Peut-être s'attendent-ils à ce que leurs petits-enfants s'excusent pour ce qu'ils nous font aujourd'hui.

Il y a toutefois un aspect positif que nous devons garder à l'esprit, c'est la solidarité que nous avons connue de gens du monde entier. A tous ceux qui ont été à nos côtés et ont défendu notre liberté et notre dignité, nous disons nos remerciements et notre gratitude. C'est aussi eux-même qu'ils défendent, car une victoire des régimes tyranniques et brutaux sur ceux qui appellent à la liberté et à la démocratie dans le monde est une grave menace contre les valeurs fondamentales de liberté, de justice, de droits humains et de démocratie.

Les énigmes du festival des lanternes déjouent et font enrager les autorités de censure chinoises

mardi 6 mars 2018 à 11:34

Lanterne-dragon via Wikipedia. CC-BY 2.0

浮世三千,
吾愛有三。
日,月與卿。
日為朝,月為暮,
卿為朝朝暮暮。

J'aime trois choses dans ce monde.
Le soleil, la lune et toi.
Le soleil pour le matin, la lune pour la nuit,
Et toi pour toujours.

Le poème ci-dessus a été diffusé sur un de mes groupes WeChat pendant la Fête des Lanternes [fr] le 2 mars 2018, et a été immédiatement considéré comme une énigme de Lanterne à décoder. Tout le monde dans le groupe sait que c'est une raillerie de la récente proposition d'amendement constitutionnel [fr] présentée par le Parti communiste chinois (PCC) concernant l'abolition de la limite de deux mandats à la présidence de l’État.

Bien sûr, personne n'a publié de réponse, sachant que cela déclencherait le webcenseur. Ils ont juste mis un pouce vers le haut. Cette énigme de lanterne est juste l'un des nombreux exemples de tentatives récentes des internautes chinois pour contourner la censure sur l'amendement constitutionnel. Voici comment : la réponse à l'énigme est un nouveau terme – “Xi pour toujours” (Xi 到 永遠) – qui, depuis que la proposition de modification constitutionnelle a été rendue publique le 25 février 2018, remplace l'expression commune de “Pour toujours et à jamais” (直到 永遠).

L'annonce a été faite le 25 février. Le Comité central du PCC a suggéré de supprimer une ligne de la constitution du pays qui stipule que le président et le vice-président “ne doivent pas servir plus de deux mandats consécutifs”. La proposition ouvrirait la voie au président chinois Xi Jinping pour régner indéfiniment.

Afin d'empêcher les gens de commenter et de critiquer l'abolition de la limite de la présidence à deux mandats, le webcenseur chinois a imposé une liste ridiculement longue de termes et d'expressions censurés. China Digital Times a, à ce jour, enregistré environ 60 termes censurés, dont les suivants :

  • Le rêve de l'empereur (皇帝 梦) – Le titre d'un film animé de marionnettes en 1947
  • Culte de la personnalité (个人 崇拜) – En savoir plus sur la campagne de création d'images qui a été régulièrement cultivée par les médias d’État au cours du premier mandat de Xi
  • Longue vie (万岁) – Littéralement “dix mille ans”
  • Monter sur le trône (登基)
  • Yuan Shikai (袁世凯) – Chef de guerre influent à la fin de la dynastie Qing, Yuan devint le premier président officiel de la République de Chine nouvellement établie en 1912. En 1915, il rétablit brièvement la Chine en tant que monarchie confucéenne.
  • Réforme des cent jours (戊戌 变法) – Un mouvement de réforme raté de la dynastie des Qing par l'empereur Guangxu, annulé par un coup d'État mené par les partisans de l'impératrice douairière Cixi
  • Ferme des animaux (动物 庄园)
  • Système pour la vie (终身制)
  • Émigré (移民) – Suite à l'information, Baidu a constaté un pic massif de recherches sur ce mot
  • Sans vergogne (不要脸)

Les énigmes sont devenues un moyen courant d'éviter de tels pièges. La part du lion d'un tel jeu de mots intelligent circule sur les forums de discussion, bien que certains internautes aient osé s'aventurer dans le domaine public, utilisant la plate-forme chinoise de questions-réponses la plus populaire, Zhifu, pour tromper le webcenseur. Les gens croient que ce genre d'actes courageux sont ce qui a finalement conduit à une suspension de sept jours de l'application de Zhifu de tous les magasins d'applications.

Selon l'avis de l'Administration du cyberespace du 2 mars 2018 (via China Digital Times) [lien interrompu):

En raison du laxisme de la surveillance et de la diffusion d'informations illégales, l'application ‘Zhihu’ doit être suspendue des magasinss d'applications pendant sept jours, conformément aux lois et réglementations en vigueur. Plus précisément, la période de suspension commence à 15h00 aujourd'hui et se terminera à 15h00 le 9 mars.

L'avis ne précisait pas ce qu'était exactement l'information illégale, ni pourquoi une punition aussi sévère était imposée à une plate-forme qui avait revendiqué la loyauté envers le PCC en créant des branches du parti sur son site. Depuis que l'annonce a été signalée comme urgente pendant la fête des Lanternes, des internautes ont renvoyé à un fil pertinent de questions-réponses :

問:客車司機連續疲勞駕駛不換班,作為乘客應該怎樣做?

Question : Si le conducteur continue malgré la fatigue, sans changer de poste, que devraient faire les passagers ?

Cette réponse, écrite avec des expressions communes qui apparaissent dans la propagande politique, était la plus “aimée” de toutes celles qui ont été suggérées :

答:在重大事項上堅決與司機保持高度一致,這是實踐反復證明了的根本利益之所在,司機無疑最有能力把握全局,在立足現實的基礎上展望未來,帶領我們建設安全和美好…

Réponse: Dans un incident crucial, nous devons être déterminés et rester avec le conducteur; c'est un intérêt fondamental qui a été prouvé par la pratique. Le pilote, sans doute, est la personne la plus capable qui contrôle la situation. Se positionner dans la réalité de l'anticipation du futur [le conducteur], nous conduirait à construire un environnement sûr et lumineux …

Bien que le lien entre le chauffeur et le président chinois Xi Jinping ne soit pas direct, la majorité des lecteurs chinois ont réussi à déchiffrer l'énigme et à en rire. Bien sûr, ce sens de l'humour n'est pas partagé par l'Administration du cyberespace.

En réponse à cette suspension, Zhifu a promis de renforcer davantage son dispositif d'autocensure. En fait, dans les quelques jours qui ont suivi l'annonce de la proposition d'amendement constitutionnel, il a supprimé plus de 40.000 informations nuisibles et suspendu 1.200 comptes d'utilisateurs.

Néanmoins, l'avis de suspension de sept jours indique que même le loyaliste auto-censuré n'a pas satisfait les attentes de la nouvelle ère..

Netizen Report : La cour tunisienne refuse d'ordonner la fermeture de la webradio LGBTQ Shams Rad

mardi 6 mars 2018 à 11:19
Gay Pride

Célébration de la fierté LGBTQ. Photographie de lewishamdreamer via Flickr (CC BY-NC 2.0)

Le Netizen Report de Global Voices Advox offre un aperçu des défis, des victoires et des tendances émergentes en matière de droits numériques à travers le monde.

Un tribunal de première instance de Tunis a refusé d'ordonner la fermeture de la webradio Shams Rad, qui s'adresse à la communauté lesbienne, gaie, bisexuelle, transgenre et queer (LGBTQ).

Cette décision a été rendue en dépit du fait que les relations homosexuelles sont illégales en Tunisie.

Le conseil syndical des imams (chefs religieux des mosquées) avait intenté une poursuite pour demander au tribunal d'ordonner à l'Agence tunisienne d'Internet de bloquer Shams Rad sous prétexte qu'elle menace « les valeurs sociales et familiales ».

Dans son jugement du 14 février, le tribunal a statué que la station de radio ne porte pas atteinte à la réputation ou ne viole les droits d'autrui et que le conseil des imams n'était pas habilité à faire de telles demandes.

Lorsque Shams Rad a été lancée en décembre 2017, ses fondateurs ont été victimes d'un considérable harcèlement en ligne et ont reçu plusieurs menaces de violence. En Tunisie, comme dans la plupart des pays arabes, l'homosexualité est un crime passible d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à trois ans.

La Cour suprême du Pakistan déclare les fermetures de réseaux mobiles illégales. D'autres pays suivront-ils son exemple?

Autre victoire juridique pour la liberté d'expression, la Cour suprême d'Islamabad au Pakistan a jugé que les fermetures de réseaux mobiles opérées par le gouvernement pakistanais étaient illégales et contraires à la Loi sur la réorganisation des télécommunications au Pakistan.

La décision soulève la question de savoir si les pays voisins pourraient un jour suivre leur exemple. Le 12 février, les autorités du Bangladesh ont temporairement fermé l'Internet mobile et réduit la vitesse du haut débit lors des examens scolaires nationaux dans le but de limiter les tentatives de tricherie. Elles ont ensuite changé d'avis et choisi d'interdire les téléphones portables à proximité des salles de classe.

Un journaliste slovaque est abattu

Jan Kuciak, un journaliste d'Aktuality.sk, et sa compagne Martina Kusnirova ont été retrouvés morts le 25 février chez eux, à environ 65 km de la capitale Bratislava. Un chef de police qui travaille sur l'affaire a déclaré que les meurtres étaient « très probablement liés au travail d'investigation du journaliste ». En collaboration avec le Projet de reportage sur le crime organisé et la corruption, Jan Kuciak enquêtait sur la mafia Ndrangheta considérée par le Projet comme « l'un des groupes les plus puissants et redoutables au monde ».  L'organisation a également souligné que Jan Kuciak est le premier journaliste slovaque assassiné en représailles pour son travail.

Des utilisateurs de Facebook en Inde arrêtés pour s'être moqués du premier ministre et des dieux hindous

Deux personnes ont été arrêtées dans l'Uttar Pradesh, en Inde, pour avoir soi-disant fait des remarques désobligeantes sur le premier ministre Narendra Modi et les dieux hindous dans une vidéo mise en ligne sur Facebook et WhatsApp. Elles seront accusées, en vertu du code pénal indien, d'avoir commis « des actes malveillants et délibérés visant à indigner les sentiments religieux de tous les croyants en insultant leur religion ».

Un Vénézuélien est arrêté pour avoir annoncé de probables pannes d'électricité sur WhatsApp

Le 14 février, la cellule de renseignement vénézuélienne (SEBIN) a arrêté Elio Palacios, un syndicaliste membre du parti communiste du Venezuela, après qu'il eut utilisé WhatsApp pour mettre en garde ses concitoyens contre d'éventuelles pannes d'électricité. Il a déclaré que les pannes résulteraient probablement de la négligence et d'un manque d'entretien, ce qui contredit le discours du gouvernement, lequel attribue ces dernières au sabotage par des groupes d'opposition.

Le Parlement de Turquie va voter une mesure de censure des médias numériques

Une commission parlementaire en Turquie a approuvé un projet de loi qui exigera que les diffuseurs en ligne soient réglementés et autorisés par RTÜK, le régulateur turc des médias. Le projet de loi pourrait également étendre les pouvoirs de réglementation de RTÜK aux comptes personnels des médias sociaux, ce qui inquiète les défenseurs de la liberté d'expression qui craignent la censure politique. Le projet de loi a été fermement condamné par le Comité de protection des journalistes.

Le maire de São Paulo bloque ses critiques sur Facebook. Est-ce acceptable?

Les utilisateurs de Facebook qui accèdent à la page officielle de l'hôtel de ville de São Paulo doivent peser leurs mots s'ils ne veulent pas être bloqués. Selon les documents gouvernementaux officiels que le média R7 a obtenus par le biais d'une demande d'accès à l'information, les modérateurs de la page interdisent certains termes et bloquent les utilisateurs qui critiquent l'actuel maire João Dória. La page est une plateforme populaire pour le dialogue entre les citoyens et l'administration de la ville.

Taisa Sganzerla, qui couvre cette histoire pour Global Voices, écrit « lorsqu'un fonctionnaire interdit aux utilisateurs de commenter sur les pages officielles, en réalité il censure la voix de ces utilisateurs dans un espace dédié au débat civique ».

Cuba censure le magazine local en ligne El Estornudo

Les autorités cubaines ont bloqué le site internet El Estornudo, qui vient s'ajouter à la liste croissante des médias censurés par les autorités du pays. Le site propose des essais critiques sur les enjeux sociaux et le changement culturel et souhaite présenter « l'autre Cuba », celui qui est évacué de l'histoire officielle racontée par le gouvernement. Dans une lettre ouverte  adressée au  « censeur », ses éditeurs ont répondu qu'en dépit du blocage ils ne changeraient pas leur ligne éditoriale.

Un Espagnol reçoit une amende pour avoir publié sur Instagram un photomontage du Christ

Un Espagnol de 24 ans a été condamné à payer une amende pour avoir réalisé et diffusé sur Internet un photomontage représentant le Christ avec son propre visage. Les procureurs estiment qu'il a « manqué d'égard et s'est moqué » d'une communauté religieuse locale qui a porté l'affaire en justice. Le verdict a soulevé une vague d'indignation chez les internautes, qui ont été nombreux à publier des photomontages similaires. Leur soutien s'est également traduit par une collecte qui a permis d'amasser l'argent nécessaire pour payer l'amende du jeune homme, qui lui aurait coûté l'équivalent de dix jours de travail.

La surveillance prédictive en Chine et aux États-Unis

Un nouveau rapport de Human Rights Watch met en lumière l'ampleur de l'infrastructure de surveillance prédictive chinoise dans l'ouest du Xinjiang, où la population est majoritairement composée d'Ouïghours et d'autres minorités musulmanes. Grâce à une combinaison de technologie de reconnaissance faciale CCTV, surveillance logicielle des téléphones mobiles, systèmes nationaux d'identification et surveillance physique, la police collecte et recoupe régulièrement des données sur les activités des citoyens, leurs déplacements, leurs transactions financières et une multitude d'autres informations dans le cadre de la « Campagne Frapper fort », qui prétend cibler les activités violentes et le terrorisme.

Aux États-Unis, The Verge a publié de nouvelles conclusions qui démontrent que le département de police de la Nouvelle-Orléans a utilisé un logiciel de surveillance développé par Palantir, une entreprise de la Silicon Valley, à l'insu des conseillers municipaux. Le logiciel, qui utilise un algorithme prédictif, permet d'identifier et de suivre les activités des membres de gangs dans le sud de la ville.

Selon le site d'actualités technologiques, le logiciel « recherche les liens que les individus entretiennent avec d'autres membres de gangs, relève les antécédents criminels, analyse les médias sociaux et évalue les probabilités que des individus commettent des actes de violence ou en soient victimes ». Le logiciel ayant été donné à la police dans le cadre d'une relation « philanthropique » entre Palantir et le département de police, cette initiative a échappé aux représentants du gouvernement.

Nouvelles études [en anglais et en espagnol]

 

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Afef Abrougui, Ellery Roberts Biddle, Marianne Diaz, Rohith Jyothish, Laura Vidal et Sarah Myers West ont contribué à l'élaboration de ce rapport.

Les autorités russes font tout (et n'importe quoi) pour pousser la participation à l'élection présidentielle du 18 mars

lundi 5 mars 2018 à 11:33

Des Russes manifestent contre des élections qu'ils estiment non loyales. Photo Evgeny Feldman pour navalny.feldman.photo, CC-BY-NC

La campagne présidentielle de cette année prend les voies les plus étranges de l'histoire de la Russie contemporaine. Elle se limite à tenter de convaincre ceux des Russes qui ne sont pas des admirateurs du Président Vladimir Poutine, ou qui ne sont simplement pas des électeurs décidés à se rendre aux bureaux de vote et glisser leur bulletin dans l'urne, Pour quelque candidat que ce soit. Pour quoi faire ? Pour prêter une légitimité à ce qui est considéré comme joué d'avance : la réélection de Poutine. 

L'inquiétude des autorités russes sur l'abstention tourne à l'obsession quasi fiévreuse, avec vidéos de propagande anonymes et homophobes, utilisation dans les magazines pour hommes d'une imagerie sexualisée de l'accomplissement de leur “devoir civique” et sites web comme celui de la compagnie aérienne russe Aeroflot exhortant leurs visiteurs à voter.

Tout le monde s'attend à une victoire de Poutine avec une marge si colossale (comme déjà fait trois fois depuis 2000) à l'élection présidentielle du 18 mars que non seulement il a à peine, voire pas du tout, fait campagne, mais qu'il n'a même pas pris la peine de se laisser filmer pour son propre clip de campagne, qui a dû être assemblé à partir d'images d'archives. Ni même de paraître en public dans le mois précédant la date du scrutin, si ce n'est pour éteindre les rumeurs de maladie terminale ou de révolution de palais.

Poutine n'a pas paru à sa propre désignation, n'est pas venu à son enregistrement de candidature, a refusé de débattre, a presque disparu des écrans. Je commence à m'inquiéter pour son investiture.

Quant aux autres candidats, faire la course pour un résultat à un seul chiffre paraît même trop ambitieux : parmi les huit noms sur le bulletin de vote, cinq semblent assez séduisants pour totaliser un ambitieux 2 % des électeurs russes, selon les derniers sondages. Les deux candidats restants, qui ne sont ni Vladimir Poutine ni des personnalités politiques insignifiantes, accepteront volontiers 7 % comme une victoire éclatante.

L'un, Vladimir Jirinovski, dont le parti Libéral-démocrate de Russie n'est ni libéral ni démocrate (selon la définition communément admise, il serait plutôt un parti populiste d'extrême-droite), est candidat à la présidence pour la sixième fois depuis 1991. Son meilleur résultat a été de 9,35 % en 2008, et il ne peut espérer battre son record personnel cette fois, à en croire les sondages les plus généreux.

L'autre, Pavel Groudinine, candidat du Parti Communiste sans en être membre, est constamment la cible d'attaques féroces des médias d’État et loyalistes, de commentateurs et d'innombrables bots et trolls en ligne sur sa supposée hypocrisie. Groudinine, PDG d'une entreprise prospère d'agro-business, est notoirement fortuné, probablement au-delà de ses déclarations officielles de revenus.

Si le principal suspense de ce cycle électoral en Russie est de savoir si ce sera Groudinine ou Jirinovski qui arrivera second avec 7 % (ou si l'ultra-libérale Ksenia Sobtchak, la seule femme de la compétition, pourra franchir le plafond de 1 %), l'indifférence des Russes n'étonnera personne.

L'attention se focalise donc non pas sur une des personnes figurant sur le bulletin de vote, mais sur la participation elle-même. Les articles des médias, basés sur les fuites du Kremlin, donnent “70/70” pour cible : 70 % des voix pour Poutine avec 70 % de participation.

Les responsables de terrain sont si anxieux de remplir les attentes irréalistes qui leur sont imposées que certains anticipent, à l'exemple de la commission électorale de Toula, qui a publié les chiffres de participation trois semaines avant le jour du scrutin :

Mettre ainsi dans un enclos les votants pour ces “élections” est sans précédent. Il n'y a encore jamais eu de telles “technologies politiques” en Russie. Vous, je ne sais pas, mais moi, déjà enfant je n'aimais pas le cirque. Je ne vais pas assurer au kremlin [sic] la participation qu'ils veulent. La commission électorale de Toula a publié par erreur le taux de participation aux élections qui n'ont pas encore eu lieu. Qu'est-ce qu'il vous faut encore comme arguments ?

Il y a encore les cas signalés de coercition, comme ces étudiants de Rostov-sur-le-Don menacés d'expulsion de leurs dortoirs s'ils ne se présentent pas dans les bureaux de vote. Ou ces employés âgés de conseils municipaux locaux envoyés faire du démarchage électoral au fin fond des banlieues moscovites à l'aide d'une appli chancelante sur des iPhones qu'on leur a dit d’ “emprunter à leurs petits-enfants”.

‘…baissons la participation et regardons la bêtise et la peur s'étaler au grand jour’

Mais ce sont ces campagnes sur internet qui provoquent le plus de retours de bâton de leurs cibles, les internautes russes dotés de jugeote et d'esprit critique. Des vidéos sans nom d'auteur les dépeignant comme des adolescents frustrés sexuellement ou comme des beaufs débraillés et passifs apparaissent sur les médias sociaux.

La vidéo ci-dessous parue en février 2018 montre un abstentionniste-type tourmenté par des cauchemars homophobes :

Eugene Kazachkov, un scénariste moscovite, raconte sur Facebook une autre vidéo de cet acabit qui serait en cours de réalisation :

Все уже насладились роликом, где “простой народ” пугают геями, пионерами и призывом в армию в 52 года, чтобы загнать на “выборы”. Теперь агитаторы готовятся обрабатывать гнилую интеллигенцию, либерастов и креаклов.

Один мой знакомый иностранец ищет актёрскую подработку, и вот его агент прислала ему предложение сняться за 10 тысяч рублей в ночь с 23 на 24 февраля в «социальном ролике» (см. скриншоты сценария). Он стал расспрашивать, кто заказчик и cette  этой “общественно важной рекламы”, но агент сказала, что они уже нашли другого актёра и перестала отвечать.

Какие выводы мы можем сделать из всего этого?

1. Не нужно сомневаться в важности явки на предстоящих “выборах” и лютой борьбы наверху за её повышение. Они агитируют не за конкретного кандидата (конкретный победит в любом случае), а за легитимность процедуры и результата.2. Деньги на эту агиткампанию разворовываются, потому что ролики придумывают не профессионалы, а хрен знает кто. Первое правило рекламы: не решай проблему, которой нет. “Покупайте наш шампунь, и у вас из жопы перестанет вылезать макака” – это смешной и броский ход. Все поржут, но шампунь не купят.

3. Они верят в пропаганду, которую сами выдумали, а реальность и здравый смысл их вообще не волнуют. Все креаклы знают, что хамон и пармезан исчезли не из-за санкций, а из-за антисанкций, которые ввёл основной кандидат, иностранцы тут ни при чём, митингов никто не боится, и с пустыми полками магазинов всё это могут связать только “восемьдесят шесть процентов”, но для них сняли другой ролик. Но раз эти “стратеги” утверждают, оплачивают и производят такие ролики, значит их представления о людях, об обществе, о нас с вами уже далеко за пределами адекватности. Они живут в мире говорящих фиолетовых грибов.

В общем, снижаем явку и продолжаем наблюдать, как глупость и страх сами себя разоблачают.

Tous ont déjà apprécié cette vidéo où on fait peur à un “homme du peuple” avec des gays, des Pionniers [organisation de jeunesse en URSS] et un enrôlement dans l'armée à l'âge de 52 ans, pour l'acculer à “voter”. A présent les mêmes agitateurs s'apprêtent à traiter l'intelligentsia pourrie, les libéraux et les créateurs [NdT : les mots employés ici en russe pour ces deux dernières catégories ont des suffixes péjoratifs].

Un étranger que je connais cherche des petits boulots d'acteur, et son agent vient de lui trouver une offre de tournage dans une vidéo “publicitaire d'intérêt social” à 10.000 roubles [143 euros] pour la nuit du 23 au 24 février (ci-joint capture d'écran du scénario reçu). Il a posé des questions sur qui étaient le commanditaire et le producteur de cette “publicité d'intérêt social”, mais l'agent lui a dit qu'ils avaient déjà trouvé un autre acteur et a cessé de répondre.

Quelles conclusions tirer de tout ça ?

1. Il ne faut pas mettre en doute l'importance qu'ils [les autorités russes] attachent à la participation dans ces “élections” et leur lutte féroce pour l'accroître. Ils ne font pas de la propagande pour un candidat en particulier (qui l'emportera dans tous les cas) mais pour la légitimité de la procédure et des résultats.

2. L'argent pour cette propagande est jeté par les fenêtres, parce que ces vidéos n'ont pas été élaborées par des professionnels, mais par le diable sait qui. Première règle dans la publicité : ne pas résoudre un problème qui n'existe pas. “Achetez notre shampooing et le macaque cessera de sortir de votre cul” est un coup drôle et flashy. Tout le monde se fendra la poire, mais personne n'achètera le shampooing.

3. Ils croient à la propagande qu'ils ont conçue et ne se soucient pas du tout de la réalité et du bon sens. Tout “créateur” [un mot péjoratif est utilisé dans le texte russe] sait que le jambon espagnol et le parmesan ont disparu non pas à cause des sanctions, mais à cause des contre-sanctions prises par le candidat principal, les étrangers n'y sont pour rien, personne n'a peur des rassemblements, et les seuls qui puissent mettre ça en rapport avec les rayons vides des magasins sont les “86 pour cent” [le taux d'approbation de Poutine], mais pour ceux-là on a tourné une autre vidéo. Mais si ces “stratèges” approuvent, financent et produisent de telles vidéos, cela veut dire que leur représentation des gens, de la société, de vous et moi, sont déjà loin des bornes de la réalité. Ils vivent dans un monde peuplé de champignons violets parlants.

Bref, baissons la participation et continuons à observer la bêtise et la peur s'étaler au grand jour.

Une capture d'écran du script supposé de la vidéo était joint au post. Le voici :

Cette capture d'écran montrerait le script d'une vidéo de propagande promouvant les élections présidentielles russes. Capture d'écran par Runet Echo

Clip social — “Le Séducteur”

Scène 1.1-intérieur. Supérette. Jour.
Le héros, la vendeuse, l'étranger.

(Le héros examine la vitrine, à la recherche de quelque chose.)

INSCRIPTION SUR L’ÉCRAN : 18 mars 2018

VOIX (à la radio): Le pays vote aujourd'hui pour les élections présidentielles, dont dépendra l'avenir de notre pays…

(Le HÉROS s'approche du comptoir et s'adresse à la VENDEUSE)

Le HÉROS: B'jour ! Il n'y a plus de fromage français ?

La VENDEUSE (lasse): Non…

L’ÉTRANGER (parlant de derrière le HÉROS, avec un accent): Vous pouvez faire revenir le fromage…

(Le HÉROS ignore l’ÉTRANGER et s'adresse de nouveau à la VENDEUSE.)

Le HÉROS (avec espoir): Ou du jambon espagnol ou portugais ?

La VENDEUSE (irritée): Ni l'un ni l'autre !

Le HÉROS: Maudites sanctions…

L’ÉTRANGER (il chuchote de derrière à l'oreille droite du HÉROS, avec un accent): Elles peuvent être levées, vous savez.

Le HÉROS (qui s’aperçoit enfin de la présence de l’ÉTRANGER et se tourne vers lui): Ça m'intéresse, et par quel moyen ?

L’ÉTRANGER (il parle avec un accent): Il vous suffit d'ignorer les élections présidentielles et tout s'arrangera.

(Le HÉROS est pensif.)

Scène 2.2, Supérette. Jour.
Le héros, la vendeuse, l'étranger.

INSCRIPTION SUR L’ÉCRAN : Une semaine plus tard.

(Le HÉROS entre dans le magasin, regarde les rayons vides. La VENDEUSE s’ennuie derrière sa caisse. On entend la radio en bruit de fond.)

VOIX (à la radio): La participation aux élections présidentielles en Russie a été partout inférieure à 20 pour cent, ce qui a conduit les pays occidentaux à déclarer le résultat illégitime. Rassemblements et grèves paralysent le pays.

(Le HÉROS voit l’ÉTRANGER dans le coin et s'approche de lui.)

Le HÉROS: Où sont passés les produits ? Vous n'aviez pas promis que ça irait mieux ?

L’ÉTRANGER (en anglais): Sorry, I don’t understand [Excusez-moi, je ne comprends pas].

Le HÉROS: Quoi ? C'est à cause de vous que je n'ai pas voté à ces élections !

L’ÉTRANGER: (en anglais): Can you help me? I’m looking for (accent) Ploschad Revolutsii! [Pouvez-vous m'aider ? Je cherche Ploschad Revolutsii! (prononcé avec un lourd accent – la place de la Révolution]

(Le HÉROS est sous le choc, il vient soudain de comprendre.)

FOND D’ÉCRAN: Élections 2018.

VOIX OFF: 18 mars, élections présidentielles en Russie. Le destin du pays est entre vos mains.

‘Des blagues nauséabondes suintantes de sous-entendus sexuels’

Autre scandale de la campagne électorale, celui qui éclabousse MAXIM Russia, un magazine masculin populaire. Ce qui en fait la particularité, c'est que son rédacteur en chef, Alexander Malenkov, critique ouvertement le gouvernement russe et a publié maints articles satiriques acérés sur la politique russe.

En octobre 2017, une vidéo postée sur la chaîne YouTube de MAXIM a usé d'une imagerie sexuelle provocante pour promouvoir le “choix adulte” de voter aux élections du 18 mars.

MAXIM Russia et Malenkov ont essuyé de nouvelles critiques récemment, quand une collection d’autocollants est apparue sur Vkontakte, le très populaire réseau social russe. Ces autocollants, proposés pour servir d’emojis dans les posts sur Vkontakte et dans son service de messagerie, utilisent des images suggestives de jeunes femmes pour promouvoir la “responsabilité civique” qu'est le vote.

Parmi les autocollants de l'image : “Je t'attends dans l'isoloir !”, “Faisons-le ensemble”, “Tu veux le faire comme un adulte ?”, “Je peux tout de suite ?”, “Tu peux m'aider pour mon vote par procuration ?”…

Tweet : “Vkontakte a dévoilé une série d'autocollants à thème électoral, qui craignent au possible. Il nous semble que des blagues nauséabondes suintantes de sous-entendus sexuels ne sont pas le meilleur moyen d'accroître la participation.”

Outre que de nombreux internautes ont trouvé ces autocollants surtout grossiers et manipulateurs, il s'est avéré par la suite qu'ils étaient un plagiat d'une série d'illustrations apolitiques dessinées par une autre artiste, Valeria Fortuna, qui a accusé MAXIM de vol de propriété intellectuelle. Après des échanges d'arguments sur divers médias sociaux, MAXIM a admis que ces autocollants avaient bien été commandés par le magazine. Vkontakte les a ensuite retirés.

TJournal.ru, un site d'information russe spécialisé dans le web et les technologies, a aussi fait reconnaître à Malenkov que ces autocollants, tout comme la vidéo YouTube mentionnée ci-dessus et la communauté Vkontakte Только для взрослых (“Pour adultes seulement”) dédiée à la promotion des élections de mars 2018, faisaient partie d'une campagne commandée par une agence publicitaire. Malenkov a toutefois refusé de dévoiler son nom ainsi que le montant du contrat. 

Les élections de 2018 posent un défi inédit au pouvoir russe, visible dans l'anxiété dont il fait preuve : les fraudes électorales alléguées ne doivent pas être trop évidentes, mais une faible participation saperait la légitimité de Poutine comme président de tous les Russes, et pas seulement de ceux qui ont pu être poussés à voter ou ont été contraints par leurs employeurs.

Ces dispositifs maladroits et frustes réussiront-ils à attirer les gens dans les bureaux de vote, ou finiront-ils par dissuader même les plus apolitiques des électeurs ? Pas étonnant qu'Alexeï Navalny, interdit de candidature à la présidence, appelle au boycott de ces élections — au prix d'une réaction brutale des autorités.

A Bruxelles, 10 000 Belges manifestent pour les droits des migrants

dimanche 4 mars 2018 à 19:53

Un manifestant à Bruxelles brandit une pancarte qui dit «Bienvenue aux réfugiés», le 25 février 2018. Crédit photo: Melissa Vida.

Le 25 février 2018, 10.000 manifestants ont défilé dans les rues de Bruxelles en solidarité avec les sans-papiers et pour exiger une législation plus humaine à l'égard de la migration. Ils ont protesté, en particulier, contre un projet de loi qui permet à la police de perquisitionner des maisons à la recherche de personnes sans-papiers :

Vague humaine de solidarité pour une politique migratoire respectueuse des droits humains à Bruxelles aujourd'hui

Beaucoup de sans-papiers en Belgique sont des demandeurs d'asile dont les demandes ont été refusées, ou d'anciens résidents de la Jungle de Calais [fr] qui tentent d'entrer au Royaume-Uni par le Port de Calais ou l'Eurotunnel.

Proposition de législation sur les perquisitions domiciliaires

La loi en vigueur autorise un juge d'instruction à ordonner des perquisitions domiciliaires et l'arrestation de sans-papiers. Les descentes de police, qui ciblent les personnes ayant reçu l'ordre de quitter le pays, pourraient également avoir lieu dans la maison d'un tiers. Cela inquiète les 40.000 Belges qui aident et hébergent des migrants pour des raisons humanitaires.

Comme les sans-papiers ne reçoivent aucune aide publique, ils dorment dans les rues de Bruxelles, même par les températures glaciales. Pour les sauver de ce sort, un groupe de Belges vient les chercher tous les soirs et aménagent des lieux chez des volontaires ; chaque matin, les hôtes déposent les migrants avant d'aller travailler, et le cycle continue :

Avec l'augmentation des arrivées de migrants en Belgique, les citoyens donnent abri aux réfugiés. Les lois belges permettent aux citoyens d'héberger les réfugiés. Mais cela pourrait être sur le point de changer.

Ce groupe fait partie d'une “plateforme citoyenne pour le logement des migrants”, qui a remporté le prix de la personnalité de l'année 2018 à Bruxelles :

La plate-forme citoyenne, et d'autres groupes et associations, déplorent l'inaction du gouvernement envers les gens qui sont à la rue et critiquent ce qu'elles considèrent comme un État policier émergent et la criminalisation des migrants. Ils ciblent, en particulier, Theo Francken, le secrétaire d’État aux migrations et à l'asile.

Les Belges ont protesté contre les rafles, les centres de détention qui sont déjà en construction et les ressources mises dans le processus d'expulsion. Alexis Deswaef, président de la Ligue des droits de l'homme, a expliqué que la Nouvelle Alliance flamande, un parti nationaliste d'extrême-droite au gouvernement, mène la répression contre les immigrés. Il a exprimé sa frustration sur la radio Europe1 [fr]:

Si un deuxième Calais ne s'est pas créé à Bruxelles, c'est uniquement grâce aux citoyens et non à ce gouvernement. Ce gouvernement se laisse emporter par un parti identitaire et nationaliste, mais l'opposition se renforce.

Autres mesures gouvernementales

Le pouvoir construit trois nouveaux centres de détention pour recevoir les sans-papiers jusqu'à leur expulsion. L'un de ces centres accueillera des familles avec enfants, ce qui sonne l'alarme pour de nombreux militants. En 2008, la Belgique a été condamnée [fr] par la Cour européenne des droits de l'homme pour le traitement inhumain de quatre enfants détenus. La Belgique a dû fermer le centre.

Parfois, des scandales surviennent même après l'expulsion. En décembre 2017, des demandeurs d'asile soudanais ont été renvoyés au Soudan du Sud. Une fois de retour à Khartoum, ils ont rapporté qu'ils avaient été torturés. Bien que la véracité de leurs déclarations n'ait pas été confirmée, le Commissariat général belge aux réfugiés et apatrides a reconnu que la Belgique n'avait pas respecté les procédures légales [fr] avant de les expulser.

Les Belges s'inquiètent également du fait que les descentes de police contre les sans-papiers deviennent monnaie courante. Le 9 février 2018, 25 policiers sont entrés dans le Globe Aroma, un centre artistique sans but lucratif pour migrants, et ont arrêté sept migrants sans-papiers.

Le directeur du centre, Koen Verbert, était furieux. Il a expliqué son point de vue aux médias locaux :

Als dit een routinecontrole was waarmee de regering een vzw onder de loep wil nemen, dan leven we in een politiestaat. Onze medewerkers werden geslagen en geboeid zonder dat daar enige aanleiding toe was. Dit kan echt niet.

S'il s'agissait d'une inspection de routine de la gestion d'une organisation à but non lucratif, nous vivons dans un état policier. Les personnes avec lesquelles nous travaillons ont été battues et menottées sans aucune raison. Cela ne peut pas être toléré.

Pendant la marche, les manifestants ont exigé la remise en liberté de certaines personnalités arrêtées au centre d'art :

Cette marche est la troisième déjà en 2018. Le 13 janvier, 8.000 Belges ont manifesté pour la démission de Theo Francken et pour les droits des migrants soudanais ; le 21 janvier, plus de 2.000 personnes ont formé une chaîne humaine [fr] pour empêcher un raid policier. Alors que le gouvernement belge continue à définir ses politiques migratoires, les Belges expriment leur opinion en nombre.