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Une signalisation routière qui ravive les tensions entre l'Albanie et la Grèce

mardi 14 mai 2019 à 17:18

Des panneaux routiers bilingues suscitent des tensions en Albanie.

Des panneaux routiers dans le sud de l'Albanie, écrits en premier en langue grecque, puis en albanais. Photo : Protothema. Fair use.

Le 5 mai, les autorités albanaises ont retiré 35 panneaux routiers en langues grecque et albanaise dans le sud du pays, provoquant une controverse à propos de la souveraineté nationale et de la minorité grecque d'Albanie.

L’Autorité routière albanaise (ARA, lien en anglais) a affirmé que les panneaux routiers ne respectaient ni les normes de sécurité ni la législation régissant l'ordre, la taille et la police de caractères dans lesquels l'albanais et les langues minoritaires devraient être affichés. Les panneaux de signalisation en question sont en premier et en lettres jaunes pour le grec, suivies par l'albanais.

En Albanie la minorité grecque représente 0,9 pour cent (lien en anglais) de ses 2,94 millions d'habitants. Ils vivent pour la plupart dans une zone de 5000 kilomètres carrés au sud, près de la frontière avec la Grèce.Le grec est une langue officielle dans les municipalités où cette ethnie dépasse 20 pour cent de la population. Et la signalisation routière dans les deux langues n'est pas rare dans ces régions.

Cette fois-ci, cependant, beaucoup ont contesté les panneaux bilingues. Un utilisateur de Twitter en Albanie a dit :

Alors que la politique albanaise divisée et corrompue déstabilise le pays, les chauvins grecs poursuivent leur projet d'assimilation du sud (de l'Albanie). Un vrai scandale avec la signalisation routière en grec.

Il y a eu aussi des réactions de l'autre côté de la frontière :

L'Albanie doit cesser les nombreux actes illégaux commis contre la minorité grecque. Avec de telles actions, ils n'entreront jamais dans l'Union européenne.

Le premier ministre d'Albanie Edi Rama a approuvé la déclaration de l'ARA sur les panneaux qui respectent pas les règles de la sécurité routière. Il a ajouté que l'opération ne visait pas la communauté grecque et a critiqué la rhétorique nationaliste sur cette question.

I would like to say to all of those who play the ultra-nationalist, raising the alarm about road signs written in Greek in an area where the Greek minority lives, that we’re a European country and, when we talk about Europe, we talk about this too.

J'aimerais dire à tous ceux qui jouent les ultra-nationalistes, en tirant le signal d'alarme au sujet des panneaux de signalisation écrits en grec dans une région où vit la minorité grecque, que nous sommes un pays européen et, lorsque nous parlons d'Europe, nous parlons de ceci aussi.

En Grèce, le ministre des affaires étrangères a également considéré que la question était plus technique que politique. Lors d'une interview à la radio le 6 mai (lien en grec), il a a expliqué :

Les nouveaux panneaux routiers avec la langue albanaise en haut et le grec en bas ont été mis en place le 7 mai.Photo: Vizion Plus TV (lien en albanais). Fair use

Είμαστε σε επικοινωνία, μέσω της εκεί Πρεσβείας μας, για να δούμε τι γίνεται. Έχουν προβάλλει ορισμένους ισχυρισμούς ότι οι δίγλωσσες πινακίδες στην Αλβανία πρέπει να έχουν πρώτα την αλβανική γλώσσα, μετά την ελληνική, ορισμένα θέματα αρμοδιότητας. Εμείς προφανώς έχουμε προειδοποιήσει ότι οποιαδήποτε κίνηση, η οποία θα φανεί ότι είναι εναντίον των συμφερόντων της μειονότητάς μας, θα αντιμετωπιστεί με τον τρόπο που προβλέπει το διεθνές Δίκαιο.

Pour voir ce qui se passe, nous sommes en contact grâce à notre ambassade. Ils soutiennent que les panneaux bilingues en Albanie doivent d'abord être en albanais, puis en grec. Nous avons évidemment averti que toute mesure qui semble aller à l'encontre des intérêts de notre minorité sera traitée conformément au droit international.

Dans une interview accordée à l’agence de presse indépendante des Balkans (lien en anglais), l'ancien recteur de l'Université de Tirana et doyen de la faculté de langue albanaise Shezai Rrokaj a affirmé que la langue albanaise devrait passer en premier et le grec en second. Il déclare : « Les langues minoritaires doivent être utilisées localement et ne peuvent pas servir de langue principale. »

Le 7 mai, l'ARA a commencé à installer de nouveaux panneaux routiers dans la région avec la langue albanaise au-dessus.

Les nouvelles se sont vite propagées — le même jour, cet utilisateur Twitter l'a partagé avec des amis locuteurs de langue grecque :

L'Albanie réintègre les panneaux routiers bilingues gréco-albanais à Finiq

Les relations entre l'Albanie et la Grèce

L'Albanie et la Grèce ont conclu un accord d'amitié. Au cours de ces trois dernières décennies, 600 000 Albanais ont immigré en Grèce. Pourtant, les deux gouvernements ont lutté pour mettre un terme à quelques problèmes, tels que les droits des Albanais expulsés par les nationalistes grecs à la fin de la Seconde Guerre mondiale (dans ce que l'on appelle la question de la minorité Cham) (lien en anglais), ou encore les droits de la minorité grecque vivant en Albanie.

En 2016, l'Albanie a autorisé la Grèce à construire des cimetières sur le territoire albanais pour ses soldats morts dans ce pays durant la seconde guerre mondiale. Ils ont également promulgué une loi qui fait du grec la seconde langue officielle dans plusieurs municipalités albanaises.

Pendant ce temps, la Grèce ignore le problème de la minorité cham. Les négociations sur les frontières maritimes entre les deux pays sont aussi bloquées (lien en anglais).

Guerres linguistiques dans les Balkans

Panneau routier en macédonien, anglais et albanais dans le centre de Skopje, la capitale du nord de la Macédoine. Sur l'un d'entre eux, le texte albanais était dissimulé un bombage de peinture noire.Photo de Global Voices, CC-BY.

Les politiques linguistiques ne sont pas rares dans les Balkans, surtout lorsque les événements actuels font ressurgir des souvenirs douloureux du passé.

En Macédoine du Nord, une loi de 2008 fondée sur les Accords d'Ohrid, accords de paix qui ont mis fin à l’insurrection armée de 2001, a permis l'utilisation officielle de l'albanais et d'autres langues par plus de 20% de la population locale au niveau municipal. En janvier 2018, le parlement a étendu l'utilisation de la langue albanaise à l'ensemble du pays (lien en anglais) sous les protestations virulentes de l'ancien parti de droite VMRO-DPMNE, qui a professé des slogans tels que « non au bilinguisme » et « ceci est notre ligne rouge ».

Des actes sporadiques de vandalisme d'inspiration nationaliste se produisent encore. Pour preuve, le panneau routier que l'on voit sur la photo au centre de la capitale Skopje, où les mots albanais ont été dissimulés par de la peinture en bombe.

Mauritanie : le blogueur Mohamed Mkhaitir échappe à la peine de mort mais est toujours en détention

mardi 14 mai 2019 à 16:59

Mohamed Cheikh Ould Mkhaitir a été condamné pour apostasie en 2014.

Mohamed Cheikh Ould Mkhaitir a été condamné à mort en 2014 pour la publication d'une tribune en ligne.

Malgré la commutation [fr] de sa condamnation à mort, il y a maintenant plus d'un an, le blogueur mauritanien Mohamed Cheikh Ould Mkhaitir est toujours derrière les barreaux [fr].

M. Mkhaitir a été condamné à mort en 2014, pour avoir publié une tribune sur le site internet du journal mauritanien Aqlame. Dans son article intitulé “Religion, Religiosité et Artisans” (“Religion, religiosité et artisans”, en arabe), Mohamed Cheikh Ould Mkhaitir critique le rôle de la religion dans le système de castes en Mauritanie et justifie son propos en s'appuyant sur des textes de l'époque du prophète Mahomet. L'article original a depuis été retiré du site par le journal Aqlame, mais reste disponible en ligne.

Le tribunal l'a condamné à mort pour “apostasie”, en vertu de l'article 306 du Code pénal mauritanien [fr].

En avril 2016, la cour d'appel a confirmé sa condamnation à mort et a envoyé l'affaire devant la Cour suprême, laquelle a à son tour renvoyé le cas [fr] devant la cour d'appel au motif “d'irrégularités de procédure”. En novembre 2017, la cour d'appel a finalement commué [fr] sa condamnation à mort en une peine de prison de deux ans et une amende.

Le 24 avril 2019, le ministre de la Justice mauritanien a déclaré que M. Mkhaitir était en “détention provisoire” et que “seule la Cour suprême était en mesure de statuer sur son sort”.

L'article 306 du Code pénal prévoyait auparavant que si la personne jugée coupable se “repentait” avant son exécution, la Cour suprême mauritanienne était alors susceptible de commuer la condamnation à mort en une peine de prison comprise entre trois mois et deux ans, ainsi qu'une amende.

Mais en avril 2018, l'Assemblée nationale mauritanienne a adopté une loi qui prévoit la peine de mort obligatoire pour toute personne accusée de “discours blasphématoire” et d'acte considéré comme un “sacrilège”.

“L'entrée en vigueur de la loi quelques mois seulement après que la cour d'appel a ordonné la libération de M. Mkhaitir semble être en lien avec son affaire”, a déclaré [fr] Human Rights Watch en novembre 2018.

Les dénonciations relatives au racisme et au système de castes font l'objet d'un tabou en Mauritanie et ont été, au cours de ces dernières années, à l'origine de nombreuses menaces [fr] juridiques et politiques à l'encontre des journalistes et militants. En 1981, la Mauritanie est devenue le dernier pays au monde à abolir officiellement l'esclavage et n'a criminalisé cette pratique qu'en 2007. Depuis lors, les responsables de l'ONU et les défenseurs des droits de l'homme ont cependant apporté la preuve que des milliers de personnes, dont beaucoup sont des Haratins [fr] d'origine noire africaine, sont toujours réduites en esclavage, vivent dans des situations de travail forcé ou bien sont victimes de discrimination fondée sur le système de castes.

Le gouvernement mauritanien nie le fait que l'esclavage existe toujours dans le pays et de nombreuses personnes comme M. Mkhaitir, qui dénoncent la pratique et la discrimination contre les Haratines, ont été emprisonnées et poursuivies. En septembre dernier, les autorités ont emprisonné [fr] le militant Abdallahi Salem Ould Yali, après l'avoir accusé d'incitation à la violence et à la haine raciale, pour avoir publié des messages dans un groupe WhatsApp dénonçant le sort et la marginalisation de sa communauté.

En Inde, les amateurs de Rooh Afza se réjouissent de retrouver leur boisson favorite en magasin le temps du Ramadan

lundi 13 mai 2019 à 09:48

La fierté de 113 ans du pays revient après 3 mois d'absence

Rooh Afza Syrup (Lal sharbat)

Le sirop Rooh Afza (Lal sharbat). Image via Wikipedia de Miansari66. Domaine public.

Alors que les pratiquants de l'Islam commencent à observer le Ramadan en ce mois de mai, les nombreux aliments et boissons consommés par les musulmans du sous-continent indien durant ce mois sont en vedette. Une des boissons communes dans de nombreuses maisons musulmanes de la région est un concentré sans alcool à base de fruits, de plantes et d'extraits végétaux du nom de Rooh Afza (‘remontant de l'âme’). Mais à l'approche du Ramadan de cette année, les amateurs de Rooh Afza en Inde ont été confrontés à une crise sans précédent : le sirop (produit par les Laboratoires Hamdard) avait disparu des rayons depuis des mois et restait introuvable dans tout le pays.

Le ramadan sans Rooh Afza à l'iftar, c'est inimaginable. Mon enfant de 8 ans le cherche depuis 3 jours dans tous les magasins. Il semble y avoir une rupture de stock.

Tout l'été jusqu'à maintenant je cherchais le Rooh Afza sur presque tous les marchés près de chez moi. On n'en trouve plus nulle part ici. Le ramadan a commencé, mais il n'y a plus de Rooh Afza depuis le début de l'été. Alors n'en faisons pas une boisson musulmane, c'est une boisson de l'Inde en été.

Histoire séculaire

Mixture rafraîchissante à base de plantes pour temps de canicule, cette boisson a formulée pour la première fois en 1906 par Hakim Mohammed Kabiruddin, un phytothérapeute de médecine yunâni de Ghaziabad, dans les Indes britanniques, puis mise sur le marché par Hakeem Hafiz Abdul Majeed d'Old Delhi, en Inde.

En 1907, Hakeem Abdul Majeed a lancé un concentré médicinal non alcoolisé appelé ‘Rooh Afza’ (Soul Enhancer, Remontant de l'âme) pour combattre le loo, le vent chaud et sec de Delhi.
Le Rooh Afza est vite devenu un des régals les plus emblématiques de Delhi, avec le nihari et le bedami poori.

Le Rooh Afza est communément associé au mois de ramadan, pendant lequel on le consomme habituellement pendant l’iftar (la rupture du jeûne). Il est vendu dans le commerce comme un sirop pour aromatiser les sharbats, le lait et les desserts froids et l'eau glacée. Quelque 20 millions de bouteilles sont produites annuellement rien qu'en Inde.

Pour étancher la soif !

Depuis la partition des Indes jusqu'à aujourd'hui, le Rooh Afza est produit par les entreprises fondées par Hakeem Hafiz Abdul Majeed et ses fils, qui ont essaimé à travers l'Inde, le Pakistan et le Bangladesh.

Mayank Austen Sufi écrit sur LiveMint :

Exoticizing itself as the “Summer drink of the East”, Rooh Afza in Pakistan tastes exactly the same as its Indian counterpart. After East Pakistan became Bangladesh in 1971, the property in Dhaka was transferred to a local entrepreneur, who carried on the legacy that began in Old Delhi’s Lal Kuan.

S'exotisant comme la “boisson d'été de l'Orient”, le Rooh Afza au Pakistan a exactement le même goût que son homologue indien. Quand le Pakistan oriental est devenu le Bangladesh en 1971, l'établissement de Dacca a été transféré à un entrepreneur local, qui a poursuivi la tradition commencée au Lal Kuan d'Old Delhi.

Le litige actuel

L'entreprise connaîtrait un litige de direction qui a pu contribuer à la pénurie de Rooh Afza indien. Shivam VJ écrit dans le journal en ligne the Print.in:

The dispute is over the chair of Chief Mutawalli (equivalent to CEO) of Hamdard, which is currently held by Abdul Majeed, the great-grandson of Hakeem Hafiz Abdul Majeed, the Unani medicine practitioner who founded the company in old Delhi over a century ago. The company also owns traditional medicine brands such as Safi, Cinkara, Masturin and Joshina.

Abdul Majeed’s cousin Hammad Ahmed has been trying to take over the company, claiming rightful inheritance. He even went to court for it, and the legal battle put a stop to the production of RoohAfza.

Le litige porte sur le fauteuil de Mutawali en chef (équivalent de PDG) de Hamdard, actuellement occupé par Abdul Majeed, l'arrière-petit-fils de Hakeem Hafiz Abdul Majeed, le médecin yunâni qui a fondé l'entreprise à Old Delhi il y a plus d'un siècle. L'entreprise possède aussi des marques de médecine traditionnelle comme Safi, Cinkara, Masturin et Joshina.
Le cousin d'Abdul Majeed, Hammad Ahmed, a tenté de prendre le contrôle de l'entreprise, revendiquant son héritage. Il est même allé en justice pour cela, et la bataille judiciaire a mis un coup d'arrêt à la production de RoohAfza.

La pénurie de Rooh Afza a attiré davantage d'intérêt lorsque les Laboratoires Hamdard Pakistan ont proposé de livrer le Rooh Afza à l'Inde pendant la période du ramadan.

Usama Qureshi, docteur en médecine et PDG de Hamdard Pakistan a tweeté :

Frère @DilliDurAst, nous pouvons livrer le Rooh Afza et le Rooh Afza GO à l'Inde pendant ce Ramadan. Nous pouvons facilement envoyer des camions par la frontière de Wahga si le gouvernement indien l'autorise.

Le démenti de Hamdard

Cependant, les Laboratoires Hamdard en Inde ont réfuté les articles des médias au sujet du litige de direction, et ont attribué à une pénurie d'ingrédients l'indisponibilité du produit. Aux dernières nouvelles, l'entreprise a indiqué que le produit était de nouveau disponible.

Le fabricant de Rooh Afza Laboratoires Hamdard Inde a fait savoir que sa boisson populaire est de retour sur le marché après une pénurie temporaire due à un problème d'approvisionnements de certains ingrédients végétaux.

Et les Indiens de se réjouir de ce retour :

Fierté du pays depuis 113 ans, la boisson aux plantes la plus populaire de Hamdard le RoohAfza de retour après 6 mois…santé ! 🍹🍹

Trop populaire pour être anonyme ? Des journalistes russes lèvent le masque d'un célèbre blogueur anti-Kremlin… et des questions d'éthique

dimanche 12 mai 2019 à 11:45

Fallait-il ou non révéler l'identité du blogueur anonyme StalinGulag ?

Au moment où a été rédigé cet article, le blog de StalinGulag sur Telegram comptait 355 000 abonnés. Le fondateur de Telegram, Pavel Dourov, a franchi un pas tout à fait inhabituel en certifiant le compte StalinGulag, ce dont très peu de blogs sur Telegram peuvent se flatter. // Photo «RuNet Echo»

StalinGulag est un blogueur politique incroyablement populaire. Il a plus d'un million d'abonnés sur Twitter [ru] et 347 000 sur sa chaîne. Ce qui fait de lui l'un des cinq blogueurs les plus lus sur Telegram, une plateforme clé pour les Russes politiquement actifs.

Sa critique acerbe — et émaillée de grossièretés — du système politique russe et de son actualité recueille des milliers de likes et retweets. En voici un exemple type:

«Grâce à la venue de Kim Jong Un à Vladivostok, plus de 23 000 étudiants de l'Université fédérale d'Extrême-Orient n'ont pas eu de cours pendant cinq jours.»
Vous imaginez Harvard, par exemple, fermé en l'honneur d'un dictateur grassouillet ? Il y a des pays où le peuple ce sont citoyens, et dans d'autres c'est du bétail.

Jusqu'à il y a peu, l'identité de StalinGulag était un mystère. Mais en juin 2018, la RBC, un média qui s'est fait connaître par ses investigations sur la tristement célèbre “usine à trolls” de Saint-Pétersbourg, a utilisé les techniques open source pour faire le lien entre l'activité de StalinGulag et un jeune homme de 26 ans, Alexandre Gorbounov, qui est trader en ligne à Makhatchkala, la capitale de la république du Daghestan, dans le Caucase du Nord.

Après la publication de l'enquête de la RBC, StalinGulag a qualifié [ru] le reportage de conjectures basées sur des rumeurs, critiquant les journalistes qui «font porter à une personne sur qui ne pèse aucun soupçon les responsabilités de quelqu'un d'autre».

Aucune confirmation ni fait nouveau ne sont venus étayer la version de la RBC, mais les théories sur les détenteurs réels du compte StalinGulag et sur leurs motivations ont continué à proliférer.

Certains doutaient qu'il se trouve un individu en chair et en os de l'autre côté de l'écran. D'autres supposaient que le compte était géré par un groupe de plusieurs personnes. Un ancien collaborateur des services spéciaux ukrainiens a même affirmé [ru] que le blog StalinGulag était secrètement contrôlé par le SBU, la principale agence de renseignement qui a succédé au KGB en Ukraine.

Les choses ont pris un tour dramatique en avril 2019, quand StalinGulag a annoncé sur son blog que la police perquisitionnait au domicile des parents âgés d'Alexandre Gorbounov, au motif que son numéro de téléphone aurait servi à commettre un «acte de terrorisme par téléphone». L'auteur de StalinGulag a maintenu ses distances avec Alexandre Gorbounov, proposant à ce dernier son soutien et recommandant même une chaîne distincte intitulée «Sania [l'un des diminutifs d'Alexandre] du Daghestan».

Après quoi, le 30 avril, le site d'investigation Baza a interviewé la mère de Gorbounov. Elle a confirmé qu'Alexandre Gorbounov était bien celui qui tenait le blog StalinGulag, corroborant ainsi les conclusions initiales de la RBC et l'identité du blogueur.

Il s'avère que StalinGulag est bien Alexandre Gorbounov, qui a aujourd'hui 27 ans. Il vit à Moscou, mais est natif de Makhatchkala. Gorbounov est en fauteuil roulant et souffre d'une maladie chronique à progression rapide connue sous le nom de maladie de Werdnig-Hoffman, la forme la plus sévère d'amyotrophie spinale.

Quand il est devenu évident qu'il ne servait plus à rien de continuer à nier, Gorbounov a fini par tout reconnaître dans une interview exclusive qu'il a donnée au bureau russe de la BBC [en]. Coïncidence, c'est justement pour ce média que travaille maintenant Andreï Zakharov, le journaliste d'investigation qui est à l'origine de la découverte de l'identité du blogueur.

Voici comment la BBC décrit la première apparition publique de l'un des blogueurs politiques anonymes les plus célèbres de Russie :

Горбунову 27 лет, но он говорит негромким голосом человека, привыкшего, что его слушают. Начитанный, образованный, одетый как профессор европейского университета, Горбунов производит впечатление уверенного и сдержанного человека.

Однако в своем Telegram-канале он создает прямо противоположный образ: так, самое популярное трехбуквенное обсценное слово встречается в его постах как минимум 69 раз, пятибуквенное — 44 раза. В разговоре с Би-би-си — ни разу.

Gorbounov a 27 ans, mais il parle à voix basse comme quelqu’un qui a l'habitude d'être écouté. Cultivé, instruit, habillé comme le serait un prof de fac en Europe, Gorbounov donne l'impression d'être un jeune homme à la fois confiant et réservé.

Pourtant, sur sa chaîne Telegram, il s'est créé une image totalement opposée: on rencontre dans ses posts un mot obscène de trois lettres au minimum 69 fois, un autre de cinq lettres 44 fois. Dans son entretien avec la BBC, pas une seule fois.

Dans cette interview, Gorbounov confie les difficultés qu'il a connues dès son enfance en étant handicapé dans l'un des endroits de Russie les moins adaptés aux fauteuils roulants. Il dit vouloir prendre soin de lui, raconte ses tentatives pour se lancer dans le commerce en ligne, de la vente de compléments alimentaires au rêve de créer son propre fonds d'investissement. Si ses ambitions ont été brisées, c'est, selon lui, parce que quand l'identité de StalinGulag a été dévoilée en 2018, ses partenaires potentiels se sont désengagés par crainte de représailles politiques.

On peut se demander pourquoi choisir un tel pseudonyme… Alexandre explique qu'il a voulu troller les fans de Staline. Attirés par le nom de leur idole et l'avatar sur lequel Staline fume la pipe, ils pouvaient s'attendre à trouver les louanges du dictateur… mais tombaient sur tout autre chose.

L'interview de la BBC a provoqué un mouvement de sympathie sur les réseaux sociaux. Même ceux qui n'apprécient pas le côté vulgaire, populiste de StalinGulag ont applaudi sa force de caractère et sa volonté de vivre malgré de sévères déficiences physiques.

StalinGulag est un type formidable. Si ma vie charriait la même quantité de merde, je ne sais pas si j'aurais encore la force de respirer. Mais le mec fait quelque chose, il essaie. Énorme respect.

Ce mec est un putain de héros.

Il y en a plein qui trouvent que StalinGulag c'est un peu de la merde (et il faut reconnaître que parfois c'est horriblement mal écrit), mais aujourd'hui il se révèle comme quelqu’un de fort et d'indépendant, qui travaille dur et vit complètement autre chose [que ce dont il parle sur son blog], eh oui ça existe.

L'affaire a soulevé un vif débat dans la communauté médiatique russe : est-il justifié de dévoiler l'identité de blogueurs anonymes dans un climat où toute personne qui critique le gouvernement est menacée de persécutions ou de harcèlement ?

Roman Volobouïev, un ancien journaliste aujourd'hui réalisateur, a interpellé sur sa page Facebook la rédaction de la RBC, qui a été la première à publier des informations sur l'identité de StalinGulag :

В чем ценность этих неполных анкетных данных фигуранта для общества? В чем та большая польза, которая перебивает приход ментов к маме, слежку и прочие радости, которые ему в итоге прилетели? Какое «информированное решение» общество не могло принять, не зная что человека зовут Саша? (Это даже если прекраснодушно предположить, что общество у нас способно на какие-то решения, а не просто жрет информацию и забывает о ней через день)

Quel est l'intérêt pour la société de publier ce genre de données personnelles incomplètes ? Où est le bien public, quand il provoque l'irruption des flics chez sa mère, la surveillance [policière] et autres réjouissances qui lui sont arrivées en définitive ? Quelle «décision éclairée» la société aurait-elle été empêchée de prendre en ignorant que cette personne s'appelle Sacha [diminutif courant d'Alexandre] ? (Ceci en supposant naïvement que notre société soit capable d'une quelconque décision éclairée, et ne se contente pas de bâfrer de l'information en l'oubliant quelques jours après).

Valeri Igoumenov, qui était le rédacteur en chef de la RBC quand a été publiée la première enquête sur StalinGulag en 2018, a répondu à Volobouïev dans un commentaire qui en a laissé plus d'un perplexe :

нам было интересно, кто это пишет, зачем и почему. самый популярный политический телеграм-канал, 300 тыс человек в среднем читает пост, и никто не знает, кто это. вопрос, который люди задавали друг другу все время. почему надо об этом рассказать? автор каждый день транслирует в мозг другим людям безусловно идеологически заряженные послания – вокруг пиздец, все плохо, все еще хуже, жить невозможно, головы не поднять, ложись и помирай. при этом сам человек находит силы как-то жить, зарабатывать деньги, интересоваться чем-то еще, кроме этого пиздеца, но на других вываливает только отчаяние и желчь, без просвета, без вариантов, без выхода. я не считаю, что такой человек имеет право на анонимность, потому что он просто умножает беспомощность и депрессию, оставаясь где-то там в тени за кадром.

On voulait savoir qui écrivait, pour quelle raison et dans quel but. La chaîne Telegram politique la plus populaire, 300 000 vues par post en moyenne, et personne ne sait qui c'est. C'est une question que les gens se posaient tout le temps. Pourquoi faut-il en parler ? L'auteur transfère quotidiennement dans le cerveau des gens des messages au contenu idéologique extrêmement chargé – c'est la merde, tout va mal, vivre est impossible, pas moyen de relever la tête, couche-toi et meurs. Avec ça lui-même trouve la force de vivre tant bien que mal, de gagner sa vie, de s'intéresser à autre chose qu'à cette merde ambiante, mais ce qu'il déverse sur les autres, c'est uniquement du désespoir et de la bile, sans éclaircie, sans alternative, sans issue. Je ne pense pas qu'un tel individu ait droit à l'anonymat, parce qu'il ne fait qu'accroître l'impuissance et la dépression, tout en restant dans l'ombre, hors cadre.

Selon Valeri Igoumenov, il était d'intérêt public de savoir qui se trouve derrière un blog politique incroyablement populaire, même si les journalistes ont commencé par se tromper en supposant que c'était l'œuvre d'une équipe secrète de professionnels menant une guerre de l'information.

La RBC étant un média d'affaires, ceux qui sont d'accord avec M. Igoumenov estiment qu'une enquête sur un empire médiatique qui rapporte à son propriétaire un important bénéfice publicitaire a une valeur en elle-même. StalinGulag diffuse des posts sponsorisés à hauteur de 150 000 roubles [env. 2.050 euros] minimum.

Néanmoins, nombreux sont ceux, chez les confrères de M. Igoumenov comme chez les internautes, qui sont écœurés par l'idée qu'on devrait refuser l'anonymat à quelqu’un s'il «accroît la dépression». Des captures d'écran des commentaires d'Igoumenov ont commencé à se répandre sur internet ; de nombreux professionnels des médias, actuels ou anciens, critiquent une décision qui a mis, selon eux, une personne vulnérable en danger parce que le rédacteur en chef n'aimait pas son style.

Lucia Stein, membre de l'opposition et députée municipale de Moscou, écrit ceci :

Не люблю стиль недовольного постинга скринов комментариев, но не сдержалась! Это бывший главред РБК так обосновывает деанон Сталингулага прошлым летом. Не транслируйте в мир свою фрустрацию, а то справедливые журналисты решат, что вы не имеете права на анонимность, и к вашей маме придут с обысками

Je n'aime pas le ton aigre du post avec la capture d'écran des commentaires, mais tant pis, je me lâche!  C'est l'ex-rédac chef de la RBC qui justifie ainsi la désanon(ymisation) de StalinGulag l'été dernier. Ne déversez pas sur le monde votre frustration, sinon des journalistes impartiaux vont décider que vous n'avez pas droit à l'anonymat, et on viendra perquisitionner chez votre maman.

D'autres trouvent au contraire que, si l'on écarte les étonnants arguments émotionnels d'Igoumenov, les investigations de la RBC sur l'identité de l'auteur de StalinGulag ont un intérêt journalistique.

Au milieu de ces débats, quelques loyalistes pro-gouvernementaux ont trouvé le bon côté de l'affaire :

En fait, c'est drôle que le blogueur de l'opposition StalinGulag montre par son exemple personnel que la Russie est un pays d'opportunités, où un invalide peut gagner sa vie, et très bien, avec son cerveau, faire de la politique et habiter dans la ville la plus chère du pays.

Enlever le masque de StalinGulag avait-il (ou pas) un intérêt pour la société ? Le débat n'est pas fini, mais on sait déjà que cette affaire marquera l'histoire des médias russes indépendants.

Rapport Netizen : Une opération de ralentissement à grande échelle rend inaccessible les réseaux sociaux au Kazakhstan

dimanche 12 mai 2019 à 09:42

L'incident coïncidait avec une manifestation prévue des chefs de l'opposition.

Almaty, Kazakhstan la nuit. Photo de Ребров Олег via Wikimedia Commons (CC BY 2.0)

Le Netizen Report de Globalvoice Advox offre un aperçu des défis à relever, des victoires obtenues et des tendances émergentes en matière de libertés numériques dans le monde. Le présent numéro traite d'informations et d'événements relevés entre le 26 Avril et le 10 Mai, 2019.

Les internautes du Kazakhstan n'ont quasiment pas pu accéder aux principales plateformes de médias sociaux et de messagerie du 7 au 9 mai, selon les informations des médias locaux et les témoignages d'internautes.

Facebook, Instagram, et YouTube ont été les plateformes les plus sérieusement touchées par ce qui ressemble à une opération nationale de “limitation de bande passante”, une pratique ralentissant l'accès à des services spécifiques, au point de les rendre inaccessibles.

Le moment de cette saturation semble intentionnellement bien choisi, les chefs de l'opposition politique du Kazakhstan ayant annoncé des manifestations pour le 9 mai, un jour férié national au Kazakhstan marquant la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

Le 6 mai, un jeune Kazakh s'est fait arrêter pour s'être tenu sur une place publique en tenant dans ses mains une feuille de papier blanche. La police l'a relâché peu de temps après. Il écrivit plus tard sur Facebook, “Je viens de mettre en évidence l'absurdité et la folie de nos autorités.” La nouvelle de son arrestation a poussé les Kazakhs à se montrer en photos sur les réseaux sociaux tenant des pancartes vierges.

Le ralentissement des sites et services internet, de même que cet acte précis d'intimidation policière, révèle le profond malaise du gouvernement actuel face aux actes publiques de liberté d'expression, que ce soit en ligne ou non.

Le Kazakhstan traverse une transition politique sans précédent, l'ancien président Nursultan Nazarbayev ayant annoncé en mars 2019 son intention de démissionner après presque trois décennies de pouvoir incontesté. De nouvelles élections sont prévues en avril 2020, ce qui occasionnera un regain d'activisme politique de l'opposition et des militants de la société civile.

Le Sri Lanka lève l”interdiction des médias sociaux, après les attentats meurtriers

Le 30 avril, les autorités du Sri Lanka ont officiellement levé l'interdiction des principaux services de médias sociaux à l'échelle nationale. Le 22 avril, quelques heures après les attentats à la bombe qui ont tué des centaines de victimes dans les églises et hôtels de la capitale et des environs, les autorités ont bloqué Facebook, Instagram, WhatsApp, YouTube, Viber, Snapchat et Facebook Messenger. Les réactions à cette mesure ont été mitigées, plusieurs d'entre elles exprimant de la frustration aussi bien contre le gouvernement que contre les plateformes de réseaux sociaux, qui ont montré leur incapacité à contrôler la diffusion des discours de haine et de désinformation dans les situations d'urgence publique.

Procès d'une universitaire féministe ougandaise dans ‘l'affaire du vagin’

L'universitaire ougandaise et militante féministe Stella Nyanzi a comparu en justice le 9 mai pour violation des dispositions de la Loi sur l'utilisation abusive de l'informatique sur le cyber-harcélement et la production de contenu “obscène, impudique, lascif ou indécent”. Il s'agit d'un poème publié sur Facebook par Nyanzi, qui y compte plus de 207 000 abonnés. Le poème affirme que l'Ouganda aurait été mieux loti si le Président Museveni avait trépassé à la naissance, et comprend des descriptions vulgaires des parties intimes de la mère décédée du Président. De ce fait, la presse évoque le procès de Nyanzi comme “l'affaire du vagin.”

Nyanzi, célèbre pour son activisme radical sur les questions de genre et de sexualité, est une ardente défenseure de l'éducation des filles. En 2017, elle a été arrêtée pour des motifs similaires , pour avoir comparé le Président à “une paire de fesses” sur sa page Facebook.

La CIA avertit un blogueur : ‘les Saoudiens vous espionnent peut-être’

La semaine dernière,des agents américains de la CIA ont fait une visite surprise au blogueur et critique des médias sociaux Iyad el-Baghdadi, d'origine palestienne, à son domicile en Norvège, où il a obtenu l'asile politique. Les agents l'ont informé qu'il était devenu une cible potentielle du gouvernement saoudien. El-Baghdadi a critiqué le bilan du royaume en matière de droits humains, et s'est exprimé avec force contre l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi à l'ambassade saoudienne d'Istanbul en octobre 2018.

Sur internet, El-Baghdadi est bien connu comme défenseur des droits humains et de la démocratie dans le monde arabe. Ses commentaires et sa couverture des soulèvements de la région en 2011 ont rendu son blog extrêmement populaire.

Les médias russes démasquent un blogueur anonyme anti-Kremlin

La personne derrière StalinGulag, une chaine de Télégram en Russe extrêmement populaire et un compte Twitter connu pour ses critiques acerbes et parsemées de vulgarités du système politique russe, a récemment révélé sa vraie identité dans une interview accordée à BBC Russie.

Alexander Gorbounov, un résident moscovite de 27 ans, avait été dénoncé avant l'entrevue, par RBC, un autre média. Après plusieurs mois de tentatives de désagrégation des deux identités dans l'imagination du public, Gorbunov s'est manifesté. Durant l'entrevue avec la BBC, les abonnés de Gorbunov ont appris qu'il était en fauteuil roulant et souffrait d'une maladie chronique, à progression rapide dénommée maladie de Werdnig-Hoffman, le type le plus grave d'amyotrophie spinale musculaire. Un vif débat sur l'éthique de la révélation de l'identité de Gorbounov agite depuis lors les journalistes locaux.

La censure d'Internet continue d'exacerber la crise politique au Venezuela

Après que les dirigeants de l'opposition vénézuélienne ont lancé ce qu'ils appellent “la dernière étape” d'un transfert de pouvoir entre le gouvernement de Nicolas Maduro et leur chef Juan Guaidó (qui reste à se concrétiser), les principales plateformes des réseaux sociaux dont Twitter, Instagram, Facebook et YouTube sont devenues inaccessibles, tandis que les retransmissions de CNN et de la BBC ont complètement cessé.

NetBlocks un groupe de recherche sur la censure d'Internet a rapporté que les services avaient été rétablis 20 minutes avant le discours en direct de Nicolás Maduro le 1er mai.

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