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5 choses à savoir sur le nouveau Premier ministre indien Narendra Modi

mercredi 21 mai 2014 à 22:57
Narendra Modi expressing his happiness to voters and the media. Photo by Aviral Mediratta. Copyright Demotix (17/5/2014)

Narendra Modi exprime sa joie devant ses électeurs et les médias. Photo par Aviral Mediratta. Copyright Demotix (17/05/2014)

Tous les liens renvoient vers des pages en anglais, sauf mention contraire.

Les Indiens ont choisi le parti de Narendra Modi. Le Bharatiya Janata Party (BJP) [en français] a enregistré une victoire historique écrasante, détrônant le Congrès national indien et marquant le retour d’une majorité monopartite.

Modi sera bientôt à la barre de la plus grande démocratie et poumon économique du monde. Il s’est attiré les foudres de nombreuses personnes, dont celles de l’écrivain Salman Rushdie [en français] ainsi que du professeur à l’université d’Harvard Homi Bhabha [en français], entre autres, qui se sont liguées pour publier une déclaration contre sa candidature.

Mais qui est ce leader charismatique, quoique polémique ? Quelles idées défend-t-il ? Plusieurs éléments de sa carrière méritent d’être passés en revue, et pas que des mauvais points.

1. Un personnage controversé en raison de son implication supposée dans les émeutes au Gujarat de 2002

Modi était ministre en chef de l’État du Gujarat lorsque les émeutes ont éclaté [en français] dans la ville de Godhra à la suite de l’incendie d’un train transportant des hindous en provenance d’Ayodhya, cité sacrée du nord de l’Inde. Dans les conflits violents entre hindous et musulmans engendrés par l’incident, 900 à 2000 personnes ont été tuées, de confession musulmane pour la majeure partie.

Modi, nationaliste hindou, aurait exprimé sa satisfaction à l’issue des sombres événements de 2002. Son seul regret, selon le New York Times : ne pas être parvenu à mieux gérer les médias d’information.

Bien qu’il ait été reconnu non coupable par les tribunaux indiens, certains persistent à croire qu’il aurait permis aux émeutes de Gujarat de faire rage. L’officier de police le plus haut placé du service des renseignements du Gujarat prétend que Modi aurait dit aux fonctionnaires que la communauté musulmane avait besoin d’une bonne leçon.

2. Sa politique pourrait avoir une influence positive sur l’économie

La victoire de Modi devrait renforcer le commerce avec les États-Unis et relancer l’économie indienne. Au terme d’une enquête réalisée auprès de 68.500 électeurs avant et après les élections, un groupe de chercheurs provenant de l’université de Pennsylvanie, de la Fondation Carnegie pour la paix internationale et de la Lok Foundation indienne a dressé un bilan révélant que 57 % des sondés avaient qualifié les problèmes économiques comme étant « de la plus grande importance ».

En tant que ministre en chef du Gujarat, Modi a supervisé l’industrialisation rapide de zones autrefois plongées dans la torpeur, un exploit qu’il affirme vouloir reproduire dans d’autres régions de l’Inde. Les réussites successives de Modi dans le Gujarat lui ont permis de peser dans la balance au moment des élections, en faisant valoir le « modèle Gujarat » afin de se distinguer, comme rapporté par le site d’actualités Live Mint.

Si les émeutes de 2002 ont terni sa campagne, son approche économique a contribué à le faire remonter dans l’opinion. Dans une chronique du Financial Times, l’économiste résidant à Singapour Rajeev Malik explique :

Non que l’impair concernant les [émeutes au Gujarat] de 2002 ait été effacé des mémoires ; seulement, l’urgence bien plus actuelle et considérable du bien-être économique a supplanté une ancienne tragédie.

3. Doit faire ses preuves sur les problèmes de la condition féminine

Le rôle de la femme est-il en passe de changer en mieux sous le gouvernement de Modi ? Dans un article pour le Centre hindou pour la politique et la politique publique, Hardeep Dhillon fustige les deux candidats pour leur vision des femmes centrée sur la sécurité, la sûreté et l’éducation. En particulier, Dhillon soutient que Modi perçoit les femmes comme des êtres passifs :

On imagine les femmes comme un groupe uniforme se comportant, pensant et agissant de la même façon, et leurs opinions politiques sont établies avant même qu’elles aient réellement pu émerger dans le paysage politique. Par conséquent, les femmes indiennes sont dépouillées de leur liberté politique, alors que M. Modi se revendique partisan de celle-ci. Il les réduit ainsi à des acteurs politiques passifs, plutôt qu’actifs.

L’auteur a également soulevé des inquiétudes au sujet du contraste entre les fermes condamnations par Modi de la « culture du viol », cette dernière ayant atteint son paroxysme avec l’affaire du viol collectif de New Delhi en 2012, et son silence à propos du traitement des musulmans et des femmes minoritaires au sein de son État. Alors qu’il s’était présenté comme célibataire jusqu’à ce dernier cycle électoral, la rumeur sur sa « femme secrète » amène aussi à s’interroger sur son attitude envers les femmes.

4. Il maintient une posture d’opposition à l’immigration

Au cours de la dernière décennie, un nombre considérable de Bangladeshis ont migré vers l’Inde pour rejoindre leur famille, trouver du travail ou fuir des crises écologiques, entre autres. En réponse à la vague d’immigration, l’Inde a renforcé la sécurité le long de ses frontières avec le Bangladesh et des clôtures en barbelés ont notamment été installées.

Si Modi a carte blanche, il fera reconduire à la frontière tous les Bangladeshis sans-papiers [en français]. Lors de son discours du 28 avril 2014, Modi menace :

Je veux vous prévenir, frères et sœurs prenez-en note, qu’une fois passé le 16 mai, je renverrai ces Bangladeshis de l’autre côté de la frontière avec leurs valises et bagages.

Sur les réseaux sociaux, la réaction suscitée par le discours de Modi a montré que les Indiens l’avait entendu. Le hashtag #deportbangladeshis a été utilisé tant de fois qu’il est devenu un trending topic sur Twitter en Inde pour plusieurs heures.

5. Son ancienne ferveur religieuse pourrait compromettre la laïcité de l’Inde

Dans sa jeunesse, Modi a fait partie du Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), un mouvement nationaliste hindou conservateur. Aujourd’hui encore, il se revendique comme nationaliste hindou. Mais contrairement à ce qu’il a pu dire dans ses jeunes années aux côtés du RSS, Modi a récemment déclaré qu’il ne croyait pas en la division des électeurs en fonction de leur religion.

Toutefois, pour certains, son élection ne présagerait rien de bon pour l’avancée de la tolérance religieuse. Sunny Hundal écrit dans une tribune pour CNN :

L’Inde connaît actuellement une recrudescence de l’intolérance, attisée par les groupes nationalistes hindous qui ont fait pression pour la censure de livres, intimidé des journalistes et menacé la population pour avoir critiqué ses leaders.

Dans une interview accordée à Scroll.in, le politologue français Christophe Jaffrelot avance :

Le plan A pour Modi est de réussir sur le front économique. Si cela ne marche pas, mettre l’accent sur la vision Hindutva de l’Inde pourrait alors être un plan B important.

Dans The Guardian, l’écrivain indien Pankaj Mishra a dressé une image particulièrement sombre de la situation en déclarant que l’élection de Modi était synonyme d’une « nouvelle phase de turbulences pour le pays », sans doute la plus sombre depuis son indépendance de l’Empire britannique en 1947.

Pour sa part, Modi a maintenu qu’il s’adressait à l’Inde tout entière, sans distinction religieuse :

Mon mantra pour la nation : 1,25 milliard d’Indiens. Hindous, musulmans, chrétiens… Le pays en a assez de toutes ces terminologies. Jeune, pauvre, fermier, village, ville, éducation : voilà quelles seront les nouvelles terminologies.

Seul le temps révélera s’il le pense vraiment.

Fondation Casa del Bosque – Technopolitique et activisme à Bogotá

mercredi 21 mai 2014 à 22:45

Fundación Casa del Bosque

Tous les liens de ce post renvoient vers des pages en espagnol, sauf indication contraire.

Bogotá, comme d'autres villes d'Amérique Latine, dispose d'espaces afin que les activistes technologiques et ceux qui veulent en apprendre davantage sur la technologie puissent se rencontrer et créer de nouvelles synergies et des activités où ils développent des applications pratiques sur ces thèmes. La Fundación Casa del Bosque est un de ces espaces.

La Fondation, créée par une équipe interdisciplinaire, fournit une formation en gestion dans les technologies Internet, l'animation 3D, la sécurité informatique et les languages de programmation, et réalise également des recherches sur le fossé numérique, la dette publique technologique, la technopolitique, le militantisme et l'alphabétisation numérique en Colombie. Avec leurs propres mots :

Nos concebimos como una organización autosostenible, que destina los recursos de su áreas de servicios a la gestación de redes de empoderamiento tecnológico en territorios de la ciudad de Bogotá, promoción al software libre y la cultura libre e impulso a procesos infoalfabetizadores en ciudades de Colombia.

Nous nous considérons comme une organisation autonome qui alloue des ressources au sein de nos axes de services afin de préparer des réseaux d'émancipation technologique dans des zones de la ville de Bogotá, en promouvant le logiciel libre et la culture libre, et encourageant le processus d'alphabétisation numérique dans les villes de Colombie.

Il y a de nombreuses activités organisées par la Fondation, comme le CopyculturaCon3ctiva et Bogotic  entre autres projets. Ces actions s'inscrivent dans les axes de travail que la Fondation considère importants pour son développement.

Axe: Participation citoyenne dans la technopolitique : bogoTIC: Réseau de surveillance citoyen pour une approche critique des TIC à Bogotà

Axe: Promotion technoculturelle: Copycultura : plateforme de lancement pour les artistes promouvant la culture libre à Bogotá.

Axe: Production technologique: bogoLAB : Laboratoire d'intervention technologique afin de réduire le fossé numérique à Bogotà.

Axe: Émancipation technologique des citoyens : Rencontre latino- américaine des technologies web.

Axe: Intervention et réduction du fossé numérique et accès à la culture digitale – Festival de Techno-Towns.

Axe: Promotion du contenu numérique et des licences ouvertes : Festival du Film Creative Commons à Bogotà. Plateforme portable numérique Con3ctiva pour l'accès au contenu audiovisuel Creative Common

Axe: Circulation de l'information et renforcement de la technoculture citoyenne : Résidences Technoculturelles Internationales

Café Commons en Fundación Casa del Bosque.

Cafe Commons à la Fondation Casa del Bosque. Image de FCBosque.

María Juliana Soto a écrit au sujet de FCBosque dans Open Business en 2011, donnant un rapide historique de la Fondation et décrivant ensuite leur implémentation du modèle IAP (Investigation – Action – Participation): “c'est une approche participative qui promeut la compréhension de la réalité de la population (caractéristiques socio-économiques, ressources, besoins, etc.) et permet la planification et la mise en oeuvre d'actions plus précises.”

Une des idées principales traitées par FCBosque est la technopolitique – mais qu'est-ce que la technopolitique ? D'après [anglais] le 15-M Movement wiki c'est “l'utilisation tactique et stratégique d'outils digitaux [anglais] pour l'organisation, la communication et l'action collective. La capacité de connecter des foules, la matière grise et les organes du réseau afin de créer et auto-ajuster l'action collective.”

Farid Amed, de la Fondation Casa del Bosque, fait quelques observations sur le concept de la technopolitique d'un point de vue historique et latino-américain.

Somos la cuarta generación comunicacional que hoy tiene la posibilidad de juntar las luchas previas comunicacionales de los últimos 400 años. La imprenta, la radio, la TV, internet, cuatro escenarios de poder comunicacional que sin duda, articuladas en favor de la humanidad podrían imprimir dinamismo a los cambios urgentes del planeta. Somos una generación en donde el activismo tecnológico no es una postura circunstancial, somos una generación llamada a conceptualizar en tecnopolítica las luchas comunicacionales de nuestros tiempos…

La tecnopolítica como red de conocimiento llamada a fundar consciencia ciudadana para la construcción de políticas públicas propicias para la autonomía tecnológica de nuestros pueblos. La tecnopolítica del empoderamiento responde con políticas públicas y de resistencia en Brasil, Ecuador, Bolivia, Argentina, Uruguay, Venezuela… Las luchas perdidas en el pasado, pueden volver a ser las nuevas luchas del futuro. Internet libre, tecnopolítica para una tecnología pública y de acceso urgente para una sociedad democrática como postulado de acción coordinada y planetaria.

Nous sommes la quatrième génération communicationnelle qui a aujourd'hui la possibilité de réunir les luttes de communication des 400 dernières années. La presse, la radio, la télévision, Internet, quatre scénarios de pouvoir communicationnel qui sans aucun doute, articulés en faveur de l'humanité, pourraient donner une impulsion au changement dans le monde. Nous sommes une génération pour laquelle l'activisme technologique n'est pas une position de circonstance, nous sommes une génération appelée à conceptualiser en technopolitique les luttes communicationnelles de notre temps.

La technopolitique comme un réseau de connaissance a conduit à créer une conscience civique afin de créer des politiques publiques amenant à l'autonomie technologique de nos peuples. La technopolitique de l'émancipation technologique est liée aux politiques publiques et à la résistance, au Brésil, en Équateur, Bolivie, Argentine, Uruguay, au Vénézuela… Les batailles perdues dans le passé peuvent être les nouvelles luttes du futur. Internet gratuit, la technopolitique pour les technologies publiques, et l'accès urgent à une société démocratique comme principe d'une action coordonnée et globale. 

Dans un autre article, Farid parle de la relation entre les logiciels et la culture libre et la technopolitique et parle également des lacunes théoriques dans la discussion au sujet du hacktivisme et de la technopolitique.

El software y hardware libre aseguran empoderamiento ciudadano, transparencia, reducción de monopolios y con ello mantenimiento de la democracia. La cultura libre garantiza accesos al saber, y con ello, el mantenimiento de derechos. La tecnopolítica análiza política, sociológica y geopolíticamente las relaciones sociales y corporativas de base tecnológica, alertando y accionando sobre aquellas dinámicas que limiten el poder ciudadano en el ámbito de las telecomunicaciones.

Le logiciel et le matériel informatique libre assure l'émancipation des citoyens, la transparence et la réduction des monopoles, maintenant ainsi la démocratie. La culture libre assure l'accès à la connaissance, protégeant ainsi les droits. La technopolitique analyse les relations sociales et corporatives de façon politique, sociologique et géopolitique au travers de la technologie, alertant et prenant des mesures à l'encontre de ces dynamiques qui limitent le pouvoir du citoyen dans le domaine des télécommunications.

C'est en effet avec Farid Amed que j'ai eu la chance de discuter il y a quelques semaines à Bogotá, et le contenu de cette vidéo fait partie de notre conversation. 

FCBosque accepte de façon permanente des Résidences Technopolitiques, comme un moyen de faciliter la mise en oeuvre des plans d'actions, le développement et l'intervention liés à l'utilisation des technologies et la réduction du fossé numérique, la connectivité, l'info-alphabétisation ou l'émancipation, destinés principalement mais non nécéssairement à des communautés sous représentées ou marginalisées de la société colombienne. 

Dans la vidéo suivante nous pouvons découvrir physiquement la Casa Del Bosque ainsi que quelques activités qui s'y déroulent :

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Vous pouvez suivre la Fondation Casa del Bosque sur FacebookG+ et Twitter, ainsi que sur Idéntica. Ne ratez pas leurs vidéos sur Youtube, ou leur bibliothèque téléchargeable depuis leur site Internet sur des sujets tels que le le Logiciel Libre, le Transfert Technologique, le Fossé Numérique, et autres.

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Ça n'arrive qu'en Thaïlande : le coup d'Etat qui ne dit pas son nom

mercredi 21 mai 2014 à 22:34
The Royal Thai Army declares martial law across the crisis-gripped kingdom and tells the nation not to panic as the announcement is meant to restore order. Photo by Vinai Dithajohn, Copyright @Demotix (5/20/2014)

L'Armée Royale de Thaïlande décrète la loi martiale dans le royaume englué dans la crise politique et demande à la nation de rester calme, l'instauration de la loi martiale ayant pour seul objet de rétablir l'ordre. Photo de Vinai Dithajohn, Copyright @Demotix (5/20/2014)

[Sauf indication contraire, les liens dirigent vers des pages en anglais]

L'Armée Royale Thaïlandaise a instauré la loi martiale en Thaïlande avec l'intention de mettre fin aux violences et au conflit politique qui secouent le pays depuis l'année dernière. Mais les militaires soutiennent que leur intervention n'est pas un coup d'Etat. De plus, ils invitent les responsables des forces politiques antagonistes à se rencontrer pour résoudre la crise politique [fr].

La Thaïlande a déjà subi 18 coups d'Etat et le dernier, en 2006, a chassé le Premier Ministre Thaksin Shinawatra.

La loi martiale a été décrétée quelques semaines après que la soeur cadette de Thaksin, la Première Ministre Yingluck Shinawatra, a été destituée de son poste par la Cour Constitutionnelle.

L'opposition, qui organise des manifestations de rue et provoque le gouvernement depuis le mois de novembre, accuse la famille de Thaksin de corruption et d'abus de pouvoir. L'opposition pense que le processus électoral est faussé [fr] par l'influence de Thaksin et demande qu'un Conseil du Peuple non élu soit nommé pour mettre en place des réformes politiques. De leur côté, les sympathisants du parti de Thaksin soutiennent l'organisation de nouvelles élections en juillet [fr] ou en août pour sortir de l'impasse.

En invoquant des menaces pour la sécurité nationale et pour éviter des effusions de sang, les militaires ont décidé d'intervenir en instaurant la loi martiale.

Restez calmes. Ce n'est pas un coup d'Etat.

L'armée a assuréé que l'activité du gouvernement restait normale. Elle a déclaré que la Constitution et le gouvernement civil continuaient à fonctionner. Ce qui a été mis en place c'est une Commission de Maintien de la Paix et de l'Ordre dont la mission principale est d'assurer la sécurité des Thaïlandais et de l'Etat.

Des analystes politiques étrangers parlent de l'intervention militaire comme d'un demi-coup d'Etat et d'un coup d'Etat en douceur. Mais est-ce vraiment un coup d'Etat ? Isriya Paireepairit est sûr qu'il s'agit d'une intervention militaire :

L'armée a insisté pour dire que ce n'est pas un coup d'Etat et que le gouvernement actuel reste en place.

Pratiquement, même si ce n'est pas un ‘coup d'Etat officiel', c'est à l'évidence une ‘intervention militaire'. L'actuel gouvernement Pheu Thai reste en place mais son pouvoir sur les questions de sécurité est transféré à l'armée. Certains parlent de ‘coup d'Etat fantôme’ ou de ‘coup d'Etat déguisé'.

‘Ceci n'est pas une pipe’ – Michel Foucault tenant une pipe, ‘Ceci n'est pas un coup d'Etat’ l'armée thaï fusils à la main #fbstatus #มิตรสหายท่านหนึ่ง

En signe de progrès démocratique, le Myanmar a abandonné la loi martiale, alors que la Thaïlande vient de décréter la loi martiale. #Thailand

Pour un groupe d'universitaires appelé Nitirat ou Les Juristes Eclairés, la loi martiale est inutile puisque le gouvernement peut prendre des mesures d'urgence sans avoir besoin de donner des pouvoirs élargis aux militaires :

Si l'on considère ce qui s'est passé, les manifestations politiques de Bangkok et de ses environs ne s'étendent pas à tout le pays. La promulgation de la loi martiale sur tout le pays est donc abusive et incompatible avec les principes de réalité et de proportionnalité qui exigent que l'on ne puisse limiter les droits et libertés qu'en cas de nécessité absolue.

La Commission Asiatique des Droits Humains rappelle à l'armée thaïlandaise que rien de normal n'existe sous un régime de loi martiale :

La Commission Asiatique des Droits humains désapprouve sans réserve l'idée que la loi martiale puisse ou doive être normalisée… Il n'y a rien de normal avec la loi martiale, ni avec les conditions de vie politique ou juridique qu'elle engendre.

Tout en reconnaissant que les solutions proposées par les principaux partis politiques pour en finir avec la crise ne sont pas efficaces, Atiya Achakulwisut ne pense pas que la loi martiale puisse marcher :

Bien que ce soit une solution commode à court terme, l'intervention de l'armée ne pourra jamais résoudre les conflits politiques dans lesquels nous sommes empêtrés. En réalité, comme le prouve le dernier coup d'Etat, une intervention armée peut régler le conflit sur le court terme, mais finit par créer des sentiments profonds de division électorale qui perdurent.

Nous sommes bloqués dans une situation critique qui voit des groupes de personnes qui suivent des objectifs opposés, à cause d'une solution militaire à court terme. Nous n'avons aucun intérêt à refaire la même erreur.

La censure des médias

La loi martiale en Thaïlande, qui remonte à 1914, donne aux militaires le pouvoir de contrôler la presse. C'est ce pouvoir que l'armée a exercé aujourd'hui en ordonnant la fermeture de 14 chaînes de télévision et stations de radio locale et en leur demandant de diffiuser les communiqués de l'armée. L'armée dit qu'elle fait appel à leur “coopération” pour ne pas aborder les problèmes politiques

afin que les auditeurs et téléspectateurs aient des informations justes sans une appréciation qui pourrait créer de l'incompréhension, envenimer le conflit, et entraver le rôle des responsables du maintien de la paix.

Khaosod English critique la prise de contrôle de plusieurs salles de rédaction : 

Les militaires ont précisé avec insistance que ce n'était pas un coup d'Etat. Mais coup d'Etat ou non, la loi martiale restreint déjà un certain nombre de droits et libertés garantis par la constitution thaïlandaise.

Il est clairement dit que la loi martiale ne peut être décrétée par les militaires en Thaïlande qu'en cas de guerre ou d'insurrection. Ce n'est pas le cas en Thaïlande actuellement.

Les médias thaïs méritent de pouvoir agir sans censure ni intimidation. La loi martiale thaï ne fait qu'empirer la fragilité de la liberté des médias en Thaïlande.

Benjamin Ismail, responsable de Reporters Sans Frontières pour l'Asie et le Pacifique, qualifie l'action de l'armée d’illégale :

L'intervention des militaires sur les stations de télévision a été menée de façon tout à fait illégale… Si l'armée veut que les médias informent le public, il lui suffit de leur envoyer ses communiqués de presse. Elle n'a pas besoin d'occuper les salles de presse.

Richard Bennett, directeur d'Amnesty International pour l'Asie, demande instamment à l'armée de respecter l’indépendance des médias :

L'action des militaires pour imposer des restrictions sévères à l'indépendance des médias est à déplorer. La sécurité nationale ne doit pas être utilisée comme prétexte pour réduire au silence l'exercice pacifique de la liberté d'expression, et nous demandons instamment aux militaires de laisser aux médias en Thaïlande l'espace nécessaire à l'exercice de leur travail légitime.

Même les réseaux sociaux sont menacés :

Les militaires thaïlandais ont donné de nouveaux ordres limitant ce que les médias peuvent ou ne peuvent pas faire. Les médias sociaux sont maintenant concernés #Thailand

Manifestations contre la loi martiale

Des manifestations ont été organisées pour demander aux militaires de regagner leurs casernes et de révoquer la loi martiale. Par ailleurs, les manifestants anti-gouvernementaux ont promis d'organiser de grands rassemblements dans les prochains jours pour forcer au remplacement du gouvernement civil.

Manifestation contre la loi martiale maintenant, devant le Centre d'Art et de Culture. #bkk pic.twitter.com/scd2ngwYD9

Les gens allument des bougies devant le Musée d'Art Moderne de Bangkok et scandent ‘non à la loi martiale. Non au coup d'Etat. Les soldats à leurs casernes. Elections pic.twitter.com/zzPJBDeAfV

Non à la loi martiale. Manifestation pacifique contre l'utilisation par l'armée de la loi martiale à Bangkok aujourd'hui. pic.twitter.com/z7GOAcy6rt

Coup d'Etat à l'ère des médias sociaux

A Bangkok resident poses for a photograph with Thai soldiers. Photo by Vinai Dithajohn, Copyright @Demotix (5/20/2014)

Une habitante de Bangkok pose pour se faire photographier avec les soldats thaïlandais. Photo de Vinai Dithajohn, Copyright @Demotix (5/20/2014)

Paradoxalement, beaucoup de Thaïlandais font des selfies avec les soldats à Bangkok, la capitale du pays. Coconuts Bangkok fait cette remarque:

Bangkok s'est réveillée dans un terrible embouteillage provoqué par les troupes armées qui stationnent sur les grandes artères de la ville.

Le long des lignes du BTS (train de banlieue), Coconuts a remarqué un certain nombre de militaires qui montaient la garde auprès de leurs véhicules blindés. A vrai dire, ils n'étaient pas très menaçants et les habitants de Bangkok n'hésitaient pas à s'en approcher pour prendre les selfies d'usage.

En Tunisie, une campagne pour réformer une législation anti-cannabis lourdement répressive

mercredi 21 mai 2014 à 13:02

Les lois anti-cannabis sont très sévères en Tunisie. A la suite de l’arrestation [anglais] de l'activiste et blogueur Azyz Amami, qui militait pour leur abolition, les appels à amender la législation tunisienne sur la consommation de drogues se sont multipliés.

La loi 52 du 18 mai 1992, qui définit les sanctions pour les infractions liées à la drogue, prévoit de un à cinq ans de prison et une amende allant jusqu'à 3.000 dinars (1.350 €) pour toute personne surprise à “consommer ou posséder pour sa consommation personnelle des plantes et produits stupéfiants, dans des conditions non autorisés par la loi.” Le texte impose une peine de prison allant jusqu'à trois ans et une amende maximale de 5.000 dinars (2.250 €) pour “quiconque fréquente délibérément un lieu affecté et aménagé pour l'usage de stupéfiants.”

Selon les récents chiffres des Nations Unies [anglais], plus de la moitié des 13.000 personnes en détention provisoire, et le tiers des 11.000 prisonniers de Tunisie ont été arrêtés pour toxicomanie, notamment sous cannabis.

Ces chiffres alarmants ont poussé un collectif de militants à créer Al Sajin 52 (‘Prisonnier 52′ en référence à la loi 52 de 1998), une action de la société civile cherchant à amender la tristement célèbre loi 52 et à “sauver les générations futures du pays”. L'argument est que cette ‘loi répressive’ ne fait qu'alimenter la surpopulation carcérale sans empêcher le nombre de fumeurs de cannabis de s'accroître.

Ils ont formulé leurs objectifs comme suit :

· AlSAjin 52 vise l’avortement de la sentence d’emprisonnement à l’encontre des consommateurs de stupéfiants, particulièrement ceux du cannabis (ZATLA) régie par cette loi.
· AlSajin 52 ne cherche en aucun cas à encourager la consommation mais est convaincue que la sentence d’un an ou plus de prison, ne donne pas de motivation pour un sevrage dans grand nombre de cas.
· AlSajin 52 essaye par cette initiative de faire comprendre la réalité de cannabis, dans notre société de consommation, voire de surconsommation.

Mi-mars, Al Sajin 52 a demandé dans une lettre ouverte au Premier Ministre Mehdi Jomaa l'ouverture d'un débat national sur la révision de la législation anti-cannabis de la Tunisie.

'Prisoner 52, Let's Reform Law 52 of 18 May 1992'

Le 12 mai, la police a arrêté un des fondateurs du mouvement, le blogueur et activiste Azyz Amami [anglais], ainsi qu'un de ses amis, sur des accusations alléguées de consommation de cannabis.

L'arrestation a provoqué une multiplication des appels à supprimer les peines de prison pour les fumeurs de cannabis, sous les mots-dièse Twitter #loi52 et #A_BAS_LOI52.

Le médecin Zied Mhirsi a tweeté :

La toxicomanie réclame des soins et un traitement, pas la prison #Libérez Azyz

Linda a critiqué les soi-disants représentants démocrates de l'Assemblée Nationale Constituante, unique législature du pays et actuellement seule institution ayant compétence pour amender ou abroger les lois.

La militante des droits humains Amira Yahyaoui a tweeté :

Les personnalités politiques ont réagi.

La députée à l'Assemblée constituante Karima Souid du parti de centre-gauche Al-Massaar a tweeté le 14 mai :

Zeinb Turki du parti centriste Al-Jomhouri affirme :

Le caricaturiste politique anonyme Z écrit :

Le blogueur et activiste Azyz Amami a été arrêté par la police hier soir pour, semble-t-il, consommation de cannabis. Si ce n'était l'exceptionnelle aura de ce personnage et sa notoriété révolutionnaire, peu de gens se seraient bougés pour dénoncer la violence de son arrestation et dénoncer par la-même la scandaleuse loi 52.

Il met en garde que la campagne pour libérer Amami ne doit pas éclipser la nécessité d'abroger la loi 52 :

Cependant il ne faut surtout pas que la campagne en faveur de Azyz ne nous fasse oublier que la priorité consiste à supprimer la loi 52 et à reformuler les outils juridiques concernant la Zatla. Puis surtout, il ne faudrait pas que le soutien à Azyz soit considéré comme le privilège de ceux qui bénéficient de réseaux sociaux et de relais médiatiques.

Inondations : les Serbes abandonnés à leur sort s'auto-organisent

mardi 20 mai 2014 à 22:06
The river rising in Sremska Mitrovica, Seria, May 17, 2014. Photo by Stanko Pužić, used with permission.

Montée des eaux à Sremska Mitrovica, Serbie, le 17 mai 2014. Photo de Stanko Pužić, reproduite avec autorisation.

Une catastrophe naturelle d'une ampleur inconnue depuis plus de 120 ans a frappé la Serbie et la Bosnie en ce mois de mai, avec un système nuageux géant de basses pressions qui a déversé en seulement trois jours l'équivalent de trois mois de précipitations

De nombreuses villes de Serbie et de Bosnie noyées sous plusieurs mètres d'eau ont été évacuées, laissant près de 50 morts [les autorités refusent de donner un bilan officiel] et des sinistrés par dizaines de milliers. En Serbie, les autorités sont accusées de bâcler les opérations de sauvetage, tandis que les mouvements de la société civile se mobilisent de façon impressionnante.  

Les premières alertes aux inondations pour la Serbie et la Bosnie-Herzégovine remontent à la mi-avril 2014, et quelques montées des eaux mineures, non exceptionnelles dans la région à cette période de l'année, sont apparues dans la suite du mois.

Pendant la semaine du 12 mai, un voile nuageux a recouvert la région et la pluie est tombée plusieurs jours sans discontinuer. Dès le 15 mai, on enregistrait les premiers morts et plus de 500 personnes étaient évacuées de leurs maisons. La pluie a continué à jet continu les jours suivants et les nombreux cours d'eaux qui traversent les deux pays gonflaient toujours.

Cinq villes, dont la capitale Belgrade, et 16 municipalités ont déclaré l'état d'urgence le 15 mai, tandis que les parties occidentale et centrale de la Serbie subissaient de plein fouet les crues. Des opérations de sauvetage par l'armée ont été presque aussitôt mises en place, et les évacuations en nombre de plusieurs villes ont été rapides et généralement efficaces. Obrenovac, une ville voisine de Belgrade et siège d'une importante centrale thermique, a perdu de nombreuses vies humaines.

Les opérations administratives de secours et le relogement des évacués n'ont toutefois pas été aussi bien coordonnés que les actions de l'armée et de la police.

Dimanche 18 mai, un éditorial du portail Druga Strana (Autre côté) sous le titre “Etat [serbe], nous ne voulons plus de toi” a critiqué la désorganisation et le manque d'information fournie par le gouvernement de la République de Serbie au long de la catastrophe. Le texte a été vite et largement diffusé sur les réseaux sociaux et repris en beaucoup d'endroits. Le site est occasionnellement inaccessible, à cause, officiellement, du nombre de visites pour cet article particulier. 

L'éditorial résume la déception de beaucoup en Serbie face à l'apparent manque d'organisation des hauts responsables de l'Etat pendant ces inondations tragiques. Il commence par louer la coordination éminemment efficace des simples citoyens et de plusieurs nouveaux mouvements civiques au moment de la catastrophe naturelle :

Odmah da razjasnimo sledeće: narodu ove zemlje svaka čast. Da nam nije nas, propali bismo odavno. Gledajući silu solidarnosti i samoorganizacije koja se podigla za vrlo kratko vreme, čovek ne može a da ne oseti ponos i da mu momentalno ne postane jasno zašto smo izdržavali sve i svašta kroz istoriju.

Zato što smo, na kraju dana, u najgorim situacijama tu jedni za druge. Možda u normalnim okolnostima to uzimamo previše zdravo za gotovo. Umislimo da smo sami, da se svako bori za sebe, ali to, vidimo ovih dana, i nije baš tako.

Sa druge strane, država je pokazala je neviđenu tromost, nespremnost i potpunu, ali potpunu dezorganizovanost. A kome takva država treba?

Que les choses soient claires dès le départ : toutes les félicitations au peuple de ce pays. Si nous ne nous avions pas, nous serions perdus depuis longtemps. En voyant l'auto-organisation et la force de solidarité qui se sont prodiguées en un temps très court, on ne peut qu'être fier et comprendre immédiatement pourquoi nous avons survécu à tant de choses au long de l'histoire.

Parce que nous sommes, en définitive, là les uns pour les autres dans les pires situations. Peut-être qu'en temps normal nous considérons cela trop souvent comme acquis. Nous nous imaginons êtres seuls, nous débrouiller par nous-mêmes, mais comme nous le voyons en ce moment, ce n'est pas tout à fait le cas.

De l'autre côté, l'Etat a montré une paresse et une impréparation inédites, et une totale désorganisation. Qui a besoin d'un Etat pareil ?

L'article énumère ensuite les erreurs commises par les autorités pendant les inondations et qu'on entend ou lit souvent en ce moment dans les rues et sur les médias sociaux de Serbie. Entre autres, le Président Tomislav Nikolić est critiqué pour ne s'être adressé qu'une fois à la nation par les médias pendant toute l'épreuve, alors que le Premier Ministre Aleksandar Vučić, précédemment accusé de réprimer la presse dans le pays, l'est pour avoir monopolisé les ondes en mettant à profit, avec d'autres ministres, la tragédie pour des séances de photos et des prises de position politiques.

Pendant ce temps, les gens se sont alliés dans plusieurs mouvements civiques pour contribuer aux opérations de secours, depuis le renforcement des digues dans des villes comme Kostolac, d'où provient 20 % de la production d'électricité de la Serbie, à la vérification d'information et aux systèmes de distribution sur les réseaux sociaux et des sites comme Poplave.rs (Inondations) et Nestali.rs (Disparus). Dans les premières 24 heures d'installation du site pour les disparus dans les inondations, le site a reçu 270 signalements de disparus et 11 de retrouvés.

Une équipe de journalistes, blogueurs, professionnels de l'informatique et de la communication anime ces deux sites et d'autres, dans une action très coordonnée pour ne transmettre et diffuser que de l'information vérifiée et à jour à la population et cartographier les dégâts des inondations.

Parmi la masse de tweets critiquant les autorités et louant les efforts des citoyens, celui-ci du blogueur et photographe Dušan Ninković dit tout haut ce qu beaucoup pensent depuis des jours :

Soyons volontaires, après avoir sauvé ces gens, [pour] construire le Corridor 11 [une voie rapide très nécessaire reliant Bari, Bar, Belgrade et Bucarest, un projet dans les cartons depuis des années], l'autoroute Horgos-Pozega [un tronçon autoroutier depuis la Hongrie traversant la Serbie et entaché de soupçons de corruption], le canal de Soluna [une liaison fluviale Belgrade - Thessalonique, dont la faisabilité est mise en doute par certains experts], et le tunnel sous le mont Fruska [un des plus importants projets d'infrastructure de Serbie du Nord, prévu pour démarrer en 2015] ?

— Dusan Ninkovic (@DusanNinkovic) May 18, 2014